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Mon avis : Un jour viendra – Giulia Caminito

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’italien par Laura Brignon

 

Éditions Gallmeister - Totem

 

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Quatrième de couverture :

À Serra de’ Conti, sur les collines des Marches italiennes, Lupo et Nicola vivent dans une famille pauvre et sans amour. Fils du boulanger Luigi Ceresa, le jeune Lupo, fier et rebelle, s’est donné pour mission de protéger son petit frère Nicola, trop fragile, trop délicat avec son visage de prince. Flanqués de leur loup apprivoisé, les deux frères survivent grâce à l’affection indestructible qui les unit. Leur destin est intimement lié à celui de Zari, dite Sœur Clara, née au lointain Soudan et abbesse respectée du couvent de Serra de’ Conti. Car un mensonge sépare les frères et un secret se cache derrière les murs du monastère. Alors que souffle le vent de l’Histoire, et que la Grande Guerre vient ébranler l’Italie, le jour viendra où il leur faudra affronter la vérité.

 


Mon avis :
Un prologue plein d'une menace à faire dresser les cheveux sur la tête vous emporte brutalement dans ce roman sans qu'aucune résistance ne soit possible.
𝐓𝐨𝐢 𝐪𝐮𝐢 𝐞𝐧𝐭𝐫𝐞𝐬 𝐢𝐜𝐢 𝐚𝐛𝐚𝐧𝐝𝐨𝐧𝐧𝐞 𝐭𝐨𝐮𝐭𝐞 𝐞𝐬𝐩𝐞𝐫𝐚𝐧𝐜𝐞.
Voilà ce que j'ai ressenti.

L'Italie au début du XXème siècle dans un coin où vivent des gens frustes, pauvres, durs, car leur vie est d'une âpreté extrême. Ça sent le soleil et la chaleur, le gargouillis des ruisseaux et le vent dans les arbres, le bêlement des moutons, le bruit des outils, l'amertume des pères, les cris des mères. C'est tout une ambiance qui est décrite ici, celle de l'Italie pauvre et reculée qui vit dans la crainte de Dieu, qui n'aime pas les gens instruits, loin de l'industrialisation, loin des rêves, les pieds dans la terre. L'Italie de ces gens seulement nés pour le travail.

Lupo et Nicola, deux frères d'une nombreuse fratrie où chacun meurt l'un après l'autre, élevés sans amour, dans la violence de leur père et l'indifférence de leur mère. Lupo rebelle et généreux dont la révolte est le souffle vital, Nicola fragile et cérébral qui vit dans une terreur constante. Ils s'aiment et se soutiennent. Ils ont fait un pacte… parce qu'ils ont un rêve, au moins un.

Un jour la rébellion est arrivée au coeur de ces montagnes, un mouvement libertaire amené par ceux de la ville, contre l'indifférence et l'égoïsme des riches et des curés. Certains l'ont adopté, les autres ont continué à trimer et à aller à l'église le dimanche.

J'ai furieusement aimé Lupo le ténébreux et Nicola le solaire, dont l'attachement qui les uni pourrait être saccagé par un lourd secret.

Il y a de la beauté dans cette histoire douloureuse qui raconte la misère poisseuse qui colle à la peau, de la naissance jusqu'au tombeau, où l'absence d'amour est une évidence parce qu'il n'y a pas de temps pour ça, où chaque matin il faut survivre jusqu'au soir. Ce récit est empreint de hargne, de combativité, de douleur, mais aussi de foi, en la possible justice sociale, et spirituelle avec Clara, la Moretta, l'abbesse de Serra de' Conti, née au Soudan et devenue religieuse dans ce monastère qui jouxte le village, où le silence est la règle. La vie de ces petites gens dans le tumulte de l'Histoire qui gronde nous est contée avec une grâce infinie. J'ai été envoûtée par les émotions et la profondeur des mots.

Tout petit bémol, les changements d'époques et de personnages ne sont pas toujours très clairs. C'est néanmoins une histoire passionnante, magnifiquement écrite qui raconte la vie au coeur de l'agitation du monde dans les prémices de la première guerre jusqu'aux champs de batailles de cette immonde boucherie puis la reconstruction du désir de vivre, peut-être…

 

Citations :

Page 20 : On t’a gâté, voilà pourquoi tu es devenu comme ça, aussi inutile qu’un fils de prince. Les gens qui doivent travailler on pas le temps d’avoir peur, s’ils s’activent pas ils crèvent de faim.

 

Page 44 : Sœur Clara avait étudié ce visage d’une beauté pure, doux, cette peau tiède, ces pommettes de lait, ces lèvres de pastèque, ces cheveux de fumée.

 

Page 63 : Ils nous font payer le paradis, ils demandent de l’argent à ceux qui n’en ont pas pour quelque chose que personne n’a jamais vu.

 

Page 83 : Il resta debout derrière lui, faillit lui dire je me suis trompé, pardonne-moi, viens dormir avec moi, tu es à moi, on ne sera jamais adultes et on ne nous séparera jamais, mais il n’en fit rien et se coucha sur son matelas.

 

Page 106 : Il les conduirait sur l’Olympe, en ferait des hommes glorieux, gravés en colonne sur des plaques de marbre des places, admirés de tous, on déposerait des couronnes de fleurs en leur mémoire les jours de fête, on lirait leurs noms en passant distraitement, date de naissance et de mort, Carmine, Francesco, Augusto.

 

Page 153 : Son Excellence, nous sommes en pleine guerre, ce village et les villages alentour se trouvent dans une situation terrible, les femmes, les jeunes gens, les invalides, les enfants, les personnes âgées ont besoin de nous, de ne pas se sentir abandonnés, les religieuses sont leur point de repère dans leurs prières, elles contribuent à leur subsistance, nous sommes auprès de ces gens, nous agissons pour eux, si nous les quittons ils se sentirons vaincus, dit sœur Clara, sans lâcher des yeux cet homme qui avait gravi les échelons ecclésiastiques non en vertu de sa foi mais de son sexe, parce qu’il était un homme il était à la place qu’elle aurait mérité d’occuper et tous deux, incontestablement, le savaient.

 

Page 159 : Le lieu des bonnes sœurs était pour elles, gamines et jeunes filles, une tanière effrayante : attachées aux lits, obligées de rester debout pour prier même la nuit, pendues par les chevilles en guise de punition, les novices étaient martyrisées par de vieilles nonnes édentées et terrifiantes.

 

Page 221 : Comme le disait Giuseppe, comme le disaient les anarchistes, les prêtres n’étaient même pas bons à jeter dans la soupe, sous leurs soutanes c’étaient des hommes qui désiraient le pouvoir et le confort, ils étaient mesquins, leurs mots ne reflétaient jamais leurs pensées, ils disaient ceci et puis faisaient cela, ils avaient appris à mentir et excellaient dans cet art.

 

Page 246 : Lupo était et avait grandi avec les idées claires, solides, dures comme la pierre, dès l’enfance il avait suivi son parcours lumineux, qui paraissait tout tracé et sans surprise, comme son grand-père il se rebellait contre l’ordre établi, contre ce qui était imposé aux dépens de la vie des gens, par intérêt pour l’argent, il voulait combattre tout ce qui avait été inventé pour exploiter, tromper, opprimer.

 

 

 

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Mon avis : Ranavalona III : Dernière reine de Madagascar – Jean-Claude Legros

Publié le par Fanfan Do

Éditions Poisson Rouge Oi

 

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Quatrième de couverture :

Choisie pour régner au gré des intrigues du Palais Royal d'Antananarivo, la princesse Razafindrahety épousa le Premier ministre Rainilaiarivony et fut proclamée reine sous le nom de Ranavalona III. C'était le 22 novembre 1883, jour de son vingt-deuxième anniversaire. Madagascar était déjà en lutte contre les forces françaises et dès 1885 la jeune reine fut contrainte d'accepter leur domination. Dix ans plus tard, la capitale est investie, le Premier ministre capitule et meurt en exil, Ranavalona est quasiment prisonnière dans son propre palais.
En 1896, Madagascar est déclarée colonie française et le général Gallieni obtient les pleins pouvoirs. Il abolit la royauté malgache et oblige la reine à démissionner. Commence alors un exil de vingt ans, d'abord à La Réunion, puis à Alger où elle meurt en 1917. La biographie de cette reine malmenée par l'histoire s'appuie sur une riche iconographie. Dès le début de son règne des photographes ont fait son portrait et saisi quelques événements, d'autres l'ont suivie dans la vie mondaine des colonies et de la France de la "Belle Époque".


 

 

Mon avis :
Dès le premier chapitre je me suis dit que les noms allaient être très dur à lire, faute de les retenir : Razafindrahety, veuve à vingt et un ans de Ratrimoarivony, puis, devenue Ranavalona III elle épouse le premier ministre Rainilaiarivony qui lui-même avait été l'époux de Rasoherina et de Ranavalona II.

J'aurais bien aimé, avant d'attaquer l'histoire de Ranavalona, un petit historique de l'histoire de Madagascar dont je ne sais rien. Les deux guerres franco-malgache sont évoquées au deuxième chapitre, mais trop succinctement je trouve. J'aime connaître l'histoire de l'humanité en général, c'est pourquoi j'avais ce livre dans la liste de mes choix lors de l'opération Masse Critique non-fiction. Hélas le récit commence au vingt-deuxième anniversaire de la princesse qui devint Ranavalona III, la dernière reine de Madagascar. Mais qui était-elle ? Quelle a été son enfance ? On ne sait pas.

J'ai trouvé dans ce livre des choses intéressantes mais sous un angle un peu anecdotique parfois, sans doute pas assez approfondies. Cependant c'est un tout petit livre, 120 pages, ponctué de photos et de documents d'époque, ça laisse donc peu de place à la possibilité de développer.

J'aime les photos anciennes et ce qu'elles racontent de la vie de ceux qu'elles représentent. Je trouve très étrange de voir ces hommes et ces femmes, tous malgaches, habillés à l'occidentale. Certes les femmes ont des robes sublimes mais opter pour le mode de vie de ceux qu'on rejette, les français, qui leur ont volé leur île, est toujours surprenant. Comme de prendre la religion de l'envahisseur…
Elle a été plutôt bien traitée Ranavalona, autant que traitée avec mépris, envoyée en exil, déplacée et photographiée comme une œuvre d'art, emmenée de sorties en visites diverses de temps à autre, interdite de séjourner en France plus dune fois par an.

Ranavalona III m'a fait l'effet d'un fantôme trimballé çà et là dans un monde qui n'est pas le sien sans qu'on ait l'impression qu'elle pense quoi que ce soit. Un destin assez triste…

Ce livre m'a un peu laissée sur ma faim car il ne raconte pas grand-chose mais il m'a néanmoins donné envie de découvrir d'autres ouvrages sur l'histoire de Madagascar.

 

Citations :

Page 88 : Le Commandeur était subjugué par la reine, qui avait alors vingt-trois ans, et en a fait la description suivante :

"C'est une très jolie femme, au teint un peu foncé, mais guère plus que le teint de bien des méridionales. Elle a des cheveux noirs soyeux et de beaux yeux veloutés, d'une expression intense, où se mêle comme une douceur mystique et voluptueuse, avec le plaisir de plaire et d'être admirée. Avec cela Ranavalo est mince, de taille moyenne, ses mains sont délicates, ses attaches, fines et aristocratiques, dénotent la pureté de la race."

 

 

 

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Mon avis : Océan mer – Alessandro Baricco

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l'italien par Françoise Brun

 

Éditions Gallimard – Collection Folio

 

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Quatrième de couverture :

Au bord de l'océan, à la pension Almayer, "posée sur la corniche ultime du monde", se croisent sept personnages au destin étrange et romanesque, sept naufragés de la vie qui tentent de recoller les morceaux de leur existence. Mais leur séjour est bouleversé par le souvenir d'un hallucinant naufrage d'un siècle passé et la sanglante dérive d'un radeau. Et toujours, la mer, capricieuse et fascinante...Avec une époustouflante maîtrise, Alessandro Baricco nous offre à la fois un roman à suspense, un livre d'aventures, une méditation philosophique et un poème en prose.

 


Mon avis :
Alors je dois dire que dès les premières pages de ce roman, je suis tombée dans une grande perplexité. J'ai tout trouvé bizarre et obscure et j'ai vraiment craint de ne pas accrocher. On se serait cru un peu dans un rêve, quand ce qui est absurde est normal. Même les phrases sont étranges, qui s'arrêtent parfois brutalement, sans point, et changent de ligne…
Et puis il y a eu les lettres de Ismaël Bartleboom et je suis tombée sous le charme de cette étrange histoire… et puis j'ai continué de ne rien comprendre.
Mais j'ai persisté ! Page 90 je ne savais toujours pas ce que je lisais. Je me suis dit que ça viendrait, mais ça n'est jamais venu. Mes yeux lisaient les lignes mais mon cerveau était ailleurs. Pourtant j'ai persisté.

Il y a beaucoup de poésie dans ces lignes, des moments d'une grande beauté. Mais la multiplicité des personnages m'a égarée autant que l'absurdité des dialogues et des situations, selon mes propres critères bien sûr. Je sais que ce roman est considéré par beaucoup comme une sorte de merveille, mais moi je me suis demandé tout le long de ma lecture dans quel univers vivait le bonhomme. Je me suis ennuyée, mais tellement !!!
Je me demande même comment ma fille a pu aimer ce livre au point de tenir absolument à ce que je le lise.
Au fond, je crois que ce roman est une longue métaphore qui m'a totalement échappée. Mais même ça je n'en suis pas sûre.
J'avais bien aimé 
Soie, mais celui-ci pas du tout. Je l'ai trouvé tellement onirique et abscons ! Je suis passée totalement à côté.

Premier roman lu dans le cadre du #bookclub du @prixbookstagram pour #unétéenitalie et pour moi c'est un fiasco total, un long chemin de croix jusqu'au mot fin.

 

Citations :

Page 32 : Le plus célèbre docteur du pays s’appelait Atterdel. Beaucoup l’avaient vu ressusciter les morts, des gens déjà bien plus de l’autre côté que de celui-ci, partis bel et bien, fichus, vraiment, et lui il les avait repêchés et rendus à la vie, ce qui pouvait aussi être légèrement embarrassant, voire inopportun, mais il faut comprendre que c’était son métier, et personne ne le faisait aussi bien que lui, et donc les gens ressuscitaient, n’en déplaise aux parents et amis contraints à revenir au point de départ et à renvoyer larmes et héritage à de meilleurs moments, la prochaine fois ils réfléchiront à deux fois et appelleront peut-être un docteur normal, de ceux qui vous les assomme et on n’en parle plus, pas comme celui-ci qui vous les remet sur pied sous prétexte qu’il est le plus célèbre du pays. Et le plus cher, d’ailleurs.

 

Page 38 : « Je voulais dire que la vie, je la veux, je ferai n’importe quoi pour l’avoir, toute la vie possible, même si je deviens folle, peu importe, je deviendrai folle tant pis mais la vie je ne veux pas la rater, je la veux, vraiment, même si ça devait faire mal à en mourir c’est vivre que je veux. J’y arriverai, n’est-ce pas ? »

 

Page 78 : Langlais en avait croisé beaucoup, des cas comme celui d’Adams. Marins jetés par une tempête ou la cruauté des pirates sur une côte quelconque d’un continent inconnu, otages du hasard et gibier de gens pour qui l’homme blanc n’était guère plus qu’une espèce animale étrange. Si une mort clémente ne venait pas opportunément les prendre, c’était une mort atroce qui de toute façon les attendait, dans quelque recoin fétide ou merveilleux de ces mondes invraisemblables.

 

Page 160 : Quand bien même nous retrouverions une terre, quelle qu’elle soit, il n’y aurait plus jamais aucun salut possible pour nous. Ce que nous avons vu restera dans nos yeux, ce que nous avons fait restera sur nos mains, ce que nous avons entendu restera dans notre âme.

 

Page 209 : J’ai reçu tes lettres, et cela n’a pas été facile de les lire. Rouvrir les blessures du souvenir est une souffrance. Si j’avais continué, ici, à te désirer et à t’attendre, ces lettres auraient été un bonheur éblouissant. Mais c’est un endroit étrange, ici. La réalité s’évapore, et tout se transforme en mémoire.

 

Page 231 : Elle lui dit exactement ce mot : enchantée. Elle le dit en penchant légèrement la tête sur le côté et en écartant de ses yeux une mèche d cheveux noirs comme le jais. Du grand art. Pour Bartleboom, cette phrase, ce fut comme si on l’avait injectée directement dans son sang. Elle se répercuta, si l’on peut dire, jusque dans ses pantalons. Il bafouilla quelque chose, et dès cet instant ne fit plus que transpirer. Il transpirait comme un fou, lui, quand il transpirait. La température n’avait rien à voir. Il fonctionnait en autonomie.

 

 

 

 

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Mon avis : Jane Eyre – Charlotte Brontë

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Sylvère Monod

 

Éditions Pocket Classique

 

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Quatrième de couverture :

Le destin dramatique de Charlotte Brontë transparaît dans l'histoire de son héroïne Jane Eyre, en rupture avec le puritanisme victorien de son époque.
Orpheline maltraitée, sans fortune et sans beauté, Jane entre comme gouvernante au manoir de Thornfield, pour s'éprendre du ténébreux Rochester, le maître des lieux. Entraînés par une passion sensuelle et une égale exigence morale, ils envisagent bientôt le mariage. Mais une présence mystérieuse hante ce domaine perdu entre landes et bruyères. Qui est cette femme, cette « folle » recluse dans une mansarde de Thornfield, qui menace leur union ?
En plein XIXe siècle, dans l'Angleterre victorienne qui voit s'éteindre les sombres lumières du roman gothique et s'étioler les vapeurs du spleen romantique, Charlotte Brontë incarne l'audacieux combat des femmes prêtes à se battre pour leur indépendance et leur liberté.


 

 

Mon avis :
Jane Eyre, un film vu dans mon enfance et qui m'avait bouleversée mais dont je me rappelle que la fin. Donc j'ai eu envie de lire le roman, alors qu'il y a si peu de temps encore ne lisais absolument jamais de classiques.
Les deux premiers chapitres m'ont révoltée car 
Jane Eyre, orpheline, qui a été recueillie par le frère de sa mère, est maltraitée par sa tante et ses cousins. J'ai presque tout de suite été emportée dans l'histoire de cette petite fille martyrisée et rapidement j'ai été captivée par sa personnalité et son destin.

Assez vite je me suis trouvée dans le style de lectures d'antan, où les enfants souffraient, où les adultes étaient odieux et ça m'a ramenée au monde du XIXème siècle tel que je le voyais étant petite. Ben oui parce que voilà... Ça se passait plutôt mal à cette époque pour les enfants ! Surtout les pauvres, et surtout les orphelins. Comme si la vie ne s'était pas suffisamment acharnée et qu'il fallait que les détenteurs de la vérité en rajoute une couche. Ceux-là, c'étaient les chrétiens de tous poils, qui voulaient apprendre à ces pauvres gamins les vertus de l'humilité, de la frugalité (en les affamant carrément), et de l'austérité en général ainsi que des châtiments corporels, pendant que eux-mêmes vivaient dans l'opulence et le tape à l'oeil le plus indécent et vulgaire qui soient tout en oubliant le principe de charité chrétienne.

Mais Jane est une petite rebelle. Elle ne trouve pas normales les méchancetés et les humiliations qu'on lui inflige. de plus, arrivée à l'âge adulte, elle émet des idées ouvertement féministes, trouvant injuste que les hommes aient tous les droits, y compris celui de faire des choses agréables pendant que les femmes sont assignées uniquement à des tâches sans joie.

C'est une histoire lente mais toutefois prenante, et par certains aspects déconcertante, car elle raconte en détail une manière de vivre et les liens sociaux que les moins de 150 ans ne peuvent pas connaître.

En réalité, pour moi ce roman ça a été les montagnes russes. Par moment prenant, puis d'un ennui mortel pendant de nombreuses pages car il ne se passe pas grand-chose et le peu qui se passe on sent qu'on va devoir attendre longtemps pour en connaître la raison.

Ce qui m'a le plus marquée, c'est que les gens riches, nobles ou pas, étaient horriblement méprisants envers le petit peuple, extrêmement mal élevés avec eux et totalement sans filtre, comme s'ils parlaient à un animal qui ne comprend pas ce qu'on lui dit. C'étaient des gens immondes.
Il y a toutefois une histoire d'amour. Un amour sincère, fort, puissant, qui ne se soucie que de l'être et non du paraître. Mais est-il réellement partagé ? Cette question m'a fait trembler…
Puis il y a les lois divines et humaines de l'époque.

Ce roman a réveillé mon ambivalence congénitale avec ses moments intéressants puis ce qui m'a paru interminable avant de redevenir passionnant puis de nouveau long et monotone… J'ai aimé, un peu, beaucoup, moyennement, énormément…
C'est bien écrit mais souvent trop développé à mon goût. On se noie dans les sentiments décrits sur des pages et des pages.

J'ai vu dans ce roman beaucoup de vanité, de mépris pour les classes dites inférieures, d'insensibilité, voire de dureté. J'y ai vu une analyse extrêmement pointue et fine de la nature humaine dans ce qu'elle peut avoir de bon ou de pervers. J'ai vu à quel point la ferveur religieuse peut mettre en danger avec un pied au bord du fanatisme quand le discernement fait défaut. J'ai surtout été effarée par la douleur que peuvent s'infliger certaines personnes par crainte de la colère de Dieu et peur du jugement des Hommes.
Jane est une altruiste, elle est généreuse et totalement désintéressée. C'est un personnage magnifique ! Mais elle n'est pas la seule…
À la fin de ces 760 pages, le constat est que le plaisir de lecture a été plus fort que l'ennui qui m'a plusieurs fois accablée.

 

Citations :

Page 29 : Toutes les violentes tyrannies de John Reed, toute la hautaine indifférence de ses sœurs, toute l’aversion de sa mère, toute la partialité des domestiques remontèrent à la surface de mon esprit agité comme un dépôt noirâtre dans un puits troublé. Pourquoi devais-je toujours souffrir, toujours être rabrouée, toujours accusée, condamnée sans cesse ?

 

Page 58 : - Il n’y a pas de spectacle plus affligeant que celui d’un enfant désobéissant, commença-t-il, surtout quand cet enfant est une petite fille.

 

Page 96 : Sans doute, si j’avais récemment quitté un foyer heureux et des parents affectueux, eût-ce été là l’heure où j’eusse le plus cruellement regretté la séparation ; le vent m’eût attristé le cœur ; le désordre dans l’obscurité eût troublé la paix de mon esprit : dans les circonstances où j’étais, je tirais de l’un et de l’autre une étrange surexcitation et, d’humeur aventureuse et fébrile souhaitais entendre le vent hurler plus sauvagement, voir la pénombre se muer en ténèbres et le désordre dégénérer en clameurs.

 

Page 189 : Il est vain de prétendre que les êtres humains doivent se satisfaire de la tranquillité ; il leur faut du mouvement ; et s’ils n’en trouvent pas, ils en créeront. Des millions d’individus sont condamnés à un destin plus immobile que le mien, mais ces millions sont en rébellion silencieuse contre leur sort. Nul ne sait combien de révoltes, en dehors des révoltes politiques, fermentent dans la masse des vivants qui peuplent la terre. Les femmes sont censées être très paisibles en général, mais les femmes ont tout autant de sensibilité que les hommes ; il leur faut des occasions d’exercer leurs facultés et un champ d’action tout comme à leurs frères ; elles souffrent de contraintes trop rigides, d’une stagnation trop complète, exactement comme en souffriraient des hommes ; et c’est par étroitesse d’esprit que leurs compagnons plus privilégiés décrètent qu’elles devraient se borner à faire des entremets et à tricoter des chaussettes, à jouer du piano ou à broder des sacs. Il est sot de les condamner ou de se moquer d’elles quand elles cherchent à faire ou à apprendre plus de choses que la coutume n’a déclarées nécessaires aux personnes de leur sexe.

 

Page 196 : Je n’avais pour ainsi dire jamais vu de beau jeune homme ; jamais de ma vie je n’avais adressé la parole à un tel personnage. J’éprouvais en théorie de la déférence et de la vénération pour la beauté, l’élégance, la bravoure, le charme ; mais si j’avais rencontré ces qualités incarnées dans un corps masculin, j’aurais compris d’instinct qu’elles n’étaient ni ne pouvaient être en sympathie avec aucun trait de ma propre nature et je les eusse évitées comme on évite le feu, la foudre ou tout autre objet lumineux mais de nature hostile.

 

Page 235 : Vous n’avez pas le droit de me faire des sermons, jeune néophyte, qui n’avez point franchi le portail de la vie et êtes absolument ignorante de ses mystères.

 

Page 316 : Mlle Ingram était un objet indigne de la jalousie : elle était trop inférieure pour susciter un tel sentiment. Excusez l’apparent paradoxe ; je dis bien ce que je veux dire. Elle était très brillante, mais elle n’était pas authentique ; elle avait une belle prestance et nombre de talents éclatants, mais son esprit était pauvre et son cœur naturellement sec ; rien ne fleurissait spontanément sur un pareil sol ; nul fruit n’en jaillissait aisément et naturellement pour enchanter par sa fraîcheur.

 

Page 398 : - Georgiana, il est certain que nul animal plus vain ou plus absurde que toi n’a jamais pu encombrer la terre de sa présence . Tu n’avais pas le droit de naître ; car tu ne tires aucun parti de la vie. Au lieu de vivre pour toi-même, en toi-même et avec toi-même, comme le doit faire tout être raisonnable, tu ne cherches qu’à accrocher ta faiblesse à la force d’une autre personne ; si tu ne trouves ni homme ni femme qui accepte de se charger d’un être aussi gras, aussi débile, aussi bouffi, aussi inutile que toi, tu t’écries qu’on te maltraite, qu’on te néglige et qu’on te rend malheureuse.

 

Page 400 : Il y a des gens qui ne font guère de cas des sentiments sincères et généreux ; mais voilà que l’absence de tels sentiments rendait l’une de ces deux natures insupportablement pointue, et l’autre méprisablement fade. La sensibilité sans le jugement n’est en vérité qu’une potion bien insipide ; mais le jugement qui n’est pas tempéré par la sensibilité est une substance trop amère et trop rugueuse pour pouvoir être avalée par un gosier humain.

 

Page 462 : Mon futur époux devenait pour moi tout l’univers ; et plus que l’univers terrestre, presque mon espoir d’au-delà. Il se dressait entre moi et toutes mes pensées religieuses, comme une éclipse s’interpose entre l’homme et le grand soleil. À cette époque, une créature m’empêchait de voir Dieu, car de cette créature j’avais fait une idole.

 

Page 525 : Engager une maîtresse est ce qu’il y a de pire, après l’achat d’une esclave ; l’une et l’autre sont souvent par nature et toujours par position des inférieures ; or, vivre en familiarité avec des inférieurs est avilissant.

 

Page 541 : Au milieu de la douleur de mon cœur et de la farouche résistance de mes principes moraux je me détestais. Je ne tirais aucune consolation de ma propre approbation ; aucune non plus du sentiment de ma propre dignité.

 

Page 662 : Ce salon n’est pas son domaine, pensai-je. La crête de l’Himalaya, la brousse du pays cafre, ou même le marécage pestilentiel de la côte de Guinée lui conviendraient mieux. Il a bien raison de se dérober au calme de la vie familiale ; ce n’est pas son élément ; ses facultés y restent stagnantes, elles ne peuvent se développer ou y apparaître à leur avantage. C’est dans les scènes de lutte et de péril, là où le courage s’affirme, où l’énergie s’exerce, où l’endurance est mise à rude épreuve, qu’il pourra parler et agir, en chef et en supérieur. Mais devant cet âtre un enfant joyeux aurait l’avantage sur lui.

 

Page 689 : Je n’avais guère de fierté en pareille circonstance ; j’ai toujours préféré être heureuse plutôt que digne ; je lui courus donc après ; il était au pied de l’escalier.

 

 

 

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Mon avis : Le Pays du Dauphin Vert – Elizabeth Goudge

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Maxime Ouvrard

 

Éditions Libretto

 

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Quatrième de couverture :

Une rue peut être un univers, l'endroit où tout se joue. Lorsque sa famille emménage rue du Dauphin-Vert, en plein dix-neuvième siècle, dans une bourgade des îles Anglo-normandes, William se lie d'amitié avec la jolie Marguerite et la grave Marianne, toutes deux ses voisines. On rêve, on rit, on pleure et l'on se moque du jeune garçon qui, en dépit de sa préférence marquée pour Marguerite, ne peut s'empêcher de mélanger les prénoms des deux sœurs Un « détail » vraiment ? Un petit rien, croit-on, que cette confusion. Elle bouleversera pourtant le cours de bien des existences

 

 

Mon avis :
Dans les îles Anglo-normandes au milieu du XIXème siècle, vivent deux sœurs adolescentes très différentes l'une de l'autre. Il y a la belle et rayonnante Marguerite généreuse et magnanime, et son aînée Marianne, ombrageuse et pas jolie, qui rêve de voyages, de découvertes et de liberté, toutes ces choses réservées aux hommes à cette époque. Elle est notamment fascinée par les bateaux qui arrivent de leurs longs périples en mer.

Les deux sœurs sont aux antipodes l'une de l'autre. Marguerite, la cadette est grande et douce, blonde aux yeux bleus, elle respire le bonheur simple. Marianne, l'aînée est petite et sèche, brune aux yeux marrons, elle est cynique et calculatrice, égoïste, ambitieuse, très cultivée et très intelligente, et totalement glaçante dans sa façon d'envisager son avenir. Rien ne doit lui résister. William, le jeune voisin est comme Marguerite, joyeux et toujours heureux. D'ailleurs, de la façon dont ils sont décrits, j'ai vraiment eu l'impression d'avoir affaire à deux imbéciles heureux. Beaux, solaires, mais très naïfs et rieurs. Hélas, les deux sœurs vont tomber follement amoureuses de William.

C'est un roman rempli de tant de choses !.. gorgé de l'humanité qui vit et respire, sourit et souffre, de ses choix et de ses erreurs. C'est vertigineux tout ce qui est raconté là, des vies entières, la croisée des chemins, une méprise qui peut changer plusieurs destins à tout jamais et gâcher des vies. J'ai eu tellement envie de crier avec effarement "MAIS POURQUOIIIIIIIIII ?????" Pourtant on l'a vu arriver la catastrophe !

C'est aussi un roman d'aventure, qui nous fait découvrir le monde du XIXème siècle, avec ses bateaux à voiles et ses pays lointains en voie de colonisation avec des descriptions détaillées et magnifiques. J'ai trouvé ça passionnant. Tout est tellement bien décrit…

Alors oui, il y a une histoire d'amour, et même plusieurs en une, mais c'est essentiellement une histoire de duplicité, de trahison et d'aveuglement. C'est surtout l'histoire d'une époque où le seul avenir possible pour une femme était le mariage. J'ai aimé tous les personnages de cette histoire au long cours, qui nous emmène sur plusieurs décennies, notamment le capitaine O'Hara ou encore Tai Haruru, le maori blanc, mes préférés.
J'ai détesté Marianne, dominatrice, arrogante, jalouse et horriblement vaniteuse, dont l'égocentrisme absolu ne l'incite à faire le bien que pour briller aux yeux des autres. C'est une personne superficielle et totalement abjecte, qui ne se soucie pas du bonheur des autres mais uniquement du sien. Pourtant l'autrice essaie de lui trouver des qualités. Hélas, ses défauts sont rédhibitoires.

Ce roman est un GROS pavé, 800 pages rien que ça, et c'est écrit tout petit. J'ai eu souvent l'impression de ne pas avancer surtout dans la première moitié, pourtant je ne me suis jamais ennuyée. On a droit à des multitudes de descriptions : les îles Anglo-normandes, la marée basses et les coquillages dans les flaques, un couvent perché sur un rocher isolé, les habitations, les bateaux, les traversées en mer, les tempêtes, les villes du bout du monde, l'histoire des maoris et leurs coutumes, les états d'âme et les sentiments des protagonistes ainsi que leur foi en Dieu ou pas, mais aussi leurs nombreuses tenues vestimentaires, les pays traversés et tant d'autres choses encore avec moult détails qui s'étalent sur des pages et des pages, sans que jamais l'ennui ne s'installe. C'est miraculeux !

Je suis passée par tout un tas d'émotions à cette lecture, la joie, la peur, la consternation, l'espoir, la colère, le soulagement, plusieurs fois, comme une ronde sans fin. J'ai aimé ce roman passionnément, qui nous raconte plusieurs décennies, et à la toute fin je dois avouer que l'âme humaine demeure un mystère pour moi car, comment peut-on faire preuve d'autant d'abnégation ?

 

Citations :

Page 52 : Et, pendant un court instant, au fond de son cœur, elle reconnut la supériorité de William. Puis elle repoussa cette idée très loin d’elle, afin qu’elle ne revînt plus la troubler de toute sa vie. Elle était Marianne Le Patourel, la personne la plus importante de son monde, et elle avait accordé à cet être jeune et magnifique qu’était William Ozanne l’inestimable trésor de son amour. Il était à elle. Elle le formerait. Il était désordonné, paresseux, sale, mal élevé, et il y avait une certaine faiblesse dangereuse dans son caractère. Mais elle changerait tout cela.

 

Page 72 : Marianne aussi était en proie à une curieuse sensation. Ses mains étaient serrées, et ses yeux avides ne quittaient pas le visage du capitaine O’Hara. Comme le monde était vaste, magnifique, terrible, plein de merveilles et d’aventures ! Quand on est un homme, on n’en peut connaître, avant de mourir, qu’une bien petite partie ; mais si l’on est femme, on a peu de chance de jamais quitter l’île où l’on est née…

 

Page 90 : Vous êtes une femme, ma petite ; les femmes ne peuvent pas être docteurs, et ne le seront jamais. Dieu merci ! La place d’une femme est à la maison, à faire de la couture et à prendre soin de sa précieuse santé.

 

Page 93 : Il est horrible d’être une femme. On ne semble même pas capable d’avoir ce qu’on veut. Il faut que ce soit un homme qui le donne. Papa ne m’autorisera jamais à étudier les choses qui m’intéressent, comme la mécanique et les autres sciences du même genre. C’est son orgueil qui parle… Il préfère que je sois féminine qu’heureuse. Il est étrange n’est-ce pas ? Que les parents ruinent ainsi souvent par simple orgueil, la vie de leurs enfants.

 

Page 123 : - Lorsque nous aurons vu les empreintes, nous ramasserons des patelles pour le dîner, dit Marianne. C’est très bon cuit.

Marguerite soupira. Elle n’aimait pas détacher les pauvres patelles des rochers, simplement pour corser un repas destiné à des gens qui, en réalité, se suralimentaient. Pourquoi des êtres humains avides devaient-ils dévorer des innocentes créatures de la mer ?

 

Page 170 : À ce moment, elle était plus qu’elle-même, pensait William, et il la contemplait avec ravissement depuis la porte. Quelque chose s’était emparé d’elle, quelque chose de divin que les hommes vénéreraient toujours. Elle était la femme qui donne son corps à l’homme pour assurer son immortalité sur la terre, divine Déméter, qui ouvre son sein au soleil et à la pluie afin que la graine y puisse prendre vie.

 

Page 261 : Rien de ce qui est vivant ne devrait être traité avec mépris. Tout ce qui vit, que ce soit un homme, un arbre ou un oiseau, devrait être touché délicatement, car le temps de la vie est court.

 

Page 294 : Sophie ne connaissait pas grand-chose sur les grands voyages. En fait, elle savait simplement que les jeunes femmes devaient toujours descendre dans les Hôtels de la Tempérance, si elles ne voulaient pas être molestées par les hommes.

 

Page 441 : - C’est cette conception de la réalité comme un lieu qui fait de certains êtres des pèlerins et des voyageurs, observa la révérende mère. Ils doivent toujours quitter le pays où ils sont nés pour en chercher un autre meilleur. Ce sont des créateurs, des pionniers, des constructeurs de nouveaux mondes. Je crois pourtant qu’ils sont rarement satisfaits. Ils ne peuvent jamais construire quelque chose de parfait. Le pays qu’ils désirent est à la fois en eux et hors des limites de ce monde, mais il ne leur vient pas à l’idée de le chercher là où il est.

 

Page 592 : - On doit lutter contre l’erreur, partout où on la rencontre, dit Samuel sentencieusement. Ces enfants sont dans l’erreur quand ils adorent leurs dieux de la nature, le vent, la forêt et l’eau. Ces dieux sont simplement la personnification de leur propre désir de s’unir à la beauté de la nature.

 

Page 734 : « Europe, si ancienne et si belle, adieu ! Adieu ! Paradis de ma jeunesse, adieu ! Je ne te reverrai plus avant que ma vie ait parcouru sa révolution, et la porte par laquelle un enfant est sorti sera la porte par laquelle une vieille femme entrera... »

 

Page 759 : Il ne savait pas, avant de l’avoir revue, à quel point les corps peuvent être modelés pas l’esprit, de telle sorte qu’avec l’âge les âmes sympathiques ne se reconnaissaient les unes les autres que plus facilement.

 

Page 763 : Il n’était pas facile, assurément, de renoncer à toute certitude temporelle simplement pour adorer quelque chose qui, en dépit de tout ce qu’on pouvait dire et faire, devait rester jusqu’à la fin de la vie un mystère impénétrable.

 

Page 779 : Elle avait toujours voulu marquer la vie de son empreinte. Le ciel seul pouvait savoir combien il pourrait lui en coûter de se résigner à être la cire et non pas le sceau.

 

 

 

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Mon avis : Les voleurs de curiosités – Jess Kidd

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Laurent Philibert-Caillat

 

Éditions Les Presses de la Cité

 

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Quatrième de couverture :

Londres, 1863. Bridie Devine, détective spécialisée dans les affaires délicates, s’attaque au cas le plus insolite de toute sa carrière. Christabel Berwick, l’héritière d’un baronnet, a été kidnappée. Mais la fillette n’est pas une enfant ordinaire. Son existence a été cachée aux yeux de tous et ses étranges talents semblent autant effrayer son entourage qu’ils attirent l’attention des collectionneurs de curiosités. Aidée dans sa quête par le fantôme tatoué d’un boxeur mélancolique, Bridie suit pas à pas les traces laissées par les ravisseurs, replongeant malgré elle dans un passé qu’elle a tenté d’oublier.
Résurrectionnistes, saltimbanques mercenaires, créature aquatique légendaire : autant de personnages qui hantent les pages de ce roman où le spectacle est roi, et qui fait la part belle à une enquête digne des plus grandes énigmes policières.

 

 

Mon avis :
Une étrange créature kidnappée de nuit dans un château…
Londres 1863. La nuit, la brume, un corbeau, des gargouilles, le porche d'une chapelle abandonnée, un cimetière, une femme détective qui marche, un homme quasiment nu et transparent étendu sur une tombe... Il s'avère que Ruby Doyle, l'homme transparent, est un fantôme recouvert de tatouages mouvants, et qu'il est prêt à aider Bridie Devine dans son enquête si elle a besoin…

Je me suis tout de suite sentie bien dans cette atmosphère étrange… J'adore l'idée d'un monde où tout est possible, où errent des êtres fabuleux, sirènes et amphibiens en tout genre, tout droit sortis du folklore irlandais. On se promène dans le Londres de Dickens, avec une ambiance à la Harry Potter, où une femme détective investigue, autopsie, et fume des substances qui font planer. Et elle aime aussi boire un coup, voire deux ou trois et même plus, et à l'occasion se grimer en homme pour être totalement libre d'aller où elle veut et surtout dans les lieux interdits aux femmes. Et elle est veuve, mais de qui ?

Bridie, irlandaise de naissance mais londonienne par la force des choses, est chargée de retrouver Christabel qui a été enlevée et que les domestiques considèrent comme une abomination que sir Edmund Berwick dissimulait dans l'aile ouest du château.

Trafics d'étrangetés de la nature, tout un monde de voleurs et d'assassins, de collectionneurs de créatures, d'odeurs, d'humidité, de moisissures, les clapotis de l'eau qu'on entend sans la voir, de smog d'où on perçoit des sons étouffés en s'attendant à voir des chimères passer furtivement, amitié amoureuse avec un fantôme. Tout était là pour me faire rêver et susciter ma curiosité. Hélas, j'ai trouvé la narration plutôt décousue et j'ai eu du mal à accrocher. Enfin… mon intérêt a suivi une courbe sinusoïdale.

Néanmoins j'ai aimé l'aspect féministe, car Bridie fait ce qu'elle veut, entre pratique de la chirurgie, alcool et fumette, et le propos m'a convenu "[…] que les femmes devraient avoir le droit plein et entier d'exercer la médecine, étant en règle générale, notablement moins stupides que les hommes." C'est ce qu'affirme haut et fort Rumold Fortitude Prudhoe.
Car Bridie a eu des mentors qui croyaient en elle, qui lui ont tout appris des sciences généralement réservées aux hommes, et qui la portent en haute estime.

On fait des allers-retours entre le présent et le passé de Bridie, découvrant peu à peu ce qu'a été sa vie. Il y a des choses en suspens, des terreurs d'enfance jamais guéries, des doutes qui nous sont distillés et qui laissent présager des événements glaçants via une menace diffuse, une ombre qui rode.

Pour moi, cette histoire a été "Je t'aime moi non plus." Ça aurait pu me plaire énormément, mais je me suis traînée comme une âme en peine jusqu'à l'épilogue. Il a manqué quelque chose d'indéfinissable pour que je l'aime et que j'y trouve un réel intérêt. Peut-être que trop de digressions m'ont perdue, entre le présent de Bridie et ses souvenirs d'enfance. Par moments je ne savais plus à quelle époque on se trouvait. Dommage. Pourtant c'est bien écrit, mais les tournures de phrases sont étranges… et des détails un peu beurk ne m'ont pas aidée. L'autrice nous laisse sur une fin ouverte à priori.

 

Citations :

Page 20 : Ses bottes noires, de bonne facture, sont soigneusement cirées. La crinoline n’est pas sa tasse de thé : ses jupes ne sont pas gonflées et son corset est aussi négligemment serré que le permet la bienséance. Sa cape, grise à bordure violette, est courte. C’est une femme dotée de sens pratique, ou du moins une femme qui estime pratique de pouvoir franchir une porte, monter un escalier ou simplement respirer sans encombre.

 

Page 36 : L’odeur de la merde est la principale émission olfactive des divers habitants du secteur où vit Bridie Devine. Tout le monde y contribue : les Russes, les Polonais, les Allemands, les Écossais, et particulièrement les Irlandais. Chacun y apporte sa touche personnelle. Depuis le nourrisson de Mme Neary, qui défèque dans des chiffons, jusqu’au père Duncan, soigneusement accroupi sur son pot de chambre. Leur produit est jeté dans les fosses d’aisance, les remises et les cours, où il participe à l’arôme périlleux de Londres.

 

Page 74 : Cette femme est faite de cirage, de fumée de pipe, de vêtements propres et de vent du nord. Quant au mort qui marche derrière elle, eh bien, il est inoffensif. Il n’a qu’un vague parfum d’au-delà, froid et minéral, comme de la neige fraîche.

 

Page 178 : Prudhoe fournit aussi des preuves lors des enquêtes, quand il n’expédie pas des brûlots et des lettres au vitriol aux revues médicales ; il adore du reste que ces mêmes revues médicales lui consacrent des articles trempés dans la même encre. Car certaines vérités lui tiennent à cœur. À savoir que la plupart des membres de la profession médicale sont des ânes bâtés ; que les femmes devraient avoir le droit plein et entier d’exercer la médecine, étant, en règle générale, notablement moins stupides que les hommes. Qu’en outre un médecin de campagne met en moyenne trois mois pour diagnostiquer que son patient a été empoisonné, tandis qu’un médecin de ville sera plus probablement l’empoisonneur en question.

 

Page 201 : Si elle avait été un garçon, son avenir dans la médecine aurait été assuré, mais le docteur Eames se félicitait de pouvoir faire d’elle une assistante de laboratoire douée. Elle ferait l’épouse idéale pour un jeune médecin. Lorsque le moment viendrait, il superviserait son mariage (un époux adéquat, issu d’une bonne famille, qui pourrait être persuadé de fermer l’œil sur les débuts peu glorieux de sa promise).

 

 

 

 

 

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Mon avis : Les fureurs invisibles du cœur – John Boyne

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Sophie Aslanides

 

Éditions JC Lattès Le Livre de Poche

 

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Quatrième de couverture :

Cyril n’est pas « un vrai Avery » et il ne le sera jamais – du moins, c’est ce que lui répètent ses parents, Maude et Charles. Mais s’il n’est pas un vrai Avery, qui est-il ? Né d’une fille-mère bannie de la communauté rurale irlandaise où elle a grandi, devenu fils adoptif des Avery, un couple dublinois aisé et excentrique, Cyril se forge une identité au gré d’improbables rencontres et apprend à lutter contre les préjugés d’une société irlandaise où la différence et la liberté de choix sont loin d’être acquises.

Une grande fresque sur l’histoire sociale de l’Irlande transformée en épopée existentielle. Florence Bouchy, Le Monde des livres.

John Boyne partage avec le chef-d’œuvre de John Irving, Le Monde selon Garp, un même souffle épique. Delphine Peras, L’Express.

Une éducation sentimentale et politique portée par l’art d’un romancier qui sait sonder les reins et les cœurs. Christophe Ono-dit-Biot, Le Point.

 

 

Mon avis :
Magie de la littérature, j'ai adoré ce roman dès les premières lignes. Immédiatement, il ne vous lâche plus, il vous emporte avec lui. J'aurais voulu m'abstraire du monde et rester dans ma lecture jusqu'au mot fin sans devoir m'arrêter.

Le narrateur nous raconte sa vie, depuis sa conception dans le péché, car sa mère n'avait que seize ans et ça se passait en 1945. Elle fut chassée par ses parents après avoir été copieusement insultée par le curé pendant la messe. Elle accoucha à Dublin, où, seule et sans argent, elle confia son fils à l'adoption.
C'est ainsi que Cyril, enfant à la maturité étonnante, grandit chez les Avery ses parents adoptifs, un couple dysfonctionnel passablement déjanté.

J'ai eu sans cesse l'impression d'être parachutée dans un monde inconnu. L'Irlande, pays étrange pour moi qui n'en connaissais que le nom et la situation géographique, m'est apparu extrêmement puritain et intolérant, presque moyenâgeux. D'ailleurs l'auteur le dit explicitement que "L'Irlande est épouvantablement rétrograde, dirigée par des curés malveillants, malintentionnés et sadiques [...]"

J'ai adoré Cyril qui, à sept ans avait déjà un regard acéré sur ce qui l'entourait, qui se rendait bien compte qu'il ne fonctionnait pas comme la majorité des gens, et qui acceptait la place étrange qu'il occupait auprès de ses parents adoptifs, pas vraiment un meuble mais pas un enfant non plus. D'ailleurs les parents sont des phénomènes dans leur genre, complètement inconséquents, égoïstes et superficiels mais jamais malveillants. En réalité, tous les personnages sont incroyables et souvent très drôles.

Cyril est torturé par sa conscience : il déteste le mensonge. Or, à l'époque, l'homosexualité était pénalement réprimée en Irlande ce qui l'obligeait à cacher ce qu'il avait compris sur lui-même depuis très longtemps. Sans parler de l'homophobie ambiante totalement assumée par tout un chacun et la violence qui en résultait à l'encontre des homosexuels considérés comme des pervers et des moins que rien.

Les nombreux personnages et leurs destinées sont passionnants.
Chose à laquelle je ne m'attendais pas en commençant ce livre, j'ai énormément ri ! Des dialogues totalement hilarants ponctuent ce roman. C'est d'une drôlerie incroyable alors que le sujet est douloureux dans les époques que le narrateur traverse, toutefois sans jamais donner dans le pathos, bien au contraire, tout en étant très émouvant par moments.
C'est un énorme coup de cœur que ce roman qui nous dit la difficulté, la douleur et la peur souvent, de vivre son homosexualité selon l'endroit et l'époque où l'on naît. L'auteur met en exergue la beauté intérieure de ceux qui en sont pourvus, nous éclaire sur les liens invisibles et les pirouettes du destin qui se jouent de nous.
J'ai adoré ce récit d'une vie entière et de toutes celles dans son sillage, raconté avec tant de verve et de délicatesse aussi, qui nous montre l'évolution de la société irlandaise qui a eu bien du mal à s'ouvrir l'esprit, de 1945 à nos jours.

Une chose est sûre, c'est que je vais poursuivre la découverte de l’œuvre de 
John Boyne qui vient d'entrer dans mon panthéon des auteurs incontournables auprès de Yasmina KhadraPat ConroyJeanine CumminsLance WellerAnne SteigerMaria José SilveiraLaurent Gaudé et Paul Auster entre autres.
Les 853 pages lues en cinq jours, c'est dire si l'histoire est prenante.

 

Citations :

Page 33 : Non, je suis enfant unique. Après ma naissance, ma mère ne pouvait plus en avoir d’autre et père ne lui a jamais pardonné. Il va voir ailleurs. Il a plusieurs petites amies et personne ne dit jamais rien parce que d’après le curé, un homme a le droit de s’attendre à ce que sa femme lui donne une maison pleine d’enfants, et un champs stérile ne peut être semé.

 

Page 39 : Je n’ai rien avalé d’autre qu’un petit sandwich aujourd’hui, je pourrais dévorer un petit protestant si quelqu’un voulait bien lui verser un peu de sauce sur la tête.

 

Page 88 : Sa mère était fille-mère, aimait à dire Charles. Et nous, dans un acte de charité, l’avons pris chez nous et lui avons donné un foyer. Une sœur rédemptoriste bossue nous l’a apporté. Si vous voulez un enfant un jour, ce sont les nonnes qu’il faut appeler, je vous assure. Elles en ont plein. Je ne sais pas où elles les stockent, ni comment elles les trouvent, à vrai dire, mais il n’y a jamais pénurie.

 

Page 116 : Mon Dieu, cette femme m’a fait des choses qu’aucune ne m’a jamais faites. Tant que tu n’auras pas eu de fellation de ta mère adoptive, Cyril, tu ne sauras pas vraiment ce qu’est une pipe de qualité.

 

Page 184 : Nous étions en 1959, après tout. Je ne savais presque rien de l’homosexualité, en dehors du fait que succomber à ce genre de désir était un acte criminel en Irlande qui donnait lieu à une peine de prison. À moins que j’entre dans les ordres, dans ce cas, il s’agissait d’un avantage en nature de la profession.

 

Page 304 : C’était une période difficile, pour un Irlandais âgé de vingt et un an attiré par les hommes. Quand on possédait ces trois caractéristiques simultanément, on devait se situer à un niveau d’hypocrisie et de duplicité contraire à ma nature.

 

Page 317 : Beaucoup de garçons ont eu des sentiments identiques, depuis les Grecs de l’Antiquité jusqu’à nos jours. Les pervers, dégénérés et cinglés ont toujours existé, ne pensez pas une seconde que vous êtes spécial.

 

Page 382 : Je crois que ce sont des gens qu’on appelle communément des mondains, déclara-t-elle, la voix pleine de dédain. La définition du dictionnaire doit être quelque chose comme : un paquet d’individus égocentriques, narcissiques, physiquement attrayants mais intellectuellement sans profondeur, dont les parents ont tellement d’argent qu’ils n’ont absolument pas besoin de travailler. Ils vont de fête en fête, dans le seul but de se faire voir, tandis qu’ils s’érodent de l’intérieur, comme une batterie vide, à cause de leur manque d’ambition, de perspicacité ou d’esprit.

 

Page 486 : Je n’ai pas mis les pieds en Irlande depuis trente-cinq ans et il faudrait une armée entière de mercenaires pour m’y traîner. Un pays atroce. Des gens horribles. Des souvenirs terribles.

 

Page 488 : L'Irlande est épouvantablement rétrograde, dirigée par des curés malveillants, malintentionnés et sadiques, et le gouvernement est aussi asservi par le pouvoir religieux qu’un chien mené au bout d’une laisse.

 

Page 815 : Vous ne pouvez pas comprendre, mais c’est quelque chose dont toutes les filles se rendent compte à un moment donné dans leur vie, généralement vers quinze ou seize ans. Peut-être que maintenant, cela arrive encore plus tôt. Elles comprennent qu’elles ont plus de pouvoir que tous les hommes de la pièce réunis, parce que les hommes sont faibles, se laissent gouverner par leurs désirs et leur envie frénétique de posséder des femmes. Mais les femmes sont fortes. J’ai toujours pensé que si les femmes pouvaient mobiliser toutes ensemble le pouvoir qu’elle détiennent, elles dirigeraient le monde.

 

Page 818 : Les curés tenaient les rennes du pays à cette époque-là, et ils détestaient les femmes. Oh, mon Dieu, comme ils haïssaient les femmes et tout ce qui était en rapport avec elles, avec le corps, les idées, les désirs des femmes. Chaque fois qu’ils avaient l’occasion d’humilier une femme, de la briser, ils s’en donnaient à cœur joie. Je crois que c’était parce qu’ils les désiraient sans pouvoir les avoir. Sauf, bien sûr, quand ils en avaient une en douce. Ce qui arrivait souvent.

 

 

 

 

 

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