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Mon avis : Famille de menteurs – E. Lockhart

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Marie Chuvin et Laetitia Devaux

 

Éditions Gallimard Jeunesse

 

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Quatrième de couverture :

Vous croyez nous connaître ?

Les Sinclair ne révèlent jamais leurs secrets.

 

Vous nous trouvez extraordinaires. Tragiques. Magnifiques. Vous pensez tout savoir sur nous, mais vous n'en savez pas la moitié. Nous ne vacillons pas, même lorsque nos amours nous trahissent. Nous ne nous écroulons pas, même lorsque nous perdons l'un des nôtres. Nous ne cassons pas, même lorsque le sang coule sur le sable. Et nous avons toujours été des menteurs.

Romance, suspense, fantômes, excès... Après Nous les menteurs - et seulement après ! - remontez aux origines du drame familial sur l'île privée des Sinclair.


 

 

Mon avis :
Suite de Nous les menteurs, mais en réalité préquel à ne surtout pas lire avant car il dévoile des choses... Et comme j'ai lu le premier tome récemment et qu'il faut battre le fer tant qu'il est chaud, autant ne pas laisser passer trop de temps entre la lecture du premier tome et celui-ci.
Donc on prend les mêmes et on recommence. Enfin, presque car ici il s'agit de la génération qui précède celle du premier opus. Mais même éducation "Never complain, never explain", donc des gens qui ne savent pas témoigner leurs sentiments, leurs douleurs, leurs peines, même lorsqu'il s'agit d'un deuil. Dans ce cas on fait comme si la personne n'avait jamais existé. C'est terrifiant la capacité de cette famille à occulter…

Carrie nous raconte. Son fils est mort, il avait quinze ans. Elle le voit la nuit, quand elle n'arrive pas à dormir et qu'elle descend boire un whisky, il est là. Il lui demande de lui raconter la famille. Alors elle revient en arrière, l'année de ses dix-sept ans en 1987. Le sida, des inondations, des manifestations. Et toujours les vacances dans leur île privée à l'écart du monde, avec ses sœurs et ses cousins, et des amis de sa cousine. L'origine de la fortune de sa famille, argent en partie sale. Un peu de cynisme de la part de certains membres, de la vanité souvent, et beaucoup de mépris de classe, un peu d'antisémitisme, un peu d'homophobie. Un peu anti tout ce qui n'est pas WASP en fait.

Étrange famille que celle-ci, qui élude les malheurs pour ne garder que le bon en croyant que ça fonctionne, qu'on peut ainsi éviter d'être malheureux.
Une famille avec des zones d'ombre et des mensonges, évidemment. Et une drôle de petite personne... L'ambiance vacances, avec les parents, les cousines, les copains, les flirts, l'alcool, l'insouciance, du moins en apparence.
J'ai bien aimé ce deuxième tome, qui nous assène des révélations, comme ça, en passant, parfois l'air de rien, parfois comme une énorme baffe... Les Sinclair sont des gens très étranges et pas forcément très sympathiques ni recommandables. Ce livre m'a fait l'effet d'une vitrine de la riche famille américaine type. Belle table, mets à profusion, hôtesse parfaite et mère idéale, puis le père fort et viril qui pourvoit à tout, et les enfants bien élevés qui iront tous à l'université, et dans le cas des filles, ce sera pour trouver un bon parti et être une épouse dévouée et cultivée. Quel cauchemar !!

Quelques anachronismes m'ont un peu gênée, comme "en mode…" ou encore "genre, elle conserve cette photo…" qui sont des expressions qu'on entend tout le temps actuellement, ce qui n'était pas le cas dans les années 90. Ou alors je vivais dans une grotte et je ne me suis rendue compte de rien…

Même si l'intérêt pour les personnages et l'histoire ont mis plus de temps à s'installer que dans le premier opus, je me suis laissé embarquer par un suspense qui arrive tout doucement mais qui m'a tenue en haleine jusqu'à la fin. Après un été de l'adolescence des enfants, celui de l'adolescence de leurs parents, tout s'imbrique, la boucle est bouclée.

 

Citations :

Page 37 : Je sais que mes parents ont fait ce qu’ils pensaient être le mieux pour eux et pour nous. Panser à la perte d’un être cher, c’est douloureux, alors à quoi bon ?

 

Page 37 : Maintenant que je suis adulte, je considère que ne jamais laisser personne nous dire non, c’est ce qu’on enseigne aux garçons qui feraient mieux d’apprendre que non, c’est non.

 

Page 46 : La famille de Tipper avait fait fortune (en partie, plusieurs générations plus tôt) dans une plantation de canne à sucre située non loin de Charleston, en Caroline du Sud. Qui employait des esclaves. De l’argent sale.

 

Page 111 : Je n’avais jamais été embrassée avant. Ça ressemble

à un plongeon dans l’eau glacée,

à une framboise sucrée,

au son d’une flûte,

à rien de tout ça.

 

Page 199 : Yardley et moi devons aider Tipper à tout débarrasser — tables et plans de travail. Elle nous tend des tabliers. Ma cousine grommelle en enfilant le sien.

C’est ce que je fais tous les soirs de ma vie, jeune fille, lance joyeusement ma mère. Alors tu ferais bien de t’y habituer. Quand tu as une famille, tu n’as plus le choix.

Moi, déclare Yardley, je me vois plutôt en salle d’opération à recoudre des thorax pendant que mon mari préparera le repas des enfants.

Et les miens dîneront au restaurant, dis-je.

 

Page 257 : — Jouer la comédie. Toute l’année, on a fait comme si tout allait bien, alors on va continuer. On sait faire. C’est ce qu’on nous apprend, dans cette famille. Et au bout d’un certain temps, tout va effectivement aller bien. Compris ?

 

 

 

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Mon avis : Hamnet – Maggie O’Farrell

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Sarah Tardy

 

Éditions 10-18

 

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Quatrième de couverture :

Un jour d'été 1596, dans la campagne anglaise, une petite fille tombe gravement malade. Son frère jumeau, Hamnet, part chercher de l'aide. Agnes, leur mère, cueille des herbes médicinales dans les champs, et leur père est à Londres pour son travail. Tous deux sont inconscients de cette maladie, de cette ombre qui plane sur leur famille et menace de tout engloutir...

 

Une écriture splendide pour une histoire bouleversante. Celle d’un frère et d’une sœur unis par un lien indéfectible, d’un couple atypique marqué par un deuil impossible, d’une maladie « pestilentielle » qui se propage. Mais surtout, tendre portrait d’un petit garçon qui inspira à son père, William Shakespeare, sa pièce la plus célèbre.


 

 

Mon avis :
Hamnet erre de pièce en pièce à la recherche d'un adulte car Judith sa sœur jumelle est malade, alitée. Et moi aussi j'ai eu l'impression d'errer de pièce en personnage à la recherche de je ne sais quoi. J'ai été un peu décontenancée, me demandant si j'allais accrocher. Et puis miracle ! Au bout d'une cinquantaine de pages l'histoire m'a happée. Et puis finalement non. C'est trop dans la narration pour que je ne m'ennuie pas. Trop de détails, les faits et gestes de chacun sont énumérés, les lieux décrits, les objets… mais il ne se passe pas grand-chose. Ou plutôt si, mais c'est très lent.

Le début m'a évoqué une ambiance de conte d'autrefois. Un enfant déambule dans un dédale de pièces désertes. Puis la peste, qui m'évoque le Moyen-âge alors que l'
histoire se situe une soixantaine d'années après. La pestilence entre dans les villes, dans les foyers, dans les corps, et suscite la terreur absolue.
Les chapitres alternent entre deux époques : celle de la jeunesse et la rencontre des parents, puis celle de leurs enfants.

La vie de 
Shakespeare (jamais nommé) romancée, de son épouse Anne Hathaway (prénommée Agnès dans l'histoire), de son père John, violent, toxique et cruel, de sa mère Mary, sévère et condescendante, et de ses enfants, Suzanna, Hamnet et Judith, nous est racontée ici d'une façon éthérée… oui, c'est ce que j'ai ressenti.

Un drame se joue mais il semble que toutes les vies en ces temps là étaient au bord d'une catastrophe. Agnès a le don de prescience. Un peu… Elle sent des choses, mais parfois c'est flou et ça la laisse dans une sorte d'incompréhension dérangeante.

Ce livre au développement très lent m'a parlé de la tragédie qu'est la vie souvent, de la douleur incommensurable du deuil, m'a démontré que le malheur peut trouver sa source très loin et arriver par des chemins sinueux, m'a dit que l'amour est décevant mais que l'amour des liens du sang est puissant, mère, père, frère, sœur. Mais surtout, j'ai trouvé ce roman très étrange. Il dit de très belles choses mais je m'y suis ennuyée car on y avance comme dans un rêve, pas à pas, tout est feutré, ouaté. Pourtant, je pense que ça restera une lecture marquante pour moi tant il m'a été impossible de le lâcher. Car j'ai trouvé tous les personnages très inspirants, très marquants, et l'ambiance générale envoûtante. L'autrice a pris un long épisode, essentiellement de la vie des proches de 
Shakespeare et a comblé les trous que l’Histoire a laissés, en imaginant ce qui aurait pu se passer si…
Je trouve l'idée excellente.

 

Citations :

Page 46 : L’envie de frapper son père aussi. De lui faire mal, physiquement, de se servir de ses propres poings, de ses propres bras, de ses propres doigts pour rendre à cet homme tout ce qu’il lui a fait subir.

 

Page 148 : Agnes a l’impression de se fendre en deux. La première moitié étouffe un cri à la vue des bubons. La seconde moitié entend ce cri, le décrypte, l’enregistre : Agnes a étouffé un cri. Des larmes inondent les yeux de la première moitié, son cœur donne un grand coup dans sa poitrine, comme un animal se déchaînant contre une cage d’os. L’autre Agnes continue de relever les symptômes : bubons, fièvre, sommeil profond.

 

Page 180 : Elle s’était trouvée auprès de Joan à chacun de ses accouchements, avait pris entre ses mains ses frères et sœurs à leur entrée dans le monde, avait essuyé la graisse et le sang autour de leur bouche et de leur nez. Elle avait vu des voisines, avait entendu leurs cris se muer en hurlements, avait senti l’odeur de monnaie rouillée de la naissance.

 

Page 213 : « Je suis perdu. J’ai perdu mon chemin. »

Puis il se rapproche d’elle et passe ses mains autour de sa taille comme pour l’empêcher de dériver loin de lui, de disparaître dans les vagues.

 

Page 222 : La cruauté et la dévastation vous guettent, tapies dans les coffres, derrière les portes, elles peuvent vous sauter dessus à tout moment, comme une bande de brigands. La seule parade est de ne jamais baisser la garde. Ne jamais se croire à l’abri. Ne jamais tenir pour acquis que le cœur de vos enfants bat, qu’ils boivent leur lait, respirent, marchent, parlent, sourient, se chamaillent, jouent. Ne jamais, pas même un instant, oublier qu’ils peuvent partir, vous être enlevés, comme ça, être emportés par le vent tel le duvet des chardons.

 

Page 281 : Ceux qui disent d’un mort qu’il est parti « paisiblement », « en glissant », n’ont jamais été témoins de ce qui se passe vraiment, pense Eliza. La mort est une chose violente, une lutte. Le corps s’accroche à la vie comme du lierre sur un mur, refuse de lâcher, de se rendre sans combattre.

 

 

 

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Mon avis : Kukum – Michel Jean

Publié le par Fanfan Do

Éditions Depaysage

 

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Quatrième de couverture :

"Venir me réfugier au lac, comme ce matin, m'apaise, car il me rappelle qui nous avons été et qui nous sommes toujours. Pekuakami : ta surface lisse se mêle à l'horizon, le soleil s'y mire comme dans une glace, et ce miroir me renvoie à tous mes souvenirs."

 

Au soir de sa vie, sur les rives de Pekuakami — le majestueux lac Saint-Jean, au Québec —, Almanda remonte le fil de son existence, comme autrefois les rivières. Orpheline, elle est élevée par un couple de modestes fermiers qui la destine aux travaux des champs. Mais sa rencontre amoureuse avec un jeune chasseur innu va tout bouleverser : elle quitte alors les siens et rejoint le clan des Atuk-Siméon dont elle partagera le quotidien et auprès de qui elle apprendra à vivre en forêt.

 

Centré sur le destin singulier d'une femme éprise de liberté, ce roman relate, sur un ton intimiste, la fin du mode de vie traditionnel des peuples nomades du nord-est de l'Amérique, contraints à la sédentarité. Almanda Siméon est l'arrière-grand-mère de Michel Jean, sa kukum.

 

Écrivain, journaliste à Montréal, Michel Jean est issu de la communauté innue de Mashteuiatsh.

 


 

Mon avis :
Pekuakami, le lac 
Saint-Jean, c'est là que Almanda rencontre Thomas, un jeune chasseur Innu, beau garçon aux cheveux longs, à la peau cuivrée, aux yeux bridés. C'était dans la deuxième moitié du XIXème siècle... elle se rappelle. Et c'est beau, le monde là-bas en ce temps là, ça sent les grands espaces et la nature grandiose, avant que les humains ne la saccagent et détruisent la vie telle qu'elle était.

Michel Jean donne voix à Almanda son arrière grand-mère, sa kukum, pour nous raconter cette vie là, quand elle et son beau natif des premières nations se sont choisis pour passer toute une vie ensemble. Elle a adopté leur mode de vie nomade et fusionnelle avec la nature, jusqu'à devenir une Innue, elle, petite blanche descendante de colons.

Ça dit des belles choses sur ce peuple, entre autre que Almanda ait été acceptée sans restriction dans "un clan tissé serré" montre l'ouverture d'esprit qui était la leur. Ce qui n'aurait pas été le cas dans le sens inverse bien évidemment, si Thomas avait intégré un village de Blancs.
Cette histoire de Almanda-
Kukum, racontée comme un roman m'a passionnée. le renoncement à son avenir de fermière à Saint-Prime qui lui semblait sans joie, tout son apprentissage de la vie Innue, sa belle histoire d'amour avec Thomas, qui a duré toute la vie. Et puis la tradition orale, les histoires racontées au coin du feu, le soir sous les étoiles avec le clan réuni, les danses au rythme du tambour, la chasse et les campements en pleine nature, la descente en canot sur la Peribonka au début du printemps alors que les eaux grondent... et tant de choses encore qui font la culture de ce peuple.

La rivière Péribonka, la Fourche Manouane, le lac Onistagan, les monts Otish, le lac Pekuakami, tous ces noms nous rappellent qui étaient les premiers occupants de ces lieux.
Qu'elle est belle cette histoire ! Elle fait rêver et témoigne d'un monde qui hélas a disparu, d'un peuple qui vivait en harmonie avec la forêt, les saisons, les animaux, la Nature dans son ensemble, respectueux de tout ce qui l'entourait. Avant que la civilisation n'achève son oeuvre de destruction. En lisant cette histoire j'ai eu l'impression d'avoir traversé le miroir et d'être arrivée dans un monde enchanteur. Un monde loin des contingences bassement matérielles, où seule compte la vie dans ce qu'elle a d'essentiel. le monde d'un peuple qui est reconnaissant envers les animaux, qui choisissent de mourir pour leur survie. Je ne fais cependant pas d'angélisme. La vie au contact de la nature est parfois extrêmement dure. Mais belle.

Cette histoire transmet beaucoup de belles valeurs telles que la solidarité et la générosité, et j'ai eu plusieurs fois les larmes aux yeux, émue par la liberté de ce peuple, et la beauté de ce mode de vie qui n'existe plus. Et, bien que la vie n'existe pas sans moments de tristesse, celle-ci arrive avec l'homme blanc qui industrialise tout et vole les enfants des autochtones, le désespoir et la colère arrivent avec la "civilisation". Il y a réellement des moments déchirants, mais oui, j'ai été essentiellement bouleversée par des émotions hyper positives.

 

Citations :

Page 27 : Le jour suivant, quand je me suis levée à l’aube, l’image du mystérieux chasseur glissant sur l’eau dans une noblesse de gestes occupait encore mon esprit. Traquait-il ainsi tous les jours ses proies ? Changeait-il de terrain ou, comme le fermier, cultivait-il toujours le même ?

 

Page 43 : Cette nature indomptée et somptueuse m’a libérée de l’horizon.

Je m’amusais à écouter l’écho de ma voix se perdre entre les montagnes.

 

Page 52 : J’arrivais d’un monde où l’on estimait que l’humain, créé à l’image de Dieu, trônait au sommet de la pyramide de la vie. La nature offerte en cadeau devait être domptée. Et voilà que je me retrouvais dans un nouvel ordre des choses, où tous les êtres vivants étaient égaux et où l’homme n’était supérieur à aucun autre.

 

Page 54 : Je faisais le moins de bruit possible mais, malgré mes efforts, je n’arrivais pas à imiter le pas lent, faussement nonchalant, de Thomas. Je glissais sur les pierres, me cognais à des branches. À cause de moi, toute la forêt savait que nous étions là.

 

Page 86 : Malek avait été le premier à porter le nom de Siméon. Jusque-là, la famille se nommait Atuk. Mais les prêtres n’aimaient pas ces mots qu’ils ne comprenaient pas, et ils ont obligé les Innus à utiliser des patronymes français. Ainsi, le clan Atuk est devenu la famille Siméon.

 

Page 121 : Des volutes blanches sont montées vers le ciel, vers celui que j’appelais Dieu et que Thomas nommait l’Esprit supérieur.

 

Page 155 : Il fallait qu’ils m’aiment beaucoup, moi, déjà presque une adulte, pour prendre le temps de faire mon éducation. Parce que c’est de cela qu’il s’agissait. J’avais beau savoir lire, écrire et calculer mieux qu’eux tous, je restais une ignare là-bas.

 

Page 161 : Chaque culture possède ses rites. Mais peu importe la couleur de leur peau ou leur origine, manger offre aux humains une occasion de rassemblement et de partage.

 

Page 194 : Toute ma vie, je me suis sentie écartelée entre ce que j’estimais être mon devoir et ce que ma nature me dictait.

 

Page 198 : D’autres familles ont fait comme nous ensuite, laissant les enfants dans la réserve l’hiver pour leur permettre d’aller à l’école. Peu à peu, les maisons se sont multipliées. Certaines familles étaient réticentes, car les enfants donnaient un coup de main important à la chasse et ils hésitaient à s’en priver. Mais le nombre d’élèves de la classe augmentait chaque année. Rien n’obligeait les parents à le faire, mais les Innus sentaient bien que le vent tournait et que le monde auquel ferait face leur descendance différait de celui qu’ils avaient connu.

 

Page 208 : Les années avaient peu de prise sur l’aîné et la mort semblait l’avoir oublié. Mais cela, ça n’arrive jamais. Le temps nous est toujours compté.

 

Page 277 : En fermant les yeux, je pouvais m’imaginer au Péribonka. Quand on vieillit, les souvenirs deviennent des trésors.

 

 

 

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Mon avis : Black Summer – M. W. Craven

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Sebastian Danchin

 

Éditions de l’Archipel

 

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Quatrième de couverture :

Jared Keaton, le chef étoilé le plus célèbre de Grande-Bretagne, est en prison pour l’assassinat de sa fille unique, Elizabeth. Son corps n’a jamais été retrouvé mais le témoignage de l’inspecteur Washington Poe a convaincu les jurés.
Affaire classée. Jusqu’à ce qu’une jeune femme prétende être… Elizabeth. Ce que les analyses confirment ! Keaton est aussitôt libéré et Poe se retrouve en fâcheuse posture. Le chef a juré sa perte, et il a eu six ans pour mijoter sa vengeance.
Avec l’aide de la seule personne en qui il a confiance, Tilly Bradshaw, une geek surdouée mais socialement inadaptée, Poe doit prouver à tous qu’il ne s’est pas trompé.
Mais comment Elizabeth aurait-elle pu ressusciter ? Impossible de le lui demander : elle a de nouveau disparu…


 

 

Mon avis :
Vous aimez les ortolans ? Ouvrez ce livre et vous n'aurez plus jamais envie d'en manger, sauf si vous êtes insensible, voire carrément psychopathe. C'est immonde ce qu'on leur fait subir ! Pire que dans les abattoirs où pourtant on touche déjà le fond en matière de cruauté.
Je ne sais pas si c'était une mise en bouche (ah ah) pour nous faire comprendre que noir c'est noir, mais ça m'a fait dresser les cheveux sur la tête.

Le sergent Washington Poe est un angoissé avec un passé terrible, qui se torture avec de vieilles rancœurs et il se dit qu'il est peut-être temps pour lui de commencer à s'aimer un peu et bien se traiter. Comme un bon flic qu'il est, il semble obsessionnel et taciturne, et surtout très intuitif. Or une affaire sans cadavre résolue par lui six ans plus tôt refait surface. La victime n'est plus morte, donc l'assassin n'est plus coupable. Et Washington Poe est dans le pétrin.

Pourtant il doute, malgré toutes les preuves que la victime est bien celle qu'elle prétend.
Et c'est intéressant, car ça va à l'encontre de toute logique. Et bien sûr, on se dit que c'est le flic qui a raison. Mais comment est-ce possible ? Et ça fait fonctionner la matière grise parce que nous, lecteur, on se retrouve à se creuser la cervelle pour tenter de deviner.

Washington Poe se lance donc dans une nouvelle enquête où il a très peu de temps, l'homme condamné est sur le point d'être libéré.
Là, trois questions se présentent : Pourquoi ? Comment ? Qui va avoir réellement des gros problèmes ?
C'est là tout le suspense du roman. 
Poe fait équipe avec Tilly Bradshaw, une geek surdouée avec, de toute évidence, un mode de fonctionnement totalement hors norme, très directe donc sans aucun tact Absolument délicieuse. Sans oublier la médecin légiste, très particulière aussi et néanmoins extrêmement compétente, mais qui hélas apparaît très peu.

Une histoire bien tordue, des personnages étonnants et parfois machiavéliques, une intrigue à rebondissements, tout est là pour passer un excellent moment et ne plus savoir où on va. de plus, j'adore quand il y a des geeks dans les romans, ça élargit tellement le champs des possibilités… Un polar sympa, même si c'est encore un roman qui véhicule le vieux cliché populaire qui veut que la cuisine Végétarienne est triste à mourir. Cela dit, c'est anecdotique mais ça m'a agacée.

J'ai bien aimé, mais je l'ai trouvé un peu soft, sauf pour ces pauvres ortolans, moi qui me suis habituée à des polars bien sombres et plutôt gores.
J'ai un gros regret, c'est que c'est un tome 2 et que je l'ignorais. J'aime lire les roman dans l'ordre.

 

Citations :

Page 10 : — On jette bien des homards vivants dans l’eau bouillante. On arrache les pinces des crabes et on gave les oies pour obtenir du foie gras. La moindre bouchée d’un plat animal est le fruit d’une souffrance.

 

Page 34 : — Vous êtes-vous déjà intéressé aux professions de prédilection des psychopathes, inspecteur ?

Rigg fit non de la tête.

Non ? Vous devriez. Je peux vous indiquer qu’en troisième position se trouvent les célébrités. Rien de vraiment surprenant. Impossible de nos jours d’allumer la télé ou d’ouvrir un journal sans y voir des gens gonflés de leur importance, au point de penser que leurs moindres actions fascinent le grand public. Logique, non ?

 

Page 207 : L’essence de carotte, composée d’une purée de carotte, d’une neige de carotte et d’un granité à la carotte, fournit à Poe le parfait exemple de l’adage selon lequel « ce n’est pas parce qu’on peut le faire qu’on doit le faire ».

 

 

 

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Mon avis : Là où sont les oiseaux – Maren Uthaug

Publié le par Fanfan Do

Traduit du danois par Françoise et Marina Heide

 

Éditions Gallmeister

 

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Quatrième de couverture :

Au large de la Norvège se dresse, inébranlable, le phare de Kjeungskjær. Coupés du monde, les habitants de cette contrée soumise aux lois de la nature vivent dans un profond isolement. Johan rêve de fuir vers l’Amérique avec la belle Hannah, son premier amour. Mais pour subvenir au besoin de sa vieille mère, le jeune homme devient le gardien du phare et prend pour épouse la fille du pasteur, Marie. Rapidement, Marie met au monde deux enfants, Darling et Valdemar. Seulement ici, les liens familiaux sont des chaînes qui, une fois brisées, libèrent la folie de chacun. Les années s’écoulent, épuisantes, au gré de féroces tempêtes. Johan, Darling, Marie… les apparences sont trompeuses et, à mesure que le temps passe, de sombres désirs se réveillent.

Dans un décor glacé, Maren Uthaug signe une saga familiale à trois voix, qui brûle d’un désir ardent de liberté.

 

 

Mon avis :
Avant même de connaître le contenu de ce livre, je me suis laissée séduire par la beauté de la couverture. C'est toujours comme ça avec Gallmeister, ils savent donner envie au premier regard.

Le prologue, qui se passe au phare de Kjeungskjær en Norvège en 1920, contient une violence qui laisse présager une suite éprouvante. Ce phare qui semble immuable, témoin de toutes les douleurs, tous les déchirements, est presque un personnage en lui-même, imposant, affrontant toutes les tempêtes, guidant les marins.
L'autrice nous pose tout de suite les conditions de vie de l'époque, très dures, où il faut compter avec un climat froid et une géographie difficile en bord de mer.

On découvre la triste vie de Johan, dont les parents étaient fermiers mais qui ne supportait pas de voir mourir les animaux. Johan qui aimait une femme mais en a épousé une autre. Johan qui pense avec amertume que sa vie aurait été tellement différente avec Hannah.
Hannah que les villageois considéraient comme une traînée.
Alors il a épousé Marie, pour devenir gardien de phare et subvenir aux besoins de sa vieille maman. Et toute une vie de frustrations, de quasi-solitude et de non-dits s'est profilée à l'horizon. Mais un jour, le gouvernement envoie Gudrun au phare pour s'occuper de l'instruction de Darling, l'enfant née de cette union. Avec Gudrun, jeune femme solaire, c'est beaucoup de joie qui entre dans la famille.

Le roman est scindé en trois parties. On commence avec Johan, puis Darling sa fille, qu'il a eu avec Marie, puis Marie. J'aime énormément ce type de narration car il offre des points de vue différents et c'est toujours intriguant. Dans la première partie, Darling apparaît comme une petite fille retorse et cruelle avec les animaux, qu'aucun enfant du village n'aime. Elle est même un peu inquiétante, et j'ai eu hâte de savoir ce qu'il y avait à découvrir sur elle.
Marie, elle, m'est apparue comme une femme gentille, victime des frustrations de Johan qui lui fait payer ses renoncements. Et en même temps, tout au début, elle semblait avoir quelque chose à cacher.
Dans chaque partie, bien évidemment, on est au courant de tous les secrets des protagonistes, de toutes leurs pensées, toutes leurs douleurs.
Et Valdemar, le fils, pourquoi se comporte-t-il comme ça ? de nombreuses questions ainsi que l'écriture font que cette histoire est totalement addictive.

C'est un roman qui se dévore. Il nous emmène dans des contrées froides où les gens sont durs car leur vie est dure. Ils sont taiseux. Les gens du nord ont dans le cœur le soleil qu'ils n'ont pas dehors, lalala on connaît la chanson. Mais bien souvent, ils le gardent à l'intérieur ce soleil. Ou bien est-ce l'époque qui n'était pas propice aux effusions de joie ? Toujours est-il que cette histoire est très sombre et on se prend à souffrir pour les personnages. Il y a des moments de violence silencieuse extrême, des événements très choquants.
À mesure qu'on avance dans l'histoire on se rend compte de l'importance des sons de cloche… Avoir les différents points de vue nous fait réaliser à quel point on peut être manipulable.

J'ai vraiment adoré ce roman qui nous montre l'âpreté de certaines vies et fait vraiment froid dans le dos parfois.
Je l'ai tellement aimé que je l'ai lu d'une traite.

 

Citations :

Page 22 : Il ne doutait pas que, comme son père, il sèmerait au printemps et moissonnerait à l’automne. Qu’il verrait des vaches mettre bas, qu’il engraisserait les veaux et abattrait ceux qui devaient l’être. Enfant, il pleurait quand le boucher se montrait à la ferme. Son père s’en irritait, il lui ordonnait de se ressaisir, d’arrêter de chialer comme une fillette. Alors il courait dans les jupes de sa mère, toujours prête à le consoler.

 

Page 41 : Puis elle l’embrassa sur la bouche, sans la langue. Contrairement à Hannah qui assurait que les bisous secs, c’était bon pour les grand-mères, les gamins et ceux qui ne s’aiment pas pour de vrai.

 

Page 313 : Son père avait les yeux creux, la peau grise, et lorsqu’elle lui prit la main, elle la trouva toute froide. Comme si la marée de la vie s’était déjà enfuie de son corps.

 

 

 

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Mon avis : Le syndrome du canal carpien – John Boyne

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Sophie Aslanides

 

Éditions Le Livre de Poche

 

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Quatrième de couverture :

Les Cleverley sont britanniques, célèbres et riches. Ils n’ont aucune conscience de la fragilité de leurs privilèges… jusqu’au jour où un tweet les fait basculer dans le désastre. George, le père, un animateur de télévision – un trésor national (selon sa propre expression) –, sa femme, Beverley, romancière reconnue (pas autant qu’elle le souhaiterait), et les enfants, Nelson, Elizabeth et Achille : tous cachent sous les apparences des secrets qui sont autant d’inéluctables catastrophes.
Ensemble, ils découvrent les affres de la vie moderne, où les réputations sont détruites en un clin d’œil, et ils apprennent combien le monde se révèle impitoyable lorsque l’on s’écarte du chemin tout tracé.

Avec l’humour unique qui le caractérise, John Boyne dresse un portrait irrésistible de notre époque et de ses travers.

Une comédie sur les défauts contemporains et l’addiction aux réseaux sociaux, une fiction pleine de rage et de finesse sur la duplicité humaine. Christine Ferniot, Télérama.

C’est hilarant, joyeusement méchant et vengeur. Christilla Pellé-Douël, Psychologies magazine.

 

 

Mon avis :
George Cleverley, animateur de télévision, semble être un homme parfait. Citoyen parfait, mari parfait, père parfait, homme tolérant et engagé dans des combats justes, marche des fiertés, protection animale, humaniste et anti sexiste. Jusqu'au jour où, coup de canif dans le contrat, et un bébé adultérin se profile à l'horizon.
Berverley, son épouse est une romancière à succès, totalement superficielle et nombriliste.
Leur fils aîné, Nelson est quelqu'un de très bizarre et gentiment névrosé.
Elizabeth, leur fille est un pur produit de notre époque, très autocentrée et qui se rêve influenceuse.
Le fils cadet, Achille, ouh là là le petit escroc !


John Boyne passe à la moulinette, avec son humour ravageur, les travers de notre époque hyper connectée. Les réseaux sociaux, les haters, le wokisme, le body shaming, les platistes, les offusqués pour tout, le speed dating, l'excès de tolérance qui vire à l'intolérance, les narcissiques, les femmes qui détestent les hommes, les hommes qui méprisent les femmes, les sites de rencontres, les non binaires, la bêtise, les complotistes, l'hypocrisie, le tribunal d'internet qui salit et blesse les gens le temps d'envoyer un tweet, tout, tout, tout y passe avec une ironie mordante que j'ai adorée. L'auteur étrille gaiement les aspects négatifs des réseaux sociaux et c'est jubilatoire.

Des personnages hauts en couleur, des dialogues parfois absurdes mais tellement drôles et des choix désastreux nous emmènent de péripéties en catastrophes. Les Cleverley, fantasques et totalement anticonformistes, ont le don de se mettre dans des situations impossibles. J'ai trouvé chaque membre très attachant, même si j'ai mis plus de temps pour apprécier Beverley la mère et Elizabeth la fille, qui semblent totalement égocentriques et creuses. Avec tous les personnages qui gravitent autour, y compris la tortue, c'est un peu la raison du plus fou et c'est joyeusement féroce.

C'est un roman incroyable qui dit avec humour beaucoup de choses sur nos sociétés puériles et vaniteuses, où moins on en sait et plus on l'ouvre. 
John Boyne tourne en ridicule "une génération de crétins dont les mains sont greffées à leurs Smartphone", mais en réalité il se moque de tous ceux qui ne pensent plus qu'avec leur téléphone portable et internet, toutes générations confondues. Je me suis délectée de chaque moment, de chaque analyse de nos travers. Et j'ai beaucoup ri ! Et j'aime définitivement passionnément John Boyne !!!

 

Citations :

Page 64 : Beverley se pencha vers son interlocutrice. « Il faut que je vous dise. Je suis une personne incroyablement créative. Je l’ai toujours été. L’inspiration me coule dans les veines. Et j’adore totalement la littérature. Je lis six ou sept livres par an, incroyable, non, ce qui est probablement la raison pour laquelle je suis l’une des autrices les plus populaires du pays.

 

Page 192 : Des gens meurent, d’autres vivent. Et la planète continue à tourner. Nous sommes tellement nombreux que Dieu ou Bouddha ou Elvis ou la personne qui se trouve là-haut doit bien réveiller un volcan endormi de temps en temps, juste pour contrôler la prolifération.

 

Page 258 : Et quand il commit l’erreur d’ouvrir Twitter sur son portable en fin d’après-midi, des milliers de messages étaient apparu dans ses notifications, tous provenant des mêmes idéalistes compatissants #SoyezBienveillants qui lui disaient qu’il était vieux, gros, stupide, ignorant, raciste, homophobe, antisémite, transphobe, un Remoaner, misogyne, hypocrite, un dinosaure, un violeur d’enfants, un fasciste, un français, un connard, un con, un patient atteint de démence, un mauvais conducteur, un mangeur bruyant, un violeur, un lecteur du Daily Mail, un Tory, un Républicain irlandais, un soutien du Hamas et un fan de Michael Bublé.

 

Page 364 : Wilkes ne croit pas en l’éjaculation dans une femme. Il la considère comme une forme d’irruption coloniale.

 

Page 429 : J’essayais en réalité d’apporter mon soutien, mais dans leur infinie sagesse, les grands esprits des réseaux sociaux ont décidé que je n’aidais pas de la bonne façon. Ainsi, comme il n’avaient rien d’autre pour occuper leur matinée, parce qu’ils avaient déjà passé une demi-heure à vérifier que tous leurs doigts et tous leurs orteils étaient bien présents et en bon état, ils ont reporté leur colère sur moi. Enfin vous savez, ce n’est pas parce que vous appartenez à une minorité que vous êtes automatiquement qualifié pour être un saint. Vous pouvez aussi être étroit d’esprit, narcissique et tyrannique.

 

 

 

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Mon avis : Ce qu’elles disent – Miriam Toews

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Lori Saint-Martin et Paul Gagné

 

Éditions J’ai lu

 

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Quatrième de couverture :

Colonie mennonite de Molotschna, 2009. Alors que les hommes sont partis à la ville, huit femmes de tous âges tiennent une réunion secrète dans un grenier à foin. Depuis quatre ans, nombre d'entre elles sont retrouvées, à l'aube, inconscientes, rouées de coups et violées. Pour ces chrétiens baptistes qui vivent coupés du monde, l'explication est évidente : c'est l’œuvre du diable. Mais les femmes, elles, le savent : elles sont victimes de la folie des hommes.

Elles ont quarante-huit heures pour reprendre leur destin en main. Quarante-huit heures pour parler de ce qu'elles ont vécu, et de ce qu'elles veulent désormais vivre. Au fil des pages de ce roman éblouissant qui retranscrit les minutes de leur assemblée, leurs questions, leur rage et leurs aspirations se révèlent être celles de toutes les femmes.

 

Miriam Toews est née en 1964 dans une communauté mennonite au Canada. Elle est l'autrice de plusieurs romans et a été lauréate de nombreux prix littéraires, notamment le prix du Gouverneur général. Ce qu'elles disent est son troisième roman paru en France.


 

 

Mon avis :
Depuis 2005, des filles et des femmes de la colonie mennonite de Molotschna ont été violées, y compris une petite fille de 3 ans - par des fantômes ou par Satan d'après les hommes - après avoir été rendues inconscientes par des substances, et cela à cause de péchés qu'elles auraient commis. Évidemment, quand les femmes sont violées, c'est toujours de leur faute. Mais bien sûr, les agresseurs étaient des proches. Et pendant que les agresseurs sont en prison, et avant qu'ils ne soient libérés sous caution, les femmes se réunissent pour décider de ce qu'elles doivent faire pour se protéger, elles et leurs filles, puisque les hommes sont LE danger.

C'est une histoire violente, pourtant August Epp, le narrateur ne manque pas d'humour dans son récit, ou plutôt de dérision envers lui-même. Il nous parle d'abord de lui, et ce qu'il dit est très étrange. Il vient de ce monde en dehors du monde : les mennonites. Il avait été banni, il est revenu. Il est là pour retranscrire les témoignages de ces femmes qui ne savent ni lire ni écrire. Celles-ci ont trois options quant à ce qui leur est arrivé :
1. Ne rien faire
2. Rester et se battre
3. Partir
La première option consiste à pardonner à leurs agresseurs, ce qui leur assurera leur place au paradis. Si elles refusent, elles devront partir. Décidément, les religions n'aiment vraiment pas les femmes…

On assiste à un débat philosophique entre ces femmes, sur le pardon et Dieu, le salut de l'âme et le désir de vengeance, l'amour et la compassion, la peur de l'excommunication. Elles se questionnent sur ce qu'est la liberté, ce qu'elles sont réellement, la position qu'elles occupent dans leur micro société coupée du monde moderne, le respect qu'on leur refuse, la domination des hommes.

C'est choquant de penser que dans une toute petite communauté où la religion et la crainte de Dieu sont prédominantes, où tout le monde se connait, une chose pareille ait pu se produire. Pourtant l'autrice, elle-même issue d'une communauté mennonite, s'est inspirée d'une histoire vraie, d'un événement arrivé dans une colonie mennonite de Bolivie.
Le débat des sans-voix, celles qu'on laisse dans l'ignorance du monde dans lequel elles vivent une vie sans joie, qui ne parlent pas sa langue puisqu'elles pratiquent un allemand médiéval, éternellement sous le joug des hommes, ces femmes veulent que leur vie change. Elles veulent changer la société. Elles y veulent une vraie place. Elles décident d'établir un manifeste où elles seront libres de leurs choix, de leur vie. Pourtant il semble toujours y avoir un mur quasi-infranchissable, c'est la crainte de Dieu.

J'ai trouvé ce roman très intéressant. Il nous parle d'un sujet intemporel : il faut éduquer les garçons à respecter les femmes et non pas éduquer les filles à faire attention. Il nous montre que, hélas, les combats des femmes sont à peu près les mêmes partout, dans toutes les sociétés, à différents degrés, mais qu'ils sont bien réels et essentiels pour se faire une place au soleil. Car ce qu'on ne prendra pas, personne ne nous le donnera.
J'ai néanmoins trouvé ces débats un peu longs, car bien que la condition féminine soit primordiale à mes yeux, et que les religions m'intéressent car elles ont forgé les sociétés, sur ce point j'ai trouvé le temps long, car la foi je ne l'ai pas et je n'arrive pas à comprendre cette vénération emplie de crainte qui sert de chemin de vie. C'était cependant passionnant, les débats de ces femmes, avec l'avis masculin (silencieux) d'August, considéré comme un demi-homme par ses semblables, sans doute, entre autre, parce qu'il ne se sert pas de ses poings sur les femmes pour leur imposer le respect.

 

Citations :

Page 18 : Dans un éclat de rire, Ona a brandi le poing et a traité le soleil de traître, de lâche. J’ai songé à lui expliquer les hémisphères, lui raconter que nous avons l’obligation de partager le soleil avec d’autres régions du monde, qu’une personne observant la terre depuis l’espace verrait jusqu’à quinze levers et couchers de soleil en une seule journée – et qu’en partageant le soleil l’humanité pourrait apprendre à tout mettre en commun, apprendre que tout appartient à tout le monde ! Mais je me suis contenté de hocher la tête. Oui, le soleil est un lâche. Comme moi.

 

Page 26 : Je lui ai répondu que je venais d’une partie du monde qui avait été fondé pour être un monde en soi, séparé du reste de l’univers. En un sens, lui ai-je expliqué, les miens (je me souviens d’avoir étiré les mots « les miens » dans une intention ironique avant d’être envahi par la honte et de demander silencieusement pardon) n’existent pas ou, à tout le moins, ils veulent être perçus comme s’ils n’existaient pas.

 

Page 108 : Tête baissée, les femmes continuent d’adresser des louanges à notre Père céleste. (Deux jours avant de disparaître, mon père, je m’en souviens comme si c’était hier, m’a dit que les deux piliers qui défendent l’entrée du temple de la religion sont le mensonge et la cruauté.)

 

Page 140 : Nous, les femmes, n’avons jamais rien demandé aux hommes, dit Agata. Rien du tout. Même pas le sel, à table, même pas un sou, même pas un moment de tranquillité, même pas de rentrer la lessive, de tirer un rideau, d’y aller doucement avec les yearlings, de poser une bas sur le bas de mon dos pendant que j’essayais, pour la douzième ou la treizième fois, de pousser un bébé hors de mon corps.

Ça ne manquerait pas de cachet, ajoute-t-elle, que l’unique demande que les femmes feraient aux hommes serait de s’en aller ?

 

Page 187 : Le problème, enchaîne Salomé en se faisant un devoir d’ignorer Neitje, c’est que ce sont les hommes qui interprètent la Bible et qui nous transmettent leur interprétation.

 

Page 229 : Comment pourrai-je vivre sans ces femmes ?

Mon cœur va s’arrêter de battre.

J’essaierai de parler d’ona aux garçons. Elle sera mon étoile polaire, ma Croix du Sud, mon nord et mon sud, mon est et mon ouest, mes nouvelles, ma direction, ma carte et mes explosifs, ma carabine. J’écrirai le nom d’Ona en haut de toutes mes fiches pédagogiques. J’imagine des écoles dans des colonies mennonites du monde entier, à l’heure où le soleil disparaît ou, plutôt, s’esquive pour faire profiter d’autres régions du monde de sa chaleur et de sa lumière, et tout appartient à tout le monde, et le moment est venu d’accomplir les corvées du soir, de souper, de prier et de dormir, et les enfants supplient leur instituteur de leur raconter encore une histoire à propos d’Ona, jadis fille du diable et maintenant la plus précieuse enfant de Dieu. L’âme de Molotschna.

 

Page 240 : Salomé a ri encore une fois. Je ne m’étais pas rendu compte qu’elle riait si souvent, comme sa mère, comme toutes les femmes de Molotschna. Elles réservent leur souffle pour rire.

 

 

 

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Mon avis : Attaquer la terre et le soleil – Mathieu Belezi

Publié le par Fanfan Do

Éditions Le Tripode

 

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Quatrième de couverture :

« […] et en moi-même je me disais que la justice était un mot inventé par les riches pour calmer la colère des pauvres, mais que tout bien réfléchi ça n’existait pas la justice, qu’il fallait apprendre à vivre sans elle et accepter le sort que Dieu réserve à tout être humain qui pose les pieds sur la terre. »

 

Depuis plus de vingt ans, Mathieu Belezi construit une œuvre romanesque dédiée à la folie des hommes. Attaquer la terre et le soleil narre le destin d’une poignée de colons et de soldats pris dans l’enfer oublié de la colonisation algérienne, au dix-neuvième siècle. En un bref roman, c’est l’expérience d’un écrivain qui subitement se cristallise et bouleverse, une voix hantée par Faulkner qui se donne.

 


Mon avis :
Étrange narration qui se compose de phrases interminables avec des retours à la ligne surprenants et des changements de sujets et rarement des majuscules ou des points. Ça donne l'impression d'une coulée de boue longue et dévastatrice que rien n'arrête. Et cette coulée de boue, c'est le désespoir de la narratrice, Séraphine, qui découvre l'Algérie, à la moitié du XIXème siècle, où elle va devoir vivre avec son mari et ses enfants. Cette coulée de boue c'est aussi les tourments que les soldats infligent aux autochtones.

Ce roman nous raconte la colonisation de l'Algérie au milieu du XIXème siècle, dans ce qu'elle a de plus tragique. Des français sont partis là-bas en espérant une vie meilleure car c'est ce qu'on leur a fait croire, et ils ont rencontré la pire misère qui pouvait leur arriver. Car si le voyage a été dur, l'arrivée en Algérie a été effroyable.
Il y a les chapitres contés par Séraphine, le point de vue des colons et leur désillusion, nommés RUDE BESOGNE, puis ceux contés par un militaire, violents et sanglants, nommés BAIN DE SANG, qui nous parlent de rapines, de viols, de meurtres.
Chacun leur tour ils nous racontent la face cachée de la colonisation.

On passe d'un chapitre à l'autre, d'une voix à l'autre, et on voit que les prétendus sauvages ne sont pas ceux que l'on pourrait croire. En tout cas, c'est un autre récit des faits que ce qu'on nous a toujours raconté. Les colons d'un côté, qui au milieu de cette terre aride vivent dans la terreur du choléra, du paludisme, des animaux sauvages, et des indigènes qui veulent les massacrer pour garder ce qui est à eux.
Puis les militaires, qui viennent civiliser ces "sauvages" en les égorgeant, les humiliant, violant leurs femmes, pillant leurs réserves, les chassant de leurs villages. le cynisme est de rigueur car il faut bien justifier ses actes et se persuader qu'on a raison de faire ce qu'on fait, que c'est pour le bien de tous.

En 153 pages l'auteur nous emmène au fin fond de l'enfer de la colonisation auprès de ces civils et de ces soldats, chacun maudissant les barbares locaux qui eux ne faisaient que se défendre des barbares occidentaux venus tout leur prendre.
Ce livre vous attrape, vous enserre le cœur et l'esprit et vous n'avez plus envie de le lâcher.
C'est cru, c'est dur, et raconté avec une prose étrange et envoûtante qui m'a fait l'effet d'une lame de fond, lente, dévastatrice, inéluctable, scélérate.

 

Citations :

Page 30 : […] regardez-nous peuple de gredins, engeance du diable, vous avez beau nous épier derrière les murs de vos gourbis, ricaner en montrant du doigt nos grolles rafistolées, nos pantalons rapiécés, nos shakos cabossés, rien ne nous arrête et ne nous arrêtera jamais, nous marchons comme un seul homme dans les rues coupe-gorge de vos villes et de vos villages, saccageons vos mosquées, vos casbahs, vos tombeaux, piétinons avec rage vos champs de blé, coupons à la hache vos orangers, oliviers, citronniers, amandiers, tout ce qui peut nous servir de bois de chauffage lorsque nous campons à la belle étoile, et qu’il fait froid, et qu’il faut réchauffer nos pauvres guibolles fatiguées, nous détournons l’eau des sources pour nos gosiers assoiffés, nous prenons de force vos chameaux, vos troupeaux de moutons, sourds à vos contorsions de désespoir, vos jérémiades de bonnes femmes, vos pleurs bien mal imités […]

 

Page 54 : […] et pendant que le bon sens de Louis inventait l’espoir d’une lutte pour rester en vie, comme si notre pauvre combat d’humains avait une quelconque chance de s’opposer à la faux dévastatrice du choléra, quelqu’un a frappé à notre porte […]

 

Page 69 : — Je les connais vos guenillards, vos hyènes aux chicots sanguinaires qui égorgent mes pauvres soldats venus de France tout exprès pour le pacifier votre foutu pays, pour le nettoyer de sa vermine, nom d’un bordel ! Et c’est comme ça que vous nous remerciez !

 

Page 108 : […] nous avions tous décidé que cette nuit de noce serait à nous, et que nous ne penserions à rien d’autre qu’à manger, boire, s’amuser, poussés aux extrêmes par cette force qui en chacun de nous reprenait ses droits, nous basculait dans le bruit et la fureur du côté de la vie

Vive les mariés !

 

Page 125 : — Foutez-moi le feu à tout ça ! Razziez mes braves ! Razziez tant que vous pouvez

et il ne nous faut que le temps de cet ordre pour fourrer le tabac dans nos poches et commencer notre razzia, c’est la ruée, l’infernale et alléchante ruée qui nous fait bander dans nos frocs, nom de Dieu de nom de Dieu et nos mains féroces éventrent les sacs et les coffres, roulent les tapis, arrachent au cou ensanglanté des moukères leurs breloques, tranchent les doigts chargés de bagouzes, et les oreilles des hommes tout aussi bien que celles des femmes qui valent leur pesant d’or, vous pouvez me croire, au marché noir d’Alger

nom de Dieu de nom de Dieu !

 

 

 

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Mon avis : Nous les menteurs – E. Lockhart

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Nathalie Parrony

 

Éditions de Noyelles

 

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Quatrième de couverture :

Une famille belle et distinguée.

L’été. Une île privée.

Le grand amour. Une ado brisée.

Quatre adolescents à l’amitié indéfectible,

les Menteurs.

 

Un accident. Un secret. La vérité.

 

Un drame familiale époustouflant où culmine le suspense.

Une lecture qui, à peine terminée, donne envie de retourner

à la première page pour recommencer...


 

 

Mon avis :
On est prévenus, chez les Sinclair tout le monde est blanc, blond, beau, intelligent, parfait, et dans cette famille on a la culture de la gagne. En réalité, ils ont la tête dans le sable, ils ne veulent rien savoir, rien voir de la triste réalité. Car oui, chez les familles riches à qui tout a toujours souri, il faut constamment sauver les apparences… parce que chez ces gens-là on ne pleure pas…

En fait ce roman raconte quelque chose de terrible, un état d'esprit dérangeant, une philosophie familiale sectaire et glaçante. Un été, Cadence, la narratrice a un accident, mais quoi ? Ses séquelles sont tellement étranges. Somatisation ? Amnésie traumatique ? Qu'est-il arrivé dans ce paradis estival ?

Les vacances en famille, tous les étés sur leur île à eux, avec leurs quatre maisons. Les menteurs : trois cousins du même âge, Cadence, Johnny, Mirren, plus Gat l'ami de Johnny, la pièce rapportée. Adolescents libres comme l'air, la plage, les baignades, les feux de camp, ça ressemble au bonheur de l'enfance, à la vie facile.
Cependant il y a de la dureté car les parents reproduisent des schémas éducatifs dont ils ont sans doute souffert eux-mêmes, et pourtant immuables. Never complain, Never explain. Un vrai panier de crabes.

Alors je me suis bien laissée embarquer dans cette histoire familiale de vacances, de cousins et cousines, moi qui n'en ai pas, et cette très belle prose, très imagée et poétique, enveloppée dans une ambiance hypnotique. Évidemment j'ai émis des hypothèses quant au mystère qui plane et j'ai été cueillie car je ne l'ai pas vu arriver. En réalité, la fin m'a pétrifiée.

J'ai énormément aimé ce roman jeunesse qui contient beaucoup de beauté mais aussi de laideur. D'un côté l'idéalisme de la jeunesse, les rêves d'avenir et le refus des compromissions de ces adultes hypocrites, de l'autre la cupidité, le pouvoir sur les âmes que parfois confère l'argent, avec un patriarche persuadé que tout s'achète.
J'avais offert ce roman à ma fille car j'avais trouvé la quatrième de couverture très attrayante. Pas étonnant donc que je l'ai apprécié.
Ce livre est un véritable page turner. Et désolée pour les puristes de la langue française, je ne trouve pas de terme plus approprié.

 

Citations :

Page 14 : Mon histoire commence avant l’accident. L’été de mes quinze ans, au mois de juin, mon père nous a quittées pour une femme qu’il aimait plus que nous.

 

Page 34 : J’ai regardé son profil. Il n’était pas seulement Gat. Il était la contemplation et l’enthousiasme. L’ambition et le café noir. Tout ce qui se cachait là, derrière ses yeux bruns, sa peau veloutée, sa lèvre inférieure charnue… C’était de l’énergie pure, prête à jaillir.

 

Page 52 : Ça va s’arranger, m’ont-ils assuré.

Tu ne vas pas mourir.

Tu vas juste beaucoup souffrir.

 

Page 208 : Ma mère et ses sœurs dépendaient de grand-père et de sa fortune. Elles avaient eu la meilleure éducation, toutes les opportunités et les contacts dont on pourrait rêver, mais elles étaient incapables de subvenir elles-mêmes à leurs besoins. Aucune d’entre elles n’avait fait quoi que ce soit d’utile dans ce monde. Rien de nécessaire. De courageux. Elles étaient restées comme des petites filles s’efforçant de faire plaisir à leur papa. Il était leur unique gagne-pain — et elles n’aimaient que le pain de luxe.

 

 

 

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Mon avis : Un petit boulot – Iain Levison

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Franchita Gonzalez Batlle

 

Éditions Liana Levi piccolo

 

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Quatrième de couverture :

Une petite ville américaine ravagée par la fermeture de l'unique usine. Un héros qui perd non seulement son travail, sa télé, son aspirateur, mais aussi sa petite amie. Pour ne pas perdre aussi sa propre estime, il est prêt à accepter n'importe quel «petit boulot», y compris celui qu'un bookmaker mafieux lui propose Un portrait au vitriol de l'Amérique des laissés-pour-compte.

 

 

Mon avis :
Le chômage longue durée, la précarité, les lendemains incertains… que serait-on prêt à faire pour ne plus vivre dans cette angoisse ? Et justement, notre héros, Jake Skowran, se trouve face à cette question, cette angoisse existentielle, et une proposition délirante extrêmement bien rémunérée. Est-il prêt à perdre son âme pour de l'argent ? Et la réponse est clairement OUI ! En tout cas c'est ce qu'il dit.

En réalité c'est impossible d'en dire plus sur ce livre au risque de dévoiler ce qu'on ne doit découvrir qu'à la lecture de l'histoire, sauf peut-être que ça raconte une reconversion professionnelle très spéciale.
J'ai trouvé ça très drôle, caustique, ironique, et un poil cynique mais le monde est comme ça. Les puissants se servent des petits sur lesquels ils marchent comme sur des pas japonais, sans aucun scrupule, pour ne pas se mouiller les pieds, les jettent comme des vieilles chaussettes quand ils estiment n'en avoir plus besoin, et puis un jour ça pète quand les faibles en ont marre.
L'auteur se moque aussi des clichés bourrage de crâne véhiculés par les séries télé sur la famille et le rêve américain histoire de bien abrutir le peuple.

Ce roman est une critique acerbe des États-Unis mais pas que. J'y ai vu la critique du système capitaliste dans son ensemble, totalement déshumanisé, où seul le fric importe, où il y a des très (trop) riches et des pauvres. C'est la même chose chez nous où on vire des gens pour mieux payer des actionnaires, où on délocalise pour gagner toujours plus en exploitant encore plus de gens.
Jake qui était la droiture même va devenir assez immoral, voire même totalement amoral et c'est extrêmement drôle d'assister à sa métamorphose et à ses pensées.
Et c'est bien, parce que ce roman m'a fait rire avec quelque chose de triste et lamentable. Et quand on ne peut rien changer aux choses il vaut sûrement mieux essayer d'en rire… un peu… car quand on gratte un peu le vernis on se rend compte que la société est injuste et indécente. Et le rire est souvent salvateur.

J'ai adoré cette histoire sans foi ni loi mais tellement joyeuse, à l'humour corrosif.

 

Citations :

Page 12 : Mais je commence à me demander pourquoi il m’a fait venir. Il a besoin de quelqu’un pour quelques corvées ou quoi ? C’est vraiment nécessaire de revenir sur ma carrière de parieur ? Visiblement, la liste de mes paris dénote quelques erreurs de jugement, sinon je ne serais pas ici.

 

Page 18 : Je crois que je peux te faire confiance. Et puis tu es intelligent. Tu es exactement le type d’homme qui a vraiment besoin de ça, mais tu n’irais pas le raconter partout si tu décidais de ne pas le faire. En plus, tu n’es pas marié. Tu n’as personne avec qui partager tes inquiétudes là-dessus. Pas de femme pour que je me tracasse de savoir si tu lui en as parlé ou pas. Les hommes racontent tout aux femmes sur l’oreiller, et toi tu ne baises pas.

 

Page 42 : Si le directeur de l’empire Gas’n’Go m’appelait demain pour me dire que je suis foutu dehors encore une fois, la qualité de mon travail n’en souffrirait pas. Je n’arrêterais pas de nettoyer et je ne me mettrais pas à voler, comme ils le pensent. C’est pour ça que, en supposant que les licenciements soient jamais nécessaires, nous ne l’apprenons qu’à la dernière minute. Ils considèrent chaque fourmi ouvrière comme un traître potentiel qui crève d’envie de s’emparer de leur bien.

 

Page 112 : Je pourrais m’en acheter une bien mieux, rien qu’avec ce que j’ai dans le tiroir à chaussettes, je sais, mais l’angoisse est toujours là.

Je sais maintenant que tout peut disparaître très vite. Pas seulement l’argent, mais la vie, la stabilité. Rien de tout cela n’est réel. Les pauvres le savent. C’est pour ça qu’ils investissent si rarement, qu’ils font si rarement avec leur argent quelque chose qui leur en rapportera davantage. Investir dans l’avenir est un luxe de riches. Les pauvres cherchent seulement des moyens de rendre le présent supportable.

 

Page 126 : Je n’ai jamais compris pourquoi il y a des gens qui ont peur de la peine de mort. Moi, j’ai peur de passer ma vie en prison.

 

 

 

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