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Mon avis : À l’autre bout de la mer – Giulio Cavalli

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’italien par Lise Caillat

 

Les Éditions de L’Observatoire

 

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Quatrième de couverture :

Giovanni Ventimiglia est pêcheur. Il vend son poisson au marché de DF, une petite ville italienne accrochée à la côte comme beaucoup d'autres, avec un curé qui sermonne et qui va au bordel, une chaîne d'actualité locale qui enflamme le cœur des ménagères avec son présentateur grisonnant et son afflux de touristes estival. Mais un matin de mars, en accostant au port, Giovanni découvre un cadavre, celui d'un jeune homme venu d'ailleurs.
Après lui, les découvertes se succèdent sans que les autorités locales ne parviennent à trouver un fil conducteur, une raison logique à ces vagues mortifères. Désemparée, la petite ville appelle à l'aide, et finira par mettre au point une bien étrange stratégie pour venir à bout de ces vagues macabres mais s'en relèvera-t-elle indemne ?
Giulio Cavalli réinvente le genre de la dystopie dans ce roman aussi noir que fascinant, véritable miroir tendu vers l'humanité et ce qu'elle a de plus dérangeant.

 

 

Mon avis :
DF, petite ville du bord de mer, voit les cadavres venir s'échouer les uns après les autres sur la grève, comme des méduses. de bien étranges cadavres à vrai dire.
Pendant la messe, le prêtre pointe de son courroux les responsables qui selon lui ne font rien pour protéger les braves concitoyens. C'en est trop pour le maire Peppe Ruffini, ainsi que pour le commissaire Magnani.

Les descriptions sont nauséeuses à souhait avec des détails qui rappellent des pages sombres de l'histoire ou encore les dix plaies d'Égypte quand sont évoquées les nuées de mouches. Des tonnes de cadavres gélatineux, qui se ressemblent tous avec leurs yeux vides de poissons. Mais d'où viennent-ils ?
Contre toute attente il faut prendre des mesures pour protéger les vivants de ces miasmes.
Frediano Cattori, le journaliste de la télé locale, en bon charognard voit déjà le scoop de sa carrière.
Le maire va prendre des mesures drastiques contre ce fléau, observé par le monde, jugé, mais jamais aidé.

Étrange écriture où parfois les dialogues sont insérées dans des phrases extrêmement longues et où les protagonistes se répondent sans retour à la ligne ni tiret, juste des virgules. J'ai beaucoup de mal avec les phrases interminables. J'ai à chaque fois l'impression de faire un marathon en apnée, ça m'épuise. C'est comme si un enfant de cinq ans m'assénait sa logorrhée sans savoir où il va ni d'où il est parti. Alors oui, je me demande ce qui motive cette façon de faire, qui n'a que le résultat de me perdre en cours de route, dans le fil de chaque phrase démesurée. Ou alors c'est pour donner un effet vague scélérate et ça marche car on se prend tout de plein fouet… entre deux égarements.

Contrairement à la première partie "Les morts", j'ai préféré la seconde partie de l'histoire "Les vivants", en forme de roman choral, qui donne la parole à différents habitant de DF qui nous parlent de la résolution du problème. Néanmoins il faut parfois avoir le cœur bien accroché pour ne pas régurgiter son café du matin.

Ce roman semble être une parabole, mais de quoi ? de nos sociétés qui ferment les yeux sur le malheur des autres ? Je ne suis sûre de rien… Mais j'y ai vu un certain cynisme car pendant qu'une partie du monde s'écroule certains regardent sans bouger, et beaucoup demeurent dans leurs petites mesquineries. Et puis certains faits mettent l'accent sur une certaine immortalité, nos incongruités et nos incohérences et j'ai trouvé ça assez jubilatoire.
Je pense que les romans comme celui-ci, qui mènent à une réflexion, sont multiples car chaque lecteur y comprend une signification qui lui est propre et que de fait, il n'y a pas une révélation mais une multitude d'interprétations.
À la fin je me suis dit que cette histoire dénonçait beaucoup de choses, qu'on pourrait englober sous un seul terme : hypocrisie. L'auteur se moque de tous ceux qui trouvent une justification à l'indéfendable.
Mais vraiment la toute fin, la troisième partie, je ne l'ai pas comprise.

 

Citations :

Page 50 : Morts. Un tapis de corps amassés comme des sacs, des dizaines, peut-être une centaine de corps chevauchés pas la mer qui hachurait le rivage, les visages des uns sur le torse des autres, un pied qui dépassait sans qu’on puisse deviner le reste, enlacés telles des couleuvres, étalés sans os, en filets, avec des tee-shirts et des pantalons légers rongés par l’eau et raidis par le soleil, des cadavres de personnes, des hommes, jeunes et identiquement musclés comme s’ils avaient été élevés en batterie, puis, jugés matures, livrés par la mer.

 

Page 74 : Vingt-quatre mille sept cent douze cadavres compta l’armée nationale atterrie à DF en fin de journée, le pas déjà fatigué à l’idée d’être confrontée à la mort sans l’adrénaline du meurtre.

 

Page 141 : J’en ai gagné des prix avec mes restaurants. J’en ai eu des satisfactions. La première fois que j’ai ramené mon cul dans une cuisine à DF, la frisella – du pain sec et de la tomate – était considéré comme un plat gastronomique, des fèves on buvait même le bouillon et il suffisait que le poisson soit mort pour être mis sur la table. Une ville de primitifs, vraiment. J’aime ma ville, que ce soit clair, je suis resté ici alors que mes camarades de classe fanfaronnaient en m’envoyant des cartes postales de Rome, de Milan, de Palerme, l’un d’eux a même fini à Londres. Bande d’idiots. Depuis six mois maintenant ils frappent à la porte, les salauds, pour profiter de DF. Trop facile. Ruffini a très bien fait de bloquer les entrées : nettoyer ses chiottes pour y faire chier les autres c’est se manquer de respect et, si à présent la ville est devenue pour beaucoup un mirage, c’est à nous d’en profiter. Bordel. Autrement dix citoyens sur dix n’auraient pas voté oui au référendum du mois dernier pour refuser les demandes de domicile et de résidence.

 

Page 157 : Ottavio Prazio, je le connais bien. Ces dernières années il nous est arrivé de déjeuner ensemble au port, Prazio est un nostalgique, quelqu’un qui célèbre le fascisme plus pour le folklore que par conviction, un brave type, il a une grande gueule mais il ne tordrait pas la patte d’une mouche, gentil avec tout le monde, il offre toujours à boire, distribue des caresses aux gamins, rejette les poissons à la mer, il a payé la communion de ses petits-enfants, on l’appelle le duce mais c’est un surnom comme le pêcheur, le grand-père ou le gros.

 

Page 186 : Au début de cette tragédie, quand ceux-là ont commencé à arriver, personne n’a voulu nous donner un coup de main. Personne. Écrivez-le en majuscules : l’État à qui nous avons versé des milliards de taxes pendant des années nous a abandonnés à notre triste sort et, quand nous avons décidé de nous débrouiller seuls, il a réagi comme une femme trompée. Ça vous semble normal ?

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Mon avis : Le baron perché – Italo Calvino

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’italien par Juliette Bertrand, revue par Mario Fusco

 

Éditions Gallimard - Folio

 

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Quatrième de couverture :

« Pour bien voir la terre, il faut la regarder d'un peu loin. »

 

En 1767, suite à une dispute avec ses parents au sujet d'un plat d'escargots, le jeune Côme Laverse du Rondeau monte dans l'yeuse du jardin. Il ne descendra plus des arbres jusqu'à sa mort, s'y éveillant au savoir et à l'amour, à la solitude comme à la fraternité.

 

Conte philosophique en hommage au siècle des Lumières, autoportrait d'un excentrique épris de liberté, Le baron perché enchante par son humour généreux, ses constantes inventions, son humanisme intemporel.

 

Le baron perché fait partie de la trilogie Nos ancêtres, qui comprend également Le vicomte pourfendu et Le chevalier inexistant.

 


 

Mon avis :
Perché le petit futur baron ? Oui et en même temps pas tant que ça. Dans un arbre oui, par esprit de révolte et je dois dire que j'ai tout de suite été d'accord avec lui ! Il faut savoir se défendre, ne pas se soumettre, surtout quand on est petit. Bon, il est quand-même peut-être un peu perché. Mais qu'il est drôle cet enfant !
D'ailleurs la sœur aînée, Baptiste (c'est tellement étrange d'avoir Traduit Battista en Baptiste) est quelque peu azimutée à sa façon, qui se situe dans le registre du gore culinaire. La mère aussi est spéciale et le père a des rêves de grandeur et un frère naturel très bizarre… C'est une famille de doux dingues.
Quant à Blaise, le petit frère et narrateur, il est en admiration devant cet aîné si courageux et extravagant.

Et puis il y a la petite voisine, Violante. Une espèce de petite pestouille, qui m'a fait penser à Minnie avec Mickey. Ou Daisy avec Donald. Et oui, j'ai de drôles de références, mais c'est parce que dans cette histoire, la fille est celle qui fait tourner en bourrique le pauvre garçon, et qui nous rendrait presque misogyne !.. Comme Minnie et Daisy. Eh oui, l'enfance nous imprègne durablement.

Et donc, cet enfant, parti dans les arbres par esprit de contestation envers ses parents, ne redescendra plus. Tel un funambule il passera d'arbre en arbre sans plus jamais toucher le sol. Et nous lecteurs, avec Côme nous allons parcourir toutes sortes d'essences d'arbres et apprendre lesquels sont les plus adaptés au funambulisme. Eh oui ! Et on n'apprend pas que ça !
Côme, doux rêveur, devient l'anticonformisme personnifié, d'une belle érudition, jamais à cours d'idées et d'une telle ouverture d'esprit pour son temps qu'il m'a énormément plu. Tout l'intrigue, tout l'intéresse, tout le passionne… y compris l'altruisme et le don de soi.

Alors que ce choix, fait sous la colère, d'aller vivre dans les arbres a permis à Côme de vivre des choses incroyables toute sa vie, moi je n'ai pas totalement réussi à me laisser emporter par la poésie de cette existence car j'ai eu froid pour lui, j'ai souffert de sa solitude à sa place et j'ai regretté qu'il ne foule plus jamais l'herbe de ses pieds, qu'il ne puisse serrer Optimus Maximus dans ses bras. Au fond, il est une sorte d'Antigone, inébranlable dans ses convictions, quel que soit le prix à payer.
Cette surprenante épopée sylvestre m'a rappelé que souvent l'orgueil nous emmène plus loin qu'on ne l'aurait voulu et parfois beaucoup trop loin.

 

Citations :

Page 40 : Nous ferons toute une armée des arbres, et nous ramènerons à la raison la terre et ses habitants.

 

Page 76 : C’était un destin extraordinaire pour une mère que d’avoir un fils aussi fantasque, un fils qui se refusait à tout ce qui compose normalement une vie sentimentale ; […]

 

Page 79 : Les exploits que fondent une obstination toute intérieure doivent rester muets et secrets ; pour peu qu’on les proclame ou qu’on s’en glorifie, ils semblent vains, privés de sens, deviennent mesquins.

 

Page 129 : Le figuier vous assimile, vous imprègne de sa gomme, du grondement de ses bourdons ; Côme, après un moment, avait l’impression de devenir figue lui-même : il se sentait mal à son aise, et s’en allait. On vit bien dans le dur sorbier, dans le mûrier ; dommage qu’ils soient si rares.

 

Page 141 : Optimus Maximus était un chien perdu qui s’était joint à la meute par passion juvénile.

 

Page 224 : Que sert d’avoir risqué sa vie, quand on ne connaît pas encore la saveur de la vie ?

 

Page 329 : Tout cela était bien beau : mais moi, j’avais l’impression que mon frère, outre sa folie, tombait dans l’imbécilité, chose plus grave et douloureuse ; soit en bien, soit en mal, la folie est une force de la nature, mais l’imbécilité n’en est qu’une faiblesse, sans aucune contrepartie.

 

Page 345 : Je n’ai jamais bien compris comment Côme pouvait concilier sa passion pour la vie en association et son refus perpétuel de l’univers social ; ce n’est pas une des moindres singularité de son caractère.

 

 

 

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Mon avis : Le jour avant le bonheur – Erri De Luca

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’italien par Danièle Valin

 

Éditions Gallimard

 

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Quatrième de couverture :

Nous sommes à Naples, dans l'immédiat après-guerre.
Un jeune orphelin, qui deviendra plus tard le narrateur de ce livre, vit sous la protection du concierge, don Gaetano. Ce dernier est un homme généreux et très attaché au bien-être du petit garçon, puis de l'adolescent. Il passe du temps avec lui, pour parler des années de guerre et de la libération de la ville par les Napolitains ou pour lui apprendre à jouer aux cartes. Il lui montre comment se rendre utile en effectuant de menus travaux et, d'une certaine façon, il l'initie à la sexualité en l'envoyant un soir chez une veuve habitant dans leur immeuble.
Mais don Gaetano possède un autre don: il lit dans les pensées des gens, et il sait par conséquent que son jeune protégé reste hanté par l'image d'une jeune fille entraperçue un jour derrière une vitre, par hasard, lors d'une partie de football dans la cour de l'immeuble. Quand la jeune fille revient des années plus tard, le narrateur aura plus que jamais besoin de l'aide de don Gaetano Dans la veine de Montedidio, ce nouveau livre du romancier italien s'impose comme un très grand roman de formation et d'initiation.

 

 

Mon avis :
Quelle belle écriture !
Le narrateur nous raconte son enfance pauvre à Naples, quand, orphelin se sentant fils de personne, il vivait dans un réduit d'immeuble et que Don Gaetano le concierge, orphelin aussi, prenait soin de lui et lui prêtait des livres. C'était juste après la guerre.
Gaetano lui racontait les laissés pour compte, l'orphelinat, le froid, la nuit à Naples, la guerre, pourquoi il a caché un juif. C'est beau…

C'est l'histoire d'une vie, du chemin qui mène de l'enfance à l'âge adulte, avec Don Gaetano comme guide et la découverte de la folie des hommes, de l'imagination fertile des enfants, des rêves, des espoirs, de l'amour, du désir, la capacité de renoncer, et une phrase m'a particulièrement touchée : Les désirs des enfants donnent des ordres à l'avenir. C'est comme si cette phrase à elle seule résumait ce roman. Mais il y a aussi le mystère des origines… et la question de savoir qui on est, d'où on vient, de qui.

Alors c'est très poétique et ça dit des belles choses mais c'est très lent. Je me suis pas mal ennuyée… et quand je m'ennuie mon esprit vagabonde et je dois souvent revenir en arrière…

 

Citations :

Page 11 : Comment se fait-il que je n’ai pas eu peur ? Je compris que ma peur était timide, elle avait besoin d’être seule pour sortir à découvert.

 

Page 23 : - Tu cherches à tout prix un saint. Il n’y en a pas, pas plus que des diables. Il y a des gens qui font quelques bonnes actions et une quantité de mauvaises. Pour en faire une bonne, tous les moments se valent, mais pour en faire une mauvaise, il faut des occasions, des opportunités. La guerre est la meilleure occasion pour faire des saloperies. Elle donne la permission. En revanche, pour une bonne action, aucune permission n’est nécessaire.

 

Page 36 : Un étudiant du conservatoire, Ruggero Semeraro, dix-sept ans, a ouvert la fenêtre de son balcon et a joué au piano La Marseillaise, cet air qui donne encore plus de courage. Le curé Antonio La Spina, soixante-sept ans, sur la barricade devant la banque de Naples, criait le psaume 94, celui des vengeances. Le coiffeur Santo Scapece, trente-sept ans, a lancé une bassine de mousse de savon sur la fente de vision d’un tank qui est allé s’écraser contre le rideau de fer d’un fleuriste. En l’espace de trois jours, le tir des habitants était devenu infaillible.

 

Page 52 : Quand on l’étudiait à l’école, l’univers était une table dressée pour des invités munis d’un télescope. En fait, il s’étendait à l’œil nu et ressemblait à un mimosa en mars, avec ses grappes fleuries, surchargées de points nébuleux, jetés pêle-mêle dans le feuillage, serrés au point de cacher le tronc.

 

Page 64 : Les désirs des enfants donnent des ordres à l’avenir. L’avenir est un serviteur lent mais fidèle.

 

Page 103 : Petit, j’imaginais que j’étais un bout de cet immeuble, mon père était le corps du bâtiment, ma mère la cour. Je fouillais dans tous les coins pour mieux les connaître. C’était une version qui me tenait compagnie et faisait de la nuit mon amie.

 

Page 126 : En classe nous étudiions jusqu’à la Première Guerre mondiale, puis l’année scolaire se terminait et avec elle le vingtième siècle. Un jeune homme avait tiré sur un archiduc et le monde s’était fait la guerre à lui-même, divisé entre ceux qui étaient du côté de l’archiduc et ceux du côté du jeune homme.

 

Page 129 : Il y avait une générosité civile dans l’école publique, gratuite, qui permettait à un garçon comme moi d’apprendre. J’avais grandi en elle et je ne mesurais pas l’effort d’une société pour s’acquitter de cette tâche. L’instruction nous donnait de l’importance, à nous les pauvres. Les riches s’instruisaient de tout façon. L’école donnait du poids à ceux qui n’en avaient pas, elle rendait égaux. Elle n’abolissait pas la misère mais, entre ses murs, elle permettait l’égalité. La différence commençait dehors.

 

 

 

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Mon avis : Nous sommes Bob Tome 1 – Dennis E. Taylor

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Sébastien Baert

 

Éditions Le Livre de Poche

 

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Quatrième de couverture :

Bob Johansson vient de vendre sa start-up et va pouvoir profiter de la vie. Tant de lieux à visiter, de livres à lire et de films à voir ! Pas de bol, il se fait écraser en traversant la rue. Lorsqu’il revient à lui, un siècle plus tard, c'est pour découvrir qu'il appartient désormais au gouvernement. Téléchargé dans un ordinateur, il est pressenti pour devenir une IA capable de se répliquer à volonté, aux commandes d'une sonde interstellaire destinée à la recherche de planètes habitables. Les enjeux sont considérables. S'il refuse cette mission, on l'éteindra et un autre prendra sa place. S'il accepte, il devient une cible de choix. Au moins trois autres puissances se verraient bien envoyer leur sonde en premier, et tous les coups sont permis.
Pour Bob, l'endroit le plus sûr, c'est dans l'espace, le plus loin possible de la Terre. C'est du moins ce qu'il croit

Drôle, intelligent, captivant et totalement surprenant. Lanfeust Mag.
Un très grand premier opus. Science-Fiction magazine.

 

 

Mon avis :
Bob ! Un homme bien dans son époque, jeune startupper, totalement geek, fan de science-fiction, signe un contrat avec CryoEterna pour être cryognisé le jour de sa mort puis ramené à la vie plus tard, quand la science aura énormément progressé. Et comme si la faucheuse n'avait attendu que ça embusquée au détour d'une rue, Bob se fait écrabouiller le lendemain par une voiture.
Et là commence sa deuxième vie ! Enfin, si on peut dire… 117 ans plus tard, soit en 2133.

J'ai tout de suite beaucoup aimé Bob. Il est facétieux et pragmatique, ne s'affole pas facilement, même quand il découvre sa nouvelle situation qui n'est pas exactement ce à quoi il s'attendait. À vrai dire, il est un peu sous contrôle endocrinien pour mieux supporter le stress et en même temps il n'est plus qu'une sorte d'intelligence artificielle, donc c'est très bizarre.
Le projet était déjà très bizarre, là, c'est pire. Mais ça ne l'inquiète pas outre mesure. Il considère qu'un avenir incroyable s'offre à lui.

Dans cette centaine d'années là, la religion aura gagné énormément de terrain et sera au pouvoir, avec tout ce que ça peut impliquer de censures et d'interdits ; une théocratie - FAITH - avec un ministère de la Vérité et un de la Pensée éclairée et pas que…, des contrôleurs de piété et toutes sortes de joyeusetés à l'avenant.

Bob fait désormais partie d'un projet nommé HEAVEN dont le but est trouver des planètes habitables. Et j'ai eu envie de crier : EN ROUTE POUR L'AVENTURE ET AU DELÀ !!! Eh oui, parce que dès le début j'ai trouvé cette histoire hyper enthousiasmante. D'autant que Bob, qui est devenu une AI, un programme, un répliquant, en tout cas virtuel, peut se dupliquer à l'infini… Et il le fait et ça devient complètement délirant !
C'est bourré de références à la pop culture et c'est drôle. J'ai adoré, même si je ne les avais pas toutes, spécialement sur les jeux vidéo. J'ai dû aller à la pêche au infos. En revanche, celles sur le cinéma avec des blockbusters comme Star Trek et Star Wars ainsi que les dessins animés, j'étais en terrain de connaissance et franchement c'est assez jubilatoire. Bob a un gros côté ado attardé et forcément ses avatars aussi.

J'ai aimé l'humour qui pointe sans cesse son nez l'air de rien. Mais j'ai eu du mal à rester concentrée lors des nombreuses batailles dans l'espace. Je les ai trouvées trop répétitives et assez similaires. Et puis je me suis un peu perdue avec tous les Bob, au début en tout cas.
J'ai néanmoins rapidement trouvé ce roman totalement captivant, j'ai énormément aimé, et même de plus en plus à mesure que j'avançais dans l'histoire. Les nombreux Bob ouvrent le champ des possible à l'infini. Par certains côtés comme l'humour geek, voire absurde, et l'exploration spatiale, cette histoire me rappelle un livre de 
Douglas Adams que j'avais adoré il y a des années et qui s'appelait à l'époque le guide du routard galactique et qui était le premier tome d'une trilogie.
Bien sûr je vais poursuivre mon exploration de cet univers un peu fou avec les deux tomes qui suivent.

 

Citations :

Page 23 : - Je suis humaniste, Karen. Tu le sais. Je ne crois pas à l’au-delà. À ma mort, j’ai le choix entre renaître ou rien. Je ferai avec ce qui se présentera quand je me réveillerai.

 

Page 120 : Ce qui m’agaçait le plus dans le fait d’être un esprit dépourvu de corps, c’était, eh bien… de ne pas avoir de corps. Il fallait constamment que je trouve à m’occuper si je ne voulais pas avoir l’impression de me trouver dans un caisson d’isolation sensorielle. Chacune de mes tentatives pour sourire, remuer ou froncer les sourcils avait connu le même sort : le sentiment d’avoir le visage anesthésié à la novocaïne. En ce qui concernait le reste de mon corps, j’avais l’impression d’être enfermé dans un morceau de coton géant. Je me demandais si ce n’était pas cette sensation qui était à l’origine des crises de démence des réplicants.

 

Page 144 : L’objectif de ma mission était de découvrir des planètes habitables, ou, à défaut, de trouver des planètes dont il serait possible de modifier l’environnement ou sur lesquelles il serait possible de vivre avec l’aide d’une assistance technique.

 

Page 257 : La planète était légèrement plus grosse que la Terre, mais sa pesanteur était plus faible, probablement à cause d’un noyau plus petit. Avec son atmosphère plus dense, c’était l ‘environnement idéal pour les créatures volantes et l’équivalent de grands arbres. Et ces derniers en avaient profité.

 

Page 289 : - Quinze millions de personnes. On est passés de douze milliards à quinze millions. Notre espèce est vraiment la plus bête que je connaisse. On ferait peut-être mieux de les laisser mourir et de tout recommencer à zéro.

 

Page 352 : Je me frottais le front. La facilité avec laquelle certains parvenaient à transformer n’importe quelle ânerie dogmatique en mouvement politique ne cesserait jamais de me surprendre.

 

 

 

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Mon avis : Nuit mère – Kurt Vonnegut

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’américain par Gwilym Tonnerre

 

Éditions Gallmeister

 

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Quatrième de couverture :

"Je suis américain de naissance, nazi de réputation et apatride par inclination."
Ainsi s'ouvrent les confessions de Howard W. Campbell Jr. qui attend d'être jugé pour crimes de guerre dans une cellule de Jérusalem. Ce dramaturge à succès exilé en Allemagne fut en effet le propagandiste de radio le plus zélé du régime nazi. Mais il clame aujourd'hui son innocence et prétend n'avoir été qu'un agent infiltré au service des Alliés. Il lui reste désormais peu de temps pour se disculper et sauver sa peau

 

 

Mon avis :
Est-ce que je m'attendais à être déstabilisée par ce roman ? Peut-être ! C'est pour ça que je voulais le lire ! Mais aussi parce qu'il y a longtemps que je veux lire 
Kurt Vonnegut. J'aime ce qui est inhabituel et là, on est servi. Tout d'abord, les chapitres très très courts sont au nombre de 45, pour 215 pages.
L'humour est grinçant, voire loufoque, j'ai adoré !

Howard W. Campbell Jr. attend dans sa cellule de Jérusalem d'être jugé pour crime de guerre, car connu pour avoir été le propagandiste de radio le plus zélé du régime nazi.
Américain de naissance, immigré en Allemagne durant l'enfance, il y reste à l'âge adulte, épouse une allemande et devient plus nazi que les nazis.
Mais au fond, est-ce la vérité ? Lui, prétend que non, qu'il était un agent double.

Chapitre après chapitre je me suis délectée de ce récit à l'humour caustique et de ces faux-semblants. Car tout le problème avec un agent double, un menteur ou un manipulateur, ce qui revient au même, est de savoir à quel moment il dit la vérité et quand il ment. Il raconte sa vie, la guerre, l'antisémitisme, l'Allemagne. Il y a une forme de cynisme dans la narration des événements de cette époque sinistre, qui vire au jubilatoire car traités sur le mode de l'humour noir, et ça j'adore ! Par exemple l'histoire du chien de Resi, alors que j'aime les chiens... mais la chute m'a fait rire. Pourtant ça a été une réalité pendant la guerre.

Tout le long du roman, au fil des événements de sa vie, on a l'impression qu'il a été agent double sans le savoir, ou alors vrai américain patriote et faux nazi, ou sympathisant nazi et traître à sa patrie, ou homme aux personnalités multiples, ou imbécile heureux mais ça c'est pas sûr, tout ça dans une espèce de schizophrénie qui l'arrange bien... ou pas. Tout dans l'histoire tend à noyer le poisson. En fait, de nombreuses fois je me suis dit "ce mec est dingue, complètement ravagé".

Ce roman dit des choses de cette guerre et de ses idéologies nauséabondes, sur un ton qui paraît léger, pratiquement toujours caustique et ironique. J'ai bien kiffé !!

 

Citations :

Page 27 : Son nom est Andor Gutman. Andor est un juif estonien assoupi, pas très vif. Il a passé deux ans au camp d’extermination d’Auschwitz. D’après son propre témoignage réticent, il a bien failli en ressortir par la cheminée d’un four crématoire :

- Je venais d’être affecté au Sonderkommando, me dit-il, quand l’ordre est venu de Himmler de fermer les fours.

 

Page 54 : Ma mère et mon père sont morts. Certains disent qu’ils sont morts de peine de cœur. Ils sont morts dans leur soixantaine, en tout cas, quand les cœurs sont vulnérables.

Ils ne vécurent pas assez longtemps pour voir la fin de la guerre, et ne revirent jamais leur radieux garçon. Ils ne me déshéritèrent pas, bien qu’ils durent en être amèrement tentés.

 

Page 79 : Elle était incroyablement bien conservée pour une femme de quarante-cinq ans.

 

Page 90 : Une esclave sortit de la maison en traînant des pieds, un vase bleu d’une beauté éblouissante entre les mains. Elle était chaussée de sabots en bois maintenus avec de la toile. Elle était une loque sans nom, sans âge, sans sexe. Elle avait les yeux comme des huîtres. Elle avait le nez rongé par le froid, marbré de blanc et de rouge cerise.

 

Page 133 : - Howard… quand ma femme est morte, je n’avais d’allégeance pour rien ni personne. J’étais, moi aussi, le fragment insignifiant d’une nation à deux.

 

 

 

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Mon avis : Borgo Sud – Donetella Di Pietrantonio

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’italien par Laura Brignon

 

Éditions Albin Michel

 

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Quatrième de couverture :

Adriana est comme un torrent, elle surgit toujours dans la vie de sa sœur avec la puissance d'une révélation, attisant la nuit des souvenirs. Elles ont été des enfants rebelles et complices, unies par le manque d'amour d'une mère aujourd'hui sur le déclin. Elles sont désormais des femmes, éloignées l'une de l'autre, lourdes d'un héritage de non-dits. Et pour qui ignore le langage de l'affection, il est difficile d'ouvrir son cœur.
C'est à Borgo Sud, le quartier des pêcheurs de Pescara, ville des Abruzzes où les hommes forment une seule et même famille autour de la mer, que les deux sœurs parviendront peut-être à réparer le passé.

 

Après La Revenue, couronné par le prestigieux prix Campiello, la grande romancière italienne Donatella Di Pietrantonio poursuit une œuvre subtile et profonde sur le temps et le mystère des sentiments.

 

 

Mon avis :
Adriana et sa soeur, la narratrice dont on ne connaît toujours pas le prénom, sont devenues adultes.
Dès les premières pages la beauté de l'écriture m'a envoûtée. Il y a tant de poésie dans ces lignes !

Quand l'histoire commence, la narratrice, devenue enseignante, est mariée avec Piero. Adriana est restée la petite sauvageonne brute de décoffrage de son enfance sans tendresse. Elle vit à 
Borgo Sud, le quartier des pêcheurs de Pescara. C'est une tornade, un tsunami, qui assouvit ses rêves de liberté en traînant avec des gens malsains sans jamais faire de faux pas elle-même "Adriana est ainsi faite, elle se plonge dans la fange et en ressort immaculée."
Au fond, on découvre à travers la narratrice et sa soeur les dommages des blessures de l'enfance. Nous avons tous des douleurs et des plaies pas refermées, car aucune vie n'est parfaite. Mais il y a ceux qui les subissent et ceux qui les surmontent. Et toujours on fait ce qu'on peut.

Cette fois-ci l'autrice fait des allers-retours entre passé et présent assez brutalement et ça m'a souvent perdue. Pourtant j'ai encore une fois aimé sa vision des choses, des vies différentes, rangées ou agitées, et puis cet immense amour sororal fait de silences, de colères, de rires et de complicités. Puis je me suis souvenue, après toutes ses digressions, qu'au début un évènement grave s'était produit sans qu'on en connaisse la teneur. L'autrice va nous y amener tout doucement au fil des pérégrinations de sa vie où tant de manques l'ont blessée et où cette famille, découverte à ses treize ans, est vraiment devenue sa famille.

Ce récit est rempli d'odeurs, celles de la pêche, de la mer, du poisson et des calamars qu'on fait frire, de l'ail, des herbes, de la cuisine italienne. C'est tellement immersif !

À moi, ce roman dit que l'amour, quel qu'il soit, est un puissant moteur, que l'enfant qu'on a été survit en nous pour toujours, que la vie est remplie de petites tragédies mais que ça vaut la peine d'essayer et surtout qu'il faut conjurer le mauvais sort qui trop souvent n'est que dans la tête et pousse chacun à être son pire ennemi, et que rien n'est gravé dans le marbre.

J'ai énormément aimé cette suite de 
Celle qui est revenue, bien que pour moi un peu en dessous, mais à peine.

 

Citations :

Page 21 : « T’as intérêt de bûcher sinon t’auras affaire à moi », le menace parfois sa mère, mais c’est inutile.

Adriana a su élever un garçon différent de notre frère, différent d’elle aussi, d’ailleurs.

 

Page 72 : J’affichais une normalité feinte. Je suis tombée amoureuse de Piero à l’âge de vingt-cinq ans, pas si jeune, mais j’en savais si peu sur mon compte. Certains dimanches d’hiver, lui et moi n’avions même pas envie de nous lever du canapé pour sortir nous promener en ville. Nos solitudes accolées nous réchauffaient jusqu’aux os.

 

Page 120 : Je n’étais pas si loin de chez moi, pourtant tout était différent, c’était un monde à part. Chez moi, j’avais laissé un petit recueil ouvert sur des poèmes que j’aimais, un séminaire à préparer, un ordre bien établi ; ici, où Adriana m’avait emmenée, la vie paraissait plus vraie, scandaleuse et palpitante. Elle m’attirait et m’effrayait à la fois.

 

Page 151 : Avec ma sœur, j’ai partagé un héritage de non-dits, de gestes éludés, de soins refusés. Et d’attentions rares et imprévisibles. Nous n’avons été les filles d’aucune mère. Nous sommes encore, comme toujours, deux fugueuses.

 

Page 153 : Ma mère racontée par les autres n’était pas celle que je connaissais.

 

Page 195 : Ma sœur est téméraire, elle n’a aucune mesure, elle ne fait qu’un avec le monde.

 

Page 208 : Elle m’a montré un cercle gravé dans le sol, le symbole du Borgo, de la communauté des gens de mer.

Rester dans le cercle c’est la force, la vie, son sens. En sortir c’est se perdre, se mélanger, aller à l’affrontement dans d’autres quartiers. Ça ne vaut pas la peine, le danger est déjà dans la mer, tous les jours.

 

Page 228 : À l’époque déjà, j’aimais écouter mes étudiants à la fin des cours, pendant qu’ils se préparaient à quitter la salle. J’interceptais leurs espoirs, leur élan vers l’avenir. Ils avaient hâte d’obtenir leur diplôme, de remporter des concours, d’être heureux. J’aurais voulu leur dire minute, le véritable cours commence maintenant. Vous vous faites des illusions. À cause d’un accident, d’une maladie, d’un séisme, vos rêves seront brisés. Vous vous perdrez.

Je restais silencieuse, enfilais lentement ma veste, prise de tendresse, ils étaient si jeunes, ils ne méritaient pas la vérité. Qui étais-je pour la leur dire ? Peut-être que le sort les épargnerait.

 

 

 

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Mon avis : Celle qui est revenue – Donatella Di Pietrantonio

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l'italien par Nathalie Bauer

 

Éditions Le Livre de Poche

 

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Quatrième de couverture :

À treize ans, la narratrice apprend brutalement qu’elle n’est pas la fille de ceux qui l’ont élevée. Enfant unique, choyée, elle doit quitter la ville où elle a grandi pour être rendue à sa famille biologique. Dans son nouveau foyer, au village, il lui faut désormais partager une chambre et de maigres repas avec une sœur et quatre frères. Pauvreté, violence, usages, dialecte : tout, ici, lui est incompréhensible. « Orpheline de deux mères vivantes », elle ne sait plus qui elle est. Car, finalement, de qui est-on l’enfant ? Pourquoi ses parents adoptifs l’ont-ils abandonnée ?

Pris Campiello 2017, Celle qui est revenue est un roman d’apprentissage d’une immense délicatesse.
 

 

Mon avis :
En 1975 la narratrice nous raconte l'histoire assez singulière qu'elle vécut puisqu'à treize ans elle dût changer de maison pour aller vivre avec sa famille biologique dont elle ignorait l'existence, puisqu'elle ignorait que ceux qui l'avaient élevée jusque là n'étaient pas ses vrais parents. D'une enfance choyée et aisée elle va passer à la pauvreté et la violence dans une famille nombreuse et sans amour, où tous les enfants dorment dans la même chambre, voire à deux par lit.
Je me suis dit "Mais quel enfer ! Est-ce que j'ai vraiment envie de lire ça ?" Et il se trouve que oui, qu'à peine commencée, cette histoire a exercé sur moi une sorte de fascination morbide car pour moi elle représente le cauchemar absolu de l'enfance : découvrir que sa maman n'est pas sa maman.

Mais alors pourquoi ? Pourquoi ses parents n'étaient pas ses parents et pourquoi l'ignorait-elle ? Pourquoi a-t-elle dû partir de chez eux ? Pourquoi l'ont-ils rendue à sa famille biologique ? Tout cela sans un mot d'explication. De parents aimants elle se retrouve soudain avec un père taiseux et brutal, une mère froide, des frères moqueurs, Sergio et Domenico, et pas très gentils, sauf l'aîné, Vincenzo, qui ne la regarde peut-être pas comme on regarde une sœur. Et puis Giuseppe, encore bébé, et Adriana, la seule autre fille, qui sera son alliée, sa complice, cette enfant mi fleur des champs, mi chardon.

Cette histoire étonnante est douloureuse mais belle. Il y a des sentiments dans cette famille fruste, de l'amour qui ne se dit pas ni ne se montre.
Adriana, sa sœur trois ans plus jeune, l'a accueillie tout de suite, lui a ouvert les bras car soudain elle n'était plus la seule fille de la fratrie. Elle l'a aimée avec la hargne et la pudeur des sentiments qui caractérise cette famille où on reçoit souvent des coups mais jamais de tendresse. D'ailleurs la narratrice elle-même a la douleur discrète, c'est très étrange. Elle supporte en silence la séparation qui lui a été imposée.
Mais quelle angoisse de passer du nid douillet au panier de crabes où il y a tout de même deux frères imbéciles heureux.
Peu à peu elle raconte à sa sœur Adriana, et elle nous raconte sa nouvelle vie dans cette famille qu'elle ne connaissait pas il y a peu. Elle parle de sa mère de la ville et de la mère du village et bien sûr on finira par savoir pourquoi…

J'ai énormément aimé ce roman que j'ai dévoré, où chaque mot est juste et où, dès le mot fin j'ai eu envie de me plonger dans la suite : 
Borgo sud.

 

Citations :

Page 27 : Je n’ai pas prononcé son nom pendant des années. Tout ce temps-là le mot maman est resté tapi au fond de ma gorge, telle une couleuvre qui refuse de sortir.

 

Page 91 : « À son âge, les enfants marchent déjà. Lui, il se traîne à quatre pattes et ne dit même pas maman, ai-je fait remarquer en indiquant les mouvements rampants de notre frère.

- Ben ouais, Giuseppe est pas normal, t’avais pas remarqué ? Il est retardé », a-t-elle répondu sans broncher.

Je me suis figée, le couteau en l’air, et le fruit m’est tombé des mains. En certaines occasions, les synthèses abruptes et spontanées d’Adriana vous frappaient comme la foudre.

 

Page 114 : Je me suis allongée sur le côté et blottie en position fœtale, sur le minuscule peuple de l’herbe.

 

Page 138 : Avec le temps, j’ai perdu également cette vague idée de normalité et aujourd’hui je ne sais vraiment pas quel lieu est une mère. J’en suis privée comme on peut être privé de la santé, d’un abri, d’une certitude. C’est un vide persistant, que je connais, mais ne surmonte pas. Regarder à l’intérieur donne le vertige. Un paysage désolé qui vous ôte le sommeil et fabrique des cauchemars dans le maigre espace qu’il laisse à la nuit. La seule mère que je n’ai pas perdue est celle de mes peurs.

 

Page 149 : J’étais orpheline de deux mères vivantes. L’une m’avait cédée, son lait encore sur ma langue, l’autre m’avait rendue à l’âge de treize ans. J’étais fille de séparations, de liens de parenté faux ou tus, de distances. Je ne savais plus de qui j’étais issue. Au fond, je ne le sais toujours pas.

 

 

 

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Mon avis : Landfall – Ellen Urbani

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Juliane Nivelt

 

Éditions Gallmeister - Totem

 

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Quatrième de couverture :

En septembre 2005, l'ouragan Katrina s'abat sur la Nouvelle-Orléans, semant le chaos, emportant des milliers de vies. Émue par le sort des survivants, Rose, à peine âgée de dix-huit ans, s'apprête à rejoindre la ville meurtrie avec sa mère pour leur porter secours. Mais leur voiture percute une jeune fille. La victime n'a rien sur elle qui confirme son identité – seulement une page d'annuaire avec les coordonnées de la famille de Rose. Obsédée par cette étrange coïncidence, Rose entreprend de retracer pas à pas le parcours de l'inconnue à travers une ville en ruine, sans se douter que sa propre histoire est parsemée de secrets.


 

 

Mon avis :
Deux binômes mère-fille. Gertrude et Rose en Alabama, blanches et aisées. Cilla et Rosy en Louisiane, noires et pauvres. Elles ne se connaissent pas mais vont être reliées par un évènement tragique.

Dans les premiers chapitres j'ai été un peu perdue par la chronologie, avec l'impression qu'on passait d'une époque à l'autre sans transition. J'ai pensé que ça allait s'arranger mais même arrivée à un tiers de l'histoire, j'étais dans le flou en permanence. Sans doute à cause du fait qu'il s'agit de deux mères qui ont élevé leur fille seule, et puis la similitude des prénoms, Rose et Rosy ainsi que leur âge identique. D'ailleurs j'ai noté que page 126 la traductrice (ou l'autrice) s'était trompée en écrivant Rose au lieu de Rosy, puis ensuite le contraire page 245. Preuve que les deux prénoms compliquent les choses.

Les chapitres alternent entre Rose et Rosy, ces deux filles qui n'ont pas connu leur père, et leurs liens avec leurs mères respectives. Deux mères aimantes mais difficiles à vivre, l'une parce qu'elle a fait le choix de la dureté extrême parce que la vie est dure et autant s'y habituer tout de suite, l'autre parce que, bien que fusionnelle avec sa fille, elle souffre de graves problèmes mentaux et que peu à peu les rôles s'inversent.
D'habitude j'aime ce parti pris d'alterner les chapitres entre les personnages principaux ainsi que le mélange des époques, mais là j'ai eu vraiment du mal, j'ai trouvé la narration trop fouillis et pas mal fastidieuse, sans doute à cause des très nombreuses et très longues digressions.

Donc cette histoire nous raconte le passé de Rosy, et le présent de Rose, ponctué de ses souvenirs. Celle-ci se lance dans une quête de rédemption et de réparation. Plus j'avançais dans l'histoire, plus je me demandais si Rose et Rosy avaient un lien autre que le point de convergence tragique de ce jour de septembre 2005.

Par ailleurs ça nous fait vivre le calvaire et l'histoire de ceux qui on subi l'ouragan Katrina. J'ai trouvé cet aspect de l'histoire très intéressant et terrifiant, et force est de constater que certains ne reculent devant rien pour assouvir leurs instincts les plus vils, même durant une tragédie. Pour moi, Katrina à été le moment le plus intéressant car on y voit tout le drame, la catastrophe humanitaire, la solidarité, mais aussi l'absence de solidarité. C'est très étrange les comportements humains face à l'indicible.
Malheureusement je me suis beaucoup ennuyée au cours de cette lecture. Je crois que je n'ai pas réussi à aimer les personnages. Et pourtant, c'est extrêmement bien écrit, il y a des moments d'une grande beauté dans ce récit.

 

Citations :

Page 18 : La mort déguisait en intimité nombre d’interactions banales.

 

Page 73 : T’es aussi nerveuse qu’un chat à grande queue dans une chambre pleine de fauteuils à bascule.

 

Page 114 : Mais Gertie Chiles était devenue Gertrude Aikens, une femme qui feuilletait les albums photo en commençant par la fin, le présent, prenant garde à ne jamais s’aventurer trop loin vers le début, le passé.

 

Page 125 : Ils puaient. Tous : les morts comme les vivants. Ceux qui flottaient exhalaient des gaz, les bulles refluaient entre leurs jambes et autour d’elles, les restes d’un dernier repas qui bougeaient encore à l’intérieur de dépouilles pétrifiées depuis longtemps. La puanteur des entrailles montait des cadavres : l’air confiné des poumons, le sang, l’acide urique, les sucs gastriques qui s’écoulaient en ruisselets jaunâtres le long des joues noires. Un compost sauvage.

 

Page 140 : Ce que Gertrude présentait comme un legs d’indépendance, Rose le recevait comme un héritage de solitude.

 

Page 159 : On a des gens empilés sur trois couches qui hurlent comme de la racaille blanche à un putain de rassemblement évangéliste.

 

Page 170 : Cilla avait essayé de se faire discrète. Elle se disait que les femmes accouchaient tout le temps, qu’il n’y avait là rien d’exceptionnel. Elle avait entassé des serviettes dans la salle de bain et comptait s’en sortir toute seule, chez elle, sans attirer l’attention de quiconque. Mais Seigneur ! La douleur n’avait fait que s’amplifier, à tel point qu’elle avait complètement oublié sa résolution de rester silencieuse, s’agrippant au cabinet, défonçant le mur à coups de pied, renversant la tête en arrière pour hurler comme une possédée.

 

Page 256 : Elle appuya sur l’accélérateur, cherchant désespérément à éviter la foule, mue par la crainte de la ville inondée, des coups de feu et de l’échauffourée, mais aussi gagnée par un malaise plus grand, celui d’un rapport de forces inversé. Elle n’avait jamais été une minorité dans une pièce, encore moins dans une ville, encore moins dans une foule. Facile de s’autodéclarer défenseur des droits civiques quand on n’est pas entouré de gens noirs, énervés, remontés et revendicatifs.

 

 

 

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Mon avis : Ticket gagnant Tome 3 – Dewi Sri – Anne-Sophie Nédélec

Publié le par Fanfan Do

Éditions Le Lézard Bleu

 

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Quatrième de couverture :

À vouloir trop bien faire, on finit par se mettre dans des situations impossibles…
Alors que le mariage d’Antoine et Laura se prépare, leurs amis Audrey et Marc voient arriver avec angoisse le moment où il leur faudra se retrouver face à face. Si Audrey s’est lancée avec brio dans une nouvelle aventure aussi sentimentale que professionnelle, Marc, lui, est bien décidé à la reconquérir. Les retrouvailles promettent d’être électriques tandis qu’entre déconvenues et imprévus, la tension monte pour Antoine et Laura. Quand en plus la famille s’en mêle, le mariage qui s’annonçait sous les meilleurs auspices pourrait bien virer à la catastrophe.
À moins que fêter les noces à Bali ne soit la solution pour régler les malentendus et vivre quelques moments d’aventure ?
Envolez-vous pour un petit coin de paradis du bout du monde, sous le signe de l’amour, de l’amitié… et de l’humour !

 


Mon avis :
Voilà que j'ai eu enfin la joie de lire le tome 3 des aventures de Laura la reine de la boulette, maladroite et gaffeuse invétérée, et de ses proches. Tout de suite à fond dans l'histoire, j'ai eu l'impression de surfer sur une vague joyeuse. Les déconvenues commencent pour Laura dès les préparatifs de la noce, mais aussi pour Audrey et Marc, et pour les nombreux protagonistes ! Pour Laura ce sont les montagnes russes entre rires et larmes.
Sa vision du mariage est très conformiste, ses rêves de princesse, sa robe de princesse, son château de princesse, son église de princesse… et la voiture qui doit être parfaite ! Je me suis demandé ce qu'elles ont toutes avec ce délire de princesse ??? Mais bon, c'est ce qui fait le charme de l'histoire ! Laura est aussi romantique et fleur bleue que Audrey sa meilleure amie est pragmatique. Laura est un petit nounours en guimauve avec un petit cœur tout moelleux où tout le monde y a sa place.
Voilà donc que tout va de travers, que rien n'est vraiment comme elle l'avait rêvé…

Comme précédemment, c'est un roman choral où on a tour à tour le point de vue de Laura, Audrey, Antoine et Marc. Ce livre, c'est une valse à mille temps, tout feu tout flamme, ça pétille !!! Comme dans les tomes précédents on a une galerie de personnages savoureux et parfois exaspérants, et des nouveaux au casting, dont une que j'ai adorée : Emmanuelle ! Personnage féminin totalement réjouissant et atypique, elle vient pimenter l'histoire, elle est parfaite !

C'est aussi des petites incursions passionnantes dans l'histoire de France… le château de 
Nicolas Fouquet à Vaux-le-Vicomte, le château de Saint-Germain-en-Laye, sa terrasse, les Chevaux de Marly…
Anne-Sophie Nédélec a l'art des descriptions historiques et géographiques avec un goût du détail qui laisse rêveur. Tout est tellement visuel.
Et puis Bali !! Une visite guidée de cette île enchanteresse de l'archipel indonésien m'a donné l'impression d'y être un petit peu et une furieuse envie d'y aller. L'eau transparente, les temples aux bas-reliefs surchargés, les singes, le mode de vie, la nourriture avec ses nombreux plats végétariens, tout semble beau et apaisant. Enfin, peut-être pas les singes MDR.

Amours, rancœurs, malentendus, jalousie, humour, amitiés, liens familiaux, voyage…
J'ai encore passé un excellent moment de lecture avec ces personnages attachants et parfois têtes à claque qui m'ont fait marrer. Ce roman est une bulle de fraîcheur au cœur de l'été, surtout quand on ne part pas en vacances.

C'est une comédie, une histoire d'amour(s), un guide de voyage, un récit sur la nature humaine et les petits travers des uns et des autres, c'est bourré d'humour, de révélations et de rebondissements, et vraiment en cette période d'éco-anxiété et de marasme général ce genre de bulle d'oxygène fait un bien fou ! J'ai adoré !!!
À peine le livre refermé que le quatuor infernal me manque déjà.

 

Citations :

Page 95 : Je commence à comprendre ce que peuvent vivre les gens qui ne boivent pas d’alcool, souvent taxés de trouble-fêtes alors qu’ils n’aiment simplement pas ça…

 

Page 133 : Je suis enceinte et c’est pas super fun au quotidien, mais il paraît que ça s’arrange après trois mois. En gros, imagine-toi une sensation de gastro permanente. Le matin est difficile, mais ça va mieux après le petit vomi de 9 heures et demie.

 

Page 190 : C’est un concert de plaintes : « Je suis crevée, ce voyage m’a é-pui-sée », « La nourriture était vraiment dégueulasse dans l’avion », « Les charters, c’est plus ce que c’était... ». J’avais oublié leur propension aux jérémiades, je suis déjà saoulé.

 

Page 228 : - Ah non, mais qu’est-ce qu’ils nous font chi… les végétariens, avec leurs convictions à la noix !

Je retiens un rire face à la virulence de Christian qui, à ce moment précis, a tout du Français moyen à qui on a un peu trop changé les habitudes culinaires.

 

Page 275 : Et puis, j’ai envie de me créer de beaux souvenirs. C’est vrai, c’est important, non ? Sinon l’existence se réduit à une succession de non-évènements sans saveur.

 

Page 325 : La mer est agitée, mais une fois dans les flots, cela se ressent peu. La vision est merveilleuse. Autant les coraux sont bien abîmés au niveau de la plage et la faune quasi inexistante, autant ici, l’onde grouille de poissons de toutes les couleurs et de toutes les formes.

 

 

 

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Mon avis : Call me by your name – André Aciman

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Jean-Pierre Aoustin

 

Éditions Grasset – Le Livre de Poche

 

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Quatrième de couverture :

« Je ferme les yeux et je suis de nouveau en Italie, il y a tant d’années ; je marche vers l’allée bordée de pins, je le regarde descendre du taxi : ample chemise bleue, col ouvert sur la poitrine, chapeau de paille, toute cette peau nue... Soudain il me serre la main et me demande si mon père est là. »
1983. Pour Elio, c’est l’été de ses 17 ans. Ses parents hébergent Oliver, un jeune universitaire, dans leur villa en Italie. Entre les longs repas, les baignades et les après-midi sous la chaleur écrasante, commence une partie de cache-cache avec cet Américain brillant et séduisant. Un temps fait d’attente, d’espoirs, de doutes et de rejet. Avant que tous deux cèdent à ce sentiment plus grand qu’eux.

Call me by your name est un magnifique roman d’amour tout autant qu’une réflexion sur le désir et l’empreinte qu’il laisse en nous. La langue à la fois précise et sensuelle d’André Aciman parvient à évoquer l’intimité des corps – mais aussi la part de violence qui se niche dans tout éveil au sentiment amoureux – avec une élégance rare.


 

Une frémissante méditation proustienne. Le Monde des livres.

 


Mon avis :
Le roman commence de façon très feutrée et secrète. Ça sent la chaleur écrasante du sud, l'hospitalité, les grandes tablées, la torpeur postprandiale au bord de la piscine, le farniente.

C'est l'histoire d'une quête, celle de l'attention de l'autre, de son cœur, de désir, de doutes, une histoire de séduction, d'attirance et de peur qu'elle ne soit pas réciproque, peur de se planter, de se tromper, d'être rejeté.
Elio est attiré par Oliver, jeune universitaire hébergé par ses parents dans leur villa en Italie durant un été des années 80. Il se dit que leur judéité pourrait les rapprocher, lui qui vit la sienne un peu cachée, presque honteuse semble-t-il, tandis que Oliver porte son étoile de David ostensiblement sous sa chemise ouverte.

Elio à les désirs et les fantasmes de son âge, avec toutefois une inquiétude, il voudrait que l'objet de ses désirs lui dise qu'il n'y a rien d'anormal en lui.
On suit ses pensées délirantes d'adolescent amoureux et concupiscent. C'est fou comme on aime le mélodrame à cet âge !

J'ai retrouvé dans ce récit toute l'ambivalence de l'adolescence, où l'on n'ose pas ce qu'on souhaite le plus, où l'on va à l'encontre de ses désirs les plus intenses pour finir par dire ou faire le contraire de ce qu'on voulait, par peur ou par orgueil, en se maudissant d'être la personne la plus stupide au monde et aussi la plus désespérée.
Il nous rappelle aussi à quel point il est nécessaire de jouir de l'instant présent, d'en déguster tous les arômes, toutes les saveurs et les sensations les plus subtiles pour se faire des souvenirs, tant le temps présent est éphémère, et qu'il laisse place au manque.

C'est un roman érudit, qui fourmille de références que je n'ai pas, et qui, de ce fait, a été enrichissant pour moi. Même si je sais que je vais oublier très vite, hélas.

J'ai bien aimé, et en même temps non. J'ai été épuisée par tant de tergiversations, j'ai trop souvent trouvé le temps long, trop dans la narration, pas assez de dialogues à mon goût. Ce roman rejoint ma liste des "ai-je-aimé-ou-pas ?". Pourtant le désir, la passion, et la fébrilité qui en découle, tout est tellement bien exprimé, dans une langue si juste ! Tout est profond dans ce roman, la justesse des sentiments, l'intensité de la peine, l'idéalisation de ce qui est vécu, la fugacité des événements, l'outrage du temps toujours. Malheureusement, beaucoup trop lent pour moi, même si je pense que la lenteur sied parfaitement à cette histoire lumineuse.

 

Citations :

Page 18 : J’avais dix-sept ans cette années-là et, étant le plus jeune des convives et le moins susceptible d’être écouté, j’avais pris l’habitude de faire passer autant d’informations que possible dans le plus petit nombre de mots.

 

Page 39 : J’avais déjà désiré des garçons de mon âge, et couché avec quelques filles. Mais avant de l’avoir vu descendre du taxi et entrer chez nous, et pendant un bon moment après, il ne m’aurait jamais semblé possible que quelqu’un de si parfaitement à l’aise avec lui-même pût désirer m’offrir son corps autant que je brûlais de lui abandonner le mien.

 

Page 95 : Il ne semblait pas pressé non plus de retourner à son travail, ni de rejoindre ses amis sur la plage, ni, comme c’était généralement le cas, de me planter là. Peut-être n’avait-il rien de mieux à faire. C’était mon moment au paradis et, si jeune que je fusse encore, je savais qu’il ne durerait pas et que je devais au moins le savourer pour ce qu’il était plutôt que le gâcher à vouloir une fois de plus conforter notre amitié ou la porter à un autre niveau.

 

Page 114 : Lumière de mon âme, dis-je, lumière de mon âme, lumière du monde, voilà ce que tu es, la lumière de ma vie. J’ignorais ce que signifiait « lumière de mon âme », et une partie de moi-même se demandait d’où me venaient de telles fadaises, mais c’était ce genre d’absurdité qui me faisait venir les larmes aux yeux à présent, des larmes dont j’aurais voulu imprégner son oreiller, son maillot de bain, des larmes que j’aurais aimé qu’il essuie avec le bout de sa langue pour effacer mon chagrin.

 

Page 138 : De retour à la librairie, nous laissâmes nos vélos à la porte et entrâmes.

C’était un peu comme si je lui montrais mon sanctuaire privé, mon antre secret, l’endroit – comme le tertre – où je venais pour être seul, pour rêver aux autres. C’est ici que j’ai rêvé à toi avant que tu n’entres dans ma vie.

 

Page 186 : De temps en temps, une sensation douloureuse déclenchait un regain de gêne et de honte. Quiconque a prétendu que l’âme et le corps se rencontrent dans la glande pinéale était un âne. C’est dans le trou du cul, idiot.

 

Page 272 : Comme les soldats entraînés à combattre la nuit, je vivais dans l’obscurité pour ne pas être aveugle quand la nuit viendrait.

 

 

 

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