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science fiction

Mon avis : Solaris – Stanislas Lem

Publié le par Fanfan Do

Traduit du polonais par Jean-Michel Jasienko

 

Éditions Folio SF

 

Mon avis sur Insta c'est ici

 

Quatrième de couverture :

Solaris : un monde inhabité tournant autour de deux soleils, entièrement recouvert d'un immense océan protoplasmique qui, pour les scientifiques de la Terre, demeure un irritant mystère. Dès son arrivée sur Solaris, le Dr Kelvin est intrigué par le comportement du physicien Sartorius et du cybernéticien Snaut, qui semblent terrorisés. Lui-même reçoit la visite d'une femme, Harey ; une femme qu'il a autrefois aimée et qui s'est suicidée plusieurs années auparavant.
Impossible. A moins qu'une entité intelligente n'essaie d'entrer en contact avec lui en matérialisant ses fantasmes les plus secrets, et qu'en l'océan lui-même réside la clé de cette énigme aux dimensions d'un monde.

 

Solaris, une des pierres angulaires de la science-fiction, a été porté à l'écran en 1972 par Andreï Tarkovski et en 2002 par Steven Soderbergh.


 

 

Mon avis :
Alors que ce roman avait l'air de commencer plutôt bien, rapidement j'ai été noyée sous des monceaux de termes techniques liés à l'histoire de 
Solaris, cette planète découverte bien avant la naissance du Dr Kelvin, le narrateur. Il semble que sur Solaris, l'élément le plus important soit l'océan, ce gigantesque élément gélatineux. Car il recèle bien des interrogations. À moins que Solaris ne soit cet océan...

Rapidement on comprend que quelque chose de terrible s'est passé dans la station sur 
Solaris. le cybernéticien Snaut à l'air fou, ou ivre. Gibarian est on ne sait où mais peut-être mort, et le physicien Sartorius semble en plein égarement. Donc, on a envie de savoir !
Mais réellement, j'ai eu envie d'abandonner au bout de 60 pages. Ça m'a paru totalement métaphysique, obscure, incompréhensible et du coup très contraignant. Je déteste m'ennuyer lors d'une lecture, et là, j'ai été servie. Et puis un personnage qui ne devrait pas être là arrive, et mon intérêt s'est trouvé attisé. Car soudain apparaît l'altérité dans ce qu'elle peut avoir de plus insondable.

Au delà de tout l'aspect scientifique, possible ou imaginaire, j'ai aimé les joutes verbales et les points de convergence entre Snout et Kelvin, sur ce qui leur arrive et ce qui les entoure, mais aussi sur ce qu'ils subodorent des événements et des étrangetés qui les ont touchés de près.
J'ai eu l'impression de pénétrer dans la psychologie des personnages et sans doute même de l'humanité dans son ensemble et j'ai trouvé ce roman très introspectif. Il m'a fait me poser beaucoup de question sur moi-même et sur les autres, et m'a amenée à  beaucoup d'interrogations existentielles. Et puis ça et là, de nouveau de longues pages descriptives de ce qui pourrait être la géologie, la faune ou la flore de l'océan de 
Solaris et plus certainement rien de tout ça mais des phénomènes inconnus - "longus", "fongisités", "mimoïdes", "symétriades", "asymétriades", "vertébridés"-, etc, etc, etc, qui m'ont paru interminables à chaque fois. Je suppose que c'était trop pour mon esprit peu compétent concernant les sciences. J'ai eu vraiment le sentiment de lire une oeuvre philosophico-métaphysique : en bref, je n'ai pas compris grand-chose et j'ai trouvé le temps très long. Jusqu'à la chute j'ai espéré un déclic, mais il n'est pas venu. Je n'ai hélas pas du tout été connectée à l'imaginaire de Stanislas Lem.

Un point noir, que je constate souvent, les quatrièmes de couverture disent bien souvent beaucoup trop de choses, qu'on est censé découvrir peu à peu au fil de la lecture. C'est tellement dommage ! On ferait mieux de les ignorer...

 

Citations :

Page 43 : Pendant un certain temps, l’opinion prévalut (répandue avec zèle par la presse quotidienne), que « l’océan pensant » de Solaris était un cerveau gigantesque, prodigieusement développé, et en avance de plusieurs millions d’années sur notre propre civilisation, une sorte de « yogi cosmique », un sage, une figuration de l’omniscience, qui depuis longtemps avait compris la vanité de toute activité et qui, pour cette raison, se retranchait désormais dans un silence inébranlable.

 

Page 116 : Nous nous envolons dans le cosmos, préparés à tout, c’est-à-dire à la solitude, à la lutte, à la fatigue et à la mort. La pudeur nous retient de le proclamer, mais par moments nous nous jugeons admirables. Cependant, tout bien considéré, notre empressement se révèle être du chiqué. Nous ne voulons pas conquérir le cosmos, nous voulons seulement étendre la Terre jusqu’aux frontières du cosmos.

 

Page 174 : Les « arbres-montagnes », les « longus », les « fongosités », les « mimoïdes », « symétriades », et « asymétriades », les « vertébridés » et les « agilus » ont une physionomie linguistique terriblement artificielle ; ces termes bâtards donnent cependant une idée de Solaris à quiconque n’aurait jamais vu de la planète que des photographies floues et des films très imparfaits.

 

 

 

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Mon avis : Jour Zéro – C. Robert Cargill

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Florence Dolisi

 

Éditions Albin Michel Imaginaire

 

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Quatrième de couverture :

Hopi est un tigre en peluche anthropomorphisé, un robot-nounou comme il en existe tant d'autres. Il n'en avait pas vraiment conscience avant de découvrir une boîte rangée dans le grenier. Celle dans laquelle il est arrivé lorsqu'il a été acheté des années auparavant, celle dans laquelle il sera jeté une fois que l'enfant dont il s'occupe, Ezra Reinhart, huit ans, n'aura plus besoin de nounou. Tandis que Hopi réfléchit à son avenir soudain incertain, les robots commencent à se révolter, bien décidés à éradiquer l'Humanité qui les tient en esclavage.

Pour les parents d'Ezra, qui se croient à l'abri dans leur petite communauté fermée, cette rébellion n'est qu'un spectacle de plus à la télé. Pour Hopi, elle le met face à la plus difficile des alternatives : rejoindre le camp des robots et se battre pour sa propre liberté... ou escorter Ezra en lieu sûr, à travers le paysage infernal d'un monde en guerre.

Avec Jour Zéro, C. Robert Cargill retourne à l'univers de son précédemment roman, Un océan de rouille et nous raconte le dernier jour de l'Humanité avec le punch texan qui le caractérise.

C. Robert Cargill est un scénariste reconnu, un écrivain respecté et un critique de film culte. Il a travaillé comme scénariste sur Sinister 1 & 2 (2012, 2015), Dr Strange (2016) et Black Phone (2022).

 

Mon avis :
Hopi est un nounoubot, un genre de doudou-tigre-nounou-robot anthropomorphisé. Il est la nounou de Ezra, mesure un mètre trente comme lui, est totalement craquant car recouvert d'une fourrure très douce. Et c'est lui le narrateur de cette histoire. Dès les premières lignes il nous parle du premier jour de la fin du monde, provoquée par les humains. Ben oui, qui d'autre ?...

Les Nounoubots discutent devant l'école en attendant la sortie des enfants. Ils se racontent les enfants qu'ils ont élevés, aimés, jusqu'au jours où ceux-ci ont grandi et n'ont plus eu besoin d'eux. Donc on les a éteints jusqu'au prochain enfant dont ils auraient à s'occuper. Et ça, Hopi ne le veut pas. Il ne supporte pas cette idée, car il aime Ezra, il aime la famille Reinhart. Alors comment eux pourraient-ils ne pas l'aimer en retour et ne plus en avoir besoin un jour ?
Eh bien vous savez quoi ? Ça m'a fait de la peine tous ces robots tristes. L'écriture est belle et les sentiments tellement bien décrits... D'ailleurs il y a toutes sortes de robots, pas que nounous, telle Ariane, la domestique de la famille Reinhart depuis au moins trente ans.

En réalité, ce monde c'est un peu le même bordel que le nôtre, mais encore plus désoeuvré. La haine et le racisme se sont déplacés envers les robots qui volent le travail des humains. le monde a évolué mais n'est pas devenu plus intelligent ni meilleur. Jusqu'au jour où il y a eu le projet de l'émancipation des IA par le Congrès, la révolte des IA, qui évoque par certains aspects le sort des esclaves, transposé au futur.

Les ambitions de l'humanité, l'informatique, la robotique, puis l'intelligence artificielle, tout cela nous est raconté par Hopi. Ça semble vertigineux et totalement flippant, pourtant nous y sommes déjà. Un grain de sable vient enrayer la machine, les fondements de la société. Un sentiment d'injustice ressenti avec amertume par les robots, un attentat contre eux et tout dérape... Rien ne sera plus jamais comme avant. Quand une poignée de connards gavés de religion et pleins de haine font basculer le monde dans autre chose, de totalement terrifiant... et c'est la guerre totale dans le but d'éradiquer l'humanité.
Pour Hopi, le déclic vient du sentiment qu'il est moins qu'un chien pour les Reinhart, lui qui croyait faire partie de la famille, il se rend compte qu'il est prescriptible. Mais il ne peut s'empêcher de s'interroger sur ses sentiments. Sont-ils devenus réels ou bien ne sont-ils qu'un programme informatique ?

J'ai adoré l'écriture débridée et rock'n roll qui rend les personnages et certains moments désopilants, les robots attachants et drôles, pour certains, mais surtout tellement humains. Des robots qui pensent et ont des sentiments, cette histoire m'a évoqué un cocktail de I Robot, Terminator et Blade Runner et j'ai trouvé que c'était une vraie belle réussite. Et puis j'ai adoré le contraste entre l'apparence de Hopi, tout fluffy et choupinou qui a la faculté de se métamorphoser en warrior impitoyable, vraie machine de guerre en mode commando, qui là m'a évoqué Gizmo se transformant en Rambo face aux méchants Gremlins.
C'est plein d'action, de danger, de suspense, de haine, de vengeance, d'abnégation, d'amour. C'est captivant. Ce roman de fin du monde m'a happée, totalement. C'est un roman qui se gobe tout cru.

 

Citations :

Page 32 : L’avènement de l’automatisation et de l’IA avait transformé le monde occidental. La mer des travailleurs pauvres disparates s’était muée en crue d’invisibles, vautrés devant des écrans, à regarder des émissions les assurant qu’ils n’étaient pas responsables de leur sort — c’étaient les robots qui leur avaient volé la chance de leur vie, pas la médiocrité de leurs propres motivations ou capacités.

 

Page 37 : Bradley tenait à ce que je paramètre les jeux de manière à ce que la violence y évoque le moins possible le monde réel et ne soit pas traumatisante pour un enfant. Ça ne le dérangeait pas qu’Ezra connaisse en long et en large l’histoire des conquêtes sexuelles de Zeus ou de la fureur infanticide de Saturne, mais pas question qu’il voie du sang, des tripes ou de la bouillie répugnante d’extraterrestre explosé.

 

Page 64 : Je suis resté planté là comme si un camion m’avait percuté. Tu es vraiment un robot. Je l’étais en effet, mais elle voulait sans doute dire que je n’étais qu’un robot. Oui, c’était évidemment ce qu’elle voulait dire. Je n’avais pas eu le temps de traiter les données de l’attentat pour déterminer en quoi il risquait de m’affecter, mais j’avais parfaitement conscience de l’effet de cette petite phrase. Elle ne m’avait pas seulement blessé, elle m’avait crucifié. Sylvia était ivre, bien sûr, mais je savais qu’elle en pensait chaque mot.

Et je n’avait plus soudain aucune idée de l’être ou de la chose que j’étais.

 

Page 93 : Nom de Dieu. Plus d’interrupteur létal. Combien Y avait-il de robots dans cette situation ? Et combien avaient sauté sur l’occasion d’assassiner leur propriétaire ?

 

Page 142 : — À quoi ça sert de survivre à la fin du monde, s’il y a encore des règles idiotes pour permettre aux adultes de faire ce qu’ils veulent et pour l’interdire aux enfants ?

 

Page 160 : J’étais mignon. J’étais duveteux. Et je savais comment tuer chacun des autres occupants de la pièce avec chacun des instruments qui s’y trouvaient.

 

Page 248 : J’ai trouvé un peu triste de les tuer ensemble. C’étaient clairement des meurtriers, à en juger par la taille du tas de cadavres qu’ils avaient tenté de soustraire à la vue, mais ça leur avait apporté l’égalité et la liberté. Ils avaient la même valeur, ils n’appartenaient plus à personne, et leur monde se fichait de la richesse de leurs maîtres. Leur prix d’achat ne définissait plus ni leur existence ni leur importance dans la société.

 

Page 269 : On a beau se représenter l’avenir, il ne ressemble jamais à l’image qu’on s’en fait. On se trompe toujours. Si on en a peur et qu’on essaie de le fuir, il ne nous en rattrape pas moins. Il arrive qu’il soit moins terrifiant que nous ne le craignions.

 

 

 

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Mon avis : L’ultime guerre – Anna Raymonde Gazaille

Publié le par Fanfan Do

Éditions LE MOT ET LE RESTE

 

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Quatrième de couverture :

Dans un monde dystopique, une secte nommée les Adeptes du Tout-Puissant sème la terreur dans les Territoires du Sud. Depuis les Territoires du Nord, des soldats et la Légion des Guerrières de la liberté luttent contre leur invasion et l’asservissement des femmes qu’ils tentent brutalement d’imposer. Ainsi débute l’odyssée de Tessa, une enfant soldat errant sur un champ de bataille, recueillie par trois Guerrières avec lesquelles elle entame un long et périlleux voyage à travers les ruines d’un monde dévasté. S’accrochant aux liens tissés avec ses sœurs d’armes, elle s’acharne à survivre, en dépit de tout ce qu’elle a subi, apprivoisant les fantômes qui la hantent. Son périple et cette quête vers la terre nordique feront surgir en elle un puissant sentiment d’appartenance à une humanité qu’elle avait condamnée.


 

 

Mon avis :
Dans un futur indéterminé le monde a basculé. Des hordes d'hommes asservissent les femmes, qui sont reléguées au statut d'inférieures, de ventres, d'esclaves. "Les armes étaient interdites, mais nous savions tous que les plus puissants en possédaient. C'est ce qui faisaient d'eux les plus puissants." Tessa, une orpheline de douze ans, nous raconte ce monde en ruine, ces villes détruites, ces édifices si hauts qu'on n'en distingue pas le sommet mais aussi la peur, la douleur et le deuil.
Des femmes, les Combattantes du Nord, luttent. Ce sont les Guerrières de la liberté.
On en revient toujours à cette réalité sordide énoncée par 
Simone de Beauvoir "N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question." Alors l'apocalypse.
Mais dans ce monde, quasiment personne n'a de droits, sauf les plus forts.

Tessa suit trois Guerrières, Manu, Pat et Cum, qui doivent rejoindre leur bataillon. À partir de là, on change de narratrice au gré des chapitres. On découvre ce monde en guerre, le fanatisme contre la liberté, avec des villes çà et là dont certaines tentent la neutralité mais vivent dans la corruption, pendant que d'autres sont presque des modèles de démocratie. le Sud où règnent la guerre et la mort, le Nord où la civilisation a perduré.

À travers ces lignes on sent la rage de ces femmes qui luttent pour leur liberté. Toutes ont perdu beaucoup, elles se battent pour ce qui leur reste : elles-mêmes, leurs choix, leur libre arbitre et une societe égalitaire. C'est dans ce monde là que Tessa va devoir avancer à l'aveugle en se méfiant de tout le monde. Pourtant il ne m'a pas semblé si différent du nôtre. Partout le fanatisme religieux explose, le sexisme et l'intolérance aussi, ainsi que le patriarcat et ses prérogatives que certains veulent voir perdurer au détriment des femmes et de leur liberté. Ce roman, c'est peut-être le monde de demain dans une perspective cauchemardesque.

Alors, j'ai bien aimé. Ça se lit bien et on est embarqué dans ces vies cabossées de femmes. Cependant j'ai trouvé que plusieurs personnages auraient gagné à être plus approfondis, moins éphémères. Et puis l'ensemble m'a semblé un peu fourre-tout, avec un mélange de sociétés et d'époques qui seraient réunis dans un espace assez réduit tout en étant aux antipodes les unes des autres. Un peu comme si un univers barbare côtoyait une société plutôt bien rangée, Mad Max VS Bienvenue à Gattaca. Presque un anachronisme. Néanmoins, une dystopie féministe, moi je dis bravo !
Merci à Babelio Masse Critique et aux Éditions le Mot Et le Reste.

 

Citations :

Page 16 : Dans le camp, il y avait bien sûr des hommes, beaucoup moins nombreux que les femmes et les enfants, mais ils commandaient. Ils formaient des bandes, la plupart du temps rivales. Ils se battaient, trafiquaient. Les armes étaient interdites, mais nous savions tous que les plus puissants en possédaient. C'est ce qui faisaient d'eux les plus puissants.

 

Page 27 : Tout brûle. Je songe aux dépouilles des guerrières qui gisent parmi tous ces livres. Dans le ciel flamboyant du couchant s’élèvent les flammes tout aussi rougeoyantes. J’aimerais que les mots de toutes les histoires incendiées crient leur colère.

 

Page 42 : J’ai demandé à Cum ce qu’elle en pensait. Elle a plongé ses yeux dans les miens : « Les dieux n’existent pas. Pas plus celui de ces déments qui enferment les femmes en cage et les traitent en esclaves, que les déesses, créatrices de cette humanité qui court à sa perte. »

 

Page 105 : Quand il ne reste que ton corps et à peine de quoi le couvrir, la valeur de la liberté prend toute la place et la vie s'allège pour ne plus désirer que l'essentiel.

 

 

 

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Mon avis : Parcourir la Terre disparue – Erin Swan

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Juliane Nivelt

 

Éditions Gallmeister

 

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Quatrième de couverture :

En 1873, Samson, chasseur de bisons fraîchement immigré, parcourt les Grandes Plaines, plein d’optimisme devant son nouveau pays.
En 1975, Bea, adolescente enceinte et mutique, arpente le même paysage, et finit par atterrir dans une institution où un psychiatre s’efforce de déchiffrer ses dessins.
En 2027, après une série de tornades dévastatrices, un ingénieur abandonne son existence routinière pour concevoir une ville flottante sur le site de ce qui fut La Nouvelle-Orléans, où il fonde avec sa fille poétesse une communauté de rêveurs et de vagabonds.
En 2073, la Terre est entièrement noyée, et la jeune Moon n’a entendu à son propos que des histoires. Vivant sur Mars, elle s’interroge sur l’avenir de son espèce.
Parcourir la Terre disparue est l’histoire d’une famille, de celles et ceux qui, génération après génération, héritent d’un même rêve. Avec la même pugnacité et le même espoir, ils tentent de survivre sur une Terre qui se couvre lentement d’eau.


 

 

Mon avis :
Cet étrange roman m'a semblé, de prime abord, empli de solitudes et d'angoisses. Quelque chose d'hypnotique nous emmène à travers les vies de Samson, Moon, Bea, Paul, Kaiser, Michel-Ange, Penelope, Eva. C'est oppressant et addictif à la fois. On part de 1873 pour aller en 2073 puis en 1975 et ainsi de suite. Tous ces personnages sont de la même lignée ou très proches. On fait des allers-retours dans le temps, dans un désordre chronologique étudié. C'est quasi-hypnotique, on est emporté de lignes en lignes, de pages en pages sans avoir envie d'en sortir. Il y a tant de poésie dans ces mots, tant de justesse.

La narration m'a beaucoup évoqué la tradition orale, ces histoires familiales ou tribales qu'on se transmettait de génération en génération. Chaque personnage finit par composer un bout de la légende.
Un don de prescience incontrôlé dont chaque membre de la lignée semble avoir hérité.
Le cauchemar récurent d'un homme marchant dans un désert.
Une étoile rouge.
Le réchauffement climatique, les tempêtes, la montée des eaux, l'exode des populations, un avenir redoutable.

C'est un roman de fin du monde, de fin d'un monde et il m'a parfois donné envie de pleurer à l'idée de tout ce qu'on avait à perdre, de tout ce qu'on va perdre, par notre faute.
C'est tout à la fois de l'anticipation, de la science fiction, une dystopie et un roman écologiste. C'est terrifiant et beau. Ça nous parle d'un monde dévasté, d'avenir, de rêve, d'utopie, de folie.

J'ai trouvé ce roman d'une beauté calme et envoûtante. Il m'a totalement émerveillée. J'aurais voulu qu'il dure encore et encore. J'ai infiniment aimé les personnages, les lieux, les descriptions, tout, absolument tout.
Quand un roman m'enveloppe à ce point dans son ambiance, dans son propos, alors je me sens comblée. Et je me dis que j'ai de la chance d'aimer les livres car ils nous offrent des univers parallèles, d'autres vies dans la vie.
Ah vraiment !! Pourquoi ne l'ai-je pas lu avant ?

 

Citations :

Page ,97 : Même si elle n’en a pas envie, même si elle entend le cerf tousser sa peur et sa solitude aussi vaste que le ciel, elle s’exécute.

 

Page 100 : Selon mon père, les Américains étaient des hommes d’honneur qui se battaient pour la liberté. (Il rit.) La merveilleuse liberté de vendre, d’acheter, d’être de bons chrétiens et de violer ces terres. On aurait dû foutre la pais aux Indiens.

 

Page 127 : Il a vécu dans cinq familles d’accueil. Il se rappelle les sols à cause du temps qu’il a passé à les scruter — linoléum gris, moquette orange, contreplaqué souillé de taches de peinture. Certains parents s’intéressaient à lui, le bombardant de questions. La plupart l’ignoraient, déposant sur la table une barquette réchauffée au micro-ondes sans croiser son regard.

 

Page 157 : Paul se demande quel effet cela fait, de savoir d’où on vient.

 

Page 201 : Cette vie est merdique, Paul. Le moins qu’on puisse faire, c’est d’y injecter un peu de beauté.

 

Page 251 : Je quittais Kansas City pour suivre Pa. Nous faisions le même cauchemar, où un homme sans visage marchait dans le désert. Nous étions père et fille. Nous étions liés. Je ne pouvais y échapper.

 

Page 345 : Si on regarde une chose suffisamment longtemps, peu importe combien elle est fantastique, elle finit par devenir banale.

 

 

 

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Mon avis : Chasse à l’homme – Gretchen Felker-Martin

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Héloïse Esquié

 

Éditions Sonatine

 

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Quatrième de couverture :

Une épidémie a transformé tous les êtres humains à haut niveau de testostérone en des créatures uniquement mues par leurs besoins les plus primaires : se nourrir, violer, tuer. Tous les individus masculins sont ainsi devenus des zombies. Beth et Fran, deux femmes transgenres, sont chasseuses d'hommes. Elles ont en effet besoin d'absorber les œstrogènes contenus dans les testicules de ces derniers pour éviter la contagion. Bientôt, elles vont devoir affronter une armée de féministes radicales, qui haïssent davantage encore les transgenres que les hommes.


 

 

Mon avis :
On entre directement dans le vif du sujet avec un zombie répugnant dont on apprend que c'est à cause de sa testostérone qu'il en est là. Car oui, un immonde virus, le T. rex, transforme tous ceux dont le taux de testostérone est élevé. Donc les hommes sont touchés ainsi que les trans nés garçons qui n'ont pas eu le temps d'achever leur transition en se faisant faire une orchidectomie (oh le joli mot pour designer quelque chose de visuellement pas très beau MDR). Dès lors, ils ne pensent plus qu'à dévorer, tuer, violer.

Des trans femmes doivent consommer des testicule de zombies riches en œstrogènes pour contrer le virus qui risque de s'attaquer à eux. Iels (ah que ce pronom est pratique !) sont aussi la cible de TERF, féministes radicales, qui veulent les éradiquer car elles haïssent tout ce qui porte un chromosome Y, qu'iel soit devenu(e) femme ou pas. Donc pour Fran et Beth, deux trans femmes, il y a la traque des zombies pour leur becqueter les roubignoles tout en faisant attention de ne pas devenir leur objet sexuel et leur repas car ces derniers sont retournés à un état primaire, et la fuite devant une bande de TERF hyper agressives et dangereuses. La survie en permanence, le danger absolument partout et de toute nature. L'enfer sur terre.

Alors vu comme ça, ça peut paraître complètement déjanté ! Et vraiment c'est le sentiment que j'ai eu tout de suite. Mais ça traite d'un sujet de société terrible pour celleux qui le subissent : la transphobie. Et en amont, le sentiment d'injustice d'être né dans le mauvais corps et de pas parvenir à l'aimer tel qu'il est, l'incompréhension et le rejet de la plupart des gens y compris la famille, et le mépris, et la haine. Et puis dans ce monde là, les femmes trans sont terrifiée par le danger que leur biologie interne leur fait courir, à savoir se transformer en zombie.

Comment fabriquer un avenir à l'humanité quand celle-ci est amputée d'une moitié indispensable à sa pérennité ?
Ce roman nous dit que l'être humain sait s'adapter, n'est jamais à bout de ressource, mais parfois en pure perte.

Agressions, viols, trafics d'êtres humains, un monde chasse l'autre et tout perdure, mais cette fois c'est dans une société matriarcale. Une multitude de viragos qui veulent créer un monde à leur image, qui ne vaut pas mieux que celui d'avant, celui des hommes.

J'ai beaucoup aimé ce roman qui pourtant est d'une violence inouïe, où il est énormément question de sexe et de fureur guerrière dont l'unique but est de réduire à néant les porteurs du chromosome Y. On y trouve cependant infiniment d'amour, de loyauté, de solidarité et d'humour. Cette histoire est une déclaration d'amour et de sororité aux femmes transgenres et une dénonciation de l'intolérance.

 

Citations :

Page 16 : Sur son front, juste au-dessus de l’arête de son petit nez mutin en pente de ski, un tatouage austère : XX. Chatte certifiée 100 % naturelle par les Filles de la Sorcière-Qu’On-Ne-Peut-Pas-Brûler ou la quelconque divinité merdique du festival de musique Womyn’s du Michigan à laquelle la TERFocratie du Maryland prêtait allégeance. Merde.

 

Page 40 : Un hurlement d’homme s’éleva de nouveau dans les bois, pas très loin cette fois, et par un accord tacite, elles s’arrêtèrent pour regarder les oiseaux s’envoler des arbres en nuées tourbillonnantes. Beth se demanda, et ce n’était pas la première fois, s’ils se sentaient seuls, ces êtres qui étaient autrefois des hommes. Si leurs femmes, leurs mères, leurs filles, leurs copines et leurs dominatrices leur manquaient. Mais peut-être qu’ils étaient heureux désormais, libres de violer, de tuer et de manger qui ils voulaient, libres de chier, de pisser et de se branler dans la rue.

Peut-être ce monde était-il celui qu’ils avaient toujours voulu.

 

Page 152 : Pendant un an et demi, après avoir laissé tomber ses études, elle avait habité, au premier étage, un placard dégueulasse en guise de chambre, sortant à tour de rôle avec un casting tournant de colocs et d’ami.e.s d’ami.e.s : transboys maigrelets, gouines en cuir vénères, demi-sexuel.l.e.s à la coupe au bol à moitié ironique qui passaient des heures sur Tumblr à parler du genre et s’interrogeaient pour savoir si le nœud papillon était un marqueur de la lutte des classes, jusqu’à ce que chaque relation médiocre, inévitablement, se consume pour laisser place à une rancœur silencieuse, cassante.

 

Page 216 : Même si vous pensez sincèrement avoir eu une enfance de fille, en réalité, vous avez été élevés comme des hommes. Vous avez été élevés pour brutaliser, pour voler, pour mépriser les femmes qui vous ont élevés et ont sacrifié leur vie pour protéger la vôtre.

 

Page 346 : La fille battue lécha ses lèvres desséchées.
« Ce qu’on leur fait... » Sa voix était un croassement rauque, guère plus qu’un murmure. « C’est exactement la même chose que ce les hommes nous faisaient avant.

Ce sont des hommes.

Non. » La paupière de Karine se baissa. « Elles n’en sont pas, et je crois que vous le savez. »

 

 

 

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Mon avis : Gueule de Truie – Justine Niogret

Publié le par Fanfan Do

Éditions Critic

 

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Quatrième de couverture :

L'Apocalypse a eu lieu.

Pour les Pères de l'Église, elle a été causée par Dieu lui-même. Comme la Terre est morte, ils n'ont plus qu'un seul but : détruire le peu qui reste, afin de tourner une bonne fois pour toutes la page de l'humanité.

À leur service, Gueule de Truie, inquisiteur. Dès le plus jeune âge, on lui a enseigné toutes les façons de prendre la vie. Caché derrière le masque qui lui vaut son nom, il trouve les poches de résistance et les extermine les unes après les autres.

Un jour, pourtant, il croise la route d'une fille qui porte une boîte étrange, pleine de... pleine de quoi, d'abord ? Et pourquoi parle-t-elle si peu ? Où va-t-elle, et pourquoi prend-elle le risque de parcourir ce monde ravagé ? En lui faisant subir la question, Gueule de Truie finit par se demander si elle n'est pas liée à son propre destin, et si son rôle à lui, sa véritable mission, n'est pas de l'aider à atteindre l'objectif qu'elle s'est fixé, et peut-être même d'apprendre à vivre.


 

 

Mon avis :
Dans un monde dévasté, un enfant assiste aux tortures perpétrées par une sorte d'inquisition post-apocalyptique. Il sait qu'il est sur le point de devenir l'un d'eux et même s'il a peur, il ne dit rien. Cet enfant, c'est celui qui sera 
Gueule de Truie, qui aura la charge de superviser la capture des survivants pour les soumettre à la question afin d'éradiquer l'espèce humaine. Il n'est qu'un exécutant plein de colère et de haine, et son nom lui vient de son masque. Car son visage est caché. Et il obéit aveuglément aux Pères de l'Église.

Des humains errent sur cette planète que tout le monde dit morte, où çà et là se trouvent des forêts pétrifiées que toute vie a désertées. À la recherche de quoi ? Ou plutôt, que fuient-ils ? Ils se cachent partout, dans des immeubles en ruine, dans des sous-sols, dans les bois. Et pourquoi faut-il les anéantir ces humains apeurés ?

Ça frappe, ça écorche, ça injurie, ça torture, à tour de bras, c'est extrêmement violent.
Dans ce monde là, les dominants appliquent ce qu'ils interprètent comme étant la volonté de Dieu, comme dans le nôtre d'ailleurs, implacablement, férocement, sans faiblir, sans état d'âme. Ils dictent des lois ignobles et prétendent qu'elles sont divines : "Dieu n'est pas un hasard. Dieu est un secret et Dieu est un mystère".


Gueule de Truie a été endoctriné dès l'enfance dans la violence extrême et la haine de l'humanité. Il ne peut penser autrement. C'est ancré en lui, depuis toujours. Il faut tuer ces saloperies d'humains qu'il hait par dessus tout. Il se hait aussi lui-même et abhorre tout contact physique. Pourtant, un jour…

C'est poisseux, désespéré, nihiliste, et on se demande s'il y aura une lueur d'espoir au bout de ce tunnel de douleur et de sang. Beaucoup de pensées obscures et de souvenirs flous nous mènent à travers ce monde. 
Gueule de Truie croit obscurément que Dieu est omnipotent. D'autres savent ce qui est arrivé. le chemin qu'il croyait tout tracé pour lui va prendre des voies inattendues.

L'écriture de 
Justine Niogret est belle et addictive. Elle parvient à maintenir l'intérêt du lecteur tout en distillant avec lenteur et parcimonie les différents éléments de son récit. La violence est plus suggérée que décrite et c'est sans doute ça qui rend cette lecture possible sans tourner de l’œil.

La quête menée m'a semblée assez obscure, introspective, voire métaphorique et onirique. J'ai cru comprendre, et puis non, et puis peut-être, mais en fait pas sûr… J'ai pourtant beaucoup aimé. Mais je sens que je vais m'interroger longtemps sur ce qu'il y avait à comprendre. En réalité, je me demande si l'autrice n'a pas fait une telle fin pour amener le lecteur à se poser des questions existentielles et construire son propre épilogue.

 

Citations :

Page 19 : Le masque est neutre à l’intérieur ; protection, barrage. L’enfant respire. Il comprend que ce visage le retire du monde. Il serre sa veste autour de son cou, la ferme jusqu’au dernier bouton. Il note qu’il devra mieux les coudre, plus haut, plus serré, mieux cacher sa peau. Il n’est plus que cuir et métal. Chaque tache de rose est devenue une erreur.

 

Page ,25 : Dans le zoo, une femme pousse un long cri. Sans doute perchée sur une grille, un des morceau de métal planté dans le ventre. On est pressé, la Troupe n’a pas que ça à faire. Cette fois-ci, on évite les installations de croix ou les pendaisons.

 

Page 75 : Gueule de Truie fait attention avec l’homme. Il n’aimerait pas le casser. Il n’a même pas envie de le Questionner. Au début, oui, mais c’est passé. Le vieux a supporté beaucoup, déjà, et ses yeux vivent encore. Gueule de Truie sait quand l’esprit quitte le corps, quand il ne reste que la viande. Le vieux est toujours là.

 

Page 149 : Je crois que tu parles parce que tu voudrais forcer les choses dans des… Des. Des formes. Parce que les formes, tu peux les ranger. Mais des mots y’en a pas, quand on vit. T’as qu’à sentir. T’as qu’à comprendre ce qu’on peut pas dire.

 

Page 154 : Ça n’a rien à voir, il ajoute. Les corps. La façon de manger des autres. Là-bas ils étaient fous. C’était pour faire mal. Il n’y a rien à chercher. Envahir. J’ai vu la mer, une fois. C’est pareil. On peut pas être envahi. Ou comme l’orage. On peut pas le contenir. On ne peut pas l’emprisonner. Ce que tu cherches, là, ça n’a pas de sortie. Ils veulent faire mal au tonnerre, mais on ne peut pas lui faire mal.

 

Page 192 : Non, l’amour est mort bien avant le Flache. Trop servi, trop usé. Mis sur des gens incapables de le comprendre, ou de vivre ce qu’il risque de faire perdre. Fleurs, bagues, phrases de promesses, lettres, baisers figés, non. Non.

 

Page 217 : J’ai pris ton silence pour de l’intelligence. Mais j’aurais dû comprendre que ce que je pensais être toi n’était qu’un écho de moi-même, chuchoté dans le vide que tu représentes.

 

 

 

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Mon avis : Les chiens-monstres – Kirsten Bakis

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Marc Cholodenko

 

Éditions Plon - Pocket

 

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Quatrième de couverture :

New York en 2008

D'étranges chiens s'installent en ville

Des chiens extraordinaires, munis de prothèses de mains humaines, marchant sur leurs pattes arrières, intelligents et doués de la parole. Les chiens-monstres, fruit des obscures travaux d'un savant fou et génial. Élégants et riches, leurs manières raffinées cachent pourtant un terrible secret. Seule Cleo Pira, une jeune journaliste qui a gagné leur confiance, sait ce qui se trame dans l'immense et luxueux château que les chiens-monstres ont fait construire au cœur de la ville.

 

Née en Suisse, Kirsten Bakis à grandi aux États-Unis. Elle vit actuellement à New York. Cet ouvrage est son premier roman.

 

 

Mon avis :
Deux narrateurs nous emmènent à travers cette histoire. Tout d'abord Cleo, jeune journaliste malgré elle, dont la préface nous parle de l'arrivée des chiens-monstres à New-York en 2008.
Puis le prologue, extrait du journal de Ludwig von Sacher, chien-monstre de son état. Il nous parle d'Augustus Rank, espèce de savant fou prussien qui conçut l'idée de ces chiens en 1882 pour le servir.
Puis il nous raconte la vie de cet illuminé génial et monstrueux, depuis l'enfance, sa vocation et les expériences terribles qu'il a faites sur des animaux. Car Ludwig, historien, s'est donné pour mission de retracer la vie de Rank et la genèse de leur existence à eux 
les chiens-monstres afin de comprendre leur raison d'être et laisser un témoignage au monde.
J'ai eu plus d'une fois des sueurs froides et j'ai craint d'avoir envie de lâcher ce livre, mais heureusement on n'entre jamais dans les détails horribles. Et c'est tant mieux car ces expériences sur des animaux dignes d'un Dr Moreau m'ont glacée sans pourtant en avoir les précisions.

Le majeur partie de ce roman se passe bien après la mort D'Augustus Rank, et la narration de cette histoire folle nous est faite en alternance par Cleo puis Ludwig.
J'ai rapidement été happée par ce récit qui nous parle de chiens transformés en ersatz d'humains - car ils marchent debout, parlent et ont des mains - et en même temps pas tout à fait. Des chiens malheureux qui se considèrent comme des monstres à qui le monde est fermé, interdit, et se demandent pourquoi ils existent et quelle est leur place, à supposer qu'il y en ait une pour eux.

Il y a beaucoup de suspense, lié à la personnalité retorse d'Augustus Rank, à sa mégalomanie et aux actes terribles qu'il a pu commettre au cours de sa vie. Tout cela nous est distillé peu à peu par Ludwig.
L'exploitation sans vergogne que les humains se permettent sur les plus faibles, l'inconcevable, la vengeance mais aussi la grandeur des sentiments nous mènent doucement dans les méandres de cette étrange histoire.

Honnêtement, au début je me suis demandée si ça allait me plaire. Il y avait quelque chose d'un autre temps, un peu comme de la vieille SF qui situerait son histoire en 2008. Mais bien sûr, le mélange de l'époque prussienne de laquelle viennent les chiens avec leurs vêtements désuets, et l'époque actuelle donnent cette sensation hors du temps.
Ce roman, qui m'a beaucoup fait penser à un mélange de littérature gothique, de L'île du Dr Moreau et de Frankenstein, m'a tenue en haleine jusqu'à l'épilogue.

 

Citations :

Page 13 : Il n’y a pas de fidélité humaine qui puisse égaler la dévotion fanatique d’un chien.

 

Page 20 : Augustus tu te trompais ! Tes chiens t’ont oublié ! J’enlève de nouveau mon pince-nez et colle mon nez au papier. C’est un mouvement ridicule — les mots sentent l’encre Xérox et je le savais déjà. Maintenant j’en ai sur le bout du nez et toutes les autres odeurs de la pièce en sont viciées.

Si seulement je pouvais comprendre l’homme, si je pouvais le sentir, si je pouvais l’aimer, je crois que je pourrais comprendre l’histoire de ma race — je pourrais comprendre quel était son but en nous créant, ce que nous sommes.

 

Page 51 : Et c’est ainsi que, grâce à son bégaiement, le futur Dr Rank ne révéla pas ses plans à son oncle, conservant de cette manière ses chances de succès. Je ne comprends vraiment pas ce qui poussa Augustus à vouloir dire la vérité à Herr Zwigli cet après-midi là ; je me demande souvent s’il n’est pas possible qu’il ait soudain compris brièvement l’horreur de ce qu’il était sur le point de faire, et les conséquences que cela aurait par la suite.

 

Page 76 : Je me rappelle à Rankstadt… commença-t-il lentement. Rankstadt, en hiver, quand j’étais un chiot. On approchait de Noël, je crois, et… je trottais aux côtés de Prinzi Von Sacher, dans la rue. C’était la fille aînée de mon maître. J’étais très jeune alors, huit mois, peut-être, car j’avais encore le droit de marcher à quatre pattes. À l’âge d’un an nous devons — il faut commencer à marcher debout.

 

Page 92 : Je suis seul au monde, animal ridicule. Je suis sorti de mon trou de mémoire il y a quelques heures, et — je suis incapable de décrire mon état d’esprit depuis lors. J’aimerais le noter ; j’aimerais que le monde en ait un souvenir. J’ai l’impression que c’est la seule chose qui puisse me retenir, me fixer en tant que présence, même brève, dans ce monde.

 

Page 96 : Voyez-vous, Vittorio était comme un animal ; robuste, trapu, musculeux, stupide, et couvert de poils. Son âme avait été corrompue par une maladie, qui était la passion ; et elle émanait de son corps comme la lueur que produit le poisson en décomposition.

 

Page 126 : La petite église était toujours pleine les dimanches, et l’horloge dans son clocher blanc, surplombant la place du marché, marqua les heures de la ville durant cent ans. Au-dehors, bien que les habitants de Rankstadt le sussent à peine, les monarchies s’écroulaient, les économies tombaient en ruine, les gouvernements s’installaient et étaient renversés, les guerres arrivaient, la terre était dépouillée et empoisonnée.

 

Page 171 : Et c’est quelque chose qui me manque dans votre culture, à propos, — me dit-il. Tout est si aseptisé. C’est à peine s’il y a des boucheries. Et pourtant, les abattoirs qui vous fournissent en viande, je les ai vus à la télévision, ils sont vraiment épouvantables, c’est l’enfer. Ce n’est pas naturel du tout. Vous n’avez pas la chasse ou le combat ou les odeurs qui donnent son prix à tout cela, et pourtant la souffrance la plus abominable est créée.

 

Page 197 : Il nous reste si peu de souvenirs des chiens, de toute façon. Je sais que malgré le livret, malgré tout ce que Ludwig a écrit et tout ce que j’ai écrit moi-même sur eux, ils finiront par être oubliés, comme le reste. Et cependant je ne peux pas m’empêcher d’^élever une petite digue chaque fois que je le peux contre le flot du temps, pour le retenir un peu plus longtemps.

 

Page 240 : J’essayais de deviner pourquoi Ludwig avait choisi de vivre là. Je me disais que cette partie de la ville, comme nulle autre, avait des recoins et de vieux espaces verts où les fantômes pouvaient s’abriter, des endroits où les reliquats du passé n’avaient pas été balayés par les milliers de corps en mouvement et d’immeubles qui montaient et descendaient.

 

Page 287 : Dans le pays au-delà du tamis il n’y a que de la lumière, et nos corps nous manqueront. Nous les chercherons désespérément.

 

 

 

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Mon avis : Nous sommes Bob Tome 1 – Dennis E. Taylor

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Sébastien Baert

 

Éditions Le Livre de Poche

 

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Quatrième de couverture :

Bob Johansson vient de vendre sa start-up et va pouvoir profiter de la vie. Tant de lieux à visiter, de livres à lire et de films à voir ! Pas de bol, il se fait écraser en traversant la rue. Lorsqu’il revient à lui, un siècle plus tard, c'est pour découvrir qu'il appartient désormais au gouvernement. Téléchargé dans un ordinateur, il est pressenti pour devenir une IA capable de se répliquer à volonté, aux commandes d'une sonde interstellaire destinée à la recherche de planètes habitables. Les enjeux sont considérables. S'il refuse cette mission, on l'éteindra et un autre prendra sa place. S'il accepte, il devient une cible de choix. Au moins trois autres puissances se verraient bien envoyer leur sonde en premier, et tous les coups sont permis.
Pour Bob, l'endroit le plus sûr, c'est dans l'espace, le plus loin possible de la Terre. C'est du moins ce qu'il croit

Drôle, intelligent, captivant et totalement surprenant. Lanfeust Mag.
Un très grand premier opus. Science-Fiction magazine.

 

 

Mon avis :
Bob ! Un homme bien dans son époque, jeune startupper, totalement geek, fan de science-fiction, signe un contrat avec CryoEterna pour être cryognisé le jour de sa mort puis ramené à la vie plus tard, quand la science aura énormément progressé. Et comme si la faucheuse n'avait attendu que ça embusquée au détour d'une rue, Bob se fait écrabouiller le lendemain par une voiture.
Et là commence sa deuxième vie ! Enfin, si on peut dire… 117 ans plus tard, soit en 2133.

J'ai tout de suite beaucoup aimé Bob. Il est facétieux et pragmatique, ne s'affole pas facilement, même quand il découvre sa nouvelle situation qui n'est pas exactement ce à quoi il s'attendait. À vrai dire, il est un peu sous contrôle endocrinien pour mieux supporter le stress et en même temps il n'est plus qu'une sorte d'intelligence artificielle, donc c'est très bizarre.
Le projet était déjà très bizarre, là, c'est pire. Mais ça ne l'inquiète pas outre mesure. Il considère qu'un avenir incroyable s'offre à lui.

Dans cette centaine d'années là, la religion aura gagné énormément de terrain et sera au pouvoir, avec tout ce que ça peut impliquer de censures et d'interdits ; une théocratie - FAITH - avec un ministère de la Vérité et un de la Pensée éclairée et pas que…, des contrôleurs de piété et toutes sortes de joyeusetés à l'avenant.

Bob fait désormais partie d'un projet nommé HEAVEN dont le but est trouver des planètes habitables. Et j'ai eu envie de crier : EN ROUTE POUR L'AVENTURE ET AU DELÀ !!! Eh oui, parce que dès le début j'ai trouvé cette histoire hyper enthousiasmante. D'autant que Bob, qui est devenu une AI, un programme, un répliquant, en tout cas virtuel, peut se dupliquer à l'infini… Et il le fait et ça devient complètement délirant !
C'est bourré de références à la pop culture et c'est drôle. J'ai adoré, même si je ne les avais pas toutes, spécialement sur les jeux vidéo. J'ai dû aller à la pêche au infos. En revanche, celles sur le cinéma avec des blockbusters comme Star Trek et Star Wars ainsi que les dessins animés, j'étais en terrain de connaissance et franchement c'est assez jubilatoire. Bob a un gros côté ado attardé et forcément ses avatars aussi.

J'ai aimé l'humour qui pointe sans cesse son nez l'air de rien. Mais j'ai eu du mal à rester concentrée lors des nombreuses batailles dans l'espace. Je les ai trouvées trop répétitives et assez similaires. Et puis je me suis un peu perdue avec tous les Bob, au début en tout cas.
J'ai néanmoins rapidement trouvé ce roman totalement captivant, j'ai énormément aimé, et même de plus en plus à mesure que j'avançais dans l'histoire. Les nombreux Bob ouvrent le champ des possible à l'infini. Par certains côtés comme l'humour geek, voire absurde, et l'exploration spatiale, cette histoire me rappelle un livre de 
Douglas Adams que j'avais adoré il y a des années et qui s'appelait à l'époque le guide du routard galactique et qui était le premier tome d'une trilogie.
Bien sûr je vais poursuivre mon exploration de cet univers un peu fou avec les deux tomes qui suivent.

 

Citations :

Page 23 : - Je suis humaniste, Karen. Tu le sais. Je ne crois pas à l’au-delà. À ma mort, j’ai le choix entre renaître ou rien. Je ferai avec ce qui se présentera quand je me réveillerai.

 

Page 120 : Ce qui m’agaçait le plus dans le fait d’être un esprit dépourvu de corps, c’était, eh bien… de ne pas avoir de corps. Il fallait constamment que je trouve à m’occuper si je ne voulais pas avoir l’impression de me trouver dans un caisson d’isolation sensorielle. Chacune de mes tentatives pour sourire, remuer ou froncer les sourcils avait connu le même sort : le sentiment d’avoir le visage anesthésié à la novocaïne. En ce qui concernait le reste de mon corps, j’avais l’impression d’être enfermé dans un morceau de coton géant. Je me demandais si ce n’était pas cette sensation qui était à l’origine des crises de démence des réplicants.

 

Page 144 : L’objectif de ma mission était de découvrir des planètes habitables, ou, à défaut, de trouver des planètes dont il serait possible de modifier l’environnement ou sur lesquelles il serait possible de vivre avec l’aide d’une assistance technique.

 

Page 257 : La planète était légèrement plus grosse que la Terre, mais sa pesanteur était plus faible, probablement à cause d’un noyau plus petit. Avec son atmosphère plus dense, c’était l ‘environnement idéal pour les créatures volantes et l’équivalent de grands arbres. Et ces derniers en avaient profité.

 

Page 289 : - Quinze millions de personnes. On est passés de douze milliards à quinze millions. Notre espèce est vraiment la plus bête que je connaisse. On ferait peut-être mieux de les laisser mourir et de tout recommencer à zéro.

 

Page 352 : Je me frottais le front. La facilité avec laquelle certains parvenaient à transformer n’importe quelle ânerie dogmatique en mouvement politique ne cesserait jamais de me surprendre.

 

 

 

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Mon avis : Quality Lande 2.0 – Marc-Uwe Kling

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Juliette Aubert-Affholder

 

Éditions Actes Sud

 

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Quatrième de couverture :

Chaque mois est le plus chaud depuis le début des enregistrements météo, un billionnaire rêve de devenir président, sans oublier cette histoire de Troisième Guerre mondiale. Peter Chômeur, qui peut enfin travailler comme thérapeute pour machines, tente de résoudre les problèmes sentimentaux d’appareils électroménagers. Kiki Inconnue fouille dans son passé et se prend la tête avec un tueur téléguidé. Last but not least, tous les drones ont un comportement plutôt étrange ces derniers temps… Bienvenue à QualityLand 2.0, la suite de la dystopie la plus drôle du moment.

À propos de Quality Land :

« Marc-Uwe Kling nous régale d’une satire irrésistible sur un futur aseptisé et aliénant dominé par les algorithmes et les robots. […] C’est un peu comme si Orwell avait été revisité par Mel Brooks. »

Livres Hebdo

Marc-Uwe Kling est écrivain, auteur-compositeur et cabarettiste. Quality Land a connu un vif succès international, touchant plus d’un million de lecteurs.

 

 

Mon avis :
 

Après avoir passé un excellent moment avec le premier tome qui a réussi a beaucoup m'amuser tout en mettant l'accent sur la déconfiture de notre (presque) future société hyper connectée, quoi de plus naturel que d'avoir envie de poursuivre avec le Tome 2 !? le fait est que je n'ai pas eu envie de quitter cet univers complètement azimuté tout de suite ! Je m'y suis sentie tellement bien ! Comme quand j'ai lu, il y a longtemps, la trilogie de Douglas Adams, le guide du routard galactique, qui était complètement loufoque aussi et très drôle… aussi.

Hommes-lézards extraterrestres, complotisme en tout genre, l'auteur s'amuse et nous amuse avec toutes les imbécilités qu'on peut croiser, puissance 10 depuis internet.
Dérèglement climatique, conférences bidons à répétition sur le climat, sexisme, surveillance de tout un chacun, droit à l'oubli, hyper profits et grande pauvreté, les sujets traités sont multiples et tellement actuels. Il est même question d'
Elon Musk ! Oui, oui…
Et comme dans le premier tome, c'est bourré de références à la mythologie, à la SF, au cinéma, à la littérature, et tout ça bien sûr en mode satire sociale pleine d'humour.

Et qui est Kiki, cette personne étonnante, électron libre, totalement anticonformiste ? Kiki Inconnue, comme son nom l'indique, est un mystère… Elle-même cherche les origines de sa naissance.

J'ai encore beaucoup aimé l'incursion dans ce monde où tout n'est que superficialité et stupidité, où les gens se référent continuellement à internet pour savoir quoi faire et quoi penser.

Même si j'ai préféré le premier tome, je me suis beaucoup amusée avec ce second opus. Peut-être un troisième en préparation ??? La fin laisse supposer que c'est possible. J'espère…

Citations :

Page 35 : Certaines personnes sont persuadées que la Terre est creuse, alors qu’elles seules le sont.

 

Page 37 : Je serais donc une machine juive créée par des hommes-lézards extraterrestres et nommée d’après la mère islamique des croyants ?

 

Page 104 : - Les phénomènes météorologiques exceptionnels sont devenus si fréquents qu’on ne peut plus vraiment les qualifier d’exceptionnels.

- OK, OK, mais, mis à part les inondations, l’avancée des déserts, l’extinction des espèces et les conditions météo extrêmes, dit Tony, quels sont les vrais dégâts causés par le changement climatique ?

 

Page 152 : - Je repose donc ma question : cette Troisième Guerre mondiale était-elle bien nécessaire ?

- Eh bien, nos analystes travaillent encore sur les données pour analyser les répercussions de la décision des algorithmes de la Défense, réplique le général Drag Queen. À l’heure actuelle, nous pensons qu’il s’agit d’une cascade d’évènements provoquée par des facteurs déclenchants autonomes et variés, de notre part et de celle de nos adversaires, déclenchés réciproquement par leurs réactions déclenchées par le déclenchement desdits… facteurs déclenchants.

 

Page 272 : - Et si on luttait contre le travail plutôt que contre le chômage ? Demande Peter. Je ne sais pas ce qui est pire : le fait que tant de gens soient au chômage ou que la plupart des actifs aient un boulot de merde qui n’a aucun sens.

 

Page 321 : - Sauf votre respect, Tony, c’est une idée remarquablement stupide que je ne vais en aucun cas mettre dans votre discours. On ne pourrait même pas la placer sur une échelle allant de Trump à Einstein.

 

 

 

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Mon avis : Quality Land – Marc-Uwe Kling

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Juliette Aubert-Affholder

 

Éditions Actes Sud

 

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Quatrième de couverture :

Bienvenue à Quality Land, le pays de tous les superlatifs !
Tu vibres déjà ? Il y a de quoi ! Dans le futur, tout fonctionne à merveille : les algorithmes se chargent d'optimiser le travail, les loisirs et les relations. Quality Partner sait qui te correspond le mieux. Ton véhicule autonome sait où tu veux aller. Et si tu es inscrit sur The Shop, on t'envoie tous les articles que tu désires sans que tu aies besoin de les commander. Super pratique ! Plus personne n'est obligé de prendre des décisions difficiles - car à Quality Land, il n'y a qu'une seule réponse à toutes les questions : OK !
Pourtant, Peter Chômeur est taraudé par l'impression que quelque chose cloche dans sa vie. Si le système est vraiment si parfait, pourquoi trouve-t-on des drones ayant le mal de l'air ou des robots de combat souffrant de stress post- traumatique ? Pourquoi les machines sont-elles de plus en plus humaines et les humains, de plus en plus mécaniques ?
Dystopie réjouissante dans la veine de Kurt Vonnegut et Philip K. Dick, satire drôlissime - et un tout petit peu inquiétante - sur les promesses et les pièges du numérique, Quality Land a déjà conquis plus d'un million de lecteurs à travers le monde.


 

 

Mon avis :
Avant même le commencement de l'histoire, une petite note loufoque m'a dit que j'allais entrer dans un roman facétieux.
C'est complètement barré, c'est drôle et sarcastique, j'ai tout de suite adoré. Tous les travers de notre société superficielle de consommation sont épinglés avec une ironie mordante et jubilatoire. Et tout le monde en prend pour son grade, du plus petit anonyme jusqu'aux hommes politiques qui m'ont bien fait rire.


Marc-Uwe Kling nous entraîne dans cette société régie par les algorithmes, si proche de la nôtre, où ils pousse les aberrations à l'extrême pour le plus grand bien de nos zygomatiques. Dans ce monde tout est noté, jusqu'à notre valeur intrinsèque, et nous place sur une échelle qui va de l'individu inutile niveau 2 qui ne peut que souhaiter s'améliorer, jusqu'à ceux du niveau maximum, le 100 qui est le but à atteindre. Et bien sûr, nous sommes devenus un produit dans ce monde là. L'amour est devenu un produit. le couple est devenu un produit. L'espérance de vie est devenue un produit. Les bébés sont devenus des produit. TOUT, TOUT, TOUT y passe.

Quelques fortes têtes qui n'ont pas l'impression de correspondre à la place et aux désirs qu'on leur a assigné pourraient bien être les grains de sable qui vont enrayer la société parfaite qu'est 
Quality Land.
Tous les personnages sont savoureux, mais j'ai vraiment eu un faible pour Aïcha Femme-Médecin et son langage "fleuri", Peter Chômeur qui paraît complètement blasé, et John of US l'androïde, mais aussi le vieux et Kiki, l'insoumise… et puis les androïdes déglingués, tellement drôles !

Les clients One Kiss reçoivent régulièrement, via The Shop, des choses dont ils rêvent, avant même d'en avoir conscience. Peter Chômeur est souvent étonné de penser qu'il pouvait avoir envie de telle ou telle chose, jusqu'au jour où il reçoit quelque chose qu'il est sur de ne vouloir à aucun prix. Il décide donc de le retourner. Oui mais, plus facile à dire qu'à faire…

L'histoire est ponctuée de punchlines parfois d'une absurdité totale mais d'une drôlerie à tomber par terre.
Que penser d'une dystopie qui nous parle d'un futur tellement proche qu'on y est déjà jusqu'au cou ? Heureusement que l'auteur met en exergue tous les côtés ridicules et pitoyables de ce que nous sommes en train de devenir, ça offre quelques bons moments à se taper des fous rires salutaires.

Mais ce roman n'est pas qu'une grosse rigolade à nos dépens. Il nous instruit sur beaucoup de choses, qui vont de la position des lettres sur un clavier d'ordinateur au fonctionnement des sociétés nouvelles à travers les algorithmes et les publicités ciblées, jusqu'au fait qu'au départ, l'utilisation commerciale d'Internet était strictement interdite. On a aussi droit à un petit topo sur le cynisme du capitalisme. Bon ça, on sait mais personnellement je ne connaissais pas dans le détail. Et puis ça rappelle, des fois qu'on l'oublierait, à quel point on nous prend pour des cons ! Hélas, ça aussi on le sait bien…

 

Citations :

Page 107 : - Vous vouliez peut-être m’explique, dit Aïcha Femme-Médecin, comment vous en êtes venu à croire qu’un problème quelconque de votre insignifiante vie personnelle est plus important que le prochain président à la con de ce putain de pays !

 

Page 141 : « Chers humains, tout le monde parle d’un marché du travail en crise. Mais ce n’est pas une crise qu’on peut surmonter. Traiter les symptômes ne sert à rien. Vouloir le plein emploi est un mensonge. Cela n’arrivera plus jamais. Au contraire : le numérique, l’automatisation et la rationalisation suppriment de plus en plus d’emplois. Dans un autre système économique, ce serait une bénédiction ! Mais, dans le système actuel, tout le monde est forcé de se battre pour des emplois de plus en plus rares. De ce fait, on rétablit des formes d’exploitation et d’oppression qu’on croyait dépassées depuis longtemps.

 

Page 204 : Si le système te vois comme un loser qui passe ses journées à bouffer de la junk food et à regarder des films trash, il te proposera des films trash et t’inondera de publicités pour la junk food. Il te mettra en contact avec une partenaire qu’il classe au même niveau inférieur. Si tu cherches un appartement, il te proposera uniquement les taudis qu’il juge adaptés pour toi et, si tu cherches un emploi, il te cachera les offres pour lesquels il ne te considère pas qualifié.

 

Page 208 : Vivons-nous dans une dictature aux méthodes si subtiles que personne ne remarque que nous vivons dans une dictature ? Il en découle la question suivante : est-ce une dictature si personne ne remarque que c’en est une ?

 

 

 

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