Mon avis : Famille de menteurs – E. Lockhart
Traduit par Marie Chuvin et Laetitia Devaux
Éditions Gallimard Jeunesse
Mon avis sur Insta c'est ici
Quatrième de couverture :
Vous croyez nous connaître ?
Les Sinclair ne révèlent jamais leurs secrets.
Vous nous trouvez extraordinaires. Tragiques. Magnifiques. Vous pensez tout savoir sur nous, mais vous n'en savez pas la moitié. Nous ne vacillons pas, même lorsque nos amours nous trahissent. Nous ne nous écroulons pas, même lorsque nous perdons l'un des nôtres. Nous ne cassons pas, même lorsque le sang coule sur le sable. Et nous avons toujours été des menteurs.
Romance, suspense, fantômes, excès... Après Nous les menteurs - et seulement après ! - remontez aux origines du drame familial sur l'île privée des Sinclair.
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Mon avis :
Suite de Nous les menteurs, mais en réalité préquel à ne surtout pas lire avant car il dévoile des choses... Et comme j'ai lu le premier tome récemment et qu'il faut battre le fer tant qu'il est chaud, autant ne pas laisser passer trop de temps entre la lecture du premier tome et celui-ci.
Donc on prend les mêmes et on recommence. Enfin, presque car ici il s'agit de la génération qui précède celle du premier opus. Mais même éducation "Never complain, never explain", donc des gens qui ne savent pas témoigner leurs sentiments, leurs douleurs, leurs peines, même lorsqu'il s'agit d'un deuil. Dans ce cas on fait comme si la personne n'avait jamais existé. C'est terrifiant la capacité de cette famille à occulter…
Carrie nous raconte. Son fils est mort, il avait quinze ans. Elle le voit la nuit, quand elle n'arrive pas à dormir et qu'elle descend boire un whisky, il est là. Il lui demande de lui raconter la famille. Alors elle revient en arrière, l'année de ses dix-sept ans en 1987. Le sida, des inondations, des manifestations. Et toujours les vacances dans leur île privée à l'écart du monde, avec ses sœurs et ses cousins, et des amis de sa cousine. L'origine de la fortune de sa famille, argent en partie sale. Un peu de cynisme de la part de certains membres, de la vanité souvent, et beaucoup de mépris de classe, un peu d'antisémitisme, un peu d'homophobie. Un peu anti tout ce qui n'est pas WASP en fait.
Étrange famille que celle-ci, qui élude les malheurs pour ne garder que le bon en croyant que ça fonctionne, qu'on peut ainsi éviter d'être malheureux.
Une famille avec des zones d'ombre et des mensonges, évidemment. Et une drôle de petite personne... L'ambiance vacances, avec les parents, les cousines, les copains, les flirts, l'alcool, l'insouciance, du moins en apparence.
J'ai bien aimé ce deuxième tome, qui nous assène des révélations, comme ça, en passant, parfois l'air de rien, parfois comme une énorme baffe... Les Sinclair sont des gens très étranges et pas forcément très sympathiques ni recommandables. Ce livre m'a fait l'effet d'une vitrine de la riche famille américaine type. Belle table, mets à profusion, hôtesse parfaite et mère idéale, puis le père fort et viril qui pourvoit à tout, et les enfants bien élevés qui iront tous à l'université, et dans le cas des filles, ce sera pour trouver un bon parti et être une épouse dévouée et cultivée. Quel cauchemar !!
Quelques anachronismes m'ont un peu gênée, comme "en mode…" ou encore "genre, elle conserve cette photo…" qui sont des expressions qu'on entend tout le temps actuellement, ce qui n'était pas le cas dans les années 90. Ou alors je vivais dans une grotte et je ne me suis rendue compte de rien…
Même si l'intérêt pour les personnages et l'histoire ont mis plus de temps à s'installer que dans le premier opus, je me suis laissé embarquer par un suspense qui arrive tout doucement mais qui m'a tenue en haleine jusqu'à la fin. Après un été de l'adolescence des enfants, celui de l'adolescence de leurs parents, tout s'imbrique, la boucle est bouclée.
Citations :
Page 37 : Je sais que mes parents ont fait ce qu’ils pensaient être le mieux pour eux et pour nous. Panser à la perte d’un être cher, c’est douloureux, alors à quoi bon ?
Page 37 : Maintenant que je suis adulte, je considère que ne jamais laisser personne nous dire non, c’est ce qu’on enseigne aux garçons qui feraient mieux d’apprendre que non, c’est non.
Page 46 : La famille de Tipper avait fait fortune (en partie, plusieurs générations plus tôt) dans une plantation de canne à sucre située non loin de Charleston, en Caroline du Sud. Qui employait des esclaves. De l’argent sale.
Page 111 : Je n’avais jamais été embrassée avant. Ça ressemble
à un plongeon dans l’eau glacée,
à une framboise sucrée,
au son d’une flûte,
à rien de tout ça.
Page 199 : Yardley et moi devons aider Tipper à tout débarrasser — tables et plans de travail. Elle nous tend des tabliers. Ma cousine grommelle en enfilant le sien.
— C’est ce que je fais tous les soirs de ma vie, jeune fille, lance joyeusement ma mère. Alors tu ferais bien de t’y habituer. Quand tu as une famille, tu n’as plus le choix.
— Moi, déclare Yardley, je me vois plutôt en salle d’opération à recoudre des thorax pendant que mon mari préparera le repas des enfants.
— Et les miens dîneront au restaurant, dis-je.
Page 257 : — Jouer la comédie. Toute l’année, on a fait comme si tout allait bien, alors on va continuer. On sait faire. C’est ce qu’on nous apprend, dans cette famille. Et au bout d’un certain temps, tout va effectivement aller bien. Compris ?