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humour

Mon avis : Et voilà tout- Maren Uthaug

Publié le par Fanfan Do

Traduit du danois par Jean-Baptiste Coursaud

 

Éditions Gallmeister - Totem

 

Mon avis sur Insta c'est ici

 

Quatrième de couverture :

Risten est une petite fille du cercle polaire. Née tout au nord de la Norvège, chez les Sames, elle vit désormais au Danemark avec son père et sa belle-mère. Mais elle se sent déracinée, loin de son Áhkku, sa grand-mère bien aimée aux croyances ancestrales, qui lui a appris comment se protéger des maléfiques sous-terriens et des aurores boréales. Solitaire et rêveuse, Risten tente d’exister dans cette nouvelle vie. Ce n’est qu’à l’âge adulte qu’elle retrouvera le chemin de ses origines et renouera enfin avec sa mère - une rencontre qui ne ressemblera en rien à ce qu’elle attendait.
 

 

Mon avis :
L'histoire commence avec la grosse biture de Knut dans les dernières heures de l'année 1974, parce que quand-même, il faut bien lutter contre la déprime de cette foutue nuit polaire ! C'est cette nuit-là que Rihtta et Knut concevront leur fille.
Puis au deuxième chapitre on est en 2007 et on fait la connaissance de Kirsten qui est la fille de Rihtta et Knut. Au troisième en 1973 on assiste à la rencontre de Rihtta et Knut. Au quatrième en 1982... On se promène dans le temps à la decouverte de la vie des différents personnages et dans les différentes culture, notamment celle des Sames dont est issue Rihtta, et des Kvènes, peuples autochtones,
Je dois dire que quasiment dès le départ, les prénoms m'ont bien perdue ! Entre Kirsten et Risten, Aslak et Isak... j'avais l'impression qu'on parlait des mêmes personnages avec des erreurs dans les prénoms.

Risten, la fille de Rihtta et Knut, est abreuvée des croyances autochtones par sa grand-mère, son Áhkku, qui lui parle des sous-terriens qui volent des enfants aux humains et lui dit que les aurores boréales sont dangereuses lorsqu'on les regarde. Alors que ses parents sont athées, elle est pleine des peurs que sa grand-mère lui a transmises. C'est une étrange histoire qui nous parle de croyances et de cultures ancestrales qu'on ne connaît pas et c'est très intrigant.

Knut est aussi débonnaire que Rihtta est acariâtre. Il supporte tout avec bonhomie jusqu'au jour où... il semble que les Norvégiens sont considérés comme idiots par les Sames qui eux ont un fort tempérament. Il y a une grande inimitié des Sames à l'égard des Norvégiens, sans doute justifiée. Risten vit dans cette ambiance où son père, si gentil, est méprisé par sa grand-mère et par sa mère.

Un jour Knut part avec sa nouvelle compagne Grethe, qui semble parfaite, et emmène Risten dans le sud, au Danemark.
C'est l'éternelle histoire des enfants à qui l'on ment, dont on ne respecte pas l'intégrité, à qui les adultes imposent leurs desiderata sans se soucier de ce que eux peuvent désirer.

Risten se construira son monde à elle fait de croyances Sames, auxquelles elle initiera Niels-le-vietnamien, enfant déraciné lui aussi. Niels ne parle pas le danois, Risten ne le parle pas avec le bon accent, elle est raillée pour ça à l'école. La lumière dans ce récit qui m'évoque un conte nordique, c'est de voir comment les enfants, dès qu'ils sont ensemble, arrivent tant bien que mal à se protéger du monde des adultes en se créant le leur, bien plus beau. Car entre un père parfois laxiste, toujours faible, peut-être égoïste, et une belle-mère finalement pas si gentille que ça, que c'est dur l'enfance !

C'est aussi une histoire qui fait du bien souvent, mais occasionne aussi quelques pincements au cœur, voire de la colère. Et surtout, une ÉNORME révélation à laquelle on ne s'attend pas va arriver. Il y a aussi des moments amusants, et pour peu qu'on soit du côté de Kirsten... et ça a été mon cas, je lui criais par la pensée " vas-y, rentre leur dans le lard à ces vieux schnocks !"

C'est parsemé d'humour et de quelques moment un peu lestes mais souvent drôles eux aussi sans oublier un langage cru parfois qui m'a bien fait rire. C'est à l'image de la couverture du livre, le doigt d'honneur de la petite fille que je n'ai vu que tardivement.
Lire ce roman c'est changer de monde. C'est beau et envoûtant. J'y ai découvert, en plus de la culture Same, une coutume (peut-être seulement danoise) dont l'appellation me fait fondre tellement je trouve ça mignon et enfantin, c'est l'équivalent de notre goûter : le café-gâteau de l'après-midi à laquelle les adultes ne dérogent absolument jamais.

Décidément, j'aime énormément les trois romans de 
Maren Uthaug que j'ai lus. Ils sont tous différents, comme si elle n'avait pas de sujet de prédilection, à moins que ce ne soit la famille tout simplement. Il y en a encore un à lire ! Que je n'ai pas encore, Snifff...
Et je ne peux m'empêcher de supposer que l'autrice a mis beaucoup d'elle-même dans ce roman car comme Risten elle est née d'un couple mixte. Mais elle contrairement à son héroïne, son père est Same et sa mère Norvégienne.

 

Citations :

Page 9 : Déjà qu’on était pas mal déprimé à cause de cette foutue nuit polaire. Même les locaux, ceux qui étaient nés ici, dans cette Norvège du Nord, ils ne la supportaient pas. Pas étonnant que la région ait le plus haut taux de suicide du pays. Le froid, passe encore, on pouvait s’en protéger : il suffisait de mettre une couche de vêtements supplémentaire. Mais l’obscurité, non : le noir se glissait dans le noir et colonisait l’esprit.

 

Page 85 : Elle attendait ensuite que Risten ait débarrassé le plancher avec Niels-du-Viêtnam sur ses talons, partie s’adonner à l’une de ses obscures occupations secrètes, pour s’agglomérer au corps de Knut dans la chambre à coucher, comme seules savent le faire les personnes venant de découvrir qu’elles ont vécu toute une vie sans amour.

 

Page 165 : Jusqu’à la fin de ses jours, Risten se souviendra de ces grandes vacances comme de l’été où elle perdit la faculté d’être joyeuse. Où le dernier reste d’une enfance synonyme d’innocence fut étouffé au cours de nuits d’une effroyable solitude. Des nuits jalonnées de prières kvènes et d’une marque au creux de la paume à force de serrer la bague d’ Áhkku.

 

 

 

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Mon avis : Le seigneur des porcheries – Tristan Egolf

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’américain par Rémy Lambrechts

 

Éditions Folio

 

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Quatrième de couverture :

Ce premier roman singulier commence avec la mort d'un mammouth à l'ère glaciaire et finit par une burlesque chasse au porc lors d'un enterrement dans le Midwest d'aujourd'hui. Entre-temps, on aura assisté à deux inondations, à quatorze bagarres, à trois incendies criminels, à une émeute dans une mairie, à une tornade dévastatrice et à l'invasion de méthodistes déchaînés ; on aura suivi la révolte d'une équipe d'éboueurs et vu comment un match de basket se transforme en cataclysme.
Tout se passe dans la petite ville de Baker, sinistre bourgade du Midwest ravagée par l'inceste, l'alcoolisme, la violence aveugle, le racisme et la bigoterie. Au centre des événements, John Kaltenbrunner, un enfant du pays, en butte à toutes les vexations, animé par une juste rancoeur. Comment John se vengera-t-il de la communauté qui l'a exclu ? Jusqu'où des années de désespoir silencieux peuvent-elles conduire un être en apparence raisonnable ?

 

Mon avis :
Les quelques premières pages m'ont laissée un peu perplexe tant je ne comprenais pas ce que je lisais. Il était question de citrons de l'usine de volailles, du Coupe-Gorge, de trolls et autres rats d'usine, tout ça fourré dans le panier à salade !? Quelle étrange entrée en matière !
En réalité ce roman nous raconte l'histoire de John Kaltenbrunner, fils de feu Ford Kaltenbrunner, ce père qu'il n'a pas connu et qui lui fait de l'ombre par-delà le trépas.

John s'avère être une sorte de petit génie rustique à huit ans à peine, que certains pensent détraqué - "Une merveille phénoménologique au sens le plus strict". Et en même temps il est une sorte de victime. Il sert d'exutoire à la frustration de tous les minables du coin, et ils sont légion. Ça va des représentants de l'ordre jusqu'aux grenouilles de bénitier en passants par toutes les strates de cette société rurale.
C'est rapidement la "fête" de l'Amérique du créationnisme, quelques piques envoyées au crétinisme ambiant, c'est tout simplement jubilatoire. Des phrases ciselées, une ironie mordante, un pur plaisir !

Cette histoire nous raconte l'Amérique profonde qui a supplanté les autochtones, pour le plus grand malheur de la nature et de tout ce qui vit en général. Implantation de l'homme blanc et des industries mortifères, saccage de la faune et de la flore, alcoolisme et éradication des premières nations. C'est tellement bien résumé qu'on se demande comment c'est possible d'être aussi con ! Car la façon dont l'auteur nous raconte les choses met une chose en évidence : la bêtise humaine est sans limite.


Tristan Egolf semble avoir eu un gros contentieux avec ses semblables, beaucoup de comptes à régler avec l'ignominie dont les humains sont capables. À chaque page il taille un costard à cette Amérique à la noix, à ces hypocrites qui vont à l'office du dimanche et bavent tant et plus sur leur prochain, jusqu'à l'humiliation, jusqu'à l'anéantissement. Car s'il est vrai que notre héros est un vrai malchanceux, cela tient beaucoup à la perfidie dont sont capables nombre de gens. Et pourtant, c'est par moments d'une drôlerie absolue. Quel talent il faut pour rendre drôle quelque chose d'aussi effroyable. C'est sans doute parce que l'humour permet de transcender la douleur. Cette histoire est un feu d'artifice, avec de nombreux moments complètement délirants, totalement hilarants.

Un art consommé de l'insulte, absolument ébouriffant "Il traita Dennis de junkie en phase terminale et de suicidaire avorté. Il traita Curtis de bâtard, Murphy de taulard, Wilbur de célibataire à marier le plus laid de la ville. le reste d'entre nous étaient des pédés à la Niche et une cinquième colonne de youpins inféodés aux Japs." Et ça, ce n'est qu'un échantillon...

J'ai été passionnée de bout en bout par l'histoire de John Kaltenbrunner, ce génie méconnu de ses contemporains, dans son bled paumé où on a l'impression que c'est la raison du plus fou qui prime.
Même dans les moments tragiques, l'auteur m'a arraché des éclats de rire.
C'est un roman totalement fascinant, cruel et tellement drôle à la fois. Ce roman, c'est la douloureuse odyssée flamboyante semée d'embûches de John Kaltenbrunner dans un coin paumé des États-Unis, entre les bigotes, les ivrognes en tout genre, le racisme à tous les niveaux, envers les immigrés ou les différentes classes sociales, et les petits détenteurs d'un tout petit pouvoir quelconque.
Et alors, quelle écriture !!! Tout simplement sublime, précise, parfaite. Jusqu'au point final. Et dire que j'ai rencontré ce roman par hasard, chez Emmaüs. Ce qui m'a attirée !? le titre, le contexte et l'Amérique profonde. Quelle belle rencontre !

 

Citations :

Page 18 : Il ne disait peut-être pas grand-chose à quiconque en ville, mais pour ses condisciples, pour ceux qui le supportaient quotidiennement, il était le célèbre petit Kaltenbrunner, le gosse de la salle 29, le dingue au tracteur, le fasciste de l’étable, le chevrier troglodyte du nord de la rivière — celui qui n’adressait quasiment jamais la parole à personne mais parvenait néanmoins immanquablement à hérisser, révolter et terrifier à peu prés tous les êtres vivants avec lesquels il entrait en contact.

 

Page 60 : Comme il l’affirma plus tard, elle était dans tous ses états, se répandait en paroles incohérentes sur la santé de son fils et implorait l’aide de son interlocuteur. Il essaya de la calmer en commençant par abonder dans son sens, disant que oui, bien sûr, il fallait avouer qu’effectivement son fils était un sacré numéro. Très franchement, il était le truc le plus insensé qu’aucun d’eux ait jamais rencontré. Une merveille phénoménologique au sens le plus strict.

 

Page 75 : Pour John, Brendan Fisher était une tache inqualifiable sur la face de la terre. Il n’y avait pas de place dans le règne animal pour une telle engeance. Il était indigne des ressources qu’il consommait.

 

Page 218 : À l’heure de sa première pause déjeuner, il avait coupé, à lui seul, trois mille cous. Bien qu’il eût déjoué tous les paris faits sur la brièveté de sa résistance, il n’en avait pas moins été saisi de haut-le-cœur incontrôlables après sa première heure et demie sur la chaîne.

 

Page 297 : Comme bon nombre d’aberrations provinciales, les confessions sur lit de mort de la Corn Belt, au même titre que les repas livrés à domicile aux impotents et les ventes de charité de Baker, sont fréquemment le produit d’une crainte des flammes de l’enfer nourrie par l’âge. Une terreur croissante d’être plongé dans le lac de feu après une vie entière de dépravation impénitente pousse le péquenaud à une affolante et interminable litanie d’aveux dès l’instant où il tombe malade.

 

Page 338 : Pour six d’entre nous la nuit se termina raide mort dans notre pick-up, trop ravagé pour conduire. Et le lendemain matin, une gueule de bois annonçant l’arrivée des Vikings.

 

Page 348 : Il traita Dennis de junkie en phase terminale et de suicidaire avorté. Il traita Curtis de bâtard, Murphy de taulard, Wilbur de célibataire à marier le plus laid de la ville. le reste d'entre nous étaient des pédés à la Niche et une cinquième colonne de youpins inféodés aux Japs.

 

Page 564 : Tel fut le dernier instantané de la soirée avant que tout n’explose : Pottville et Baker, deux communautés voisines qui s’enorgueillissaient de leur fair-play supposé, de leur charité, de leur sens des réalités et de leur soucis du prochain, se montraient sous leur vrai jour — une foule hystérique de singes nus et misanthropes.

 

 

 

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Mon avis : Une année chez les Français – Fouad Laroui

Publié le par Fanfan Do

Éditions Pocket

 

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Quatrième de couverture :

1969 : les Américains marchent sur la Lune. Mehdi, 10 ans, débarque au lycée Lyautey de Casablanca où son instituteur, impressionné par son intelligence et sa boulimie de lecture, lui a obtenu une bourse. Loin de son village de l'Atlas, Mehdi pense être un membre de l'équipage d'Apollo découvrant une planète inconnue : qui sont ces Français qui vivent dans le luxe, adorent les choses immangeables, parlent sans pudeur et lui manifestent un tel intérêt ?
Durant une année scolaire animée par une galerie de personnages surprenants, l'histoire émouvante d'un enfant propulsé dans un univers aux antipodes de celui de sa famille.

" Ce livre est un bonbon à dévorer. " ELLE


 

 

Mon avis :
En 1969, Mehdi, petit bonhomme de 10 ans débarque un jour de son village de l'Atlas au lycée français de Casablanca pour y être interne. Il a obtenu une bourse grâce à sa passion de la lecture et à son intelligence ! Il est seul, intimidé par ces adultes qu'il ne comprend pas vraiment. Dès le début j'ai beaucoup ri. C'est drôle, c'est frais comme l'innocence de l'enfance. Parce que, évidemment, le choc des cultures est là. Mehdi, issu d'un tout petit village, pauvre, a eu jusque là une éducation traditionnelle marocaine. Donc Casablanca et les français, pour lui c'est l'inconnu.

Mehdi rêve d'invisibilité dans cet endroit où tout lui semble étrange, lui le petit marocain des montagnes. Il ne veut pas se faire remarquer, garçon pauvre au milieu d'enfants tous plus à l'aise que lui, dont certains sont riches.
Il y a une savoureuse galerie de personnages, du directeur au factotum en passant par les pions, tous on l'air bizarres ou fantasques voire carrément siphonnés.

C'est souvent drôle, mais cruel aussi. Car Mehdi est naïf, il prend tout au pied de la lettre et ne comprend pas le second degré ni l'humour et subit quelques humiliations. Il m'a beaucoup fait penser au petit Nicolas, avec son imagination débordante, ses interprétations complètement erronées et ses questions qui agacent souvent les adultes. Des adultes un peu allumés, ou trop sérieux mais aussi un en particulier assez vachard, moqueur, qui se plait à le ridiculiser devant ses petits camarades car ils se sent parfois jugé par cet enfants alors que ces remarques sont seulement l'effet de sa candeur. Sans oublier le mépris ou le racisme ordinaire qui permettait de dire tout et n'importe quoi à cette époque.

Entre choc des cultures et choc des générations il y a comme un mur d'incompréhension entre lui et le monde des adultes mais aussi parfois avec les autres enfants, français, espagnols ou arabes.

Bien que présenté comme un ouvrage de fiction, cette histoire semble très autobiographique. Elle fait la part belle à l'imagination de l'enfance, celle d'un petit garçon féru d'évasion par la littérature car oui, il voue une passion dévorante aux livres. de plus, de nombreuses situations, dialogues et répliques percutantes m'ont fait hurler de rire. J'ai adoré ce roman doux amer et vraiment drôle sur cet enfant doué qui a soif d'apprendre.

 

Citations :

Page 33 : Il leva les yeux, découragé, et se mit à examiner avec attention les bâtiments qui encadraient la cour et qui formaient l’univers où sa vie allait désormais être confinée. Ils étaient assez quelconques, ces grands parallélépipèdes tout blancs de quatre ou cinq étages, troués de fenêtres rectangulaires où se reflétait le ciel, où miroitait parfois le soleil, et qui semblaient ne rien promettre, à première vue, ni ne menacer personne. Pourtant, plus on les regardait, ces blocs massifs, plus ils avaient l’air d’être à l’affût. Cette immobilité de pierre et de béton était si parfaite qu’elle ne pouvait être que feinte. Mehdi sentit une marée d’appréhension l’envahir, lentement, tout doucement, jusqu’à ce que la boule, l’inévitable boule, fidèle compagne des moments d’angoisse, se matérialisât au creux de son ventre. Serrant les dents, il se mit à compter les fenêtres de la façade qui se dressait devant lui : cinq étages, huit ouvertures par étage. Cinq fois huit. Quarante. Ali Baba et les quarante voleurs.

 

Page 84 : — Tu veux ta baffe, M’Chiche ? Je me fous que t’aies pas mangé, toi : ton père possède la moitié du Gharb et il produit des millions de tonnes de riz chaque année, tu bouffes ou tu bouffes pas, tu t’débrouilles avec lui, j’m’en fous ! Mais lui, là, le pélican (il montra Mehdi du doigt), d’abord il est barjot, ensuite il vient d’on ne sait où avec une bourse de la République française, ça fait quatre ou cinq bonnes raisons de s’occuper de sa petite santé et moi, con et obéissant, fier de mon pays, la France éternelle, je vais faire ça pendant toute l’année, m’occuper du petit Chose, du p’tit boursier d’la République, j’suis là pour ça, et si t’es pas content, M’Chiche, la mort de tes os, ma parole, je te fais avaler mon parapluie.

 

Page 146 : — Bien sûr, vous n’étudierez jamais Oscar Wilde, sauf, peut-être, en cours d’angliche. Mais ne vous en faites pas, on a aussi bien, sinon mieux : Tristan Bernard, Les Guitry, Jules Renard, etc. C’est quand-même extraordinaire d’avoir le français pour langue maternelle…

Il s’interrompit en pleine envolée lyrique pour abaisser le regard en direction des quelques têtes bouclées parsemées dans la classe.

L’arabe aussi est une très belle langue, bien sûr, avec une longue histoire et un trésor d’œuvres de grande volée, surtout en poésie. Mais l’esprit français… Voltaire ! Diderot ! Valéry ! Finalement, je vous envie, Saïdi, Khatib, Lahlou… Vous aurez le meilleur des deux mondes, vous qui serez de double culture.

 

Page 192 : Sciences naturelles, histoire, mathématiques : un autre monde s’ouvrait et Mehdi y pénétrait de toute son âme. Là, il n’avait plus aucun souci. Il n’était qu’une paire d’yeux grands ouverts par lesquels s’engouffraient merveilles et mystères… et tant de noms magiques qui l’enchantaient (Tegucigalpa, hypoténuse, lymphocytes, Vercingétorix…), tant de mots dont il fallait deviner le sens, de proverbes qui lui fournissaient toute la sagesse des nations...

 

 

 

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Mon avis : Prime time – Jay Martel

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’américain par Paul Simon Bouffartigue

 

Éditions 10-18

 

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Quatrième de couverture :

Souriez, vous êtes filmés !

 

Scénariste raté et enseignant usé, Perru Bunt rêve d’Amanda. Mais Amanda a un secret : Galaxy Entertainement. Les Terriens sont les stars idiotes de l’émission de téléréalité la plus populaire du cosmos ! Sauf que l’audience est en berne, la production arrête le show, mais en beauté, sur un dernier épisode fou : la fin du monde. Un homme peut encore sauver la planète : Perry Bunt. Cocktail explosif entre SF et humour acide, The Truman Show et Le guide du voyageur galactique de Douglas Adams, voici un roman imprévisible et déjanté : é-p-a-t-a-n-t.

 


Mon avis :
Dès le prologue je me suis marrée ! C'était bon signe.
Ce roman part d'une idée intéressante à mon goût : et si nous, les humains, n'étions pas du tout ce que nous croyons être, c'est à dire des êtres pensants ayant un libre arbitre... mais en réalité une émission de télé-réalité, regardée dans l'univers. Nous nous comportons en maîtres et possesseurs mais des individus plus évolués, vivant sur d'autres planètes, nous regardent et se marrent devant ces êtres (nous) qui vivent dans ce flot ininterrompu de violence et de bêtise.

On est dans de la science fiction bourrée d'humour, qui se paie la tête des terriens, traite des programmes de télé-réalité et de notre propension à l'autodestruction et tout un tas de choses débiles qui font de nous des êtres humains. C'est très bien vu, très drôle, et même carrément jubilatoire. 
Jay Martel a un humour qui fait mouche, des vannes qui m'ont cueillie quand je ne m'y attendais pas et m'ont fait beaucoup rire.

Perry Bunt, obscure petit prof à la fac et scénariste, est persuadé d'avoir un avenir radieux et qu'un jour la roue va tourner. Mais alors qu'il végète dans sa petite vie insipide, voilà qu'il arrive par hasard dans un endroit où il n'aurait jamais dû mettre les pieds et qu'il voit des choses qu'il n'aurait jamais dû voir. Et sans que rien ne l'y ait préparé il va devoir endosser le costard de sauveur de l'humanité. S'ensuivent de nombreuses péripéties désopilantes, car sauver une espèce qui excelle dans le sabordage n'est vraiment pas une sinécure.

Cette histoire et son humour déjanté m'a rappelé une trilogie que j'ai lu à 20 ans, que j'avais adorée, qui aux Éditions Denoël collection Présence du Futur s'appelait le guide du routard galactique. Depuis le mot routard à été remplacé par voyageur dans les rééditions. C'était drôle et loufoque, comme ici sauf que la fin du monde avait eu lieu.

L'idée générale m'a plu aussi parce que, quand j'étais petite, je m'étais demandé si nous étions réels ou bien un film que des tas de gens regardaient. Et puis, sommes-nous seuls dans l'univers ??

Jay Martel se moque de nos travers, de nos sociétés, de nos croyances et de nos envies de quart d'heure de célébrité. Tout le monde en prend pour son grade, tout passe à la moulinette comme l'eugénisme, la religion, le terrorisme, le côté Big Brother qui règne un peu partout. Et alors que ce roman est paru il y a neuf ans, il est d'une actualité folle au regard de tous les conflits qui éclatent un peu partout, des inégalités de plus en plus aberrantes, de la destruction du vivant qui n'a jamais été aussi intense. C'est comme si cette histoire venait juste d'être écrite, basée sur les infos quotidiennes.
L'humour caustique est libérateur. Il fait rire avec des choses d'une infinie tristesse... comme la bêtise, la haine et les lois stupides. Perry Bunt est inénarrable en loser magnifique. J'ai vraiment beaucoup ri !

 

Citations :

Page 15 : Pendant un moment, Perry avait continué à travailler dans le secteur du divertissement. Dans Salut les fiancés !, une émission qui envoyait des couples récemment fiancés sur une île des tropiques, il devait imaginer des moyens de les faire rompre. Écœuré par cette expérience, il démissionna au bout de deux épisodes en se jurant de ne plus jamais travailler pour de la prétendue télé-réalité.

 

Page 30 : Perry rentrait chez lui : un immeuble stuqué, bâti à la hâte, en haut de Ventura Boulevard, et baptisé, avec un humour totalement involontaire, les Jardins de Wellington. Perchés pour quelques temps encore, sur le flanc abrupt d’une colline qui surplombait une faille sismique majeure, ces « Jardins » en décrépitude faisaient partie des nombreux lotissements du coin où habitaient ceux dont la chance avait tourné ou encore trop jeunes pour faire autrement.

 

Page 79 : En fait, elle aimait ces Terricules qui se tuaient littéralement à escalader de hautes montagnes, à plonger au fond des océans ou à marcher sur des fils tendus à des hauteurs impossibles. Et pourquoi faisaient-ils tout ça ? Étaient-ils traqués par des prédateurs ? Y avait-il quelque chose d’indispensable à leur survie au sommet de ces montagnes ou au tréfonds de ces océans ? Non — ils le faisaient sans raison. S’ils accomplissaient tous ces exploits, c’était uniquement parce qu’ils voulaient se prouver qu’ils étaient capables de le faire.

Comment ne pas aimer des gens pareils ?

 

Page 89 : — Au début du programme, les gens voulaient toujours plus de Terre. Ils vous adoraient parce que vous étiez naïfs, stupides et égoïstes, parce que vous vous entretuiez, parce que vous mangiez vos congénères mammifères, parce que vous faisiez la guerre pour des cailloux que vous trouviez dans le sol.

 

Page 256 : C’était toujours aussi désagréable que dans ses souvenirs : cette bizarre sensation d’une bouche contre une bouche, cet inévitable échange de salive, ce problème de souffle, cette soupe primordiale de langues qui dardaient comme des créatures aquatiques unicellulaires s’entrechoquant dans les ténèbres. Elle remarqua néanmoins que c’était tout à fait différent d’être celle qui embrasse et non l’embrassée. C’était tout aussi grotesque, assurément, voire davantage, mais également plus obscène et — elle ne trouvait pas d’autre mot pour décrire la chose — plus fascinant.

 

 

 

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Mon avis : Le petit déjeuner des champions – Kurt Vonnegut

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Gwilym Tonnerre

 

Éditions Gallmeister - Totem

 

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Quatrième de couverture :

Voici l'histoire d'une rencontre entre deux hommes solitaires, maigrichons et plus tout jeunes. Le premier, Kilgore Trout, obscur auteur de science-fiction, passe ses soirées à prédire l'apocalypse à son seul ami, Bill, une perruche. Quant à Dwayne Hoover, riche concessionnaire Pontiac dont l'unique compagnon est un chien nommé Sparky, il est sur le point de perdre la tête. Lorsque Kilgore Trout rencontre Dwayne au cours d'un festival, il lui offre l'un de ses romans. La lecture de ce livre va transformer Dwayne en monstre.


 

 

Mon avis :
L'auteur présente les américains comme des pirates cruels et avides, venus, en 1492, piller des terres et réduire leurs habitants en esclavage. En réalité, 
Kurt Vonnegut revisite vite fait l'histoire de l'humanité à sa sauce, et c'est drôle bien que tragique au fond. Mais rapidement on se retrouve dans une histoire futuriste loufoque, de soif de l'or et de petites culottes. Car un des héros du roman, Kilgore Trout est auteur de science fiction, et un peu à la masse. D'ailleurs, ses romans sont illustrés d'images pornographiques n'ayant rien à voir avec le texte. Loufoque, oui, oui. Comme ces extraterrestres-voitures, où ceux qui font des claquettes en pétant et des humanoïdes qui se nourrissent d'aliments à base de pétrole et de charbon...

En fait, plus on avance dans l'histoire, plus le sentiment que 
Kurt Vonnegut se paie la tête de l'Amérique est prégnante. Il se moque de la façon dont elle tourne (pas rond). Car au fond, bien que ça paraisse complètement farfelu, ça dit beaucoup de choses de l'humanité. J'y ai même trouvé une résonance avec ce qui arrive chez nous en ce moment, à savoir se laisser enlever son libre arbitre, accepter d'être dominé par quelqu'un de mauvais en échange de sa protection pour avoir un sentiment de sécurité.

Le narrateur nous explique tout, comme si on était stupides ou ignares et ça m'a beaucoup amusée : "Le Vietnam était un pays dans lequel l'Amérique essayait d'empêcher la population d'être communiste en lui larguant diverses choses de ses avions. Les produits chimiques auxquels le conducteur faisait allusion servaient à détruire tout le feuillage, afin qu'il soit plus difficile pour les communistes de se cacher des avions".
Je trouve que ça met l'accent sur l'absurdité de ce que font les hommes.
Des dessins naïfs parsèment l'histoire, dans la même veine que les explications basiques destinées aux crétins que nous sommes XD.

Chaque résumé des romans de Trout ressemble à une métaphore fantasque de nos sociétés complètement à côté de la plaque, qui vénèrent le Dieu Pognon et la superficialité, oubliant complètement l'essentiel qui est la base de la survie. Car, même si c'est des USA qu'il se moque, on a tellement voulu copier ce pays de la malbouffe dans son modèle ultraconsumériste, qu'on peut largement prendre notre part dans ces critiques.

En fait je crois que j'ai lu le roman d'un roman dans un roman. Car ce roman écrit par 
Kurt Vonnegut qui donne la parole au narrateur qui, je crois mais je ne suis pas sûre, est Philboyd Studge donc Vonnegut lui-même qui se met un moment dans le roman et donc le créateur se retrouve au milieu de sa création 🤯😵, nous raconte l'histoire de Kilgore Trout qui écrit des romans. C'est vraiment une histoire de fou ! D'ailleurs l'autre personnage de l'histoire de Philboyd Studge, Dwyane Hoover, fait doucement mais sûrement l'ascension vers les sommets de la folie furieuse, à cause de la chimie de son cerveau qui laisse à désirer.

Vous l'aurez compris, ce roman très intelligent est complètement barré et d'une drôlerie qui provoque souvent le rire ! Visiblement, c'est la marque de fabrique de Vonnegut. Et alors qu'il a été écrit en 1974, il parle d'écologie et de pollution, de tous ces procédés de fabrication qui sont en train de détruire la planète. Et il y en a qui ont l'air de découvrir ça, maintenant, au XXIe siècle ou qui osent dire "on pouvait pas prévoir". Ben voyons ! Mais il parle aussi de cupidité, de concupiscence en termes souvent assez crus et très drôles, d'individualisme évidemment, de racisme parfois, d'imbécillité souvent, de taille de pénis aussi, de mensurations féminines tant qu'on y est, de violence, de désir, d'homosexualité, d'excréments de levure pour l'euphorie,

J'ai beaucoup aimé, car je crois que j'aime totalement l'esprit 
Kurt Vonnegut, facétieux, farfelu mais profond. Cependant j'ai trouvé par moment qu'il y avait des longueurs dont je me serais bien passée. Ça reste pourtant un excellent moment de lecture, vraiment, vraiment.

 

Citations :

Page 24 : Le pays de Dwayne Hoover et de Kilgore Trout, où l’on ne manquait encore de rien, s’opposait au communisme. L’idée était que les terriens riches n’avaient pas à partager quoi que ce soit s’ils n’en avaient pas envie, et la plupart n’en avaient pas envie.

 

Page 39 : Ils arrivèrent finalement sur la planète Terre. En toute innocence, Kago parla des automobiles aux Terriens. Kago ignorait que les êtres humains pouvaient être terrassés par une simple idée aussi facilement que par le choléra ou la peste bubonique. Il n’y avait pas d’immunité sur Terre contre les idées toquées.

 

Page 73 : Il en oublia que son épouse Celia s’était suicidée, par exemple, en avalant du Drano — un mélange d’hydroxyde de sodium et de paillettes d’aluminium, prévu pour déboucher les canalisations. Celia s’était transformée en petit volcan, car elle était composée des même substances que celles qui bouchaient généralement les canalisations.

 

Page 82 : Les prostituées travaillaient maintenant pour un maquereau. Il était superbe et cruel. C’était un Dieu à leurs yeux. Il leur avait enlevé leur libre arbitre, et il n’y avait aucun mal à cela. Elles n’en voulaient pas de toute façon. C’était comme si elles s’étaient abandonnées à Jésus, par exemple, pour vivre dans l’abnégation et la confiance — sauf qu’au lieu de ça, elles s’étaient abandonnées à un maquereau.

 

Page 133 : — C’est quand même pas normal, dit le vieux mineur à Trout, qu’un homme puisse posséder ce qui se trouve sous la ferme ou les bois ou la maison d’un autre. Et dès que cet homme veut mettre la main sur ce qui se trouve là-dessous, il a le droit de démolir ce qui se trouve au-dessus. Les droits de ceux qui vivent au-dessus du sol, ça représente rien, comparés aux droits de celui qui possède ce qui se trouve en dessous.

 

Page 158 : Il était diplômé de West Point, une académie militaire qui transformait les jeunes hommes en fous meurtriers pour les envoyer à la guerre.

 

 

 

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Mon avis : Le bikini de diamants – Charles Williams

Publié le par Fanfan Do

Traduit l’américain par Laura Derajinski

 

Éditions Gallmeister - Totem

 

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Quatrième de couverture :

Cette année-là, Billy passe l'été chez son oncle Sagamore. Entre les visites du shérif, persuadé que Sagamore distille de l'alcool clandestinement, et le lac où il apprend à nager, le garçon ne va pas s'ennuyer. Mais ses vacances deviennent véritablement inoubliables au moment où Choo-Choo Caroline, strip-teaseuse pourchassée par des gangsters, se réfugie dans la propriété. Lorsque celle-ci disparaît, l'oncle Sagamore décide d'orchestrer comme la plus lucrative des fêtes foraines une chasse à l'homme pour la délicieuse Caroline uniquement vêtue de son bikini de diamants.

Porté à l’écran sous le titre Fantasia chez les ploucs, Le Bikini de diamants est un monument de drôlerie et un inégalable roman noir.


 

 

Mon avis :
Billy, sept ans, nous raconte sa drôle de vie entre son père adepte des champs de courses hippiques, et les Foyers où le placent les dames de l'Assistance à chaque fois que Pop fait un séjour en prison. Tous deux sillonnent l'Amérique au gré des champs de courses. Jusqu'au jour où Pop décide de s'arrêter au Texas chez son frère Sagamore Noonan qui vit lui aussi d'une façon que la loi réprouve, en pleine campagne, isolé, loin de tout. À proximité, l'oncle Finnley qui se prend pour le nouveau 
Noé, plante des clous.

Le shérif du comté a un but dans la vie, coffrer Sagamore pour libérer le voisinage de cet indésirable dont l'activité illégale empeste tout le secteur. Quand il découvre qu'un deuxième Noonan est arrivé, il est au bord de la crise de panique. Pourtant, bientôt quelque chose de pire va lui donner des raisons d'avoir des sueurs froides.

Un monde d'adultes pas mal retors raconté par un enfant de sept ans qui bien sûr ne comprend pas le second degré, pas plus que les mensonges qu'on lui sert, est totalement jubilatoire. Et quand un "médecin" en costard-cravate armé jusqu'au dents prend Sagamore et Sam Noonan pour des ploucs idiots avec une histoire de chasseurs de lapins, c'est tellement drôle !

Cette histoire de gangsters venus régler des comptes là où vit un petit paysan super filou et producteur de tord boyaux illégal, avec un shérif hyper zélé qui n'en peux plus, flanqué de deux adjoints stupides, m'a beaucoup amusée. Il y a des moment d'une drôlerie absolue, que ce soit dans les dialogues ou visuellement. C'est un roman réjouissant, où les hommes n'ont pas forcément le beau rôle, plutôt en mode crevards dès qu'il est question d'une très jolie fille à poil. Un peu comme les loups de 
Tex Avery.
J'ai beaucoup ri pendant cette lecture.

J'ai le souvenir du film que j'ai vu quand j'étais petite, d'un fou rire de ma mère et de 
Mireille Darc, vêtue juste d'un bikini en diamant, qui court dans l'eau. Et bien sûr Jean Yanne et Lino Ventura.

 

Citations :

Page 16 : Il faut qu’un homme soit jeune et plein d’entrain, prêt à tout essayer, ou alors qu’il ait un sacré paquet d’argent. Faut pas rigoler, avec le Texas. Y a pas de champs de courses à mille cinq cents kilomètres à la ronde. Si un type tombait en panne d’essence en plein milieu, il serait peut-être obligé de trouver un travail ou un truc dans le genre. C’est vraiment pas un coin sûr.

 

Page 46 : Voilà ce qui s’est passé. Y a deux ans, je crois bien, Vergil a eu une bonne récolte de coton et ils ont compris qu’ils allaient se faire du fric même après avoir remboursé leurs dettes. Mais avant que Vergil ait eu le temps d’aller à la ville s’acheter une autre Buick d’occasion, Viola s’est glissée en douce à l’hôpital et elle s’est fait retirer pour environ quatre cents dollars de trucs. Surtout des trucs de femme, j’crois bien ; elle avait jamais trop rien utilisé passqu’elle a pas arrêté de parler assez longtemps depuis qu’ils se sont mariés pour que Vergil ait le temps de la connaître de façon plus familière. Je sais pas pourquoi mais un homme a beau essayer de toutes ses forces, il risque pas d’être au mieux de ses performances si sa femme déblatère vingt-quatre heures sur vingt-quatre sur son foutu calcul biliaire.

 

Page 68 : Je suis allé au bureau du Trésor l’autre jour et je leur ai dit qu’ils étaient pas obligés de m’envoyer mon salaire tant que j’aurais pas libéré le comté de votre présence, et que si les gens me réélisaient pas dans les deux ans à l’automne, je continuerais à servir bénévolement avec le nouveau shérif jusqu’à ce qu’on trouve les preuves suffisantes pour vous coller en taule, qu’on ait plus honte de donner naissance à des enfants innocents dans un monde où vous vous baladez en toute liberté.

 

Page 118 : — Les mules, c’est vraiment comme les femmes, a continué l’oncle Sagamore. Elles se mettent à penser à un truc ridicule qui s’est passé il y a dix, quinze ans de ça, et puis elles cogitent un moment, et pis elles commencent à bouder d’un coup et elles vous causent plus pendant des semaines. Et le pire emmerdement, dans tout ça, c’est que t’as pas la moindre idée de ce qui les a foutues en rogne.

 

Page 159 : — Sagamore qu’aurait un problème avec un pauvre vieux putois ridicule ? Jamais de la vie. Le putois qui lui tiendra tête, il est pas encore né.

 

Page 159 : Les putois, c’est comme les mules et les bonnes femmes. Faut juste essayer de raisonner avec eux. Ça sert à rien de donner des ordres à un putois, mais si tu prends le temps de lui expliquer la situation, en général, il comprend ton point de vue.

 

 

 

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Mon avis : Une fin heureuse – Maren Uthaug

Publié le par Fanfan Do

Traduit du danois par Françoise et Marina Heide

 

Éditions Gallmeister

 

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Quatrième de couverture :

Comme sa mère, son grand-père et tous les hommes de la famille avant lui depuis sept générations, Nicolas est croque-mort et adore son métier. Il tient désormais les rênes de la florissante entreprise familiale. Pourtant, il s'apprête à prendre la décision la plus difficile de sa vie. En plus d'un héritage déjà bien lourd à porter, le voici à présent obsédé par des pulsions inavouables. Tandis qu'il emmène ses deux enfants en voyage, Nicolas tente de comprendre sa part d'ombre et retrace l'histoire de cette lignée d'excentriques au service des défunts. D'une île perdue au milieu de l'océan Pacifique au XIXe siècle, berceau de leur généalogie, à l'actuelle Copenhague, se dessine une incroyable saga familiale où les gènes décident de l'avenir de chacun. Car la question se pose : une dynastie qui vit des morts depuis des siècles peut-elle vraiment connaître une fin heureuse ?
Maren Uthaug réinvente la saga nordique, en l'épiçant d'humour noir et de provocation.


 

 

Mon avis :
Dès les premières lignes on apprend que Nicolas, le narrateur, est issu d'une lignée de croque-morts et croque-mort lui-même, qu'il est envahi par des pulsions nécrophiles et qu'il en a honte. Et là, d'emblée, je me suis demandé si j'avais envie de me marrer, ou pas. Ou plutôt je me suis demandé si mes gloussements n'allaient pas être un tantinet démoniaques. Immédiatement ça sent l'humour noir à plein nez et j'adore ça.

Nicolas attaque par la description de ses ancêtres, puis sa mère, puis sa fille et son fils jumeaux, cette famille où visiblement tout le monde est un peu "spécial". Donc voilà qu'il nous raconte l'histoire de cette lignée de Christian, car ils se nomment tous ainsi de père en fils, jusqu'au jour où patatras, sa mère s'appelle autrement et lui aussi. Les filles s'appellent toutes Liliane, mais pas sa mère.
Il part donc du premier Christian au XIXe siècle, naufragé sur une île de Polynésie dont les habitants avaient trouvé  une méthode particulière pour empêcher la surpopulation, et nous raconte la naissance de cette vocation à aider les morts à accepter leur sort, de Christian Christiansen en Christian Christiansen.

C'est bien louftingue, c'est drôle, c'est jouissif. C'est politiquement incorrect, totalement irrévérencieux et j'ai adoré, comme un tout petit qui va sortir des bordées d'injures alors que c'est interdit Hi Hi ! Car oui, on a affaire à une vraie famille de barjots ! Et malhonnêtes avec ça ! Mais ça rapporte et puis, si ça rassure les endeuillés... Et au fond ils ne sont pas vraiment malhonnêtes, puisqu'ils font du bien aux gens. Oups !

Les chapitres, qui commencent tous par un arbre généalogique, se suivent et nous parlent tour à tour de Christian I, puis Christian II, Puis III, puis IV, et Nicolas et sa mère indigne, et son père pas comme tout le monde, et on découvre la dynastie Christiansen et ses spécificités. Chaque Christian a une particularité, mais celle de Christian IV est vraiment très spéciale car paranormale, alors que Christian V, lui, est atteint d'un toc envahissant. Et que dire des Liliane ??? Pas très nettes non plus ! C'est comme si à chaque génération, les tares de la famille augmentaient d'un cran. J'ai quand-même eu un peu de mal parfois à m'y retrouver parmi tous les membres de cette famille qui, de génération en génération portent le même prénom. Ou presque.

Et puis les morts. Pas physiques, non ! Ceux qui nous entourent et que nous ne voyons pas. Ils en ont des choses à dire et à faire ! Par exemple regretter leur courte vie parfois, ou tenter d'entrer en contact avec nous, la plupart du temps en vain.

En passant on apprend des choses sur l'histoire de Copenhague, crasseuse et puante comme toutes les grandes villes autrefois, pleines de miasmes et qui empestaient la mort et amenaient des maladie, car les cadavres et les déjections polluaient tout, l'air qu'on respirait et l'eau qu'on buvait. Et les épidémies du XXe siècle, telles la grippe espagnole ou la polio. Puis plus tard la montée du nazisme avec ses idéologies nauséabondes, et la guerre, et l'après-guerre. On voit aussi à travers les décennies l'évolution du rapport à la mort.
Alors qu'autrefois on veillait les morts un certain temps, à présent on expédie et on cache ce moment difficile, comme si ne pas voir les morts faisaient disparaître la mort. Même le terme de mort fait peur aux gens. de nos jours on préfère dire "il est décédé", ou bien "elle est partie". Et l'incinération qui se répand.
Et les plats préparés, en boîte, en plein essor dans les années 60...
On assiste aux changements dans la société.

Voilà que j'ai terminé ce livre désopilant, mais aussi immoral souvent, voire amoral, avec des passages bien écœurants. Oui car la nécrophilie, c'est quand-même un sacré tabou, et heureusement ! Mais s'il n'y avait que ça de répugnant... Une vraie famille de dingues vous dis-je !!!
J'ai aimé ce roman réjouissant, bien que je l'aie trouvé très déroutant et parfois dérangeant. Je ne suis pas sûre qu'il puisse être mis entre toutes les mains, tant il évoque certains sujets vraiment prohibés, à juste titre.

 

Citations :

Page 10 : Les rêves ne se soucient pas de ce que nous trouvons convenable, hélas. Ils se fichent complètement des barrières que la société met au désir et de ce qui peut faire déferler les orgasmes.

 

Page 78 : Les médecins ne savaient à quel saint se vouer. Ils tentaient de recourir aux classiques saignées, sans constater d’effet sur les malades, leur frottaient le corps avec des linges imbibés de camphre et d’huile de térébenthine, leur appliquaient des ventouses, leur posaient des sangsues sur les tempes. Ils torturaient leurs patients en leur faisant subir des séances de sudation, des cures d’opium ou de sel. Ils les enveloppaient de couvertures et les faisaient asseoir au-dessus de pierres chauffées que l’on arrosait de vinaigre, ou encore, suivant les conseils de leurs confrères anglais, leur administraient des préparations à base de mercure et leur prescrivaient des bains de vapeur, des vomitifs et des laxatifs.

 

Page 152 : Au fil des années, on avait fini par interdire les inhumations en dehors du cimetière. Désormais, les enfants non baptisés, les suicidés et les criminels avaient tous droit à leurs trois poignées de terre à l’intérieur de l’enclos. Mais ce n’était pas du ressort du pasteur. Ce genre de petites cérémonies miteuses était en principe le lot du sacristain. Même si les malheureux qui avaient renoncé à vivre étaient admis en terre sacrée, l’image du Dieu vengeur avait la vie dure, ce Dieu qui punirait tout le monde si l’on faisait entrer au cimetière, en grande pompe, les gens indignes.

 

Page 207 : L’école le rongeait. S’il était auparavant un enfant malingre et pâlichon, ces années-là le rendirent presque évanescent.

 

Page 220 : Même si on avait fait appel au jeune homme pour s’assurer que le mort, simplement, était mort, Christian IV considérait comme son devoir d’aider ce dernier à comprendre ce qu’il en était. Il n’avait pas beaucoup de temps devant lui, car contrairement aux gens des époques antérieures, ceux de maintenant souhaitaient qu’on les débarrasse du corps et qu’on le dépose à la chapelle le plus vite possible. À mesure que s’enchaînaient les révélations de la médecine sur les potentielles sources de contamination, l’idée d’avoir un mort au milieu du salon devenait plus déplaisante. Ce qu’on ressentait autrefois comme intime et festif n’était plus qu’effrayant et macabre.

 

Page 282 : La grippe espagnole était vicieuse : elle laissait tous les membres d’une famille se réveiller au matin frais, dispos et pleins d’espoir, pour les éliminer ensuite jusqu’au dernier avant le coucher du soleil. Ou bien elle en épargnait un seul, de préférence une mère ou un père épuisé et misérable, qui devait user de ses maigres forces pour enterrer un à un tous ceux qu’il avait aimés.

 

Page 293 : Les humains, comme on le sait, ont besoin dans l’existence d’une certaine dose de danger pour pouvoir être heureux, faute de quoi ils s’inventent des névroses, des phobies et autres fantaisies dont leur esprit se divertit pour éviter les affres de l’ennui.

 

Page 336 : En regardant ma mère fourrer une quantité insolente de poulet dans sa bouche, je me suis demandé si elle avait toujours été aussi méchante, ou si ça avait empiré avec les années. Je n’arrivais pas à savoir. Enfant, on est capable de trouver tout normal.

 

Page 366 : La polio fut la dernière épidémie qui poussa les Danois à s’enfermer chez eux et à garder leurs distances. Durant les années 50 et 60, la mort se confronta de nouveau à la science qui ne cessait d’inventer des vaccins. Anéantir plusieurs personnes en même temps ne s’avérait plus aussi facile qu’autrefois, mais la mort ne fut pas désarmée bien longtemps. Ironiquement, l’homme faisait toujours des trouvailles qui décuplaient ses possibilités.

À cette époque, il n’y avait pas encore beaucoup de voitures dans les rues. Chaque mois, les accidents de la route faisaient pourtant trois fois plus de victimes qu’aujourd’hui. Non pas parce que les véhicules étaient moins sûrs et les gens de piètres conducteurs, mais parce que beaucoup avalaient dix bières avant de prendre le volant. Pratique que personne ne remettait en cause.

 

Page 375 : Elle n’était pas bonne cuisinière, mais ça ne faisait rien, car dans les années 60, les plats préparés étaient en pleine popularisation. Tout pouvait s’acheter en boite. Elle servait donc des quenelles, du pot-au-feu, des boulettes de viandes et autres plats en mettant simplement les boites dans l’eau chaude, avant de les ouvrir et de verser leur contenu dans les assiettes.

 

 

 

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Mon avis : Miracle à la Combe aux Aspics - Ante Tomic

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Marko Despot

 

Éditions Noir sur Blanc

 

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Quatrième de couverture :

Loin dans les collines perdues de Dalmatie, dans un hameau à l'abandon, vivent Jozo Aspic et ses quatre fils. Leur petite communauté aux habitudes sanitaires et sociales contestables n'admet ni l’État ni les fondements de la civilisation - jusqu'à ce que le fils aîné, Krešimir, en vienne à l'idée saugrenue de se trouver une femme. La recherche d'une épouse se révèle rapidement beaucoup plus hasardeuse que la lutte quotidienne des Aspic pour le maintien de leur insolite autonomie.

Ce road-movie littéraire qui dépeint les mœurs d'une famille vivant à l'écart du monde est une somme d'humour et de dérision qui, lors de sa publication en Croatie, a rencontré un immense succès populaire. Un roman plein de rebondissements ébouriffants, en cours d'adaptation cinématographique, mais aussi la découverte savoureuse d'un auteur inédit en français.


 

 

Mon avis :
Jozo Aspic vit à la Combe aux Aspics, hameau loin de tout, dans les montagnes, avec sa femme Zora, et leur quatre fils, Krešimir, Branimir, Zvonimir et Domagoj. Tout le monde a quitté ce lieu pour aller en ville sauf eux. Jozo n'a jamais voulu partir. Zora ne le lui a jamais pardonné. le jour de sa mort, elle a un ultime mot d'amour pour lui "Tu es une merde". Il reste seul avec ses fils, avec qui l'amour et le respect sont à peu près du même niveau qu'avec sa défunte épouse, la testostérone en plus.

Et donc, cet homme et ses quatre fils vivent en autarcie. La loi, c'est eux. Ils se foutent totalement du reste, tout ce qu'ils veulent c'est vivre sur leur bout de territoire avec leurs propres règles et qu'on ne leur parle pas de factures d'électricité au risque d'essuyer des tirs de kalachnikov. Une vraie tribu de cinglés enragés, armés jusqu'aux dents.

Seulement voilà, depuis que la mère n'est plus là, plus rien ne va dans la maison. La vaisselle est sale, la maison est sale, la couture n'est pas faite correctement et la nourriture est infecte : variantes de polenta à tous les repas. le curé leur conseille une femme dans la maison, pour redresser la situation ménagère. Et voilà donc l'aîné, Krešimir, qui part à la ville en quête d'une femme, mais pas n'importe laquelle. Il veut Lovorka, rencontrée "quelques" années plus tôt.

Ça devient la quête du Graal, la recherche de la perle rare, presque une affaire d'état, en tout cas l'affaire des anciens combattants. Ça tourne à la guérilla urbaine et c'est d'une telle drôlerie par moments ! j'ai beaucoup ri.
Je suppose que pour qui connaît bien la Croatie cette histoire prend une autre dimension. Car d'un côté, la police corrompue et tortionnaire est ridiculisée ainsi qu'une bande de néo-nazis, quand par ailleurs on voit des anciens combattants de la guerre contre la Serbie toujours prêts à donner l'assaut pour une bonne cause, surtout si c'est pour un frère d'armes. Et que dire de certains endroits qui sont inconnus de tous, telle la Combe aux Aspics ? Quant à Jozo, le père, soit c'est le timbré en chef genre prêcheur fou, soit c'est un vil manipulateur qui déteste les femmes et veut garder ses fils pour lui tout seul. D'ailleurs il déteste absolument tout le monde.

On suit les péripéties de ce petit monde un peu en dehors du monde et on a une galerie de personnages tous plus bizarres et réjouissants les uns que les autres. Tumultueux, désopilant et déjanté, ça va à cent à l'heure, on ne s'ennuie jamais.

Joyeusement iconoclaste et délicieusement irrévérencieux, ce roman croate est une énorme bulle d'oxygène, une bouffée de gaz hilarant. Car bien qu'il y ait parfois beaucoup de violence, c'est d'une drôlerie incroyable, c'est enthousiasmant et lumineux. Dans l'ensemble très réjouissant, et, pour ceux qui pensent que l'homme est le chef de famille, on voit bien que les femmes en sont le moteur et la clé de voûte.

À peine avais-je terminé ce roman que les personnages truculents de cette espèce de Horde sauvage mâtinée de O.K. Corral déjanté sauce croate ont commencé à me manquer. J'ai vraiment adoré cette histoire de fous qui m'a provoqué quelques fous rires inextinguibles.

 

Citations :

Page 29 : — Les sourdes, les aveugles, les éclopées, les dindes, les muettes, celles aux oreilles décollées, aux grandes gueules, les crasseuses, les salopes, les gouines, s’emporta l’oncle, tout ce qui est femelle se trouve un mari de nos jours.

 

Page 94 : Le fils cadet se tordait les mains de terreur en attendant les jeux amoureux de son frère et de sa belle-sœur, leurs mugissements inhumains, glapissements déchaînés, brames joyeux, bêlements forcenés, piaillements affectueux, beuglements fiévreux, miaulements caressants, grognements menaçants et aboiements réjouis.

 

 

 

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Mon avis : L’homme qui savait la langue des serpents – Andrus Kivirähk

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’estonien par Jean-Pierre Minaudier

 

Éditions Le Tripode

 

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Quatrième de couverture :

Empreint de réalisme magique et d'un souffle inspiré des sagas islandaises, L'homme qui savait la langue des serpents révèle l'humour et l'imagination délirante d'Andrus Kivirähk.
Le roman qui connaît un immense succès depuis sa parution en 2007 en Estonie, retrace dans une époque médiévale réinventée la vie d'un homme qui, habitant dans la forêt, voit le monde de ses ancêtres disparaître et la modernité l'emporter.
Grand Prix de L'Imaginaire 2014

 

 

Mon avis :
Amis des bêtes, bienvenue dans ce drôle de monde et cette époque où les humains étaient proches de la nature, où un ours pouvait séduire une femme mariée, où les hérissons étaient de gros crétins, où certains savaient la langue des serpents car ils étaient leurs frères. Hélas, à part Leemet, tout le monde a oublié... Il est le dernier à la parler. Et il nous raconte.

On navigue dans un univers fantasque où on rencontre des femmes qui se flagellent nues en haut des arbres, un vieil ivrogne quasi végétal, un sage des vents, un cul-de-jatte qui fabrique de la vaisselle un peu spéciale, un très vieux poisson barbu, et le Christ est l'idole des jeunes... Il suffit de se laisser porter et permettre à l'enfant qui est en nous de refaire surface, pour croire aux anthropopithèques qui élèvent des gros poux délirants, à la salamandre volante, à Ints la jeune vipère et meilleur ami, à l'Ondin esprit du lac, aux ours tombeurs de ces dames, aux louves laitières... c'est jubilatoire ! Il y a d'un côté ceux de la forêt un peu doux dingues mais parfois plus dingues que doux, qui vivent en harmonie avec la flore mais dominent la faune, dont certains croient aux génies, et de l'autre ceux du village, qui ont tout renié de leur mode de vie passé, qui sont sous l'emprise de la religion, et donneurs de leçons. Les villageois qui passent leur temps à cultiver les champs et aller à la messe, les forestiers qui mangent de l'élan encore et encore et beaucoup trop, entre deux flâneries dans les bois.

Ce roman c'est, transposé au temps des chevaliers, le monde ancien contre le monde moderne. Et vraiment, c'est l'ancien qui est le plus attrayant, féerique, enchanteur, fabuleux, ensorcelant, flippant... Ah !... Ça se voit que j'ai aimé ? Adoré ? Surkiffé ? Oui ! Ce roman est une bulle d'oxygène sylvestre, de croyances ancestrales, de fantasmagorie et aussi de drôlerie. Car oui, c'est joyeux, drôle, et parfois hilarant.

L'auteur se moque allègrement, à travers ses personnages, des croyances et superstitions païennes et de celles liées à la religion et de la récupération qu'ils font, toujours en leur faveur, des événements, tendant à prouver que rien de ce qui arrive n'est dû aux mérites des individus car ils sont forcément l'instrument de Dieu, ou du diable s'il n'y a que de l'indignité et pas de gloire à s'approprier. Il égratigne au passage les sociétés, les pouvoirs en place qui veulent tout contrôler, ne voir qu'une tête, et surtout pas de libres penseurs, la religion toute puissante qui asservit les gens par la peur et l'ignorance, pourvoyeuse de la pensée unique. le contrôle de la nature, et vade retro la liberté ! Des peuples sous le joug de têtes pensantes prosélytes qui haïssent l'apostasie, l'athéisme, le paganisme. Et ça, c'est intemporel. Il faut avouer que la religion en prend pour son grade, à moins que ce ne soit plutôt les ecclésiastiques, mais avec énormément d'humour. Cela dit, le mage aussi prend cher avec ses lutins, ses génies, sa bêtise, sa méchanceté et ses désirs de domination. Et les peuples qui se comportent en bons petits moutons mais jugent durement ceux qui ne marchent pas comme eux dans le rang. Ça m'a mis une chanson en tête : Non les braves gens n'aiment pas que l'on suive une autre route qu'eux.

C'est foisonnant, il s'y passe tant de choses, des joies, des douleurs, le monde qui change, l'amitié, l'amour, la mort, les affres de l'obscurantisme, de l'ignorance et du fanatisme. C'est l'histoire de toute une vie, celle de Leemet le narrateur, et il nous la raconte d'une façon enthousiasmante, enjouée et très drôle, mais aussi douloureuse parfois et quelquefois résignée. J'ai tellement aimé que je ne vais pas m'arrêter là quant à ma découverte des romans de 
Andrus Kivirähk !

 

Citations :

Page 32 : Dites donc à vos parents qu’ils arrêtent avec leurs âneries ! Tous ceux qui ont quelque chose dans la cervelle viennent s’installer au village. À notre époque, c’est idiot de s’enterrer au fin fond d’un fourré en se privant de tous les acquis de la science contemporaine. Ça me fend le cœur de penser à ces pauvres gens qui continuent à végéter dans des cavernes alors que d’autres vivent dans des châteaux ou des palais ! Pourquoi les estoniens devraient-ils être les derniers à se civiliser ? Nous aussi, nous avons droit aux mêmes plaisirs que les autres peuples ! Dites(le à vos parents. S’ils ne pensent pas à eux, qu’ils aient au moins pitié de leurs enfants. Qu’est-ce que vous allez devenir si vous n’apprenez pas à parler allemand et à servir Jésus-Christ ?

 

Page 36 : « Il y en a qui croient aux génies et fréquentent les bois sacrés, et puis d’autres qui croient en Jésus et qui vont à l’église. C’est juste une question de mode. Il n’y a rien d’utile à tirer de tous ces dieux, c’est comme des broches ou des perles, c’est pour faire joli. Rien que des breloques pour s’accrocher au cou ou pour faire joujou. »

 

Page 160 : Ce fut un automne sinistre, peut-être le plus désespéré de tous ceux que j’ai vécus, car même si plus tard j’ai connu des temps encore plus tristes et qu’il m’est arrivé des choses bien plus terrible, à l’époque mon cœur n’était pas encore endurci comme il s’est endurci par la suite, ce qui me rendit les souffrances plus supportables. Pour parler serpent, je n’avais pas encore mué comme je le fis à plusieurs reprises, plus tard, au cours de mon existence, me glissant dans des enveloppes de plus en plus rudes, de plus en plus imperméables aux sensations. À présent, peut-être que rien ne traverse plus. Je porte une pelisse de pierre.

 

Page 164 : Je nageais dans le sommeil, il me roulait dessus comme des vagues, je pouvais pratiquement le toucher ; je le sentais doux comme de la mousse, et en même temps il me glissait entre les doigts comme du sable. Il était tout autour de moi, il comblait tous les vides et tous les orifices, il était chaud et frais en même temps, il flottait partout comme un souffle de vent qui caresse et radoucit l’atmosphère.

 

Page 199 : J’étais vraiment sidéré qu’un être humain puisse être à ce point sans défense, tel un misérable oisillon, qu’il se laisse mordre par un reptile. Bien sûr, j’avais vu de mes propres yeux Ints tuer le moine, mais pour moi les moines et les hommes de fer n’appartenaient pas vraiment à l’espèce humaine vu qu’ils ne comprenaient ni la langue des gens ni celle des serpents, et bafouillaient des choses parfaitement incompréhensibles. C’était comme des espèces de scarabées, on pouvait les mordre et les tuer tant qu’on voulait.

 

Page 234 : Les gens sont toujours en train d’inventer un quelconque croquemitaine pour se décharger sur lui de leurs responsabilités.

 

Page 274 : « Le gamin a mal tourné, désolé. Peut-être parce qu’il a perdu sa mère très tôt. Je n’ai pas su l’élever. Mais qu’est-ce que je peux y faire, c’est quand-même mon fils, je ne peux quand-même pas l’abattre parce qu’il s’est fait moine. »

 

 

 

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Mon avis : Bien sûr que les poissons ont froid – Fanny Ruwet

Publié le par Fanfan Do

Éditions L’Iconoclaste

 

Mon avis sur Insta c'est ici

 

Quatrième de couverture :

Vous tenez entre les mains l'irrésistible roman de Fanny Ruwet...
Il parle de dépression, de rencontres amoureuses sur les réseaux sociaux, de crise existentielle et d'alcoolisme mondain. Il nous embarque dans une intrigue à couper le souffle. Et évidemment, la fin va vous surprendre.
C'est un livre truffé de blagues, contrairement à cette présentation, son éditeur ayant mois d'humour que son autrice. Vous allez verser quelques larmes, mais surtout rire, beaucoup rire.
Et ça, c'est rare en littérature, non?

 

Humoriste belge, Fanny Ruwet est à 28 ans une figure montante de la scène comique. Depuis 2018, elle tient un billet d’humeur dans l’émission « La Bande Originale » sur France Inter. En trois ans, elle a rencontré un succès incroyable avec son spectacle Bon anniversaire Jean. Bien sûr que les poissons ont froid est son premier roman.


 

 

Mon avis :
Fanny Ruwet tient un billet d'humeur dans l'émission de Nagui et Leïla Kaddour-Boudadi "La bande originale" sur France Inter et c'est toujours d'une drôlerie à tomber par terre, un humour ravageur qui me fait énormément rire… J'adore !! Et ça, c'est son premier roman, que je ne pouvais absolument pas rater. Je me le suis donc offert pour Noël.

Après avoir quitté Alexandre et pendant la dégustation d'un pain-saucisse avec son pote Maxime, Allie lui raconte sa folle histoire d'amour avec Nour, un ado de Montpellier, via internet, quand elle avait 15 ans et qu'elle s'ennuyait l'été. Elle l'avait rencontré sur un blog de folk, et rapidement ils s'étaient mis à roucouler comme deux crétins tout juste pubères. Puis ils se sont perdus sans jamais s'être rencontrés. Et c'est vraiment drôle les pensées pseudo romantiques stupides qu'on peut avoir à cet âge là. Ça doit être intemporel, ça m'a rappelé ma propre adolescence XD. Maxime lui propose alors de chercher à retrouver Nour.

Elle raconte aussi sa famille un peu déglinguée, avec humour et autodérision : Notre famille était en miettes, mais au moins tous les morceaux étaient ensemble. Et aussi ses terreurs existentielles, ses histoires de coeur, ses histoires de cul avec parfois quelques révélations qui lui sautent aux yeux de façon très crue et tellement drôle !!! Ses rendez-vous foireux, son attirance pour les filles, sa peur de retrouver Nour et d'abîmer les souvenirs avec la triste réalité.

Alors ce livre est véritablement un page turner ! D'abord, il est drôle et je peux même dire qu'à chaque punchline un peu crue, j'étais morte de rire et j'entendais la voix de 
Fanny Ruwet, que j'adore écouter… je l'ai déjà dit !? Ah ouais… Et puis il dit (le livre ;) ) des choses assez profondes et belles, et parfois tristes, parce que la vie c'est plein de tout. Ensuite, la recherche de Nour en mode Maigret 2.0 (ou 3.0 ou 4.0, je ne sais pas où on en est arrivé XD) m'a tenue en haleine jusqu'au bout et j'ai adoré !
Et à part internet, qui n'existait pas quand j'avais 27 ans, je me suis pas mal reconnue dans ce personnage un peu barré qu'est Allie, et ça m'a fait comme un voyage dans le temps.

Et sinon, connaissez-vous la différence entre Hermione Granger et Effy Stonem, Debra Morgan, Fleabag, Eve Polastri, 
Alex Rider, Holden Caulfield (oups pas encore lu L'attrape-coeur), Rue Bennett, Molly Moon ?? Il n'y a que Hermione Granger que je connais. Je dois avoir dépassé la limite d'âge pour certaines de ces références Hi Hi ! Il y a d'autres réf que j'avais à force de les entendre de mes enfants qui sont de la génération de l'autrice, ouf !.. L'honneur est presque sauf… Pour le reste, merci internet… Et la réf pour les vieux à la fin, ben je ne l'ai pas vraiment… oups, je suis hors d'âge MDR.

Pour résumer, j'ai adoré cette histoire d'une meuf un peu bipolaire, un peu pochtronne en soirées, à fleur de peau avec un cœur grand comme ça (désolée, il manque le geste), un chat, et un meilleur ami au top !!! Et tellement rigolote !

Et vraiment, que 
Fanny Ruwet soit éditée chez L'ICONOCLASTE, c'est énorme ! Ça lui va tellement bien MOUAHAHAH !!!
Bon, ben moi je vais aller lire L'attrape-cœur hein !

 

Citations :

Page 25 : J’ai toujours trouvé ça bizarrement agréable, de rester cloîtrée à l’intérieur quand il fait chaud. Ça me donne l’impression d’être dans un bocal sous pression. D’exister en dehors du monde et d’avoir accès à des heures secrètes dont personne ne soupçonne l’existence.

 

Page 27 : Déjà à l’époque, j’étais obsédée par les oiseaux blessés (mon préféré, c’est le poulet) et ça n’a jamais changé : dès que les gens sont tristes, j’ai envie de prendre soin d’eux. De les serrer contre moi et de leur répéter que tout ira bien. Parfois, je me dis que je devrais draguer dans les salles d’attentes de psy. « Ce qui m’a plu chez lui ? Ses traumas. Je l’ai aimé à la seconde où j’ai compris qu’on allait mutuellement se tirer vers le bas. »

 

Page 51 : Ça me bute que les gens puissent avoir envie de faire des gosses alors qu’on passe clairement sa vie d’adulte à essayer de se remettre de son enfance.

 

Page 91 : Je savais que je lui plaisais. Il me courait après depuis plusieurs mois en n’ayant apparemment pas compris deux choses : qu’il avait établi un campement définitif dans ma friendzone et que, clairement, en dehors du petit crush que j’avais eu sur Nour, je préférais les filles.

 

Page 93 : En étant une fille et en aimant les filles, il n’était pas possible d’exister en tant que personne. Un peu comme les femmes sans enfant, les lesbiennes ne sont pas considérées comme des êtres accomplis et épanouis : «Il y a tellement de choses qu’elles ne peuvent pas comprendre ». Une lesbienne l’est forcément par ignorance, « parce qu’elle ne sait pas ce qu’elle rate ».

 

Page 195 : Un des trucs qui me déprime le plus au sujet des gens morts, c’est qu’il n’y aura jamais de nouvelles photos d’eux.

 

 

 

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