Si le clan Caskey accuse le poids des ans, il est loin de s'être assagi : révélations écrasantes, unions insolites et réceptions fastueuses rythment leur vie dans une insouciance bienheureuse. Mais quelque chose surplombe Perdido, ses habitants et ses rivières. Le temps des prophéties est enfin venu.
Pourquoi j’ai voulu lire ce livre :
J’ai dévoré cette saga !
Mon avis : Me voilà donc en possession de l'ultime tome de Blackwater que j'attendais impatiemment, et finalement je n'avais tellement pas envie de quitter Perdido et la famille Caskey que j'ai mis 48 heures avant de l'attaquer. Parce qu'une fois commencé, on ne peut plus s'arrêter ! Mais à la fin, c'est vraiment la fin.
Et vogue le navire de la famille Caskey ! Cette famille qui n'en finit plus d'être étrange, voire malsaine, croyant que le pouvoir et l'argent permettent tout, y compris sur ses propres enfants… et sans le moindre scrupule. Les hommes sont effacés et les femmes sont des gorgones, calculatrices et sans états d'âme. Pourtant il semble y avoir de l'amour. Ou bien serait-ce le sens du devoir uniquement ?
Et puis il y a quelques petits moments de douce terreur !.. Et puis la fin… Le mystère Elinor...
Me voilà arrivée au bout de cette saga addictive, dont les 6 tomes sont aussi passionnants que les couvertures sont belles. Merci beaucoup à Monsieur Toussaint Louverture d'avoir publié cette histoire en français et de nous avoir permis de découvrir les aventures de la famille Caskey ! Et maintenant, que vais-je lire.?.
Citations :
Page 101 : Un usurpateur est obligé de se montrer froid et inflexible ; un souverain peut se permettre d’être magnanime.
Page 223 : Inexorable et troublante, la pluie s’abat dans un tonnerre continu, plus forte que les conversations, plus forte que la musique, plus forte que le car de seize heures trente pour Mobile qui passe en trombe sur la route.
« Pauvre petite, je t'emmène. Tu ne sais pas écouter. Tu ne sais pas parler. Tu ne sais pas chanter. Je t'enseignerai. » Joy Harjo nous entraîne le long de la route qui a fait d'elle une poète guerrière. Poète, elle l'est depuis sa naissance dans la banlieue de Tulsa, en Oklahoma. Enfant, elle écoute le bruit de la terre, et entend déjà la voix des Anciens. Guerrière, elle est obligée de le devenir?: pour résister à la violence d'un beau-père, au racisme de la police, au mépris réservé à toutes les personnes marginalisées. Poète officielle des États-Unis depuis 2019, Joy Harjo met en lumière dans ses mémoires l'envers du rêve américain. Née d'une mère cherokee et d'un père muscogee creek, elle est de tous les grands combats des peuples amérindiens, aux côtés de l'American Indian Movement. Dans ses poèmes, elle chante la grandeur et la cruauté d'un pays qui s'est construit dans la violence et le vol des terres de ses ancêtres. À sa voix se mêlent celles de tous ceux qui l'ont inspirée, des poètes aux musiciens, d'Emily Dickinson à Audre Lorde, de sa tante Lois au saxophoniste Jim Pepper. Entre la mélopée d'un chant traditionnel et la mélancolie d'un air de blues, Joy Harjo fait entendre l'hymne d'une nation qui se tient toujours debout.
Pourquoi j’ai voulu lire ce livre :
C’est un hasard total , je ne connaissais pas Joy Harjo, je n’en avais jamais entendu parler. Le Picabo River Book Club sur Facebook, groupe dédié à la littérature nord américaine, a proposé un partenariat avec les Éditions Globe et J’ai lu et comme je me passionne depuis toujours pour les Amérindiens et la condition féminine, j’ai tenté ma chance et j’ai reçu deux livres de Joy Harjo, pour mon plus grand plaisir.
Mon avis : Me voilà donc repartie avec bonheur en immersion dans la vie de Joy Harjo avec cette suite, après Crazy Brave.
Toujours autant de bonheur à lire sa prose qui exprime si bien les choses, les sentiments, les épreuves, les ressentis, tout ce qui fait sa vie et celle de son peuple.
Joy Harjo reprend des éléments de sa vie qu'elle nous avait donnés dans Crazy Brave, mais en les racontant différemment, comme si elle avait grandi entre le premier et le deuxième opus, car tout est approfondi et on apprend beaucoup de choses nouvelles, notamment pourquoi et comment elle est devenue poétesse et activiste. Évidemment c'est toujours aussi poétique et imagé.
Il y a tous ces rêves qu'elle faits, ces présages qu'elle voit, qui lui indiquent la route à suivre, qui la préviennent. Ça paraît surréaliste mais elle y croit et ça la guide. Et si c'était elle qui avait raison ? Et si nous étions devenus infirmes, à moins que nous l'ayons toujours été, incapables que nous sommes d'être en harmonie avec les monde qui nous entoure, ce monde dont nous sommes un des éléments.
Il y a beaucoup de mélancolie et de quête de soi dans ce récit. Et le chemin jusqu'à elle-même a été extrêmement sinueux. En effet, qu'il est difficile de cultiver ses racines dans un monde qui fait tout pour les effacer, pour vous formater, pour vous faire oublier qui vous êtes tout en vous le balançant sans cesse en pleine face. Un monde qui veut que vous viviez comme les blancs mais en vous renvoyant toujours à votre couleur de peau. Ce monde qui oublie qu'il s'est installé chez vous et vous traite en indésirable.
Encore une fois merci infiniment aux ÉditionsGlobe au #PicaboRiverBookClub et à Léa Touch Book pour ce partenariat sur Joy Harjo ❤ et tous les partenariats régulièrement organisés qui nous ouvrent de nouveaux horizons.
Citations :
Page 25 : Avant la déportation, nos peuples marchaient sur la corde raide de l’histoire. Les immigrants affluaient illégalement sur nos terres et réquisitionnaient nos champs et nos maisons alors même que nous les occupions.
Page 38 : La honte prend son origine dans le nœud du chakra sacré et remonte le long du corps comme une fumée qui sent la haine. J’ai découvert qu’elle peut s’y attarder pendant des années. Voire des générations.
Page 57 : La vérité ne sera jamais révélée assez tôt, s’écria une mère lorsque son bébé fut abattu, un revolver en plastique dans sa main de bébé, alors qu’il jouait au parc, par un homme qui croyait avoir reçu en partage la domination sur la Terre entière à cause de la couleur de sa peau, de l’argent sur son compte en banque, ou de sa religion.
Page 61 : J’aimerais dire à ma mère que je vois dans son histoire une histoire de courage, vu la force qu’elle a trouvée pour continuer et s’en sortir. Je suis la preuve de cette force ; grâce à ma mère, je suis.
Page 88 : Tant que nous n’aurons pas compris que nous sommes la terre et n’agirons pas en conséquence, chacun d’entre nous fera l’expérience de la douleur de cette séparation d’avec la connaissance sacrée, d’avec soi-même.
Page 135 : Nous étions les enfants perdus de la génération des internats obligatoires, les enfants de ceux qui avaient été arrachés, bébés, aux bras de leurs parents et de leurs grands-parents.
Page 138 : À la racine de la haine était leur savoir inconscient que leurs ancêtres avaient tué les nôtres et volé des terres et des ressources qui ne leur appartenaient pas. Si notre nombre, notre force ou notre savoir croissaient, nous risquions de nous rebiffer et de leur faire ce qu’ils nous avaient fait – ce qu’ils continuaient de nous faire.
Page 142 : Quand j’enseignais à l’IAIA, je préparais et donnais mes cours avec liberté et imagination. Je ne m’embarrassais pas de doutes paralysants sur mes choix et stratégies pédagogiques comme ce serait le cas quand je commencerai à enseigner à l’université. Comme les étudiants étaient tous des Indiens, nous partagions des postulats de base sur le monde dans lequel nous vivions. Cette génération d’étudiants indiens accordaient naturellement une grande valeur au pouvoir de la parole car ils étaient nés dans des cultures hautement sophistiquées dont les lois dépendaient d’une oralité bien construite, ou n’en étaient séparés que par une génération. C’était encore principalement les récits vivants qui assuraient la transmission des valeurs et de la culture.
Page 186 : Dans le récit judéo-chrétien de la Création, un serpent tient le rôle central de tentateur démoniaque d’une femme qui, parce qu’elle l’écoute et croque la pomme qu’il lui propose, se rend responsable de la perte du paradis et de la rétrogradation des femmes à un statut d’esclave. Je m’interroge sur le raisonnement caché derrière un panthéon culturel qui ne comprend aucune figure féminine de pouvoir, quand le monde naturel nous montre qu’aucune vie n’est créée sans l’union du mâle et de la femelle.
Page 191 : Elle était suffisamment âgée pour que la mort semble dans l’ordre des choses ; cependant, même si votre mère, votre père, votre parent, votre partenaire ou votre amie a plus de cent ans, son départ signifie qu’il ou elle vous quitte, et son absence laissera un trou dans votre histoire terrestre.
Page 218 : Ce sont les hommes rapaces qui ont volé la terre, qu’ils ont ravagée par des grands incendies visibles par des satellites qui volent à des kilomètres au dessus de nos têtes. Ils détruisent le poumon de la terre pour l’argent. Ils détruisent les eaux et les terres en épuisant le pétrole et les autres ressources précieuses de l’Amazone. Ils ont même organisé des expéditions de chasse pour massacrer les peuples indigènes qui y vivent et ils ont assassiné les dirigeants des populations qui prennent soin de ces régions. Ils sont tellement vides, tellement affamés par la haine et la cupidité qu’ils ont oublié qu’ils sont la terre et répondront à la terre.
Page 218 : Nous n’avions pas fini de prendre la mesure de la violence et de la destruction, qui s’étaient déchaînées lorsque Christophe Colomb avait débarqué dans notre réalité indigène. Lui et son équipage ont été accueillis dans les Indes occidentales par des peuples qui n’avaient jamais connu ni armes ni violence. Les colons ont tranché la tête de leurs hôtes, réduit le reste de la population en esclavage, et pris tout ce qu’ils ont pu de ces terres riches en ressources naturelles, y compris les jeunes femmes pour le trafic sexuel.
Crazy Brave. Folle et Brave. Tels sont les noms que Joy Harjo a reçus en héritage de sa famille amérindienne. Fille d'une mère cherokee et d'un père creek, elle est née dans les années 1950 dans une réserve de l'Oklahoma.Ici, la violence et l'absence d'espoir sont le lot de bien des femmes. Mais très tôt, la petite Joy trouve une fenêtre sur le monde à travers les arts : le théâtre, la peinture, la poésie et la musique. En les mêlant aux traditions ancestrales de son peuple, elle crée un monde nouveau, où elle est enfin libre d'être elle-même.Figure iconique du féminisme, nommée "Poète lauréat des États-Unis" en 2019 et 2020, Joy Harjo nous livre son histoire dans ce récit lancinant, tour à tour sombre et lumineux. Une ode à la liberté et à la beauté. Une lecture puissante et inspirante.
Joy Harjo est l’auteure de dix recueils de poèmes acclamés par la critique. Artiste complète et militante féministe, elle enseigne l’écriture créative à l’université du Tennessee et a fondé un programme destiné à permettre aux jeunes filles de sa nation de s’exprimer par les arts.
Pourquoi j’ai voulu lire ce livre :
C’est un hasard total , je ne connaissais pas Joy Harjo, je n’en avais jamais entendu parler. Le Picabo River Book Club sur Facebook, groupe dédié à la littérature nord américaine, a proposé un partenariat avec les Éditions Globe et J’ai lu et comme je me passionne depuis toujours pour les Amérindiens et la condition féminine, j’ai tenté ma chance et j’ai reçu deux livres de Joy Harjo, pour mon plus grand plaisir.
Mon avis : On a là un texte très poétique et l'autrice nous laisse entrevoir tout de suite que le choix de venir au monde nous appartiendrait, car notre âme a un parcours à effectuer et on doit trouver le chemin. J'aime aussi l'idée qu'une histoire matricielle nous relié les uns aux autres.
J'ai tant aimé le sentiment qu'elle m'a donné de faire partie d'un Grand Tout, comme si nous étions en osmose avec l'univers. Sauf que l'homme blanc ne le sais plus, ou peut-être ne l'a jamais su.
Joy Harjo nous raconte sa vie, ouverte sur des mondes parallèles qui lui appartiennent mais que la culture des blancs veut lui fermer avec son christianisme, ses pudeurs intempestives, ses carcans. Mais elle tient bon, elle voyage sur les ailes du vent, en connexion avec ses ancêtres et sa culture indienne. Car elle refuse de se laisser formater, elle puise sa force dans ses liens avec ses aïeux, dans son indianité. C'est tout cet aspect là de son récit qui m'a touchée, car depuis l'enfance je suis fascinée par les indiens, leur spiritualité, leur mode de vie en harmonie avec tous les éléments, en communion spirituelle avec la nature, leur beauté indomptée avant l'arrivée de l'homme blanc.
Et puis il y a tout le reste de sa vie, la difficulté d'être Amérindiens dans ce monde colonisé et volé par les blancs, l'alcoolisme et la brutalité de ce peuple en colère qui ne sait plus vraiment où est sa place, les violences familiales et conjugales et la terreur qu'elles induisent, la toute puissance du mari blanc d'une indienne, toutes ces choses qui rendent l'enfance absolument terrifiante.
Sa résilience se trouve dans l'art sous différentes formes, l'imagination avant tout qui lui permet de supporter ses années d'enfer avec un beau-père ignoble et tyrannique, et surtout le sentiment inaltérable d'appartenance au peuple indien, "des "Peaux-Rouges", embarqués dans un même voyage et en pleine métamorphose, confrontés aux mêmes traumas liés à la colonisation et à la déshumanisation." C'est une histoire magnifiquement écrite, qui nous éclaire sur le sort réservé aux Amérindiens : "En quelques générations, nous qui peuplions quasiment tout le continent ne représentions plus qu'un demi pour cent de sa population. Nous étions tous hantés."
Merci infiniment aux Editions Globe et J'ai lu Editions ainsi qu'au Picabo River Book Club pour ce partenariat qui m'a offert la chance de découvrir Joy Harjo ❤.
Citations :
Page 18 : Alors que je me rapprochais de la porte d’entrée de la Terre, j’hésitais à la franchir. Je regardais constamment par-dessus mon épaule. J’entendais la ferme injonction de l’accoucheur des âmes : « Ne regarde pas en arrière ! »
Je repensais aux dures leçons que nous inflige la Terre, pourtant très aimée par le Créateur de tous ceux qui y vivent. Je ne voulais pas quitter le monde du mystère, mais j’étais curieuse et prête à prendre ma place dans l’histoire.
Page 55 : J’ai senti la rigueur chrétienne des chaussures soigneusement lacées qui m’attendaient. J’ai vu la dentelle et les volants rêches, les gaines moulantes de ma mère, la honte du « là-dessous », les têtes inclinées et les portes fermées de la maison et de l’église.
Page 63 : Mon père se met en colère. Il est en colère parce que sa mère est morte de la tuberculose quand il était petit, parce que son père l’a battu, parce qu’il est traité comme in traite les Indiens sur des terres qu’on leur a volées, comme on leur a volé tout le reste.
Page 88 : L’Église disait que c’était mal de ressentir du désir et je me demandais comment le désir avait pu être créé par le même dieu que celui dont on me disait qu’il avait créé toute chose et le monde. Pouvoir et honte s’entremêlaient.
Page 99 : Vers l’âge de treize ans, j’en ai eu assez de tous ceux qui se servaient de la Bible pour prouver la supériorité des Blancs et imposer la domination des femmes par les hommes, et je ne supportais plus l’interdiction de danser ni les mises en garde contre les prophéties et les visions.
Page 101 : Je préférais voir en Dieu un bien-aimé plutôt qu’un homme blanc colérique et déterminé à détruire tous ceux qui ont de l’imagination.
Page 110 : Nous étions tous des « Peaux-Rouges », embarqués dans un même voyage et en pleine métamorphose, confrontés aux mêmes traumas liés à la colonisation et à la déshumanisation. Nous étions la preuve vivante du combat de nos ancêtres.
Page 135 : Un paradoxe me hantait : s’il existe tant de beauté, alors pourquoi souffrons-nous ?
Page 179 : C’était mon moment de solitude. Pendant que je marchais, j’entendais le grabuge de mes rêves abandonnés au creux de mon âme.
Page 198 : Elle vit dorénavant en moi, tout comme je vivrai et vis déjà en mes petits-enfants. Personne ne meurt jamais vraiment.
Page 200 : Dans l’imagerie populaire américaine, les guerriers sont toujours des hommes, des militaires, et quand on parle de guerriers indiens, il s’agit en général d’Indiens des Plaines avec des coiffes de plumes. Qu’en est-il des guerriers contemporains ? Que dire des épouses, des mères, des filles dont les petits sacrifices quotidiens et le courage ne sont habituellement ni reconnus ni récompensés ? Leurs actions n’en sont pas moins essentielles à la sécurité et au bien-être collectifs.
Page 205 : La télévision a pris la place de l’autel dans la plupart des familles américaines. Elle fait autorité et, pour tant de gens de par le monde, elle est la principale source des histoires.
Page 211 : En quelques générations, nous qui peuplions quasiment tout le continent ne représentions plus qu'un demi pour cent de sa population. Nous étions tous hantés.
Réveillée en pleine nuit par son nouveau-né, Stella assiste depuis sa fenêtre à une violente agression. Elle appelle la police, mais les assaillants et leur victime s'enfuient avant l’arrivée des agents. Ce drame et l’énigme qu’il fait planer vont ébranler toute la communauté amérindienne du North End, un quartier défavorisé de Winnipeg. Donnant voix à neuf femmes et un homme, ce roman retrace les événements qui ont conduit à cette nuit tragique. De Cheryl, qui pleure la mort de sa sœur à Paulina, mère célibataire; de Phoenix, adolescente sans repères, à la vieille et malicieuse Kookom, sans oublier Tommy, le jeune policier métis qui ne trouve pas sa place parmi les Blancs : tous racontent leurs espoirs et leurs échecs, jusqu’au dénouement, déchirant et lumineux.
Fresque intergénérationnelle sur l’identité et la résilience des femmes autochtones au Canada, ce premier roman impose Katherena Vermette comme une nouvelle voix puissante et engagée de la littérature nord-américaine contemporaine.
« Un roman réaliste et sans concession. Une jeune autrice qui ira loin. »
Margaret Atwood
Mon avis : Roman aux personnages principaux multiples, neuf femmes et un homme, qui nous offre des tranches de vies, mais des vies difficiles, celles des Autochtones, indiens et sang-mêlé. Qu'elle m'a semblé douloureuse la vie de ces Amérindiens dans ce monde de blancs qui leur ont tout volé, sur la terre de leurs ancêtres mais amputé de leurs racines et de leurs coutumes, moqués et subissant le racisme au quotidien.
À chaque chapitre un personnage, et ils sont nombreux avec ceux qui gravitent autour. On découvre peu à peu les connexions familiales et quatre générations, majoritairement des femmes. J'ai eu un peu de mal à me repérer à cause des prénoms, souvent doublés de diminutifs, Reet pour Rita, Cher pour Cheryl, Paul pour Paulina… J'ai néanmoins été happée par l'histoire immédiatement.
Ce roman dépeint toute une ambiance quand les personnages, tous citadins, reviennent sur leurs souvenirs, avec des grands-parents ou parfois parents, hommes et femmes des bois, vivants en harmonie avec la nature comme leurs aïeux. Car la famille semble être un microcosme indispensable à l'équilibre de chaque individu. Puis on revient dans la dure réalité du North End à Winnipeg, cette espèce de ghetto pour Amérindiens où règne la dure loi des gangs, la violence et la drogue.
À travers ces femmes et cet homme, l'autrice nous invite dans leurs vies, leurs histoires, leurs blessures, leurs secrets, leurs douleurs enfouies, leurs démons et nous fait voyager sans cesse d'avant en arrière pour mieux nous faire comprendre ce qui se joue. Il y a ce terrible sentiment que ce qui arrive aux mères, les filles le paieront parfois.
Une agression sauvage est le fil conducteur du roman, sans victime au départ mais juste une énorme flaque de sang dans la neige.
J'ai été happée par cette histoire de femmes, par l'envie de savoir comment ça allait se passer, car le choc des violences faites aux femmes est omniprésent et provoque un grand sentiment d'injustice, d'autant que c'est l'histoire sans fin à travers le temps. Ce sentiment que les femmes sont en danger, toujours, partout, est totalement révoltant. Pourtant elles arrivent à garder le cap, à mener leurs vies tant bien que mal, car les femmes sont tellement résistantes.
J'ai énormément aimé ce roman et ces femmes qui vivent entre deux mondes, deux civilisations. Cette histoire est sans doute aussi un peu celle de Katherena Vermette d'une certaine façon puisqu'elle à grandi dans le North End et qu'elle est née d'une mère mennonite et d'un père métis.
Merci beaucoup au Picabo River Book Club et aux Éditions Albin Michel pour ce partenariat qui m'a permis de recevoir ce beau roman.
Citations :
Page 57 : Elle est aussi impitoyable que je suis hésitante. Elle a des couilles alors que je n’éprouve que des sentiments de fille, gris et compliqués, pour tout.
Page 81 : Les deux amies attrapent leurs manteaux et prennent la direction du bar. Bras dessus, bras dessous, elles glissent sur la neige et rient trop fort, la bouche ouverte, car personne ne s’intéresse à ce que font les femmes de leur âge.
Page 304 : Quand je t’ai entendue, encore pénétrée de tant de souffrance et de tristesse, je n’ai voulu qu’une chose, être à tes côtés. J’avais encore besoin que tu aies besoin de moi. Je suis le souffle léger et le vent autour de toi. Je suis la certitude que tu n’es jamais vraiment seule. Tu es tout ce qui fait ma force et rien de ce qui fait ma faiblesse. Tu es le rêve de ma vie. Voilà ce que j’ai à t’offrir.
Page 342 : Le fait est que lorsque ma sœur est apparue, vêtue d’une vieille chemise et d’un pantalon de jogging, avec un énorme saladier à la main, Pete l’a regardée comme s’il n’avait jamais rien vu d’aussi beau. Son visage s’est littéralement illuminé.
Page 371 : Je suis différent, je suis un sang-mêlé. Je le serai toujours, la moitié du sang de l’un et la moitié de l’autre. Différent des deux.
Tel un organisme vivant, le clan Caskey se développe et se transforme. Certains font face à la mort, d'autres accueillent la vie. Entre rapprochements inattendus, haines sourdes et séparations inévitables, les relations évoluent. Miriam, désormais à la tête de la scierie et noyau dur de la famille, ne cesse de faire croître la richesse. Suite à une découverte surprenante et miraculeuse – sauf pour une personne –, c'est bientôt la ville entière qui va prospérer. Mais cette soudaine fortune suffira-t-elle, alors que la nature commence à réclamer son dû ?
Mon avis : Dès le prologue j'ai senti une sorte d'étouffement au contact de la famille Caskey. C'est comme une entité indissociable, tous les membres en font partie et ça a quelque chose d'oppressant car tentaculaire. J'ai eu comme l'impression que le libre arbitre ne pouvait pas y exister. On doit penser à l'unisson…
Assez rapidement on sent arriver des choses pas propres, pas éthiques du tout et surtout totalement inadmissibles et immorales au sein d'une famille. C'est machiavélique et captivant ! Car évidemment, l'argent est le nerf de la guerre.
C'est passionnant, comme les tomes précédents et ça se termine sur un p****n de cliffhanger !..
Voilà, le tome V englouti !.. j'attends impatiemment le VI, tout en me demandant comment je vais survivre à la fin de cette addictive saga !
Citations :
Page 14 : Si j’y allais tous les jours, les gens se mettraient à venir me voir moi, parce que je suis plus âgé… et parce que je suis un homme. Bientôt, j’aurais plus de pouvoir que Miriam, non parce que je serais plus compétent, mais parce que je suis un homme.
"Le ciel s'était éclairci, les nuages s'effilochaient, et à quatre heures le soleil perça ; le vert vif de l'herbe et des feuilles vira à l'argent, les flaques de la route se remplirent d'or." Dans la nature luxuriante du Tennessee, la violence règne en maître. Nous sommes en 1862 : depuis un an, la guerre de Sécession meurtrit le pays. Shiloh raconte cette blessure profonde à travers les voix de six soldats des deux camps. Shelby Foote approche au plus près l'âme humaine, l'absurdité des combats, la détresse et la peur. Dans ce roman déchirant, le bien et le mal se confondent, les certitudes vacillent. Publié en 1952, ce trésor retrouvé de la littérature américaine est traduit pour la première fois en français.
Shelby Foote (1916-2005) était romancier et historien. Son œuvre, qui compte une dizaine d’ouvrages, a été comparée à celle de William Faulkner ou de James Lee Burke.
Mon avis : Mais qu'est-ce qui pousse les hommes à faire la guerre.?. toute cette souffrance sur les champs de bataille, dans les tranchées !? Ah mais oui ! Ceux qui déclarent les guerres les font avec le corps des autres, avec la vie des autres. Beaucoup plus facile et surtout beaucoup moins douloureux !
Pendant ce temps-là, ceux qu'on a envoyés se battre souffrent… et pensent, à ce qu'ils espèrent retrouver après la bataille, après la guerre.
Sept récits, six soldats, du nord et du sud, en sept chapitres qui montrent l'absurdité de la guerre en même temps que la condition humaine face à ce qui nous dépasse.
Shiloh est le lieu d'une sanglante bataille de deux jours en 1862 au États-Unis entre le nord et le sud pendant la guerre de sécession. Il semble que Shiloh ait un sens, selon le deuxième livre de Samuel : "Il est dit que c'est ce à quoi aspiraient les enfants d'Israël, les élus de Dieu. […] ça voudrait dire "lieu de paix"." Pourtant, en 1862 il y eut à cet endroit un très grand nombre de morts, de blessés et de disparus dans les deux camps. J'ai cherché les chiffres sur internet, tous les sites que j'ai vus en donnent des différents.
Je ne connais rien à la guerre de sécession et à chaque chapitre je ne savais pas s'il s'agissait d'un soldat du nord ou du sud. Mais ça importe peu puisque l'essentiel de ce récit c'est l'humain dans ce combat fratricide qui nous rappelle si besoin était, que l'Amérique s'est bâtie dans la douleur.
Ces soldats qui attendent le combat avec impatience pour soudain découvrir la terreur de la mort, comme si elle était penchée au dessus d'eux prête à les emporter. Ça raconte des tranches de vie de ces hommes, qui vont se battre la fleur au fusil, sans avoir la moindre idée de l'horreur qui les attend : "J'étais perturbé, on peut le dire, car on a beau être averti que la bataille va être sanglante, on ne le croit qu'en voyant le sang."
Ils se découvrent tantôt près à l'héroïsme, tantôt honteux de se sentir lâches. C'est toute l'absurdité de la guerre qui offense la vie.
C'est très documenté, ça montre l'aberration qu'est la guerre, quand chacun des camps pense que c'est lui qui se bat pour la juste cause, quand on est capable de tirer sur son ami d'enfance parce qu'il est dans le camps d'en face.
Citations :
Page 10 : Lorsqu’on observait ainsi, en arrivant au sommet d’une côte et en regardant devant et derrière soi, cette masse paraissait impersonnelle : une armée en mouvement, des tonnes et des tonnes de chair, d’os, de sang et de matériel amalgamés les uns aux autres.
Page 71 : En m’arrêtant, j’entendis toutes sortes de détails que je n’avais pas remarqués quand je courais. C’était comme renaître dans un monde nouveau. Malgré le bruit des coups de feu, je les entendais, autour de moi, qui hurlaient comme à la chasse au renard mais avec de la folie en plus, comme des chevaux piégés dans une grange en feu.
Page 104 : De temps en temps, on en voyait un soutenu par un camarade bien portant, mais la plupart marchaient seuls, sans regarder les autres. Plus qu’échapper aux combats, ils voulaient carrément s’extraire de la race humaine, du moins c’était mon impression.
Page 128 : Il faisait peine à voir : il avait ce regard hébété, comme s’il avait vu des choses qu’on ne doit pas voir à son âge, et chancelait en marchant.
Page 167 : Les fossoyeurs durent faire rentrer les plus déformés à coup de pied.
Ils disposèrent la rangée suivante dans l’autre sens, toujours sur le dos mais la tête orientée de l’autre côté. Ils les superposèrent ainsi, jusqu’à ce que ceux du haut soient au niveau de l’herbe. Ils les recouvrirent alors de terre. Ce fut un soulagement : les Rebelles pourrissaient généralement plus vite que les nôtres.
Page 181 : Mon général, ne croyez-vous pas que nos troupes sont à peu près dans le même état qu’un morceau de sucre gorgé d’eau – qui garde sa forme originale, bien que prêt à se dissoudre ?
Page 192 : « De plus, vous vous méprenez sur les gens du Nord. Ce sont des gens ppaisibles mais volontaires, et ils se battront eux aussi. Ils ne laisseront pas détruire ce pays sans faire tous leurs efforts pour le sauver. Et où sont vos soldats et votre matériel pour vous opposer à eux ? Le Nord sait fabriquer une machine à vapeur, une locomotive, un wagon ; vous, vous êtes tout juste capable de produire un mètre de tissu ou une paire de chaussures. Vous vous lancez dans une guerre contre l’un des peuples les plus puissants, les plus technologiquement avancés et les plus déterminés au monde – un peuple qui se trouve à vos portes. »
“Fille d’un chef déchu, offerte comme esclave, elle est devenue l’une des plus grandes figures féminines de l’Histoire.” XVIe siècle. Malinalli est la fille d’un chef d’un clan d’Amérique centrale. Peu de temps après la mort de son père, elle est vendue à un autre clan pour travailler aux champs et satisfaire la libido de son nouveau maître. Un jour, d’immenses navires apparaissent à l’horizon, commandés par Hernan Cortez, obsédé par la recherche d’or. Le conquistador repère Malinalli et son don pour les langues. Elle sera son interprète et un des éléments clés dans ses espoirs de conquête. Elle sera également celle qui aura le courage de dire un mot interdit aux femmes de son époque : non ! Au-delà de la légende, voici l’histoire de la Malinche, vivante, jeune, inexpérimentée, souvent dépassée par les événements, mais avant tout, humaine.
Mon avis : L'histoire du peuple Aztèque, de la Malinche et des conquistadors me passionne depuis que j'ai lu Azteca de Gary Gennings. Quelle incroyable chance les espagnols ont eue car à cause d'une prophétie ancienne, ce peuple les a pris pour des dieux arrivant de la mer alors qu'ils étaient tellement supérieurs en nombre qu'ils auraient pu les écraser… la tournure de l'histoire en aurait été totalement différente.
Quel étrange destin que celui de Malinalli, la Malinche, qui a changé la face du monde dans une époque et un lieu où les femmes (eh oui, encore et toujours) n'étaient rien et n'avaient pas droit à la parole.
Elle était la fille du cacique d'Oluta, qui lui avait appris le nahuatl en plus du popoluca qui était sa langue maternelle, puis plus tard le maya chontal et l'espagnol. Cette fille de chef fut vendue comme esclave puis un jour devint interprète auprès de Cortes. Elle fut celle qui permit la communication entre les peuples mais aussi hélas l'anéantissement des Mexicas (ou Aztèques) par les espagnols, sales, malodorants et hypocrites qui exigèrent que les peuplades locales renoncent aux sacrifices humains alors qu'eux-mêmes continuaient de brûler des gens sur des bûchers, au nom de leur dieu unique qu'ils imposèrent aux autochtones. Son histoire est passionnante et tellement bien racontée dans cette bande dessinée aussi belle qu'instructive.
J'ai tout aimé dans cette BD. Elle nous raconte l'histoire de la conquête espagnole tout en réhabilitant Malintzin, la Malinche, et c'est visuellement très beau, il y a relativement peu de texte, les images se suffisant très souvent à elles-mêmes.
Pour qui s'intéresse à l'épopée conquistadore et plus précisément à cette femme incroyable nommée, entre autre, la Malinche, il faut se jeter sur cette magnifique BD et surtout ne pas omettre de lire la postface qui est très éclairante. Pour moi, une vraie réussite et un coup de cœur.
Citations :
Page 26 : Mais quand je ne serai plus là, je le serai quand-même.
Flora, jeune esclave noire à la beauté fascinante, est dotée d'un esprit fier qui seul lui permet de survivre à la brutalité de son maître. Quand ce dernier part pour la guerre et que son fils unique meurt, Flora se trouve libre. Elle conçoit alors une vengeance terrible : elle apportera à son ancien bourreau le corps de son enfant, conservé dans un cercueil empli de sel. Mais, en ce milieu du XIXe siècle, les territoires immenses qu'elle doit traverser, aux confins de l'Amérique, sont sauvages et sans loi, pleins de troubles et de sang. Flora engage donc deux voyous intrépides et fatalistes, Pigsmeat et Tom, pour l'escorter sur la route du Mexique, sans savoir ce qui l'attend.
Mon avis : Une goutte de sang suffit, cette phrase ignoble justifiait le racisme ordinaire de cette époque.
J'ai pensé dès le début que le rêve américain prenait une grosse claque dans ces lignes. Une grosse gifle qui sent la sueur, la pisse, la merde, le vomi et le sang. C'est une époque où une certaine partie de ce monde ne veut pas des États-Unis, qui ne sont pas encore l'Amérique telle qu'on la connaît. C'est une époque qui ne fait pas rêver, où la majeure partie des gens sont crasseux, malodorants, primaires, dans la survie et où la violence extrême est omniprésente. C'est l'époque de la construction de ce pays aux étendues immenses, où la vie était d'une dureté effroyable, où on tue, on viole, on scalpe, on tabasse à mort. Il y a tant d'angoisses et de douleurs dans l'histoire de ces gens pour qui trop souvent la vie se résume à "marche ou crève", sans désirs, sans rêves ou alors envolés dans l'âpreté d'un quotidien terrible.
Trois personnages, Tom, Pigsmeat et Flora, trois écorchés qui vont cheminer ensemble, que j'ai infiniment aimés tous les trois. Tom, bébé silencieux que sa mère brutalisait rien que pour entendre le son de sa voix. Pigsmeat dont la mère est morte en le mettant au monde et dont le père inconsolable l'a toujours rendu responsable. Flora, métisse d'une telle beauté qu'elle devint esclave sexuelle. Elle a un dessein, une vengeance à accomplir. Ils vont l'accompagner car ils n'ont aucun but dans la vie et tant besoin d'en avoir un et parce que d'une certaine manière ils se sont tous trois reconnus.
L'auteur nous fait faire des allers-retours entre passé, présent et les différents personnages et j'ai adoré parce que ça maintient la tension, la curiosité et le désir d'avancer dans la découverte des protagonistes et de leurs histoires respectives.
On est loin des clichés des westerns hollywoodiens et on se rend bien compte que la réalité, c'était ce que raconte ce roman et non pas des cowboys à la dentition parfaite et des paysans relativement propres sur eux. Cette nation qui se dit la plus grande du monde, s'est construite dans la fureur et le sang, l'éradication et le pillage, la destruction et l'anéantissement, la spoliation et la barbarie. J'ai trouvé cette histoire incroyablement dure et pourtant extrêmement belle. La narration y est pour beaucoup tant elle est imagée et poétique. Décrire les turpitudes d'un monde si violent et d'une telle puanteur avec autant de lyrisme et d'inspiration confine à la perfection.
C'est un énorme coup de cœur. Je suis tombée en adoration pour la prose sublime de cet auteur.
Citations :
Page 88 : Tom le regarda. La vie, ça n’est que ça dit-il à Pigsmeat, une absence de but en dehors de la nourriture, d’un abri et d’un peu de chaleur.
Page 99 : J’ai entendu dire que la Mort est la Reine de toutes les Terreurs. Mais chacun de nous doit mourir. Tous autant que nous sommes. Même vous, païens de Peaux-rouges répugnants. Bon, alors, qu’est-ce que la Mort, sinon une vaste fraternité fourmillante où nous devons tous nous retrouver un jour ?
Page 122 : Cette première nuit, il lui prit tout ce qu’elle avait à donner ; tout ce qu’elle ignorait même qu’elle possédait, jusqu’au moment où il lui prit. Tout ce qui pour elle signifiait être une enfant lui fut pris sur ces draps frais.
Page 189 : Rachel Hawkins avait passé la semaine à essayer de s’occuper de son fils. Elle l’avait dorloté, ou plutôt elle avait essayé, quand il l’avait laissée faire, et s’il n’existait guère entre eux de cette intimité naturelle qui unit habituellement une mère à son fils, il y en avait tout de même un peu qui se glissait tant bien que mal au cœur des interstices du silence dans lequel ils passaient leurs journées.
Page 224 : Il parlait trop fort pour la pièce et sa bouche édentée s’ouvrait et se refermait comme un sphincter rose dans le cadre de sa barbe couleur de paille.
Page 235 : Des plis de sa veste de costume, Flora sentait s’élever une odeur de chair cuite et de terre chaude, ainsi que des relents âcres et graisseux d’ongles fondus. À son accent, elle le devinait autrichien ou allemand – un pays de l’Ancien Monde sous un ciel gris, avec des châteaux resplendissants et de sombres forêts – quand il lui dit qu’il s’appelait Wislizenus, elle en conclut qu’elle ne s’était pas trompée de beaucoup.
Page 240 : La grammaire de ceux qui l’avaient estimée et vendue, de ceux qui l’achetaient, ne fût-ce que pour un moment, était le langage de la race et du sang, du mélange et de l’enchaînement, un langage qui l’avait déchirée, fibre après fibre, tout au long de sa vie, avec des mots – exacts ou non – tels que mulâtre et métisse, quarteronne et octavonne.
Page 279 : L’homme secouait le journal et agitait le chapeau. De l’écume s’échappait de ses lèvres et il avait le visage rouge. Il disait que ce n’était pas au gouvernement national de décider de faire la guerre, car seul le peuple détenait ce pouvoir. Et aucun individu sain d’esprit ne choisirait les horreurs de la guerre plutôt qu’une pais bénie.
Page 306 : Il flottait une odeur de fumée, de sueur et de poussière, à quoi s’ajoutait la puanteur aigre et cuivrée qui accompagne la violence, et tout cela se mélangeait dans l’air pour donner une pestilence palpable, aussi visible, presque, que la poussière.
La guerre est finie, vive la guerre! Une nouvelle ère s’ouvre pour le clan Caskey : les années d’acharnement d’Elinor vont enfin porter leurs fruits; les ennemies d’hier sont sur le point de devenir les amies de demain; et des changements surgissent d’où personne ne les attendait. Le conflit en Europe a fait affluer du sang neuf jusqu’à Perdido. Désormais les hommes vont et viennent comme des marionnettes sur la propriété des Caskey, sans se douter que, peut-être, leur vie ne tient qu’à un fil.
Mon avis : Voilà le tome 4 en ma possession… Hmmmmm mon précieux 😍 ! Frances, la fille cadette d'Elinor et Oscar, est la digne fille de sa mère concernant l'eau. Dès qu'elle s'y trouve elle est comme dans son élément, en totale osmose et comme dans un état second qui lui fait perdre la notion du temps, des distances et des profondeurs sans qu'elle comprenne ce qui lui arrive.
La guerre arrive et la vie s'écoule à Perdido, avec toujours des remous au sein de la famille Caskey, et on continue de se demander qui est Elinor, même si on en a une (très) vague idée.
Il y a toujours la vilaine-méchante-peste et la gentille-adorable-parfaite, comprendre Miriam, alter ego de l'horrible Nelly Oleson, et Frances, genre de bienveillante et innocente Mary Ingalls, personnages de la petite maison dans la prairie (précision pour quiconque serait passé à travers), qui a accompagné mon enfance et même après… oui, parce que ces deux personnages me rappellent étrangement cette série. C'est assez manichéen par moments mais on se laisse embarquer quand-même et c'est là tout le talent de l'auteur. Et c'est toujours aussi prenant. Cette histoire est une locomotive qui vous entraîne éperdument. Et la fin de ce tome… inattendue et glaçante.
Et bien entendu, j'attends le tome 5 de pied ferme !
Citations :
Page 116 : En ces temps difficiles et tragiques pour beaucoup, Les Caskey tiraient plus qu’honorablement leur épingle du jeu.
« La première fois que j’ai vu Sylvia, Angela et Gigi, ce fut au cours de cet été-là. Elles marchaient dans notre rue, en short et débardeur, bras dessus dessous, têtes rejetées en arrière, secouées de rire. Je les ai suivies du regard jusqu’à ce qu’elles disparaissent, me demandant qui elles étaient, comment elles s’y étaient prises pour … devenir. » August, Sylvia, Angela et Gigi sont quatre adolescentes, quatre amies inséparables qui arpentent les rues du Brooklyn des années 1970, se rêvant un présent différent et un futur hors du commun. Mais un autre Brooklyn, où le danger rôde à chaque coin de rue, menace les espoirs et les promesses de ces jeunes filles aux dernières heures de l’enfance.
Mon avis : Dans les premières pages j'ai été perdue. Je ne comprenais pas la chronologie ni le sens de ce que je lisais. On est quand ? Qui a fait quoi ? Combien d'années se sont écoulées ? J'ai parfois du mal avec ces formes de narration qui ne précisent pas, où j'ai l'impression qu'on passe du coq à l'âne sans crier gare. Pourtant je me suis dit que j'allais aimer.
August, la narratrice, ça aussi ca m'a perdue car je croyais qu'August était le petit frère… Donc August nous promène dans ses souvenirs qu'elle sème comme le petit Poucet ses cailloux, çà et là un peu au hasard. J'ai eu aussi l'impression de les suivre comme on pose ses pieds sur des pas japonais. Elle a quitté le Tennessee pour Brooklyn, avec son père et son frère, laissant derrière eux leur mère.
Ça a le goût de l'enfance, comme quand on repérait une ou plusieurs filles rigolote avec qui on rêvait de devenir amie, nous, petite nouvelle débarquée d'ailleurs, très seule. Mais dans l'enfance, dans toutes les enfances, des ombres rôdent… Il y a tout le sordide autour, dans les étages et les rues de Brooklyn, les paumés, les junkies, les pervers, les prostituées. August et son petit frère sont en manque de leur mère restée dans le Tennessee car elle parle avec son frère, mort au Vietnam.
Il y a de la poésie et de la beauté dans ces lignes et toute la laideur de la misère, mais aussi la honte et les complexes provoqués par le regard des autres. Je m'y suis un peu ennuyée parfois, j'y ai trouvé quelques longueurs, jusqu'à environ un quart, mais ensuite c'est devenu totalement addictif. Qu'elle est belle cette histoire d'amitié sans barrière, où la condition sociale n'a d'importance que pour certains adultes, qui nous parle du temps qui passe, des blessures de la vie, des manques et des joies, des deuils de toutes sortes, tels celui de l'enfance, de ses rêves, et de ceux qu'on aime.
Citations :
Page 13 : « Qui n’a pas subi de petites tragédies au cours de sa vie ? » me demandait souvent sœur Sonja, comme si saisir la profondeur et l’ampleur de la souffrance inhérente à la condition humaine pouvait suffire à m’arracher à la mienne.
Page 30 : Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils unique, prêchait leur père. Et les filles alors ? Que faisait Dieu avec ses filles ? Je m’interrogeais.
Page 72 : Notre quatuor dépassait leur entendement. Ils ne comprenaient pas que les filles seules qui, bras croisés sur leur buste, priaient pour être invisibles.
Page 75 : Il n’empêche qu’au fil de nos douze ans, nos seins et fesses s’étoffaient, nos jambes s’allongeaient. Le modelé de nos lèvres et notre port de tête suggéraient davantage aux inconnus que nous en n’avions conscience. Et, à l’approche de nos treize ans, nous arpentions le quartier comme si nous en étions propriétaires. « Ne posez même pas les yeux sur nous, ordonnions-nous aux garçons. Regardez ailleurs, regardez ailleurs ! »
Page 148 : C’est devenu l’année où j’ai disparu à force de m’enfouir dans les pages de mes manuels. L’année du cursus d’excellence et des révisions pour le PSTA, de volonté d’intégration dans un établissement d’un genre nouveau, inconnu, appelé l’Yvy League. Parce que Bushwick avait été une forêt et qu’on nous avait traitées de filles du ghetto malgré notre beauté, nos bras enlacés, nos tee-shirts où s’étalaient nos noms et signes du zodiaque.
J'ai plaisir à chroniquer les romans que j'ai aimés, sur Instagram et Babelio, en toute modestie bien sûr. J'aime l'idée que je pourrais donner envie à d'autres de lire les romans qui m'ont plu, mais aussi partager mes bonheurs de lectures.
Ceux que je n'ai pas aimés, je n'en parle pas, par respect pour le travail de l'auteur. Je me dis que je peux me tromper...
J'aime les livres qui me transportent, qui me font rêver, qui me tiennent en haleine, qui m'apprennent quelque chose sur l'histoire de quelqu'un, du monde, d'un peuple, qui m'emmènent loin de ma réalité, qui me font croire que tout est possible, qui me tirent une larme, qui me font rire, qui me font espérer, qui me font trembler... J'aime plein de styles, plein de sujets, mais avant tout un livre doit me faire vibrer.