Mon avis : Le chœur des femmes - Martin Winckler
Ma chronique sur Insta c'est ici
Quatrième de couverture :
Résumé Babelio : Jean Atwood, interne des hôpitaux et quatre fois major de promotion, vise un poste de chef de clinique en chirurgie gynécologique. Mais au lieu de lui attribuer le poste convoité, on l'envoie passer son dernier semestre d'internat dans un service de médecine consacré à la médecine des femmes - avortement, contraception, violences conjugales, maternité des adolescentes, accompagnement des cancers gynécologiques en phase terminale.
Le Docteur Atwood veut faire de la chirurgie, et non passer son temps à écouter des femmes parler d'elles-mêmes à longueur de journée. Ni servir un chef de service à la personnalité controversée. Car le mystérieux Docteur Karma - surnommé «Barbe-Bleue» - séduit sans vergogne, paraît-il, patientes et infirmières et maltraite sans pitié, dit-on, les internes placés sous ses ordres. Pour Jean Atwood, interne à la forte personnalité et qui brûle d'exercer son métier dans un environnement prestigieux, le conflit ouvert avec ce chef de service autoritaire semble inévitable.
Mais la réalité n'est jamais ce que l'on anticipe, et la rencontre entre les deux médecins ne va pas se dérouler comme l'interne l'imagine.
Le Chœur des femmes est un roman de formation : il raconte l'histoire d'un jeune médecin déjà modelé par la faculté et par sa spécialité d'élection et qui doit brusquement réviser ses préjugés devant une réalité qui lui avait échappé jusqu'ici : ce ne sont pas ses maîtres qui lui apprendront son métier, mais les patientes.
C'est un roman documentaire qui décrit la médecine des femmes, ses gestes, ses particularités, ses écueils, ses interrogations éthiques, comme aucun roman, ne l'a fait à ce jour, du moins en langue française.
C'est un roman choral (comme son nom l'indique) dont la structure s'inspire de celle de la comédie musicale : au fil de son itinéraire (un récitatif à la première personne) dans ce microcosme qu'est l'unité 77, le Docteur Atwood croise des femmes qui racontent (et parfois chantent) leur vie.
Résumé France Loisirs : Je m'appelle Jean Atwood. Je suis interne des hôpitaux et major de ma promo. Je me destine à la chirurgie gynécologique. Je vise un poste de chef de clinique dans le meilleur service de France. Mais on m'oblige, au préalable, à passer six mois dans une minuscule unité de " Médecine de La Femme ", dirigée par un barbu mal dégrossi qui n'est même pas gynécologue, mais généraliste! S'il s'imagine que je vais passer six mois à son service, il se trompe lourdement. Qu'est-ce qu'il croit? Qu'il va m'enseigner mon métier? J'ai reçu une formation hors pair, je sais tout ce que doit savoir un gynécologue chirurgien pour opérer, réparer et reconstruire le corps féminin. Alors, je ne peux pas - et je ne veux pas - perdre mon temps à écouter des bonnes femmes épancher leur cœur et raconter leur vie. Je ne vois vraiment pas ce qu'elles pourraient m'apprendre.
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Pourquoi j'ai voulu lire ce livre :
J'ai trouvé ce livre il y a quelques années à Emmaüs. Le titre et la quatrième de couverture m'ont donné envie. Il dormait depuis ce temps sur une de mes étagères quand quelqu'un dans le groupe FB A l'assaut des pavés m'en a proposé une lecture commune. Et voilà donc comment je l'ai enfin lu !
Mon avis :
On peut dire que ça commence fort !.. avec les propos sexistes et méprisants d'un gros connard d'interne arrogant et imbus de sa personne ! Une vraie caricature de macho doublé d'un misanthrope.
Et là, je me suis aussitôt dit "j'espère que ça n'existe pas des médecins comme ça !", même si je sais bien que les abrutis se trouvent dans toutes les strates de la société . C'est bien dommage d'en trouver en gynécologie.
Heureusement il y a Karma ! Kar-ma ‼
Mais rapidement, c'est le choc !!! Une révélation à vous provoquer un gros bug de cerveau !
Mais comment faire pour parler d'un livre dont on ne peut rien dire pratiquement dès le départ, au risque de divulguer des choses qu'on doit taire ???
En fait c'est bizarre. Dès les premières pages on constate qu'il y a chez Jean un mépris et une haine terrible envers les femmes. Et je me suis dit que ça venait forcément de quelque part, qu'il y avait une blessure derrière tout ça et j'ai eu hâte d'en savoir plus. Par ailleurs j'ai trouvé passionnant tous ces chapitres qui abordent les différents éléments de la gynécologie et la façon dont souvent les femmes sont considérées et traitées, assez mal parfois il faut bien le dire. C'est vrai qu'avec certains médecins c'est limite... il existe d'ailleurs des comptes Instagram qui témoignent de choses qui ont choqué et ou blessé des femmes lors de consultations, entre autre les violences gynécologiques.
Et donc j'ai trouvé ça très intéressant de suivre les pensées - toxiques - de Jean au fil des consultations en opposition à la bienveillance du docteur Karma.
Au fond ce roman traite de tellement de choses ! De psychologie entre autre, du déni, de ce qu'on laisse paraître, de ce qu'on veut bien dire plutôt qu'avouer ses vraies raisons et motivations, de la façon détournée bien souvent d'arriver là où on veut aller, de toutes les pudeurs du langage parce qu'on n'ose pas, et surtout ces façons de ne pas dire les choses...
J'ai envie de dire merci à l'auteur d'avoir écrit ce livre parce qu'il ouvre des portes. Il parle des femmes, de toutes les femmes. Il parle des bébés femmes, en devenir à qui parfois certains médecins, par bêtise ou arrogance, cassent les pattes, brisent les ailes, piétinent leur dignité, les humilient.
Mais il nous montre que les médecins empathiques sont aussi le réceptacle de nos douleurs morales, et que ça doit être pesant pour eux à la longue. Mais par bonheur ils existent !
Heureusement qu'il y a des médecins bienveillants et humbles.
Dans ce roman, différents cas de figure sont recensés, et sans doute que la plupart des femmes, en lisant ça, vont revivre certaines choses pas agréables.
Les personnages hauts en couleur sont tous plus passionnants les uns que les autres et on n'a pas d'autres choix que de s'impliquer et de s'y attacher, ou d'en détester certains parfois.
Ce livre devrait être lu par tout le monde !
Par les femmes qui se sentiraient enfin comprises et pas forcément jugées.
Par les hommes qui auraient peut-être parfois un peu plus d'empathie et de compréhension envers nous.
Par les médecins, les désagréables bien sûr, qui arrêteraient de nous prendre pour des bout de barbaque geignards et sans sensibilité... et qui oublient parfois qu'à chaque fois qu'une femme se retrouve avec une grossesse non désirée, il y a un homme qui a sa part de responsabilité, mais qui hélas, de temps à autre, s'en lave les mains.
C'est à se demander si tous les médecins ont bien compris le serment d'Hippocrate.
Ce livre ouvre les yeux, il devrait être remboursé par la sécu, parce qu'il fait du bien, d'autant qu'il est écrit par un homme !
En refermant ce livre, je le suis dit "waouhhh quelle histoire et que d'émotions !"
J'aurais voulu rester avec tous ces personnages, et comme j'ai découvert qu'il y a une suite, j'ai eu envie de m'y plonger tout de suite ! Hélas je ne l'ai pas... pas encore !
Citations :
Page 38 : Quand la consultation tourne aux préliminaires, l'examen gynécologique est un viol.
Page 41 : Alors elle déballe tout, sa vie sexuelle, les règles qui viennent ou pas, la pilule qui lui donne des vergetures aux seins, l'implant qui l'a fait grossir, les enfants qui lui pompent l'air, sa mère qui la tanne pour qu'elle cesse de travailler, son mari qui veut toujours quand elle n'en a pas envie – de toute manière ça lui fait mal et elle est toujours trop crevée pour penser à ça.
Page 116 : - Oui, je sais que c'est plus confortable de se dire qu'aujourd'hui, en France, les femmes ne meurent plus d'avortement clandestin. Ou même dans une grande partie de l'Europe. Mais ailleurs... Et puis, il n'y a pas que l'avortement. Ça c'est la partie visible de l'iceberg, le sommet apparent du malheur dans la vie des femmes. Mais il y a tout le reste.
Page 164 : Seulement des trucs comme ça tu peux le dire à ta voisine ou aux étrangers, pas à un docteur qui en te voyant enceinte pour la troisième fois à dix-neuf ans te fait le même regard que si t'avais volé une banque ou collé des coups de ceinture à tes mômes.
Page 202 : - Tout le monde ment. Les patients mentent pour se protéger ; les médecins mentent pour garder le pouvoir.
Page 253 : - Quand une nana tente d'en finir, c'est soit à cause d'un mec, soit à cause de sa mère, soit parce qu'elle a l'impression d'être une merde.
Page 280 : Elles sont enceinte et elles ne voulaient pas l'être et elles ne veulent pas le rester, et elles ne veulent pas de cet enfant. Pour certaines, c'est – enfin, ce serait – leur premier enfant, et pour certaines c'est un enfant de plus. Pour toutes, c'est un enfant de trop.
Page 466 : Les gynécos femmes, quand on leur dit qu'on ne veut pas d'enfant, c'est comme si on leur arrachait personnellement les ovaires. Est-ce qu'elles ne pourraient pas s'occuper de leurs fesses, au lieu de venir foutre leur nez dans ce que je fais des miennes ?
Page 470 : La médecine française est, purement et simplement, une médecine de classe. Un trop grand nombre de « professionnels » méprisent souverainement tous les patients et les traitent comme des enfants – et plus encore les femmes, parce que ce sont des femmes.
Page 597 : Pendant des milliers d'années, les femmes ont subi la domination des hommes, et se sont fait soigner par des hommes. Aujourd'hui, elles préfèrent de plus en plus souvent se faire soigner par des femmes, car elles pensent que des médecins du même sexe comprendront mieux leurs problèmes.
Page 631 : - Tu n'as aucun moyen de vérifier qu'un secret est réel. Si c'est un secret, c'est que personne ne le sait, par définition. Donc, ça peut être vrai ou non. Et ça n'a pas d'importance. Ce qui importe, c'est l'émotion qui accompagne le secret.
Page 693 : Bordel de merde, la prochaine fois que je tombe amoureuse, il faut que je choisisse un type plus con, pour avoir raison au moins une fois de temps en temps quand je pète les plombs.