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science fiction

Mon avis : Cadavre exquis – Agustina Bazterrica

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’espagnol (Argentine) par Margot Nguyen Béraud

 

Éditions Flammarion

 

Mon avis sur Insta c'est ici

 

Quatrième de couverture :

Un virus a fait disparaître la quasi-totalité des animaux de la surface de la Terre. Pour pallier la pénurie de viande, des scientifiques ont créé une nouvelle race, à partir de génomes humains, qui servira de bétail pour la consommation.
Ce roman est l'histoire d’un homme qui travaille dans un abattoir et ressent un beau jour un trouble pour une femelle de "première génération". Or, tout contact inapproprié avec ce qui est considéré comme un animal d'élevage est passible de la peine de mort. À l'insu de tous, il va peu à peu la traiter comme un être humain.

Le tour de force d’Agustina Bazterrica est de nous faire accepter ce postulat de départ en nous précipitant dans un suspense insoutenable. Roman d'une brûlante actualité, tout à la fois allégorique et réaliste, Cadavre exquis utilise tous les ressorts de la fiction pour venir bouleverser notre conception des relations humaines et animales.

Agustina Bazterrica est née à Buenos Aires en 1974. Cadavre exquis, son premier roman, a remporté le prestigieux prix Clarin en 2017.

 


Mon avis :
Et si l'horreur des abattoirs nous était contée en substituant des humains aux animaux !? Car des animaux, il n'y en a plus dans ce futur indéterminé mais les humains ne veulent pas renoncer à la viande. Alors des humains sont élevés et génétiquement modifiés pour être des animaux comestibles. Mais ont-ils une conscience animale ? Ou humaine ?? L'humanité pratique désormais le cannibalisme. Mais c'est un mot interdit. Il y a des mots convenables, hygiéniques, légaux, et ceux qu'il est interdit de prononcer sous peine de finir en steak. Voilà ce qu'est devenu le monde suite à la Grande Guerre Bactériologique qui a rendu les animaux impropres à la consommation et mené à leur extermination. D'ailleurs, dans ce monde affreux, est-ce qu'on ne mange que de la viande élevée pour ça ? Ou bien en mange-t-on parfois qui avait un nom et un prénom ?

Il n'y a pas que la viande, il y a aussi la peau, le cuir, que monsieur Urami détaille et j'ai trouvé ça presque plus glaçant que l'abattoir. Sans doute parce qu'il y a des antécédents dans l'histoire du XXe siècle, où de la peau humaine à servi à fabriquer des objets.
On est, avec cette histoire, instantanément dans un monde terrifiant. Que dis-je terrifiant !? Ce monde est absolument cauchemardesque !!!

Le fait que ce soient des humains qui sont débités en morceaux alimentaires dans les abattoirs met en évidence l'ignominie que cela représente, l'irrecevabilité de ce qu'on fait, pourtant on le fait, à très grande échelle, sur des êtres sentients.
Marcos Tejo occupe un poste à responsabilités à l'abattoir, avec une sorte de résignation et du dégoût car beaucoup de questions le taraudent. Dans cette société abjecte et hypocrite, les "humains" de boucheries sont appelés des "têtes", car personne ne voudrait manger ses semblables... non, non ! Donc on leur donne une appellation spécifique. Certains achètent des têtes pour chez eux, d'autres, chasseurs depuis toujours, n'ont pas renoncé à leur "distraction", il leur en faut pour faire des lâchers, et mettre des beaux trophées aux murs. Tout ce que notre époque fait de dégueulasse aux animaux, ce futur le fait à des humains déshumanisés destinés à l'abattage.
Et puis ce monde sans animaux est triste à mourir. Plus de chiens qui aboient, plus de crottes sur les trottoirs, plus d'animaux sauvages dans le zoo désaffecté. le monde tel qu'il était depuis des millénaires n'existe plus. Un triste monde sans animaux, sans chiens, sans chats à nos côtés.

Par moments l'autrice pousse le bouchon très très loin, il me semble, et pourtant je n'ai pas pu m'empêcher de me demander si c'était vraiment délirant d'imaginer ce qu'elle nous raconte. Car je pense que certains sont capables de démesure, que l'argent peut monter à la tête et laisser croire à ceux qui en ont trop que tout leur est permis. Des "maîtres du monde" qui disent et font n'importe quoi et nous amènent au bord du vide.

Ce roman m'en a évoqué deux autres sur ce thème, que j'avais beaucoup aimés aussi : 
Défaite des maîtres et possesseurs de Vincent Message, et Macha ou le IVe reich de Jaroslav Melnik, qui avaient la même puissance horrifique et m'avaient donné un terrible sentiment d'extrême vulnérabilité face à la férocité de mes semblables ou au fait d'être devenus des proies. J'ai trouvé l'angle choisi par Agustina Bazterrica vraiment très malin. C'est un gros coup de cœur pour moi même s'il m'a fait dresser les cheveux sur la tête. Un livre impossible à lâcher, jusqu'à la fin. J'aurais aimé qu'il dure beaucoup plus longtemps. Pourquoi ? Parce qu'en le lisant j'ai eu vraiment le sentiment que notre monde est encore beau, pour le moment, je me suis rendu compte de tout ce qu'on a à perdre et je l'ai trouvé encore plus beau. Hélas de moins en moins, et surtout, pas pour les animaux en général.

 

Citations :

Page 15 : Il se réveille le corps couvert de sueur car il sait que demain encore il devra abattre des humains.

Personne ne les appelle comme ça, pense-t-il, en s’allumant une cigarette. Lui non plus ne les appelle pas comme ça quand il explique le cycle de la viande à un nouvel employé. On pourrait l’arrêter à ce seul motif, et même l’envoyer aux Abattoirs Municipaux pour se faire transformer. « Assassiner » serait le mot exact, mais ce mot-là n’est pas autorisé.

 

Page 48 : Avant, ses chiens se précipitaient sur les voitures en aboyant. L’absence des animaux a fait place à un silence oppressant, mutique.

 

Page 76 : Il n’appelle jamais les vieux « papi » ou « mamie ».

Tous ne sont pas, ni ne seront, des grands-parents. Ce sont juste des vieux, des gens qui ont vécu longtemps, et dont ce sera, peut-être, la seule victoire.

 

Page 108 : Lui, il se demande toujours ce que ça doit faire de passer ses journées à mettre des cœurs humains dans des caisses. À quoi peuvent bien penser ces ouvriers ? Ont-ils conscience que ce qu’ils tiennent dans leurs mains étaient jusqu’à présent en train de battre ? Cela leur fait-il quelque chose ? Puis il pense que lui aussi passe ses journées à superviser un groupe de gens qui, sous ses ordres, égorgent, éviscèrent et découpent des femmes et des hommes sans y voir le moindre problème.

 

 

 

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Mon avis : Soleil vert – Harry Harrison

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’américain par Sébastien Guillot

 

Éditions J’ai Lu

 

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Quatrième de couverture :

Tandis que l'humanité s'apprête à entrer dans le troisième millénaire, la surpopulation est devenue telle que les ressources naturelles ne suffisent plus à couvrir ses besoins. La nourriture et l'eau sont rationnées, il n'y a plus de pétrole, plus guère d'animaux. Trente-cinq millions de New-yorkais, pour la plupart sans emploi ni logement, se battent pour survivre. Andy Rush a un travail, lui. Tous les jours, avec les autres policiers de sa brigade, il part disperser les émeutes de la faim qui se produisent lors de chaque nouvelle distribution de nourriture de synthèse.
Alors, qu'importe si un nabab aux activités louches s'est fait descendre ? S'il parvenait à attraper le meurtrier, Andy le remercierait presque pour services rendus...


 

 

Mon avis :
Dans un futur proche, New-York en 1999. Trente cinq millions d'habitants, canicules, sécheresses, pénuries d'eau, nappes phréatiques dangereusement basses, rationnement. C'est dans ce contexte que vit et travail Andy Rush, policier.
Les gens ont faim, ont soif et sont sales car il n'y a pas assez d'eau...
Une époque où il n'existe plus que trois gros cétacés encore en vie dans les océans.

Dans ce futur sinistre, Andy Rush doit résoudre un meurtre, celui d'un sale type qui traficotait on sait quoi et dont tout le monde se fout mais dont les possibles raisons semblent inquiéter quelqu'un quelque part.

J'ai vu le film 
Soleil vert avec Charlton Heston quand j'étais adolescente et je me rappelle que j'avais aimé. Mais finalement, le roman évoque vaguement une enquête policière dans une société dystopique. Je dis vaguement car on n'en suit pas réellement l'évolution. Il s'agit là plutôt de suivre la vie et les difficultés de Andy, de Sol son vieux colocataire, et de Shirl, la beauté qui vivait avec l'homme assassiné, mais aussi de la population. Il s'agit là d'une société d'assistés à qui on distribue eau et nourriture, mais en trop petites quantités, ce qui amène à des émeutes terribles, réprimées dans une extrême violence.
L'auteur avait assez bien imaginé l'avenir avec ce roman écrit en 1966. Pénuries de tout, surpopulation (sept milliards d'humains sur terre), pollution et grande misère, cupidité et égoïsme des dirigeants, destruction systématique des ressources et des espèces et donc de notre capacité à survivre, et droit à l'avortement problématique dans cette société puritaine.
C'est un roman qui se lit bien, pourtant il ne s'y passe pas grand-chose. Écrit en 1966 ce récit disait ce qui nous attendait, et il y a pourtant encore des politiciens qui osent dire "on pouvait pas prévoir".

Ce roman parle de l'aveuglement de l'humanité et de sa stupidité à scier la branche sur laquelle nous sommes assis, et du grand malheur de tout ce qui faisait la beauté de la Terre, sa faune, sa flore, ses ressources naturelles, que nous pillons sans vergogne depuis un peu plus d'un siècle. Mais rien à voir avec le film du même nom, ou si peu... Pourquoi le roman s'appelle 
Soleil vert ? Mystère...

 

Citations :

Page 42 : Mettre la main sur de l’argent liquide n’avait rien de facile, or l’argent liquide était la seule chose qui comptait. Sa famille n’en voyait pas la couleur à la maison. Les cartes d’Allocation se chargeaient de tout, elles faisaient en sorte de vous garder juste assez vivant pour que vous détestiez être en vie.

 

Page 135 : Mon père avait des pompes dans son ranch, et il ne prêtait pas beaucoup d’attention aux géologues qui lui expliquaient qu’il utilisait de l’eau fossile, de l’eau qui avait passé des millénaires dans le sol. Ça fait pousser les légumes aussi bien, voilà ce qu’il n’arrêtait pas de répéter. Mais il ne devait pas en rester beaucoup, parce qu’un jour l’eau fossile a tout simplement cessé de couler, et la pompe de fonctionner. Je n’oublierai jamais cela, nos arbres qui mouraient sans qu’on puisse faire quoi que ce soit.

 

Page 270 : Tu sais aussi bien que moi que la contraception n’a rien à voir avec le fait de tuer des bébés. En réalité, ça en sauve. Quel est le plus grand crime — laisser des gosses mourir de maladie ou de la famine, ou bien faire en sorte que ceux qui n’étaient pas désirés ne viennent tout simplement pas au monde ?

 

Page 275 : Un couple marié aura-t-il un, deux ou trois enfants — ce qu’il faudra pour maintenir une population mondiale constante, et garantir à tous une vie pleine d’opportunités ? Ou en aura-t-il quatre, cinq ou six, sans se soucier de les condamner ainsi à la faim, au froid et à la misère ? Comme dans ce monde là dehors, ajouta-t-il en pointant un doigt vers la fenêtre.

 

 

 

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Mon avis : Furie – John Farris

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’américain par Gilles Goullet

 

Éditions Gallmeister - Totem

 

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Quatrième de couverture :

Gillian Bellaver, 14 ans, grandit dans l’une des plus riches familles au monde. Robin Sandza est le fils d’un tueur professionnel à la solde du gouvernement.
Ces adolescents semblent n’avoir rien en commun. D’ailleurs, ils ne se connaissent m
ême pas. Pourtant, tous deux partagent d’effrayants dons psychiques, capables de mettre en danger l’humanité tout entière. Alors que les membres d’une organisation gouvernementale se lancent sur la piste de Gillian et Robin pour découvrir l’origine de leurs mystérieux pouvoirs, Peter Sandza doit utiliser tous ses talents pour protéger son fils. Et la furie n’épargnera personne.


 

 

Mon avis :
Le début du roman nous énumère une liste d'adolescents longue comme le bras, tous plus névrosés les uns que les autres. La grande question est : sont-ils stressés par la vie à New-York ou par la société moderne ? Ou par le fait qu'ils sont des gosses d'hyper riches ? Plus assez de repères, aucun rites de passage à quelque âge que ce soit, et les voilà tous complètement flippés.

Énormément de personnages défilent et on se doute que tôt ou tard ils vont tous avoir des liens, voire des interactions. Il faut juste rester concentré pour ne pas perdre le fil.
Un Nouveau Peuple est en train d'apparaître partout sur Terre. J'adore l'idée que quand nous rêvons ce ne sont pas des rêves mais autre chose et que nous l'ignorons.
Incubes, succubes, démons de l'éther, dimensions parallèles, télépathie, télékinésie, don de prescience et réincarnation, tout ce que j'aime, tout ce que j'ai aimé lire pendant longtemps. Je me suis laissé emporter dans l'histoire avec nostalgie, bonheur et fascination.

Robin et Gillian, tous deux âgés de quatorze ans, ont des pouvoirs. Robin le sait, Gillian l'ignore. Robin connaît Gillian, mais Gillian ignore qu'elle connaît Robin. Évidemment ils vont devenir des proies, mais ceux qui veulent leur mettre la main dessus savent-ils à quoi ils ont réellement affaire ? Les risques qu'ils encourent ?

Ce roman m'a tout de suite rappelé ceux que je lisais à l'adolescence, et pour cause, ça se passe dans les années 70. D'ailleurs il m'a fait penser aux vieux 
Stephen King ou Dean Koontz et d'autres dont j'ai oublié les noms. Est-ce un moment de nostalgie ? En tout cas j'ai aimé bien que la chronologie m'ait laissée un peu perplexe au début... l'histoire commence en 1976, puis au chapitre 5 on est en 1972 et au chapitre 12 en 1975 alors qu'entre les deux j'avais cru revenir en 1976. Cela dit, ça ne m'a pas plus dérangée que ça car j'ai vraiment aimé cette histoire dont le rythme et l'intérêt ne faiblissent jamais. J'ai aimé l'aspect paranormal, les complots et le côté espionnage avec des grands méchants d'organisations secrètes toutes puissantes et tentaculaires, prêtes à tout pour mettre la main sur des êtres d'exception. le petit côté vintage de l'histoire m'a beaucoup plu !
Il y a deux autres tomes qui hélas ne semblent pas avoir été publiés chez Gallmeister.

 

Citations :

Page 22 : Avant, il fallait marcher deux cents mètres pour rejoindre le bord de l’eau. Vrai de vrai ! Quand j’étais gamine, la plage resplendissait, et maintenant elle est toute salopée par le goudron des pétroliers. Et quand les océans auront disparus, elle va devenir quoi, l’humanité ?

 

 

 

 

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Mon avis : Prime time – Jay Martel

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’américain par Paul Simon Bouffartigue

 

Éditions 10-18

 

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Quatrième de couverture :

Souriez, vous êtes filmés !

 

Scénariste raté et enseignant usé, Perru Bunt rêve d’Amanda. Mais Amanda a un secret : Galaxy Entertainement. Les Terriens sont les stars idiotes de l’émission de téléréalité la plus populaire du cosmos ! Sauf que l’audience est en berne, la production arrête le show, mais en beauté, sur un dernier épisode fou : la fin du monde. Un homme peut encore sauver la planète : Perry Bunt. Cocktail explosif entre SF et humour acide, The Truman Show et Le guide du voyageur galactique de Douglas Adams, voici un roman imprévisible et déjanté : é-p-a-t-a-n-t.

 


Mon avis :
Dès le prologue je me suis marrée ! C'était bon signe.
Ce roman part d'une idée intéressante à mon goût : et si nous, les humains, n'étions pas du tout ce que nous croyons être, c'est à dire des êtres pensants ayant un libre arbitre... mais en réalité une émission de télé-réalité, regardée dans l'univers. Nous nous comportons en maîtres et possesseurs mais des individus plus évolués, vivant sur d'autres planètes, nous regardent et se marrent devant ces êtres (nous) qui vivent dans ce flot ininterrompu de violence et de bêtise.

On est dans de la science fiction bourrée d'humour, qui se paie la tête des terriens, traite des programmes de télé-réalité et de notre propension à l'autodestruction et tout un tas de choses débiles qui font de nous des êtres humains. C'est très bien vu, très drôle, et même carrément jubilatoire. 
Jay Martel a un humour qui fait mouche, des vannes qui m'ont cueillie quand je ne m'y attendais pas et m'ont fait beaucoup rire.

Perry Bunt, obscure petit prof à la fac et scénariste, est persuadé d'avoir un avenir radieux et qu'un jour la roue va tourner. Mais alors qu'il végète dans sa petite vie insipide, voilà qu'il arrive par hasard dans un endroit où il n'aurait jamais dû mettre les pieds et qu'il voit des choses qu'il n'aurait jamais dû voir. Et sans que rien ne l'y ait préparé il va devoir endosser le costard de sauveur de l'humanité. S'ensuivent de nombreuses péripéties désopilantes, car sauver une espèce qui excelle dans le sabordage n'est vraiment pas une sinécure.

Cette histoire et son humour déjanté m'a rappelé une trilogie que j'ai lu à 20 ans, que j'avais adorée, qui aux Éditions Denoël collection Présence du Futur s'appelait le guide du routard galactique. Depuis le mot routard à été remplacé par voyageur dans les rééditions. C'était drôle et loufoque, comme ici sauf que la fin du monde avait eu lieu.

L'idée générale m'a plu aussi parce que, quand j'étais petite, je m'étais demandé si nous étions réels ou bien un film que des tas de gens regardaient. Et puis, sommes-nous seuls dans l'univers ??

Jay Martel se moque de nos travers, de nos sociétés, de nos croyances et de nos envies de quart d'heure de célébrité. Tout le monde en prend pour son grade, tout passe à la moulinette comme l'eugénisme, la religion, le terrorisme, le côté Big Brother qui règne un peu partout. Et alors que ce roman est paru il y a neuf ans, il est d'une actualité folle au regard de tous les conflits qui éclatent un peu partout, des inégalités de plus en plus aberrantes, de la destruction du vivant qui n'a jamais été aussi intense. C'est comme si cette histoire venait juste d'être écrite, basée sur les infos quotidiennes.
L'humour caustique est libérateur. Il fait rire avec des choses d'une infinie tristesse... comme la bêtise, la haine et les lois stupides. Perry Bunt est inénarrable en loser magnifique. J'ai vraiment beaucoup ri !

 

Citations :

Page 15 : Pendant un moment, Perry avait continué à travailler dans le secteur du divertissement. Dans Salut les fiancés !, une émission qui envoyait des couples récemment fiancés sur une île des tropiques, il devait imaginer des moyens de les faire rompre. Écœuré par cette expérience, il démissionna au bout de deux épisodes en se jurant de ne plus jamais travailler pour de la prétendue télé-réalité.

 

Page 30 : Perry rentrait chez lui : un immeuble stuqué, bâti à la hâte, en haut de Ventura Boulevard, et baptisé, avec un humour totalement involontaire, les Jardins de Wellington. Perchés pour quelques temps encore, sur le flanc abrupt d’une colline qui surplombait une faille sismique majeure, ces « Jardins » en décrépitude faisaient partie des nombreux lotissements du coin où habitaient ceux dont la chance avait tourné ou encore trop jeunes pour faire autrement.

 

Page 79 : En fait, elle aimait ces Terricules qui se tuaient littéralement à escalader de hautes montagnes, à plonger au fond des océans ou à marcher sur des fils tendus à des hauteurs impossibles. Et pourquoi faisaient-ils tout ça ? Étaient-ils traqués par des prédateurs ? Y avait-il quelque chose d’indispensable à leur survie au sommet de ces montagnes ou au tréfonds de ces océans ? Non — ils le faisaient sans raison. S’ils accomplissaient tous ces exploits, c’était uniquement parce qu’ils voulaient se prouver qu’ils étaient capables de le faire.

Comment ne pas aimer des gens pareils ?

 

Page 89 : — Au début du programme, les gens voulaient toujours plus de Terre. Ils vous adoraient parce que vous étiez naïfs, stupides et égoïstes, parce que vous vous entretuiez, parce que vous mangiez vos congénères mammifères, parce que vous faisiez la guerre pour des cailloux que vous trouviez dans le sol.

 

Page 256 : C’était toujours aussi désagréable que dans ses souvenirs : cette bizarre sensation d’une bouche contre une bouche, cet inévitable échange de salive, ce problème de souffle, cette soupe primordiale de langues qui dardaient comme des créatures aquatiques unicellulaires s’entrechoquant dans les ténèbres. Elle remarqua néanmoins que c’était tout à fait différent d’être celle qui embrasse et non l’embrassée. C’était tout aussi grotesque, assurément, voire davantage, mais également plus obscène et — elle ne trouvait pas d’autre mot pour décrire la chose — plus fascinant.

 

 

 

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Mon avis : Wayward Pines épisode III : Destruction – Blacke Crouch

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Patrick Imbert

 

Éditions Gallmeister - Totem

 

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Quatrième de couverture :

Voilà trois semaines que l’agent Ethan Burke est arrivé à Wayward Pines, Idaho. Dans cette bourgade, les habitants se voient assigner un logement, un travail et parfois même leur conjoint pendant qu’à l’école, on apprend à leurs enfants que David Pilcher, le fondateur de la communauté, est leur Dieu. Bien entendu, personne n’est autorisé à quitter la ville, cernée par une immense clôture électrifiée. Ethan, lui, a découvert ce qui rôde au-delà de l’enceinte qui isole Wayward Pines du monde extérieur. C’est précisément cette menace qui est maintenant sur le point de submerger la ville et peut-être même d’annihiler l’humanité toute entière.


 

 

Mon avis :
Et enfin le troisième et dernier tome ! Je devrais peut-être plutôt dire hélas car j'ai adoré et quand c'est fini, ben... c'est fini.
Ce troisième opus commence par des remords, un énorme fardeau de culpabilité, le sentiment d'avoir condamné tout le monde, la sensation que toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire. Et puis alors, c'est gore !!!

On se trouve confronté à un bain de sang, la lutte pour la survie dans quelque chose qui ressemble furieusement à la guerre, c'est totalement terrifiant avec bien sûr un gros suspense. Il y a quelque chose de désespéré là, et en même temps ça semble être un booster. Car, à partir du moment où ça ne peut pas être pire, on peut espérer une amélioration, même légère. Et parfois, l'énergie du désespoir fait des miracles...
Et là, ben je ne peux plus rien dire. Parce que si je dis quoi que ce soit de plus, je spoile... À part que, il y a une tension et de l'action non-stop du début à la fin, que c'est une course à la survie, déchaînée, éperdue, acharnée. Sans oublier qu'il faut beaucoup de force pour rester à sa place d'être humain et ne pas se laisser griser par un pouvoir illusoire.

La fin m'a scotchée, ébouriffée, surprise au plus haut point ! Je ne m'y attendais pas, mais alors pas du tout !
Et bien sûr j'ai adoré ce troisième tome, et évidemment je ressens déjà un manque... J'aimerais tellement que toutes mes lectures soient aussi trépidantes et addictives. C'est pas tous les jours qu'on dévore une trilogie à cette vitesse, oubliant le besoin de sommeil et même qu'il est l'heure de partir travailler.

 

Citations :

Page 20 : Vous mesurez ce que nous avons accompli ? Nous venons de réussi le voyage le plus dangereux, le plus téméraire de toute l’histoire de l’humanité.

 

Page 59 : Dans le monde d’où nous venons, notre existence était si facile. Et si peu satisfaisante, justement à cause de cette facilité. Où trouver du sens quand on est seul parmi sept milliards ? Quand la nourriture, les vêtements, tout ce dont on a besoin nous attend au supermarché du coin ? Quand on s’abrutit devant des écrans et des divertissements en haute définition, le sens de la vie, le but de l’existence, se perd complètement.

 

Page 106 : La vieille femme était assise dans son fauteuil inclinable en cuir, repose-pieds bien en place, plateau-repas sur les genoux. À la lueur d’une bougie, elle retournait des cartes, une partie de réussite à moitié terminée.

Dans la maison d’à côté, ses voisins agonisaient.

Elle fredonnait à voix basse.

 

Page 120 : Pilcher porta une bouteille de whiskey à sa bouche, millésime 1925, se demandant quoi penser de la situation. Il y avait des précédents, bien sûr. Quand les enfants de Dieu se rebellaient, Dieu n’hésitait pas à les punir avec fermeté.

Une voix douce, celle-là même qu’il avait appris à ignorer il y a longtemps, coupa à travers le vent de folie qui soufflait dans son crâne : Tu te prends vraiment pour leur Dieu ?

 

Page 136 : J’aimerais vivre dans un monde où les actions se masure à l’aune des intentions qui les animent. Mais la vérité, c’est que seules leurs conséquences comptent.

 

Page 206 : Derrière les portes vitrées, Ethan vit un autre garde courir dans le couloir.

Il était vêtu de noir, armé d’un Taser, d’un pistolet, d’une mitraillette et de testostérone.

 

 

 

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Mon avis : Wayward Pines épisode II : Rébellion – Blacke Crouch

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’américain par Patrick Imbert

 

Éditions Gallmeister - Totem

 

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Quatrième de couverture :

Bienvenue à Wayward Pines, 461 âmes. Nichée au cœur des montagnes Rocheuses, la petite bourgade passerait pour idyllique si ce n’était la clôture électrifiée qui l’entoure, la télésurveillance incessante et la puce électronique implantée de force à chaque habitant. Aucun de ces résidents ne sait d’ailleurs comment il est arrivé là. Certains pensent qu’ils sont morts, d’autres qu’ils sont piégés dans une expérience scientifique, tous rêvent secrètement de s’échapper. Ethan Burke, le nouveau shérif, est l’un des rares à connaître la vérité. Une vérité tellement insupportable qu’il ne sait comment en libérer les habitants, parmi lesquels sa femme et son fils.
 

 

Mon avis :
Voici la suite, le tome 2 de Wayward Pines que j'ai enchaîné aussitôt après avoir refermé le 1, dont on ne peut absolument rien dire au risque de spoiler car la fin du premier tome nous offre une grosse révélation. C'est juste une série totalement addictive, qui se dévore et fait enchaîner les suites... Car le 2 est aussi palpitant que le 1.
Seules questions en commençant, que va-t-il se passer maintenant qu'on sait ? Y a-t-il le moindre espoir, même ténu ? Et ces "fêtes" dont il est question ? Et la psychologie des habitants, dont on suppose qu'il faut se méfier... Et le désir de vivre, peut-il perdurer ? Et les aberrations ? Et la liberté ? Et l'avenir ? Et, et, et...

De nouveaux éléments arrivent ou se mettent en place, qui nous réservent des surprises, et en tout cas des questionnement, qui créent un vrai suspense. Jamais à cours d'idées, l'auteur nous emporte dans cette histoire folle et oppressante. Pourtant l'espoir est dans la nature humaine, qui fait faire des folies parfois. Mais comment supporter la vie dans cet endroit si l'espérance d'un futur lumineux n'existe pas ?
Bien sûr ça évoque des références télé ou littéraires, le prisonnier (série cauchemardesque que je détestais quand j'étais petite), où 1984 de Orwell. Cependant l'histoire passe un cran au dessus dans l'inacceptable à mon goût.

Une phrase du poème de 
Victor Hugo "Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent" correspond totalement à ce que j'ai ressenti pendant cette lecture : "Car le plus lourd fardeau, c'est d'exister sans vivre".
J'ai vu dans cette histoire un parallèle avec nos sociétés, où les dirigeants prétendent vouloir notre bien, en nous faisant du mal. Ou alors peut-être que le pouvoir rend mégalo. Ou au contraire faut-il être mégalomane pour désirer le pouvoir ? Mais il est aussi question de l'inconséquence et de l'aveuglement, sans doute même de l'égoïsme à ne pas vouloir penser aux répercutions de nos actes.

Ce deuxième opus se termine sur un gros cliffanger, et bien entendu... SUS AU TROISIÈME !!!

 

Citations :

Page 37 : Chaque jour me rappelle combien nous sommes vulnérables, dans cette vallée. Notre existence est ténue, fragile. Et vous, assis là, vous me regardez comme si je dirigeais la police de la pensée ou les Khmers rouges.

 

Page 111 : Le concept d’animation suspendue n’appartient pas à la science du XXIe siècle. Nous n’avons rien inventé. Il appartient à la nature elle-même, comme tous les grands mystères de l’univers. Voyez la graine de lotus. Elle germe encore, mille trois cents ans plus tard. On a découvert dans de l’ambre des bactéries datant de plusieurs millions d’années, parfaitement conservées, parfaitement viables.

 

Page 220 : Laisser partir ses enfants est la meilleure chose qu’on puisse faire pour eux. Et la plus difficile.

 

 

 

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Mon avis : Wayward Pines épisode I : Révélation – Blake Crouch

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’américain par Patrick Imbert

 

Éditions Gallmeister - Totem

 

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Quatrième de couverture :

L’agent fédéral Ethan Burke reprend conscience, seul et blessé, en pleine rue à Wayward Pines, petite bourgade tranquille de l’Idaho. Partiellement amnésique, il se souvient être à la recherche de deux autres agents mystérieusement disparus dans la région. Il se rend vite compte qu’il n’a plus de papiers, ni de téléphone et, en dépit de ses efforts, il ne parvient à joindre ni sa femme, ni son supérieur, ni personne du monde extérieur. Il y a vraiment quelque chose de bizarre à Wayward Pines, comme chez ses habitants. Lorsqu’Ethan découvre le cadavre horriblement mutilé de l’un des agents qu’il recherchait, l’étrangeté cède la place à un danger mortel. C’est maintenant sûr, il y a quelque chose de pourri à Wayward Pines.


 

 

Mon avis :
Dès les premières lignes ça sentait le page turner à plein nez. Et !!!... oui ! C'était bien ça !! Un homme blessé reprend connaissance entre une rivière, un terrain vague et une aire de jeu. Il n'a ni papiers, ni clés, ni portable. Il souffre terriblement et ne se rappelle pas qui il est. Peu à peu des bribes de souvenirs lui reviennent, il est inquiet sans réellement savoir pourquoi. J'avoue que l'inquiétude m'a rapidement gagnée car tout est étrange et malsain dans la petite ville de Wayward Pines. L'agent fédéral Ethan Burke semble coincé dans ce drôle d'endroit qui a l'air coupé du monde extérieur. Comme si, ne voulant pas de lui on l'empêchait néanmoins de partir. Ça ressemble à un cauchemar où rien n'a de sens. Oui, c'est un endroit réellement cauchemardesque.

C'est véritablement un roman à nuit blanche. Parce qu'il fait peur ? Non... Il est tellement palpitant qu'on n'a pas envie de s'arrêter.
En réalité, on ne peut pas dire grand chose sur ce livre sans risquer d'en dévoiler trop, car tout n'est que suspense et faux semblants, duplicité et manipulation dont on craint que ce soit à tous les niveaux, et une chronologie plus qu'étrange. On ne sait pas qui est potentiellement ami ou ennemi. C'est assez oppressant. Une chose est sûre, ce roman m'a avalée, totalement embarquée, submergée, comme un raz de marée.
J'ai adoré ? OUI !!! Absolument ! Et la fin, c'est tout ce que j'aime !! Et je vais immédiatement me précipiter sur la suite...

 

Citations :

Page 41 : Une sorte de cité platonicienne idéale. Il ne devait pas y avoir plus de cinq à six cents habitants. Ethan se demanda ce qui les avait amenés ici. Combien avaient découvert Wayward Pines par accident ? Combien en étaient tombés amoureux ? Combien avaient décidé de s’y installer ? Combien y étaient nés, combien n’étaient jamais partis ?

 

Page 330 : Depuis la révolution industrielle, nous traitons notre environnement comme une rock star sa chambre d’hôtel. Mais nous ne sommes pas des rock stars. En matière d’évolution, nous restons une espèce fragile, faible.

 

 

 

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Mon avis : De l’espace et du temps – Alastair Reynolds

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’anglais par Laurent Quessy

 

Éditions Le Bélial

 

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Quatrième de couverture :

Mars, d’ici deux décennies…
Au début, ils ont cru pouvoir y échapper. Jusqu’à ce que la Catastrophe, un virus militarisé qui a fauché l’humanité en un temps record, frappe la colonie à son tour. Aussi, depuis qu’il a inhumé Katrina Solovyova, John est seul, il ne reste plus que lui. Lui et Pavonis Mons, qu’il contemple à travers une baie blindée. Et aussi ce mystérieux piano blanc, un Bösendorfer — et ce non moins mystérieux musicien excentrique aux lunettes ridicules qui lui parle parfois… Que faire, lorsque vous êtes l’ultime représentant de votre espèce ? En finir une bonne fois pour toutes ? Ou entreprendre la plus magnifique des quêtes, la plus vertigineuse, la plus sidérante des aventures ? John Renfrew est le dernier être humain. Le dépositaire de l’esprit de découverte et de la soif de savoir de l’humanité tout entière. Et il a un univers à explorer.


 

 

Mon avis :
Un homme se retrouve seul sur Mars après avoir enterré Katrina Solovyova sa derniere collaboratrice de l'espace, morte d'un virus militarisé, comme tout le reste de la colonie mais aussi comme toute l'humanité. Ça engendre instantanément un indicible et terrifiant sentiment de solitude et de vide. Car comment ne pas perdre la raison quand on est le dernier représentant de son espèce dans l'univers ? C'est vertigineux. Sauf que l'espoir qu'il reste quelque part sur terre, ne serait-ce qu'une poignée d'humains, est une lueur dans les ténèbres.

John Renfrew est sur une corde raide au dessus de l'abîme, entre espoir et envies de suicide. Il a cependant une compagnie, une personne à qui parler, car il y a un individu sur la base, un pianiste holographique et son piano. Existe-t-il seulement cet étrange personnage ou est-ce une construction de l'inconscient de John ?
On dit que l'espoir fait vivre... il donne la force de lutter. Mais se peut-il que trop d'attentes aient l'effet inverse lorsqu'elles sont déçues ? La solitude absolue et définitive est un gouffre sans fin.

Quelques notions de physique quantique et de réalité générale m'ont un peu perdue, mais pas longtemps. Car en fait c'est génial ! Je me suis demandé tout le long, fantasmes ? Folie ? Ou peut-être réalité !? Fait-il un voyage intérieur de sa vie telle qu'elle pourrait être ou bien est-ce réel ? C'est une histoire qui va crescendo à tous les niveaux, nous entraînant dans une accélération ébouriffante jusqu'au final.

 

Citations :

Page 28 : Le colon s’exprimait alors à voix haute, se soulageant des idées qui le hantaient depuis la dernière visite. Il racontait à l’artiste ses problèmes avec la base, l’entretenait de sa solitude, du désespoir qu’il ressentait à chaque échec de l’antenne à capter un signal de la Terre.

 

Page 30 : Et s’il y avait quelqu’un d’autre là-bas ?

En quoi cela changerait-il son ressenti ?

À moins qu’il n’y ait en définitive personne dans cette immensité : rien que des années-lumière de néant, des parsecs et des mégaparsecs inhabités jusqu’aux plus lointaines et insignifiantes galaxies vacillant tout au bout de l’univers visible ?

Comment se sentirait-il alors ?

Transi. Seul. Fragile.

Étrangement précieux.

 

Page 38 : Des récits de voyages… des biographies historiques… des atlas et des livres d’histoire naturelle… rien que des bouquins qui me rappellent ce que je ne reverrai jamais. Plus de pluie torrentielle. Plus jamais d’oiseau, d’océan, de...

 

 

 

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Mon avis : Les Abysses – Rivers Solomon

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Francis Guévremont

 

Éditions Aux forges de Vulcain

 

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Quatrième de couverture :

Lors du commerce triangulaire des esclaves, quand une femme tombait enceinte sur un vaisseau négrier, elle était jetée à la mer. Mais en fait, toutes ces femmes ne mouraient pas. Certaines ont survécu, se sont transformées en sirènes et ont oublié cette histoire traumatique. Un jour, l'une d'entre elles, Yetu, va le leur rappeler.

 


Mon avis :
Yetu est historienne, et contre son gré elle seule détient la mémoire des Wajinrus, peuple des abysses un peu sirènes et un peu autre chose, car elle a été désignée pour ça. Pour les délester de l'immense douleur des souvenances, un seul être porte ce fardeau. Une fois par an, la cérémonie du Don de Mémoire lui permet de s'en extraire quelques instants en la partageant avec ses semblables. Car elle vit en partie avec les souvenirs des morts, de leurs souffrances avant, pendant et après. Durant cette cérémonie, les Wajinrus recouvrent la mémoire de qui ils sont, de pourquoi ils sont là, vivant au fond des mers dans les ténèbres abyssales, des souffrances qui les ont amenés là, tandis que l'historienne est provisoirement libérée de l'horreur de tous ces souvenirs. Chez ce peuple là, un seul individu se souvient de tout afin que les autres puissent vivre ignorants et heureux, sauf le jour de ce rite.

Ce récit nous raconte, lorsque le "je" devient "Nous", comme le ferait quelqu'un qui transmet le savoir, l'histoire d'un petit peuple étrange sans mémoire, depuis sa genèse. Étonnamment il a fait surgir en moi les images sous-marines du film d'animation Ponyo sur la falaise des studios Ghibli, sans doute par la poésie qu'il dégage.

Peu à peu, en parcourant les océans, nous découvrons l'histoire des Wajinrus nés de la cruauté des hommes, leur origine et l'horreur des prémices, et pourquoi un seul détient la mémoire.
Mais comment vivre avec une mémoire parcellaire, qui vient par bribes et disparaît aussi vite qu'elle est apparue ?

Il y a quelque chose d'étrange, ouaté et onirique dans cette histoire un peu lente. Ce roman parle de souvenirs douloureux, du devoir de mémoire, du refus parfois de se rappeler le passé car trop laid, trop inacceptable, et du coup, du déni, mais aussi du désir d'émancipation d'une charge trop lourde jamais demandée et d'un besoin irrépressible de liberté. Et ce mot qui revient sans cesse, mémoire, mémoire, mémoire... comme un mantra, comme le tic tac d'une horloge, le son d'une goutte après l'autre, obsédant. Et puis un sentiment d'impénétrabilité de l'abîme que sont les océans, une sensation d'infinité qui donne le vertige. Car, les scientifiques le disent, nous connaissons mieux l'espace et les étoiles que les ténèbres des fonds marins...

Que peut-il y avoir de plus terrifiant et douloureux que d'être jetée d'un bateau en pleine mer, dans cette immensité liquide qui avale tout ?
J'ai eu des moments de doute quant à ce que cette histoire essayait de me dire. Mais je crois avoir compris que l'union fait la force, mais aussi qu'on ne peut pas se construire sans savoir d'où on vient.

Une allégorie qui nous parle du commerce triangulaire en filigrane, la traite négrière comme on l'appelait, et qui restera une tâche sur la mémoire de l'humanité. Une tâche parmi tant d'autres. Il nous parle aussi d'altérité, nous dit que c'est l'ouverture aux autres et à la différence qui ouvre l'esprit et rend heureux.

 

Citations :

Page 26 : Normalement, les requins-lézards ne se contentent pas d’un si petit territoire, mais Anyeteket avait eu deux raisons de rester. Premièrement, elle n’avait probablement jamais oublié la pluie de corps qui s’était abattue dans ces parages, quand tous ces deux-jambes avaient été rejetés à la mer, plusieurs siècles auparavant. Les requins se nourrissent assez rarement de ceux qui vivent en surface, mais à chair donnée, on ne fait pas la fine bouche.

 

Page 36 : Elle était lasse, exténuée, non seulement depuis le dernier Don de Mémoire, mais depuis la fin de son enfance et le début de l’âge adulte. Les fatigues s’accumulaient, non ? Elle imaginait un navire ayant coulé, avec sa riche cargaison ; au fil des années, des morceaux s’en détachaient, comme des écailles mortes. Pourtant, Yetu n’était pas aussi solide que ces merveilles que fabriquaient les deux-jambes. Elle mourrait, et même les cadavres ne duraient pas éternellement.

 

Page 45 : La pression augmentait en elle car l’Histoire allait bientôt prendre toute sa place. Elle, et tout son peuple avec elle, nageaient dans une bulle d’agonie, incessante, ininterrompue.

 

Page 70 : Nous n’oublions pas que nous avons appartenu à un banc de baleines qui existait depuis des siècles et qu’un bref instant a suffi à détruire.

 

Page 152 : Qu’est-ce qui pourrait, sur la terre, se comparer à la puissance de l’océan ?

 

 

 

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Mon avis : L’une rêve, l’autre pas – Nancy Kress

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Claire Michel

 

Éditions Hélios

 

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Quatrième de couverture :

« Docteur… savez-vous combien j’aurais pu accomplir en plus si je n’avais pas dû dormir toute ma vie ? »

 

Alors que deux jumelles viennent au monde, l’une d’elles a été génétiquement modifiée pour ne plus avoir besoin de sommeil. Chaque jour, elle dispose de huit à dix heures en plus pour vivre et découvrir le monde… Des heures qui feront aussi d’elle un être à part.

 

Dès lors, comment trouver sa place dans une société qui n’est plus la vôtre ?

 

Nancy Kress est l’une des belles voix de l’imaginaire mondial avec des romans comme Après la chute, Le Nexus du Docteur Erdmann ou encore Les hommes dénaturés. Elle développe une science fiction au carrefour de la science, de la conscience sociale et de la poésie. L’une rêve, l’autre pas est son chef-d’œuvre. Il a obtenu le prix Hugo, le prix Nebula, le prix Asimov des lecteurs, le Grand Prix de l’Imaginaire et le prix décerné par Science Fiction Chronicle.

 


Mon avis :
On entre immédiatement dans le vif du sujet, le transhumanisme, avec des futurs parents en train d'énumérer au médecin les caractéristiques qu'ils souhaitent pour leur enfant à venir. Qu'elles soient physiques ou intellectuelles, le genre, ils veulent tout choisir. Bienvenue au supermarché du bébé clé en main !
"[...] il fallait convaincre la plupart des clients de renoncer aux tendances génétiques contradictoires, à la surcharge d'altération, ou aux espoirs irréalisables."
J'aime ces romans qui, dès le début, mettent mon cerveau en ébullition, me font m'interroger sur le manque d'éthique des gens, la folie humaine de ne savoir accepter ce que la nature offre, et l'effarante course à la performance intellectuelle autant que physique.

Roger Camden désire un bébé qui n'aura jamais besoin de dormir et aura un QI stratosphérique, alors que son épouse Elizabeth voudrait un bébé ordinaire. le hasard des fécondations in vitro va leur offrir à chacun leur souhait, puisque des jumelles naîtront, qui n'auront pas les mêmes caractéristiques. Mais comment grandir sereinement quand, bien que jumelles, les petites filles sont tellement dissemblables. Car oui, 
l'une rêve, l'autre pas... car l'une dort, l'autre pas. Et il semble que chacune jalouse l'autre sur ce point car chacune est étrangère à l'univers de l'autre. Pourtant, elles s'aiment.

Mis à par le fait que, à mon humble avis, il ne faut pas toucher au patrimoine génétique des individus à des fins purement eugénistes, 
Nancy Kress nous emmène sur un terrain qui a provoqué en moi de la compassion pour ces pauvres humains augmentés. Car on sait bien que ce qui est différent dérange le grand nombre et exacerbe l'intolérance et la haine parfois, nées de la peur, car ce qui est différent effraie. Et quid de ces apprentis sorciers que personne n'arrête ? Jusqu'où peut-on aller ? Et si on perdait le contrôle ? Et que saurait-on du possible effet papillon des modifications génétiques ? Et des dommages collatéraux au sein d'une famille ? Et du malheur qui pourrait en découler ? Que penser de ces parents qui font peser sur les épaules de leurs enfants le poids de leurs rêves inassouvis ? Bon, cela arrive mais dans notre monde ça reste cantonné aux performances sportives, musicales ou à la profession. Qu'en serait-il si on pouvait toucher à l'essence même d'un individu ?.. au point de faire de lui ce que l'on aurait voulu être !?

Je me suis posé beaucoup de questions à cette lecture. Bien sûr que j'aimerais n'avoir besoin que de trois ou quatre heures de sommeil par nuit ! Que de temps en plus pour faire beaucoup de choses !!! Lire plus par exemple Eh Eh. Mais l'absence de sommeil, surtout pas ! C'est tellement bon de sombrer... et rêver ! Et puis enfant, j'aurais adoré avoir un QI hors norme, pour être lumineuse, en maths notamment XD.
J'ai énormément aimé ce court roman, je l'ai dévoré ! Il m'a dérangée, choquée, bouleversée, presque émue aux larmes parfois...
Vraiment, un roman captivant récompensé cinq fois, suivi d'une interview de 
Nancy Kress et ça j'adore car la perception d'un auteur est toujours intéressante.

 

Citations :

Page 14 : Il était illégal de dormir dans le parc, illégal d’y entrer sans permis de résidence, illégal d’être sans abris et sans domicile fixe.

 

Page 106 : L’État de Géorgie, dans lequel certains actes sexuels entre adultes consentants étaient encor un crime, déclara que les rapports sexuels entre Non-Dormeur et Dormeur étaient un délit du troisième degré, les classant avec la bestialité.

 

 

 

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