Mon avis : Les vertueux – Yasmina Khadra
Éditions Mialet -Barrault
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Quatrième de couverture :
J'ai vécu ce que j'avais à vivre et aimé du mieux que j'ai pu. Si je n'ai pas eu de chance ou si je l'ai ratée d'un cheveu, si j'ai fauté quelque part sans faire exprès, si j'ai perdu toutes mes batailles, mes défaites ont du mérite - elles sont la preuve que je me suis battu.
Algérie, 1914. Yacine Chéraga n'avait jamais quitté son douar lorsqu'il est envoyé en France se battre contre les "Boches". De retour au pays après la guerre, d'autres aventures incroyables l'attendent. Traqué, malmené par le sort, il n'aura, pour faire face à l'adversité, que la pureté de son amour et son indéfectible humanité.
Les Vertueux est un roman majeur, la plus impressionnante des œuvres de Yasmina Khadra.
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Mon avis :
Ce roman est une page d'Histoire et aussi celle de Yacine Chéraga qui nous dit qu'un jour il dût faire un choix qui n'en était pas vraiment un et qui surtout n'était pas le sien mais qui allait bouleverser tout le reste de son existence.
La guerre, cette abomination qui n'a aucun sens nous montre le cynisme d'avoir envoyé des bataillons d'Afrique du Nord se battre à Verdun, ces soldats qui ont servi de chair à canon, tombés pour la patrie alors que la France ne les a jamais considérés comme français. Ce roman nous montre la solidarité, l'amitié, le courage face au danger qu'on n'avait pas anticipé, mais aussi la duplicité de certains individus tels le caïd, immoral et cruel, et bien sûr les séquelles psychologiques laissées par quatre ans de combats, de boucheries sur les champs de bataille.
Cette histoire, c'est l'odyssée de Yacine, ce jeune homme pauvre au coeur pur, très pieux, sorti de son douar pour aller se battre à la place d'un autre, qui croyait aux promesses et à la parole donnée.
De son douar sans nom jusqu'à Oran, en passant par Verdun, Sidi Bel Abbès, Bir Saket et tant d'autres endroits, on suit l'épopée mouvementée de Yacine qui voulait juste être berger et épouser une jolie fille et qui par la force des choses a eu plusieurs vies, des tranchées à Verdun aux armées de rebelles dans le Sahara et bien pire encore.
Dans ce roman, Yasmina Khadra nous dit aussi que la générosité désintéressée et la reconnaissance qui en découle sont des biens extrêmement précieux, mais qu'à avoir l'âme trop pure on se met en grand danger. Car il y a des moments terribles dans cette histoire, avec des personnages d'une duplicité absolue.
Évidemment, pour moi, commencer un roman de Yasmina Khadra c'est être happée par la beauté de l'écriture et la profondeur de l'histoire. Toute volonté de revenir à des activités ordinaires est vaine tant on est tenu en haleine, absorbé par le livre. Petit bémol quand-même, j'aurais aimé des renvois en bas de page ou un lexique à la fin pour tous les mots arabes que j'ai dû aller chercher sur internet.
Comme je m'y attendais, j'ai adoré ce roman ! Il m'a fait un bien fou !! Pourtant, que d'adversité, de misère et de douleur ! Mais aussi énormément de bonté, de générosité, d'altruisme, de fraternité ad vitam æternam entre soldats qui ont combattu ensemble. Et un incroyable périple à travers l'Algérie, ce pays immense et tellement différent d'ici.
À un moment de son récit Yasmina Khadra parle d'un séisme émotionnel. C'est exactement ce que cette histoire m'a provoqué ! C'est beau, c'est grandiose.
Citations :
Page 33 : - L’honneur, mon garçon, est ce qui différencie les êtres humains des animaux. Le lion a beau rugir et secouer sa crinière au vent, son règne ne connaîtra ni gloire ni stèle. Dans la brousse ou en captivité, proie ou mâle dominant, une bête vit et meurt en bête. Mais un héros, même mort, continue d’être un héros.
Page 60 : Nous avions appris à nous servir d’une arme, à manier la baïonnette aussi bien qu’un lanceur de couteau et à parader en marquant le pas, cependant nous demeurions des paysans empotés et nous ne savions pas par quel bout prendre un univers aux antipodes de nôtre auquel l’Histoire nous livrait en vrac.
Page 97 : On est une famille, dans les rangs, destinés au même casse-pipe. On doit se serrer les coudes au lieu de ruminer de vieilles rengaines qui rendent malade pour rien. J’suis instructeur, moi. On me confie des galopins, j’en fais des baroudeurs. Mon boulot exige de la sévérité. Le métier des armes, c’est pas la messe du dimanche.
Page 216 : Dans mon douar natal, l’entre-soi rendait la misère supportable. Nous étions trop pauvres pour prétendre nourrir le voisin, mais nous étions solidaires et unis dans la pauvreté et la maladie. À Jenane Jato, foutoir sauvage et impitoyable, c’était chacun pour soi et il n’y avait pas grand-chose pour le cupide ni pour le vertueux. La mouise y était plus agressive parce que dressée contre elle-même. Personne n’avait de quartier pour personne, et malheur aux distraits. Dans ce bidonville livré aux déveines, au cœur des indécences les plus obscènes, les pénombres se voulaient arènes où tous les coups étaient permis.
Page 373 : Lorsqu’on n’a qu’une épave pour survivre au naufrage, cette épave devient une île que l’on peuple de rêves et de vœux ardents.
Page 523 : Il avait deux petits jumeaux qui, lorsqu’ils couraient dans les champs, rappelaient une paire de songes lâchés dans la nature.