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a l'assaut des paves

Mon avis : Zouleikha ouvre les yeux – Gouzel Iakhina

Publié le par Fanfan Do

Traduit du russe par Maud Mabillard

 

Éditions Noir sur Blanc

 

Mon avis sur Insta c'est ici

 

Quatrième de couverture :

« Yeux verts, c’est ainsi que l’appelait son père, quand elle était petite. Il y a longtemps. Zouleikha avait oublié de quelle couleur sont ses yeux. »

 

Nous sommes au Tatarstan, au cœur de la Russie, dans les années 30. A quinze ans, Zouleikha a été mariée à un homme bien plus âgé qu'elle. Ils ont eu quatre filles mais toutes sont mortes en bas âge. Pour son mari et sa belle-mère presque centenaire, très autoritaire, Zouleikha n'est bonne qu'à travailler. Un nouveau malheur arrive : pendant la dékoulakisation menée par Staline, le mari se fait assassiner et sa famille est expropriée. Zouleikha est déportée en Sibérie, qu'elle atteindra après un voyage en train de plusieurs mois. En chemin, elle découvre qu'elle est enceinte. Avec ses compagnons d'exil, paysans et intellectuels, chrétiens, musulmans ou athées, elle participe à l'établissement d'une colonie sur la rivière Angara, loin de toute civilisation : c'est là qu'elle donnera naissance à son fils et trouvera l'amour. Mais son éducation et ses valeurs musulmanes l'empêcheront longtemps de reconnaître cet amour, et de commencer une nouvelle vie.

"Ce roman nous va droit au cœur." Lioudmilla Oulitskaïa
"Une grande langue russe, accueillante aux misères de l'homme, et faisant germer son espoir..." Georges Nivat

Gouzel Iakhina est née en 1977 à Kazan, au Tartastan (Russie). Elle a étudié l'anglais et l'allemand à l'université de Kazan, puis a suivi une formation de scénariste dans une école de cinéma à Moscou. Son premier roman, Zouleikha ouvre les yeux, est immédiatement devenu un best-seller en Russie à sa parution en 2015 et a reçu de grands prix littéraires. Traduit dans plus de vingt langues, ce superbe portrait de femme a déjà touché des dizaines de milliers de lecteurs.

Préface de Loudmila Oulitskaïa
Postface de Georges Nivat

 


Mon avis :
Années 1930 dans le Tatarstan.
Zouleikha, mariée à quinze ans, en réalité vendue à Mourtaza de 30 ans son aîné, subit jour après jour une forme d'esclavage domestique auprès de son mari et de sa belle-mère, méprisante et haineuse, qu'elle surnomme secrètement la goule et qu'on pourrait appeler en langage trivial une vieille saloperie tant elle est retorse. Chaque jour Zouleikha, bien que musulmane, accomplit des petits rituels païens qu'elle tient de sa mère, faits d'offrandes afin d'obtenir la protection des esprits, celui de la lisière, du foyer où du cimetière. Il faut croire que ça fonctionne car elle considère qu'elle a un bon mari qui ne l'a bat pas trop. Pourtant c'est pour elle une vie sans joie, entre un époux qui la méprise et abuse d'elle quand bon lui semble, et une belle-mère qui la persécute. Et puis, malheur aux femmes qui n'enfantent que des filles. Douce Zouleikha, qui, à trente ans donne l'impression d'en avoir toujours quinze tant elle est frêle et petite, mais aussi ignorante car maintenue sous tutelle. Elle a enterré ses quatre filles, à peine nées et déjà mortes. Zouleikha a bien compris que la mort gagne toujours à la fin.

Un jour les soldats rouges arrivent, tuent Mourtaza et emportent Zouleikha ainsi qu'un grand nombre de paysans en déportation. C'est la dékoulakisation, les koulaks étant considérés comme des exploiteurs par le pouvoir. Des paysans riches et plus encore des paysans pauvres, mais aussi des artistes et des scientifiques, furent déportés ou exécutés pendant la dictature de Staline. Zouleikha et tous ces déplacés avec elle, endurèrent un périple de six mois en train à travers la Russie. le froid, la faim, la mort, ne sachant pas où on les emmenait. Leur point de chute : un coin reculé de Sibérie où il n'y a rien, dans les tréfonds de la taïga, aux confins du monde, où les hivers sont abominables.

Une multitude de personnages peuplent ce roman, quelques-uns autour de Zouleikha sont réellement étonnants, voire attachants. le professeur Wolf Karlovitch, baroque et évaporé, et néanmoins extrêmement compétent dans son domaine. Isabella, étrange bourgeoise qui prend les choses avec détachement et parsème ses prises de parole de français. Gorelov, gardien des koulaks, malsain, lâche et sournois. Ignatov, sergent de l'armée rouge et commandant de ce convoi, qui ne se comprend plus lui-même.

C'est une histoire cruelle et flamboyante, celle d'un crime contre l'humanité perpétré par le régime soviétique, avec des moments de grâce, notamment à travers Zouleikha qui n'est qu'abnégation et douceur, tellement soumise, imprégnée de sa religion et tenue dans l'ignorance, et qui va s'ouvrir à la vie. Femme-enfant, ballottée comme un bouchon dans le courant de l'histoire, face à son destin qui prendra un tournant inattendu. La mort de son époux et cette déportation seront pour elle une délivrance. Cette étrange horde de relégués témoigne de l'incroyable capacité de survie de tout être vivant, de l'attachement à la vie, quelles qu'en soient les conditions. C'est aussi l'histoire d'une mère, désespérément fusionnelle et protectrice envers son enfant, le seul que son Dieu a oublié d'emporter dans la tombe, qui craint tellement qu'il se ravise.

Un souffle épique étreint l'histoire de Zouleikha et tous ses compagnons d'exil. le contexte historique très instructif est passionnant. Hormis la mort, la plus puissante des douleurs qu'on ressent à travers ces lignes, c'est la faim, qui consume chacun jusqu'à l'anéantissement des corps et des esprits. Homo homini lupus ? Non, seuls les hommes font des choses pareilles.
Un roman éprouvant et cependant lumineux, teinté de poésie, de descriptions totalement immersives qui nous font cheminer tout contre les dékoulakisés dans leur bannissement. Je l'ai infiniment aimé.

 

Citations :

Page 23 : La forêt claire se termine, faisant place à l’ourmane, la forêt épaisse, hérissée de broussailles et de bois mort, le repaire des animaux sauvages, des esprits des bois et de toutes sortes d’êtres malfaisants.

 

Page 46 : Travaille, zouleikha, travaille. Que disait maman ? « Le travail chasse le chagrin. » Oh, maman, mon chagrin n’obéit pas à tes dictons…

 

Page 92 : Ignatov ne comprenait pas comment on peut aimer une femme. On peut aimer des choses grandioses : la révolution, le Parti, son pays. Mais une femme ? Et comment peut-on utiliser le même mot pour exprimer son rapport à des choses d’importance si différente : comment mettre sur la même balance une quelconque bonne femme et la révolution ? C’était ridicule.

 

Page 135 : Elle s’était habituée à cette idée comme le bœuf s’habitue au joug, comme le cheval s’habitue à la voix de son maître. Certains n’avaient droit qu’à une toute petite pincée de vie, comme ses filles, d’autres s’en voyaient offrir une poignée, d’autres encore en recevait une quantité incroyablement généreuse, des sacs et des granges entières de vie en réserve, comme sa belle-mère. Mais la mort attendait chacun d’eux — tapie au plus profond d’eux-mêmes, ou marchant tout près d’eux, se frottant à leurs jambes comme un chat, s’accrochant à leurs habits comme la poussière, entrant dans leurs poumons comme de l’air. La mort était omniprésente — plus rusée, plus intelligente et plus puissant que la stupide vie, qui perdait toujours le combat.

 

Page 239 : Quand, au lieu du traditionnel examen individuel, on avait introduit le roulement de travail, Wolf Karlovitch n’avait même pas levé le sourcil. Il recevait aimablement le représentant du groupe ; celui-ci, rouge, confus, tendait à Leibe les carnets de notes, grommelant une réponse inintelligible à la question d’examen, confondait adénose avec athéisme, considérait sincèrement l’hirsutisme comme une branche peu connue du christianisme, et associait avec indignation la ménarche à la monarchie si contraire à sa conscience prolétaire. Le professeur hochait la tête en signe d’approbation, et attribuait la note « suffisant » à tous les étudiants. Le roulement de travail impliquait de mettre une note collective à tout le groupe d’étudiants après avoir soumis l’un d’eux à l’examen.

 

Page 264 : Elle avait cessé de penser à tout ce qui ne concernait pas son fils. Elle oubliait Mourtaza, qui était resté quelque part loin en arrière, dans sa vie précédente (elle ne se disait jamais que le nouveau-né était le fruit de sa semence), elle oubliait la Goule et ses prédictions effrayantes, elle oubliait les tombes de ses filles. Elle ne se demandait pas où la conduisait son destin, ni de quoi demain serait fait. Seul comptait aujourd’hui, cette minute : la respiration tranquille contre sa poitrine, le poids et la chaleur de son fils contre son ventre. Elle avait même cessé de penser au fait qu’un jour, la respiration faible dans l’encolure de son koulmek pouvait s’arrêter brusquement. Elle savait que si la vie de son fils s’interrompait, son cœur à elle s’arrêterait immédiatement de battre. Cette certitude la soutenait, la remplissait de force et d’une hardiesse nouvelle.

 

Page 396 : Elle n’avait pas honte. Tout ce qu’elle avait appris, ce qu’elle savait depuis son enfance, avait pâli, disparu. Et ce qui l’avait remplacé avait balayé la peur, comme la crue printanière balaie les feuilles mortes et les branches de l’automne.

 

 

 

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Mon avis : Le seigneur des porcheries – Tristan Egolf

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’américain par Rémy Lambrechts

 

Éditions Folio

 

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Quatrième de couverture :

Ce premier roman singulier commence avec la mort d'un mammouth à l'ère glaciaire et finit par une burlesque chasse au porc lors d'un enterrement dans le Midwest d'aujourd'hui. Entre-temps, on aura assisté à deux inondations, à quatorze bagarres, à trois incendies criminels, à une émeute dans une mairie, à une tornade dévastatrice et à l'invasion de méthodistes déchaînés ; on aura suivi la révolte d'une équipe d'éboueurs et vu comment un match de basket se transforme en cataclysme.
Tout se passe dans la petite ville de Baker, sinistre bourgade du Midwest ravagée par l'inceste, l'alcoolisme, la violence aveugle, le racisme et la bigoterie. Au centre des événements, John Kaltenbrunner, un enfant du pays, en butte à toutes les vexations, animé par une juste rancoeur. Comment John se vengera-t-il de la communauté qui l'a exclu ? Jusqu'où des années de désespoir silencieux peuvent-elles conduire un être en apparence raisonnable ?

 

Mon avis :
Les quelques premières pages m'ont laissée un peu perplexe tant je ne comprenais pas ce que je lisais. Il était question de citrons de l'usine de volailles, du Coupe-Gorge, de trolls et autres rats d'usine, tout ça fourré dans le panier à salade !? Quelle étrange entrée en matière !
En réalité ce roman nous raconte l'histoire de John Kaltenbrunner, fils de feu Ford Kaltenbrunner, ce père qu'il n'a pas connu et qui lui fait de l'ombre par-delà le trépas.

John s'avère être une sorte de petit génie rustique à huit ans à peine, que certains pensent détraqué - "Une merveille phénoménologique au sens le plus strict". Et en même temps il est une sorte de victime. Il sert d'exutoire à la frustration de tous les minables du coin, et ils sont légion. Ça va des représentants de l'ordre jusqu'aux grenouilles de bénitier en passants par toutes les strates de cette société rurale.
C'est rapidement la "fête" de l'Amérique du créationnisme, quelques piques envoyées au crétinisme ambiant, c'est tout simplement jubilatoire. Des phrases ciselées, une ironie mordante, un pur plaisir !

Cette histoire nous raconte l'Amérique profonde qui a supplanté les autochtones, pour le plus grand malheur de la nature et de tout ce qui vit en général. Implantation de l'homme blanc et des industries mortifères, saccage de la faune et de la flore, alcoolisme et éradication des premières nations. C'est tellement bien résumé qu'on se demande comment c'est possible d'être aussi con ! Car la façon dont l'auteur nous raconte les choses met une chose en évidence : la bêtise humaine est sans limite.


Tristan Egolf semble avoir eu un gros contentieux avec ses semblables, beaucoup de comptes à régler avec l'ignominie dont les humains sont capables. À chaque page il taille un costard à cette Amérique à la noix, à ces hypocrites qui vont à l'office du dimanche et bavent tant et plus sur leur prochain, jusqu'à l'humiliation, jusqu'à l'anéantissement. Car s'il est vrai que notre héros est un vrai malchanceux, cela tient beaucoup à la perfidie dont sont capables nombre de gens. Et pourtant, c'est par moments d'une drôlerie absolue. Quel talent il faut pour rendre drôle quelque chose d'aussi effroyable. C'est sans doute parce que l'humour permet de transcender la douleur. Cette histoire est un feu d'artifice, avec de nombreux moments complètement délirants, totalement hilarants.

Un art consommé de l'insulte, absolument ébouriffant "Il traita Dennis de junkie en phase terminale et de suicidaire avorté. Il traita Curtis de bâtard, Murphy de taulard, Wilbur de célibataire à marier le plus laid de la ville. le reste d'entre nous étaient des pédés à la Niche et une cinquième colonne de youpins inféodés aux Japs." Et ça, ce n'est qu'un échantillon...

J'ai été passionnée de bout en bout par l'histoire de John Kaltenbrunner, ce génie méconnu de ses contemporains, dans son bled paumé où on a l'impression que c'est la raison du plus fou qui prime.
Même dans les moments tragiques, l'auteur m'a arraché des éclats de rire.
C'est un roman totalement fascinant, cruel et tellement drôle à la fois. Ce roman, c'est la douloureuse odyssée flamboyante semée d'embûches de John Kaltenbrunner dans un coin paumé des États-Unis, entre les bigotes, les ivrognes en tout genre, le racisme à tous les niveaux, envers les immigrés ou les différentes classes sociales, et les petits détenteurs d'un tout petit pouvoir quelconque.
Et alors, quelle écriture !!! Tout simplement sublime, précise, parfaite. Jusqu'au point final. Et dire que j'ai rencontré ce roman par hasard, chez Emmaüs. Ce qui m'a attirée !? le titre, le contexte et l'Amérique profonde. Quelle belle rencontre !

 

Citations :

Page 18 : Il ne disait peut-être pas grand-chose à quiconque en ville, mais pour ses condisciples, pour ceux qui le supportaient quotidiennement, il était le célèbre petit Kaltenbrunner, le gosse de la salle 29, le dingue au tracteur, le fasciste de l’étable, le chevrier troglodyte du nord de la rivière — celui qui n’adressait quasiment jamais la parole à personne mais parvenait néanmoins immanquablement à hérisser, révolter et terrifier à peu prés tous les êtres vivants avec lesquels il entrait en contact.

 

Page 60 : Comme il l’affirma plus tard, elle était dans tous ses états, se répandait en paroles incohérentes sur la santé de son fils et implorait l’aide de son interlocuteur. Il essaya de la calmer en commençant par abonder dans son sens, disant que oui, bien sûr, il fallait avouer qu’effectivement son fils était un sacré numéro. Très franchement, il était le truc le plus insensé qu’aucun d’eux ait jamais rencontré. Une merveille phénoménologique au sens le plus strict.

 

Page 75 : Pour John, Brendan Fisher était une tache inqualifiable sur la face de la terre. Il n’y avait pas de place dans le règne animal pour une telle engeance. Il était indigne des ressources qu’il consommait.

 

Page 218 : À l’heure de sa première pause déjeuner, il avait coupé, à lui seul, trois mille cous. Bien qu’il eût déjoué tous les paris faits sur la brièveté de sa résistance, il n’en avait pas moins été saisi de haut-le-cœur incontrôlables après sa première heure et demie sur la chaîne.

 

Page 297 : Comme bon nombre d’aberrations provinciales, les confessions sur lit de mort de la Corn Belt, au même titre que les repas livrés à domicile aux impotents et les ventes de charité de Baker, sont fréquemment le produit d’une crainte des flammes de l’enfer nourrie par l’âge. Une terreur croissante d’être plongé dans le lac de feu après une vie entière de dépravation impénitente pousse le péquenaud à une affolante et interminable litanie d’aveux dès l’instant où il tombe malade.

 

Page 338 : Pour six d’entre nous la nuit se termina raide mort dans notre pick-up, trop ravagé pour conduire. Et le lendemain matin, une gueule de bois annonçant l’arrivée des Vikings.

 

Page 348 : Il traita Dennis de junkie en phase terminale et de suicidaire avorté. Il traita Curtis de bâtard, Murphy de taulard, Wilbur de célibataire à marier le plus laid de la ville. le reste d'entre nous étaient des pédés à la Niche et une cinquième colonne de youpins inféodés aux Japs.

 

Page 564 : Tel fut le dernier instantané de la soirée avant que tout n’explose : Pottville et Baker, deux communautés voisines qui s’enorgueillissaient de leur fair-play supposé, de leur charité, de leur sens des réalités et de leur soucis du prochain, se montraient sous leur vrai jour — une foule hystérique de singes nus et misanthropes.

 

 

 

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Mon avis : Les égarés – Ayana Mathis

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’américain par François Happe

 

Éditions Gallmeister

 

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Quatrième de couverture :

« Elle était comme une de ces hautes montagnes entourées d’une ceinture de nuages tellement épaisse qu’on ne peut pas en voir la partie supérieure. »

 

Chassée par son mari, Ava Carson, une Afro-Américaine d’une quarantaine d’années, arrive à Philadelphie avec son fils Toussaint, âgé de dix ans. À peine s’installe-t-elle au centre d’hébergement de Glenn Avenue qu’elle est déterminée à quitter cet endroit sordide. Mais en ce milieu des années 1980, peu de choix s’offrent à des gens comme elle : originaire d’un village de l’Alabama, elle a rompu tout contact avec sa mère et ne peut compter sur personne. Lorsque le père de Toussaint, un homme charismatique, autoritaire et très engagé politiquement, réapparaît dans la vie d’Ava, celle-ci se croit enfin tirée d’affaire. Dans le même temps, un puissant atavisme lié à ce Sud lointain, incarné par une grand-mère qu’il ne connaît pas, commence à germer chez Toussaint.

Sans complaisance aucune, Les égarés dresse le portrait poignant d’une mère prête ,à tout pour protéger son enfant de la froideur du monde, quitte à se brûler les ailes.

 

 

Mon avis :
Je me suis souvent demandé ce qu'il pouvait y avoir de pire que de se retrouver à la rue. Eh bien c'est de se retrouver à la rue avec un enfant, son enfant. Car à la peur et au danger, se joint l'humiliation. C'est ce qui est arrivé à Ava et son fils Toussaint. On est en 1985. Ils sont sans domicile, à la rue, où la compassion n'a pas sa place, où c'est chacun pour soi. C'est immédiatement d'une tristesse infinie. Car oui, ça sent la misère de vivre. Après s'être fait virer par Abemi le mari d'Ava, ils atterrissent dans un foyer où tout révulse Ava, des couleurs des murs au règlement infantilisant en passant par les cafards morts dans les lits.

On apprend peu à peu ce qu'est, ce qu'a été la vie d'Ava, qui elle est, d'où elle vient, ce qui l'a amenée à cette situation. Et il faut bien avouer que c'est une étrange personne, comme si elle était un peu extérieure à elle-même, ayant fait des choix qui ne semblent pas l'avoir enthousiasmée, qui ne semblent même pas être les siens, telle un bouchon au gré du courant. On fait des allers-retours entre le présent et le passé, entre Ava, ses moments de vie avec ses ex-compagnons, la vie de sa mère Dutchess, quand elle-même était enfant et qu'elles vivaient à 
Bonaparte en Alabama, ville de niggers, cédée au Noirs dans la deuxième moitié du XIXe siècle. "Depuis une centaine d'années, un des nôtres allumait un feu au crépuscule et l'entretenait jusqu'au lever du jour pour que tous ceux qui étaient de Bonaparte puissent rentrer chez eux par la rivière." J'ai adoré les relents de Sud profond d'une époque révolue. Les Noirs qui se rappelaient qu'il n'y avait pas si longtemps, ils ne possédaient rien, pas même leur vie, juste avant d'avoir Bonaparte. Un temps où les choses n'étaient pas éphémères. C'est sur ces terre que vit toujours Dutchess. Mais Bonaparte n'est plus comme avant, Bonaparte se meurt : "On a dévié de notre propre temps pour rentrer dans le temps des Blancs."

On se demande pourquoi Ava ne retourne pas chez sa mère au lieu de faire subir cette vie à son fils. Pourtant elle y pense...
Deux époques, deux ambiances, deux vies en communauté, deux destins de femmes, Dutchess la mère, Ava la fille. Toutes deux élevant seule son enfant. Toutes deux en lutte, Ava qui ne possède rien mais qui voudrait tant et Dutchess qui se bat pour garder le peu qu'elle possède, convoité par les Blancs. En réalité Ava sait-elle réellement ce qu'elle veut ? Elle semble toujours se laisser porter par le désir des autres. Et Cass, qui a fait autrefois partie des Black Panthers, géniteur de Toussaint, médecin ou peut-être pas, charismatique et inquiétant, mais surtout dominateur et utopiste, réapparaît un jour...
J'ai beaucoup aimé Dutchess, et pas du tout Ava, froide et imbue d'elle-même, si faible avec son amour de toujours qu'elle met son fils en danger.

Cette histoire nous rappelle au passage le mal que les Blancs ont fait, l'esclavagisme, la quasi-éradication des autochtones, la destruction de la nature à leur profit. Ça raconte la difficulté d'être femme et ça nous parle d'emprise. Ça dit la contrainte d'être un enfant, toujours à la merci des adultes, de leurs incohérences et de leurs lubies.
C'est un récit qui vous embarque dès les premières lignes et qu'on n'a plus envie de lâcher, qu'on voudrait pouvoir lire sans s'arrêter jusqu'au mot fin. Enfin... c'est ce que j'ai ressenti jusqu'à la moitié à peu près. Car après j'ai trouvé le temps long. L'histoire s'étire lentement, trop à mon goût.
L'autrice nous offre quelques envolées poétiques !!! Elle sublime, dans ces moments, la dureté qu'elle raconte, c'est magnifique et désolant.

Merci Babelio Masse Critique et Éditions Gallmeister

 

Citations :

Page 22 : Qui va pouvoir nous aider, se demanda Ava, s’il n’y a ici que des femmes et leurs gosses, toutes aussi pauvres que des rats d’église ? Comme disait sa mère, quand on n’a rien, on peut rien faire.

 

Page 40 : Toutes ces femmes qui étaient là avaient un mec qui, d’une façon ou d’une autre, les avait foutues dans la merde.

 

Page 65 : Tous les Blancs étaient encore dans le Nord, dans leurs contrées froides, à s’entretuer. Mais ils n’allaient pas tarder. Et quand ils sont arrivés ! Ils voulaient vaincre la mort et le temps. Ils se sont abattus sur le monde comme la pluie s’était abattue sur Noé. Ils voulaient être la pluie et Noé, et Dieu par dessus le marché.

 

Page : 96 : Ma fille, pensa Ava, sois bien prudente. Tu peux te retrouver avec un véritable salopard et rester avec lui jusqu’à ce que tu n’en puisses plus. Ou peut-être que cette fille avait connu un de ces hommes qui lui avait rendu la vie tellement impossible qu’à la fin elle était complètement anéantie.

 

Page 202 : Y a eu une époque où on avait des inconnus qui défilaient sans arrêt dans le coin. Bonaparte est ce genre d’endroit qu’est un peu à l’écart du monde. Les gens débarquaient ici, venant de partout ou de nulle part. Ou ils arrivaient après avoir tellement voyagé que ce qu’ils avaient été auparavant les suivait de très loin. Parfois, ils essayaient de trouver qui d’autre ils pourraient devenir. Parfois, il fallait qu’ils deviennent quelqu’un d’autre. Nous on posait pas beaucoup de questions, sauf si les gens commençaient à se comporter d’une manière telle qu’on était amenés à leur en poser.

 

Page 245 : Et puis je me suis mise à observer Carter Lee, Juniata, Erma Linner et Memma, je veux dire à les regarder vraiment, en pensant que nous étions devenus vieux ensemble, comme un jeune homme et sa femme, s’ils ont un peu de chance.

 

Page 293 : Nous ne mangeons pas la chair d’autres créatures douées de sensations. Nous refusons d’absorber la terreur ressentie par ces êtres vivants à l’abattoir, sous peine de la ressentir nous-même.

 

Page 334 : Deux flics descendirent, s’avançant avec cette démarche qui donne l’impression qu’ils ont un paquet si énorme, là, au bas du ventre, qu’ils peuvent pas serrer les cuisses.

 

 

 

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Mon avis : Katie – Michael McDowell

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’américain par Jean Szlamowicz

 

Éditions Monsieur Toussaint Louverture

 

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Quatrième de couverture :

Lorsque Philomela Drax reçoit une lettre de son riche grand-père, qui craint pour sa vie désormais aux mains d’une famille de crapules sans pitié, les Slape, elle se précipite à la rescousse. Mais le temps presse, car Katie Slape, douée d’un don de voyance et d’un bon coup de marteau, est sur le point d’arriver à ses fins. Démarre alors une traque endiablée à travers l'âge d'or américain. Mais qui poursuit qui ? Car personne n'échappe à Katie la furie !


 

 

Mon avis :
Ça commence comme un conte ! J'adore !! La veille de Noël en 1863, la petite 
Katie Slape joue à la poupée dans une chambre miteuse de Philadelphie. Et ça vire tout de suite au sordide avec une histoire de petits chiens. Il y a des pauvres gentils et des riches arrogants. Comme dans les histoires pour enfant. Mais ils y a aussi des miséreux méchants... et quelques riches aimables. J'ai tout de suite aimé l'ambiance poisseuse. Elle m'a ramenée à la personne que j'étais il y a longtemps et aux histoires d'un autre temps que j'aimais, avec des rues sombres, le bruit des calèches sur les pavés, des coupe-gorges, des ombres furtives et des lames qui scintillent dans la pénombre.
Plus tard on fait réellement connaissance avec 
Katie et sa famille ignoble, pauvres et détestables, alors qu'on avait fait connaissance avec Philo, modeste et aimable.

Le jour où, anonymement, Philomela se fait embaucher comme bonne auprès de 
Katie Slape et ses horribles parents qui convoitent la fortune du grand-père de Philo qui a appelé à l'aide et qu'ils tuent à petit feu, l'histoire devient totalement angoissante. C'est les Thénardier à la sauce américaine. Sans foi ni loi, prêts à tout pour de l'argent. Des gens dangereux, stupides mais rusés, vulgaires et totalement amoraux. de plus, Katie est très spéciale car elle voit des choses rien qu'en touchant les gens et joue du marteau comme personne, ce qui ajoute à l'effroi de ce qu'on peut imaginer.

Tout le long de ma lecture, j'ai trouvé les ficelles un peu grosses, pourtant j'ai adoré ! J'ai frissonné, tremblé, retenu mon souffle. N'est-ce pas ce qu'on attend d'un roman comme celui-ci ? 
Katie est une vraie psychopathe, dangereuse et terrifiante. Philo est très naïve avec une trop grande propension à la confiance, et ceci même envers des inconnues. Il va lui arriver des mésaventures et des malheurs mais elle semble pleine de ressources. Malgré sa candeur elle est néanmoins très réfléchie. le petit côté Cendrillon de l'histoire est contrebalancé par l'ignominie des Slape, heureusement. Trop de bons sentiments, compensés par de la folie meurtrière, font de ce roman un véritable page turner.

Il y a un ton féministe dans cette histoire. La condition des femmes y est mise en avant. Soit qu'elles devaient se marier car c'était pratiquement un destin inévitable pour elles, ou travailler pour un salaire de misère, au contact d'hommes qui passaient leur temps à leur faire des propositions douteuses qu'elles devaient parfois accepter si elles voulaient payer leur loyer et se nourrir. Quant à celles retrouvées assassinées, c'était la quasi-indifférence générale, à peine trois lignes dans le journal.

Voilà donc un livre agaçant quelquefois, mais aussi enthousiasmant parfois, et cependant terriblement oppressant, qui se dévore et ne laisse aucun répit jusqu'à la toute fin !!! J'ai tout aimé, y compris le côté volontairement manichéen.

 

Citations :

Page 36 : Je n’ai pas d’occupation, expliqua-t-il. Je suis entièrement oisif, j’en ai peur. Mon père nous a légué à ma mère et moi un patrimoine très convenable, peut-être même trop convenable, en tout cas en ce qui concerne le développement de mon caractère.

 

Page 249 : Des dizaines de femmes disparaissaient chaque année, dans les rues, les pensions et les magasins de tapis de New York. Leurs descriptions — tout un nuancier de beautés — remplissaient trois cartons au bureau des personnes disparues de Centre Street.

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Mon avis : Furie – John Farris

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’américain par Gilles Goullet

 

Éditions Gallmeister - Totem

 

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Quatrième de couverture :

Gillian Bellaver, 14 ans, grandit dans l’une des plus riches familles au monde. Robin Sandza est le fils d’un tueur professionnel à la solde du gouvernement.
Ces adolescents semblent n’avoir rien en commun. D’ailleurs, ils ne se connaissent m
ême pas. Pourtant, tous deux partagent d’effrayants dons psychiques, capables de mettre en danger l’humanité tout entière. Alors que les membres d’une organisation gouvernementale se lancent sur la piste de Gillian et Robin pour découvrir l’origine de leurs mystérieux pouvoirs, Peter Sandza doit utiliser tous ses talents pour protéger son fils. Et la furie n’épargnera personne.


 

 

Mon avis :
Le début du roman nous énumère une liste d'adolescents longue comme le bras, tous plus névrosés les uns que les autres. La grande question est : sont-ils stressés par la vie à New-York ou par la société moderne ? Ou par le fait qu'ils sont des gosses d'hyper riches ? Plus assez de repères, aucun rites de passage à quelque âge que ce soit, et les voilà tous complètement flippés.

Énormément de personnages défilent et on se doute que tôt ou tard ils vont tous avoir des liens, voire des interactions. Il faut juste rester concentré pour ne pas perdre le fil.
Un Nouveau Peuple est en train d'apparaître partout sur Terre. J'adore l'idée que quand nous rêvons ce ne sont pas des rêves mais autre chose et que nous l'ignorons.
Incubes, succubes, démons de l'éther, dimensions parallèles, télépathie, télékinésie, don de prescience et réincarnation, tout ce que j'aime, tout ce que j'ai aimé lire pendant longtemps. Je me suis laissé emporter dans l'histoire avec nostalgie, bonheur et fascination.

Robin et Gillian, tous deux âgés de quatorze ans, ont des pouvoirs. Robin le sait, Gillian l'ignore. Robin connaît Gillian, mais Gillian ignore qu'elle connaît Robin. Évidemment ils vont devenir des proies, mais ceux qui veulent leur mettre la main dessus savent-ils à quoi ils ont réellement affaire ? Les risques qu'ils encourent ?

Ce roman m'a tout de suite rappelé ceux que je lisais à l'adolescence, et pour cause, ça se passe dans les années 70. D'ailleurs il m'a fait penser aux vieux 
Stephen King ou Dean Koontz et d'autres dont j'ai oublié les noms. Est-ce un moment de nostalgie ? En tout cas j'ai aimé bien que la chronologie m'ait laissée un peu perplexe au début... l'histoire commence en 1976, puis au chapitre 5 on est en 1972 et au chapitre 12 en 1975 alors qu'entre les deux j'avais cru revenir en 1976. Cela dit, ça ne m'a pas plus dérangée que ça car j'ai vraiment aimé cette histoire dont le rythme et l'intérêt ne faiblissent jamais. J'ai aimé l'aspect paranormal, les complots et le côté espionnage avec des grands méchants d'organisations secrètes toutes puissantes et tentaculaires, prêtes à tout pour mettre la main sur des êtres d'exception. le petit côté vintage de l'histoire m'a beaucoup plu !
Il y a deux autres tomes qui hélas ne semblent pas avoir été publiés chez Gallmeister.

 

Citations :

Page 22 : Avant, il fallait marcher deux cents mètres pour rejoindre le bord de l’eau. Vrai de vrai ! Quand j’étais gamine, la plage resplendissait, et maintenant elle est toute salopée par le goudron des pétroliers. Et quand les océans auront disparus, elle va devenir quoi, l’humanité ?

 

 

 

 

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Mon avis : Ce qui vient après – JoAnne Tompkins

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’américain par Sophie Aslanides

 

Éditions Gallmeister

 

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Quatrième de couverture :

Dans l’État brumeux de Washington, Isaac traverse seul le deuil de son fils adolescent, Daniel, assassiné par son meilleur ami Jonah. Ce dernier se suicide et le monde de sa mère Lorrie s’effondre à son tour. Il n’y a aucune explication à ce drame. Isaac et Lorrie, autrefois amis, s’évitent telles des ombres séparées par leurs pertes incommensurables. Jusqu’à l’apparition soudaine d’une sans-abri de seize ans, enceinte. Recueillie par Isaac, accompagnée par Lorrie, Evangeline devient un rai de lumière dans leur vie. Mais une révélation éclate : la jeune fille avait croisé le chemin des garçons la semaine du meurtre. Tous trois devront confronter leurs souvenirs douloureux. Car comprendre le passé est leur seule chance de pouvoir se tourner vers l’avenir.

Émaillé de moments de grâce, Ce qui vient après est un premier roman lumineux, profondément émouvant, empli de foi en l’âme humaine.

 

Une véritable révélation. Et un conte profond, d’un optimisme inattendu.

THE NEW YORK TIMES


 

 

Mon avis :
Le roman commence sur un drame. Daniel est mort, assassiné par Jonah son meilleur ami qui a fini par se suicider. Evangeline, seize ans et enceinte, abandonnée par sa mère, pense à eux et se demande...
Les chapitres donnent alternativement la parole au différents protagonistes. Isaac le père de Daniel, Evangeline, Jonah le jour de sa mort où il raconte... puis plus tard arrive Lorrie, la mère de Jonah. Il y a aussi Rufus, le chien, qui tient une grande place dans l'histoire.

Ce livre m'a emportée dès les premières lignes. L'écriture est belle et puis il y a une grosse interrogation sur Evangeline et les garçons, Daniel et Jonah. On comprends qu'on vient de plonger dans une histoire douloureuse où on sera peut-être confronté à des choses sales et possiblement de la manipulation ou, à minima, des omissions. On fait des incursions dans le passé des personnages au fil de la narration.

Evangeline, enfant délaissée puis abandonnée par une mère fantasque et instable va découvrir qu'on peut être vu, entendu, écouté. Isaac semble se raccrocher à la vie à travers cette adolescente perdue qu'il a recueillie. Ce roman provoque des sentiments ambivalents. C'est sombre puisque deux adolescents sont morts de façon tragique, mais lumineux par la vie que Evangeline, gamine rebelle et insoumise, apporte avec elle. Cependant plus on avance dans l'histoire plus ça devient oppressant par moments. On craint des révélations terribles et les douleurs incommensurable qu'elles pourraient apporter. Une question m'a taraudée, est-on directement responsable des actes de nos enfants ? Les parents sont-ils à l'origine de nos névroses, de nos mauvais comportements ?

On assiste à un cheminement de déni et de douleurs pour comprendre ce qui s'est passé. Ce que j'aime dans les romans, c'est que les personnages pressentent, ont des intuitions de ce qui s'est passé ou se passera, entendent les non-dits. Moi jamais. Dans la vraie vie je crois que ça n'arrive jamais. Mais c'est ça qui fait la magie des romans.
Et donc, on assiste à une sorte d'incompréhension douloureuse, comme si une lumière s'allumait, mais pour montrer la sinistre réalité. de plus, Isaac est quaker. Il s'agit d'un culte assez étrange, fait de silences en réunion. Les quakers peuvent demander un comité de clarification, qui m'a fait penser à une forme de psychanalyse et suit des règles très précises et strictes.

J'ai adoré cette histoire de résilience, les personnages, ces deux parents crucifiés par la mort de leurs fils respectifs, l'un assassiné, l'autre assassin et suicidé. Isaac froid et impassible, comme pour cacher tout ce qu'il est réellement. Lorrie toute de délicatesse, de pudeur et de générosité. Et Evangeline, cette ado rebelle et en colère, mal élevée, voire pas élevée du tout, et intelligente. Il y a des moments de grâce, d'autres déchirants. Il y a un peu de mystique car certains personnages sont empreints de spiritualité. C'est tout simplement beau ! On traverse les étapes du deuil, du refus, de l'aveuglement, du défoulement, de la cruauté, de l'attachement, puis du refus etc...
Un premier roman magnifique qui, j'espère ne sera pas le seul.

 

Citations :

Page 126 : Je m’étais préparé à ressentir de la colère contre les vivants, contre cette manière qu’avait la vie de refuser de s’arrêter devant la mort.

 

Page 128 : À part la cérémonie commémorative pour Daniel, je n’étais pas allé au culte depuis la mort de mon fils. Je comprenais le fardeau que j’apportais. Que dire au parent d’un enfant assassiné ? Comment se comporter ? La peur de me blesser causait aux gens de la souffrance et du trouble, et leur souffrance s’ajoutait à la mienne.

 

Page 191 : Evangeline s’était aussi laissé séduire par Dieu, la manière dont il vous regardait avec ses yeux pleins d’amour, en vous promettant la vie éternelle.

Il s’avère qu’après avoir prié un certain nombre de fois, et en vain, pour avoir un petit jouet ou des chaussures à sa taille ou une mère qui rentre le soir, on se rend compte qu’on a été trompé.

 

Page 210 : Penser à tant d’animaux absorbés par leur vie, essayant tous de manger sans se faire manger, la rassérénait. Elle était des leurs, il n’y avait pas si longtemps. Mais elle avait trouvé le chemin pour sortir des bois, pour se réfugier dans une maison avec de la nourriture et un lit chaud. Du moins, pour un temps. Jusqu’à ce que quelqu’un débarque et fiche tout en l’air.

 

Page 331 : Après quelques minutes, il se mit à tirer sur son short, essayant de l’enlever sans se donner la peine de défaire la fermeture éclair. Elle lutta, finit par dire qu’elle ne voulait pas. Du moins, c’est ce qu’elle crut avoir dit. Mais quelles que soient les paroles énoncées, il était trop tard. Elle avait cédé sur tant de choses déjà, et il avait sombré dans cette zone où les seuls mots qui entrent sont ceux que les mecs ont envie d’entendre.

 

 

 

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Mon avis : Les mille et une vies de Billy Milligan – Daniel Keyes

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Jean-Pierre Carasso

 

Éditions Calmann-Lévy

 

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Quatrième de couverture :

Quand la police de l'Ohio arrête l'auteur présumé de trois, voire quatre viols de jeunes femmes, elle croit tenir un cas facile : les victimes reconnaissent formellement le coupable, et celui-ci possède chez lui la totalité de ce qui leur a été volé. Pourtant, ce dernier nie farouchement. Ou bien il reconnaît les vols, mais pas les viols. Son étrange comportement amène ses avocats commis d'office à demander une expertise psychiatrique. Et c'est ainsi que tout commence…
On découvre que William Stanley Milligan possède ce que l'on appelle une personnalité multiple, une affection psychologique très rare qui fait de lui un être littéralement « éclaté » en plusieurs personnes différentes qui tour à tour habitent son corps. Il y a là Arthur, un Londonien raffiné, cultivé, plutôt méprisant, et puis Ragen, un Yougoslave brutal d'une force prodigieuse, expert en armes à feu. Et bien d’autres. En tout, vingt-quatre personnalités d'âge, de caractère, et même de sexe différents.
L'affaire Billy Milligan a fait la une des journaux américains, fascinés par ce cas et par la lutte qu’ont menée les psychiatres et Billy lui-même pour essayer de « fusionner » en un seul individu ses 24 personnalités. Quant au livre, construit comme un véritable drame shakespearien, il est le résultat de mois et de mois de rencontres et d'entretiens entre Daniel Keyes et… Ragen, Arthur, Allen et les autres. Une lecture absolument fascinante, bientôt adaptée au cinéma par Joel Schumacher (Chute libre, Phone Game.)
"... un thriller psychologique absolument fascinant" Publishers Weekly


 

 

Mon avis :
Dans les années 70, dans l'Ohio des femmes sont enlevées et violées. Billy Milligan est arrêté mais il nie, contre toute évidence. On finit par découvrir qu'il possède une personnalité multiple. En tout vingt-quatre personnalités d'âges, de nationalités, de caractères, et même de sexes différents habitent cet homme, toutes à l'insu de Billy.
C'est terriblement angoissant et je pense que si c'était un roman ça le serait moins. le fait que cet homme existe, que d'autres comme lui existent, c'est terrifiant. Au tout début du livre je me suis demandé si on pouvait guérir de ça, en espérant que je le saurai à la fin.

Tantôt tremblant et le regard dans le vide, tantôt sûr de lui, d'un moment à l'autre, toujours après une sorte de transe, les enquêteurs se retrouvent devant une personne totalement différente de l'instant d'avant. Dorothy Turner, la psychologue, va soudain se trouver devant ce cas incroyable extrêmement déstabilisant. C'est réellement un choc de découvrir qu'elle parle successivement à David puis à Arthur, Christopher, Tommy, Ragen, Allen, Danny, Christine et tous les autres... car Billy dort mais pas les autres.

En réalité Billy est une victime. Il a subi de la maltraitance et s'est réfugié à l'intérieur de lui-même. Tous les autres habitants de son cerveau ont une fonction précise, tous ont pour but de le protéger. C'est fascinant. Et donc, en plus de nous exposer sous toutes les facettes cet incroyable cas on comprend rapidement qu'il est la conséquence de la violence extrême de certains adultes. Ou plutôt la multiplicité des personnes qui l'habitent résulte des sévices qu'il a subi, bien qu'il y ait eu à l'origine, avant même les agressions, quelque chose d'étrange dans la personnalité de Billy, comme une prédisposition.


Daniel Keyes nous convie à des entretiens entre Billy et les psychiatres puis reprend sa vie depuis le début et nous permet d'assister aux métamorphoses qui s'opèrent entre tous les occupants de sa psyché. J'ai trouvé ça très visuel et on en vient à douter de sa raison en croyant qu'une telle chose est possible. L'instinct de survie prend parfois d'étranges chemins pour éviter le suicide ou l'automutilation.

Le cerveau de Billy m'a fait l'effet d'un microcosme, d'une famille nombreuse où il est indispensable d'établir des règles pour éviter de passer pour fou. le pire c'est que je les visualisais, en plein conseil de famille.
J'ai trouvé qu'il y avait un côté science fiction dans cette histoire folle, où les personnages se succèdent sans toujours comprendre où ils sont.

Alors que, s'il s'agissait d'un roman on se dirait que l'auteur exagère et que ce n'est pas crédible du tout, ce qui est totalement stupéfiant c'est que cette histoire est réelle ! Billy Milligan, éclaté en vingt-quatre personnes très différentes les unes des autres, est un personnage réel. Entre Ragen le yougoslave communiste hargneux et Arthur l'anglais hautain et snob, il y a toute une palette de ce que l'humanité peut présenter de caractères différents. Chaque personne qui l'habite est un trait de caractère, comme la colère, la douceur, le cynisme, l'empathie, la naïveté, l'intelligence, l'immoralité, les différents stades de l'enfance... C'est impressionnant ! Mais surtout, comment ne pas devenir complètement fou tant ça semble terrifiant de vivre ça !?
Ce qui saute aux yeux, entre autre, c'est que le tribunal médiatique ne date pas d'aujourd'hui ni des réseaux sociaux.
Bien que ce soit un témoignage, ce parcours de vie est écrit comme un roman, ce qui rend l'histoire d'autant plus immersive. Hélas, j'y ai trouvé quelques longueurs, je me suis parfois ennuyée. Et pourtant, c'est fascinant.

 

Citations :

Page 48 : — Je peux parler à Billy ? S’enquiert Judy.

Ah non ! On le fait dormir. S’il se trouvait sous le projecteur, il se tuerait.

Pourquoi ?

Il est fou de terreur à l’idée d’avoir mal. Et il ne sait rien sur nous, tous les autres. Tout ce qu’il sait c’est qu’à certains moments, il perd le temps.

Qu’est-ce que ça veut dire « perdre le temps » ? interroge Judy.

C’est la même chose pour nous tous. On est quelque part, en train de faire quelque chose. Puis on est ailleurs et on a la sensation du temps qui a passé, mais sans avoir idée de ce qui est arrivé pendant ce temps.

 

Page 83 : Le docteur Harding se rend compte qu’il ne prend sans doute pas assez d’initiatives avec Milligan. Le docteur Wilbur lui a recommandé de chercher à établir le plus vite possible le nombre de personnalités qui cohabitent en lui et leur identité : il faut encourager chacune d’elles à expliquer les raisons de son existence afin de leur permettre de revivre les circonstances particulières qui ont présidé à leur surgissement.

 

Page 192 : Billy aimait les fleurs et la poésie et il aidait spontanément sa mère à la maison. Mais à force d’être traité de « femmelette » et de « petite pédale » par son beau-père, il renonça aux travaux ménagers et cessa d’écrire des poèmes. « Adalana » prit sa place en secret.

 

Page 249 : — Dieu a été inventé par ceux que l’inconnu effraie, rétorqua Arthur. Les gens adorent des figures mythiques comme Jésus-Christ pour échapper à la terreur de ce qui arrivera après la mort.

 

Page 450 : 410 hommes décrétés fous criminels hantent les couloirs sans fin de cette géhenne oubliée de Dieu. La fureur me prend quand je songe que l’État a le culot d’appeler ça un hôpital. L’hôpital d’État de Lima.

 

 

 

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Mon avis : Moby Dick – Herman Melville

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Lucien Jacques, Joan Smith et Jean Giono

 

Éditions Folio classique

 

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Quatrième de couverture :

Considérez le cannibalisme universel de la mer, dont toutes les créatures s'entre-dévorent, se faisant une guerre éternelle depuis que le monde a commencé. Considérez tout ceci, puis tournez vos regards vers cette verte, douce et très solide terre : ne trouvez-vous pas une étrange analogie avec quelque chose de vous-même ? Car, de même que cet océan effrayant entoure la terre verdoyante, ainsi dans l'âme de l'homme se trouve une tahiti pleine de paix et de joie, mais cernée de toutes parts par toutes les horreurs à demi-connues de la vie.

Ne poussez pas au large de cette île, vous n'y pourriez jamais retourner.

 

 

Mon avis :
Moby Dick, cette baleine légendaire dont, je pense, tout le monde a entendu parler, est une histoire de vengeance entre un homme et un cétacé.
Ishmael, le narrateur, semble vivre un perpétuel maelström intérieur tant sa pensée paraît ne jamais devoir s'arrêter. Il nous entraîne derrière lui dans sa recherche d'un embarquement, sa quête du grand large, dans la chasse à la baleine. Il nous instruit sur quantité de choses de cette époque ou de la Bible : Jonas et la baleine, l'histoire de Queequeg le harponneur cannibale et de son peuple, les Quakers nombreux à Nantucket, l'antiquité et ses empereurs, la chasse à la baleine en elle-même jusqu'aux confins du monde et l'économie qu'elle a généré, la psychologie des différents membres d'équipage et leurs origines multiples… il semble que les connaissances d'Ishmael soient infinies, y compris en cétologie et tant d'autres sujets encore. Il nomme très souvent les gros cétacés du nom de Léviathan, ce qui ajoute de l'effroi au mystère des profondeurs. Ses références à la bible sont nombreuses, voire omniprésentes.

Ce roman offre de vrais moments de magie et de féerie historique et aquatique, d'angoisses aussi car l'océan est terrifiant, et tellement beau qu'il incite à la rêverie par moments, loin du tumulte terrestre. Les descriptions faites des océans m'ont évoqué un univers tout entier, empli de mystères invisibles et de dangers ultimes prêts à jaillir à tout instant. Et pendant ce temps, on attend 
Moby Dick qui se fait désirer. Achab, le capitaine unijambiste du Pequod, a un compte personnel à régler avec la baleine blanche qu'il va poursuivre à travers les vastes océans de la planète, entraînant son équipage, empreint d'une ferveur absolue qui confinera à la folie, dans sa quête. À travers ce besoin de revanche il m'a semblé que Achab cherchait à défier Dieu lui-même, car nul doute que ces hommes en ces temps étaient profondément croyants. Lorsque soudain un jet apparaît à l'horizon, c'est le signe qu'il est temps d'aller à l'affrontement. Moi la terrienne que l'océan effraie autant qu'il fascine, je pense que ces hommes étaient fous d'une certaine façon. Et ces nobles cétacés, seigneurs des océans et de leurs profondeurs, comment se fait-il qu'ils n'arrivaient pas à échapper aux hommes ?

Après cette lecture on en sait beaucoup plus sur les baleines, cachalots et autres cétacés et de tous les usages que l'on peut tirer de leurs dépouilles, mais aussi sur les termes propres aux marins, tel la hune, le gaillard d'avant, le gaillard d'arrière et la place qu'occupe les différents membres d'équipage, mais aussi sur toutes sortes de représentations des baleines, des plus fantaisistes aux plus réalistes, mais aussi sur les vastes prairies de "brit" et le mystérieux grand "squid" vivant, mais aussi la ligne… mais aussi la chasse et le dépeçage, le spermaceti… tant de choses, cela semble sans fin.

J'imaginais, en commençant, lire une histoire furieuse de quête enragée dans les eaux tumultueuses des différentes mers…
Je dois bien dire que je ne m'attendais pas à ça, encore marquée par le film vu dans mon enfance avec un Gregory Peck impressionnant en Achab ténébreux, un Queequeg tout scarifié que j'avais beaucoup aimé, une gigantesque baleine blanche et bien sûr Ishmael. Or ce roman parle de tellement plus de choses, avec humour parfois, et poésie, - "Le chanvre est un gars au teint basané et sombre, une sorte d'indien, tandis que la manille est belle à regarder comme un Circassien aux cheveux d'or"-, tant d'intelligence et une érudition universelle, je l'ai adoré !!! Par certains aspects il m'a évoqué 
Vingt mille lieues sous les mers tant les connaissances que l'auteur prête à Ishmael, qui se dit pourtant analphabète, semblent infinies, voire encyclopédiques, tout comme celles de Jules Verne. Ce fut une belle découverte !
C'est la possibilité d'une Lecture Commune avec huit autres fadas prêts pour l'aventure qui m'a définitivement convaincue de me lancer dans ce pavé qui me faisait un peu peur.
Alors, que du bonheur !?!?!... Presque ! J'ai souvent trouvé le temps long car ce roman est fait de très nombreuses digressions. Les chapitres ne sont quasiment que digressions. J'ai fini par trouver cela pesamment didactique et dès la page 450 j'ai eu hâte d'arriver au bout, par intermittence car certaines parties m'ont semblé interminables tandis que d'autre non : "Puisque j'ai entrepris de parler de ce léviathan, il convient que je me montre capable d'épuiser complètement le sujet, jusque dans les plus petites cellules de son sang, et de le décrire jusqu'aux derniers replis de ses entrailles." (page 589)
J'ai l'impression d'avoir fait un marathon, à la nage, dans tous les océans…
Pourtant, quel roman ! Mais aussi, quels carnages chez les baleines !

 

Citations :

Page 44 : Pourquoi les anciens Perses ont-ils tenu la mer pour sacrée ? Pourquoi les Grecs lui ont-ils donné un dieu particulier : le propre frère de Jupiter. Cela signifie bien quelque chose ! Et le plus beau de tout est encore dans cette histoire de Narcisse qui, désespéré par l’insaisissable et calme image qui se reflétait dans la fontaine, s’y jeta et fut noyé. Ce libre reflet de nous-mêmes, nous le voyons dans toutes les rivières et tous les océans. C’est le fantôme volant de la vie. Voilà la clef de tout.

 

Page 69 : Pourquoi ai-je fait tant d’histoires, pensais-je ; cet homme est une être humain tout comme moi, il a autant de raisons de me craindre que moi de le craindre. Mieux vaut dormir avec un cannibale sobre qu’avec un chrétien saoul.

 

Page 129 : Tout en refusant, par scrupule de conscience, de porter les armes contre les envahisseurs terriens, lui, il avait envahi, d’une façon illimitée, l’Atlantique et le Pacifique ; et, quoique ennemi juré du versement de sang humain, il avait, vêtu de son habit à corps droit, versé des tonnes de sang du léviathan.

 

Page 138 : Comme le ramadan de Queequeg, avec son jeûne et sa pénitence, devait continuer toute la journée, je préférais ne pas le déranger avant le commencement de la nuit. J’ai le plus grand respect pour les obligations religieuses de chacun, fussent-elles comiques, et je ne sous-estimais pas une congrégation de fourmis adorant un champignon vénéneux, ni même certaines autres créatures de notre globe, qui, avec une servilité sans exemple dans tout l’univers connu, courbent le dos devant le cadavre d’un propriétaire terrien, seulement parce qu’il est, malgré tout, encore le propriétaire de propriétés démesurées.

 

Page 189 : La vieillesse est toujours éveillée comme si, à mesure qu’il s’avance plus avant dans la vie, l’homme voulait s’éloigner de tout ce qui ressemble à la mort.

 

Page 258 : Influencés par les racontars et présages concernant Moby Dick, nombre de pêcheurs se rappelaient à son sujet les plus anciens temps de la pêche au cachalot, quand il était souvent difficile de persuader aux hommes pourtant habitués à chasser la Vraie-Baleine de s’embarquer pour les risques de cette lutte nouvelle et dangereuse ; — ces hommes disaient qu’on pouvait chasser d’autres léviathans avec quelque espoir de s’en sortir, mais que tirer la lance sur une apparition telle que le cachalot n’était point l’affaire des mortels ; que l’essayer équivalait à faire un prompt plongeon dans l’éternité.

 

Page 379 : Depuis quelque temps, dans la pêcherie américaine, la corde de Manille a presque complètement supplanté le chanvre comme matériel pour les lignes à baleine ; car, bien que n’étant pas aussi durable que le chanvre, elle est plus forte et de beaucoup plus souple et plus élastique ; et je veux aussi ajouter (puisqu’il y a une esthétique en toutes choses) qu’elle est plus belle et plus seyante au bateau que le chanvre. Le chanvre est un gars au teint basané et sombre, une sorte d’Indien, tandis que la manille est belle à regarder comme un Circassien aux cheveux d’or.

 

Page 406 : Je pense qu’au jour du Jugement, il sera plus admis qu’un Fidjien ait conservé un missionnaire maigre dans sa cave, que toi, gourmet civilisé et éclairé, qui cloues les oies à la terre et manges leurs foies gonflés dans ton pâté de foie gras.

 

Page 666 : Voyez, vous tous qui croyez en Dieu, en un Dieu toute bonté et en l’homme tout en mal, voyez ! Les dieux tout-puissants oublient la puissance de l’homme et l’homme, tout idiot qu’il soit et ne sachant pas ce qu’il fait, est néanmoins rempli d’amour et de reconnaissance.

 

 

 

 

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Mon avis : Conseils de lecture pour âmes égarées – Sara Nisha Adams

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Élisabeth Luc

 

Éditions J’ai Lu

 

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Quatrième de couverture :

Entre un père complètement absent et une mère en dépression, Aleisha n'a guère le temps de lire pour son propre plaisir. Mais les journées sont longues à la bibliothèque de Harrow Road où elle travaille. Et la mystérieuse liste de lecture qui s'est échappée d'un livre a éveillé sa curiosité. Alors, pour tromper l'ennui, elle parcourt les premières pages des romans mentionnés et découvre, en compagnie de Scout, d'Elizabeth Bennet et de tant d'autres, un monde insoupçonné.

Quand un vieux monsieur, perdu entre les étagères remplies de livres, vient lui demander conseil, Aleisha trouve dans cette âme égarée un ami avec qui échanger sur ses lectures et surmonter ses peurs et ses peines. Car il n'est jamais trop tard pour commencer à lire, à aimer et à rêver.

 

 

Mon avis :
Merci à Lecteurs.com pour ce concours qui m'a permis de gagner ce livre.

En commençant cette histoire, j'ai aussitôt pensé que j'allais encore une fois avoir des tas de nouvelles envies de lecture... c'est toujours comme ça avec les romans qui parlent de romans.

Mukesh est veuf, terrorisé par le monde extérieur, perdu sans sa Naina. Il décide un jour de se faire violence en allant rapporter à la bibliothèque un livre que Naina avait oublié de rendre mais avec l'envie un peu refoulée de se plonger dans un roman, comme elle le faisait, elle qui lisait tout le temps. Il espère ainsi être connecté à sa défunte épouse, mais aussi se rapprocher de Priya sa petite-fille à qui sa grand-mère a transmis la passion des livres.

Aleisha, 17 ans, a décroché un poste de bibliothécaire pour l'été. Elle déteste ce travail qu'elle trouve terriblement ennuyeux et forcément le fait mal. Elle se demande s'il y a encore des gens qui vont dans les bibliothèques. Car elle, les livres ne l'intéressent pas, contrairement à son frère Aidan. de plus elle est souvent maussade et râleuse, mais l'enfer de sa vie familiale y est pour beaucoup.

Et donc, les chapitres alternent entre Mukesh et Aleisha, deux âmes égarées, chacun avec ses angoisses existentielles, qui, bien sûr, vont se rencontrer à la bibliothèque. Plusieurs générations les séparent, cependant ils ont comme point commun leur solitude et leur manque de goût pour la lecture que pourtant chacun désire soigner. Il y a parfois des chapitres courts, dédiés à d'autres personnages, Chris, Indira, Leonora, Izzy, Joseph, Gigi... et une liste de lecture de huit romans qui apparaît en différents endroits.

J'ai trouvé que le démarrage prenait beaucoup de temps, était trop lent, et mon intérêt pour l'histoire a été long à venir. Cependant, quand Mukesh prend enfin goût à la lecture, on ressent avec lui le plaisir des amitiés nouées avec des personnages de romans, avec ce monde onirique d'une certaine façon et ça fait un bien fou ! D'ailleurs ça m'a fait retourner à la médiathèque, moi qui préfère posséder les livres, j'ai eu envie d'en emprunter et m'imprégner de nouveau de l'ambiance feutrée de ce lieu magique empli de livres à perte de vue. Cette histoire m'a replongée, avec bonheur, dans certains des romans de cette liste que j'ai lus.

Aleisha et Mukesh liront tous les deux Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, premier livre de la liste, pour commencer leur vie de lecteur. Ils en seront métamorphosés d'une certaine façon. le roman comporte huit partie dont chacune correspond à un livre de cette étrange liste intitulée : Si le besoin s'en fait sentir.

Évidemment, ce roman est un Hymne à la littérature, au pouvoir de guérison des livres, qui vous emportent, vous font vivre mille vies, voyager dans le temps, dans le monde entier et au delà, vous offrent des amis de papier, vous instruisent, vous bouleversent, vous font palpiter, rire, pleurer, trembler... Soignent aussi les petits bobos de la vie et aident à traverser les grandes douleurs en permettant de s'abstraire du monde réel. D'ailleurs j'ai adoré les échanges osmotiques sur les romans lus, c'est tellement ça ! L'envie d'en parler à tout le monde, avec tout le monde, d'échanger sur les livres lus en commun ! Il arrive même que parfois les personnages de romans s'invitent dans la vie réelle...

Mukesh et sa famille font partie de la communauté indienne de Londres. Ça a été l'occasion pour moi d'apprendre qu'il y a un temple hindou dans cette ville, le Swaminarayan Hindu Mandir, dont la taille et la beauté m'ont un peu coupé le sifflet après que je sois allée chercher des photos sur internet. Si j'avais su, je serais allée au moins le voir, et peut-être le visiter, si c'est permis lors d'un passage à Londres. Ça aussi c'est la magie des livres, qui donnent envie de voyager et découvrir.

Et moi il ne me reste plus qu'à lire les cinq livres de la liste que je n'ai pas encore lus...
Rebecca, L'histoire de Pi, Orgueil et préjugés, Les quatre filles du docteur March, Un garçon convenable. Et le temps n'est rien, hors liste mais présent du début à la fin de ce roman. Cette plongée dans l'univers des livres a été réellement enchanteresse.

 

Citations :

Page 52 : En dépit de tout, elle n’avait pas une fois essayé de lui parler de ce qu’il devrait ressentir quand elle serait partie, ce qu’il devrait faire pour lui-même, pour la ramener. C’était tout ce qu’il voulait savoir.
Et il se retrouvait seul, sans la moindre idée de ce qu’il devait faire, maintenant qu’elle était partie et qu’il demeurait dans une maison sans vie, sans âme et sans livres.

 

Page 73 : Si les livres lui permettaient de s’évader, lire coûtait moins cher que de se saouler.

 

Page 165 : — Crois-moi, même si tu as l’impression que les romans ne peuvent rien t’apporter, ils t’ouvrent sur le monde, ne serait-ce qu’un peu.

 

Page 182 : Il serra son livre sur son cœur. Naina emportait un livre partout où elle allait, au cas où elle resterait coincée dans un ascenseur, par exemple, ou s’il y avait la queue à la caisse du supermarché et personne avec qui bavarder.

 

Page 440 : — Aleisha… n’oubliez pas que les livres ne sont pas toujours une évasion. Ils peuvent aussi nous enseigner des choses. Ils nous montrent le monde au lieu de le cacher.

 

 

 

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Mon avis : Les frères Lehman – Stefano Massini

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’italien par Nathalie Bauer

 

Éditions 10-18

 

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Quatrième de couverture :

11 septembre 1844, apparition. Heyum Lehman arrive de Rimpar, Bavière, à New York. Il a perdu 8 kg en 45 jours de traversée. Il fait venir ses deux frères pour travailler avec lui.

15 septembre 2008, disparition. La banque Lehman Brothers fait faillite. Elle a vendu au monde coton, charbon, café, acier, pétrole, armes, tabac, télévisions, ordinateurs et illusions, pendant plus de 150 ans. Comment passe-t-on du sens du commerce à l’insensé de la finance ? Comment des pères inventent-ils un métier qu’aucun enfant ne peut comprendre ni rêver d’exercer ?


 

 

Mon avis :
1844, Un homme, fils de marchand de bestiaux, partit de Bavière, il s'appelait Heyum Lehman. Quand il arriva à New-York il devint Henry Lehman, plus simple pour l'agent d'immigration qui ne comprenait pas. Son arrivée à New-York m'a donné un sentiment de renouveau et de liberté, d'un nouveau monde qui ouvre grand les bras et d'autre chose de vertigineux sans pouvoir définir quoi. le pays de tous les possibles sans doute.

Le texte est très étrange, écrit comme un poème sans rimes, avec parfois beaucoup de répétitions, des moments très drôles aussi, et on avance dans l'histoire des frères Lehman un peu sans s'en rendre compte, happé par le récit. On les voit peu à peu faire fortune grâce à leur incroyable talent pour la spéculation, d'abord  à Montgomery en Alabama, puis à New-York, la cosmopolite, le Graal !... avant la guerre de sécession qui met l'économie du pays par terre. Mais il y a des gens que rien n'abat et qui repartent de plus belle. Il y a une histoire de cerveau, de bras, de patate et de toupies qui m'a énormément amusée.

Étonnante famille qui sait calculer jusqu'à son temps de sommeil pour faire fortune. L'histoire Lehman Brothers est fascinante. Heyum Lehman, arrivé le premier aux États-Unis, a commencé à gagner de l'argent puis a fait venir ses frères, Emmanuel et Meyer. Les trois se sont mariés, ont eu des enfants et on a l'impression que l'unique but de leurs vies à tous était de travailler beaucoup et penser beaucoup pour gagner de l'argent, toujours plus d'argent, et à chaque génération ils étaient suffisamment doués et visionnaires pour y arriver. Doucement mais sûrement ils opèrent leur ascension sociale avec pugnacité, diversifiant sans cesse leurs champs de spéculations. Cependant, leur joie de vivre semble inversement proportionnelle à l'élévation de leur fortune. Ils sont sérieux et taciturnes. Des vrais croque-morts.
Pourtant ils donnent tous la sensation d'avoir un petit pète au casque, chacun fêlé à sa manière, ce qui rend l'histoire assez réjouissante. Comme par exemple la façon dont Arthur choisit sa future... Équations, algorithmes et autres formules mathématiques. C'est tellement drôle ! Ils sont fous ces Lehman !!! D'ailleurs leurs épouses sont toujours choisies de façon très pragmatique. Il semble même qu'elles ne servent qu'à la reproduction.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que je les ai tous trouvés antipathiques, tous ces riches, ces femmes de riches, ces gosses de riches. de pères en fils ils sont d'un cynisme sans borne, sans scrupules et totalement machiavéliques, sans oublier les cent-vingt règles infâmes qui régissent leur philosophie familiale qui mettent au pas le rêveur si par inadvertance il y en a un. Mais au fond, des gens qui ne pensent qu'au fric peuvent-ils être sympathiques ? Et quelle étrangeté ces hommes qui ont tellement d'argent qu'ils n'en dorment plus...

On traverse la guerre de sécession et l'abolition de l'esclavage, la première guerre mondiale, la prohibition, le krach boursier de 1929, la deuxième guerre mondiale, la reconstruction, le maccarthysme, la guerre du Vietnam, l'assassinat de JFK, et la chute finale de l'empire Lehman, avec un intérêt qui ne faiblit jamais.

C'est fascinant de voir le monde qui rétrécit à mesure que la technologie avance. Voir les femmes trouver leur place dans le monde du travail, voir naître le droit du travail et des droits sociaux...

Le destin de ces hommes d'affaires qu'ont été les Lehman est absolument vertigineux. Et alors, quel style ! Quelle écriture !! Quel humour !!! Je suis sûre que, racontée autrement cette histoire m'aurait profondément ennuyée. Mais quel talent !!! Car, me faire avaler 900 pages de l'histoire d'une dynastie de banquiers, c'est du grand art !

 

Citations :

Page 26 : Pour vivre en Amérique, y vivre vraiment,

Il est besoin d’autre chose.

Il est besoin de tourner une clef dans une serrure.

Il est besoin de pousser une porte.

Et les trois — clef, serrure et porte —

se trouvent non à New York

mais à l’intérieur de votre cerveau.

 

Page 46 : Et le pire,

c’est qu’Abraham Lehman

marchand de bestiaux

adorait follement ses verdicts,

y voyant un concentré de sagesse exceptionnel,

seul remède à la dégradation de la création,

raison pour laquelle

en vertu d’un esprit purement altruiste

il les dispensait au monde

en exigeant un retour immédiat.

 

Page 136 : Emmanuel n’avait jamais vu New York.

Une ruche, songea-t-il à travers la vitre de la voiture

alors que des foules en tout genre

charrettes à cheval ou à bras

filaient autour de lui

New York

vendeurs

caisses et cagettes

enfants et vieillards

New York

Juifs orthodoxes et colonies de Noirs

prêtres catholiques, marins, Chinois et Italiens

New York

le gris des immeubles à façade de pierres

statues et jardins, fontaines, marchés

New York

prédicateurs et gendarmes

et encore animaux, chiens en laisse et errants

New York

poupées aristocratiques aux ombrelles ouvertes

loqueteux moribonds

sorcières cartomanciennes

New York

tambours

gentlemen anglais

poètes inspirés, soldats

New York

uniformes et tuniques

chapeaux et jupons

New York

bâtons et baïonnettes, drapeaux, étendards

tout et son contraire

en même temps

sans la moindre dignité : impudique et pourtant

grand, immense, sublime

New York

Baroukh HaShem !

 

Page 290 : Et bien que les Lehman

ne fussent guère puritains

ni baptistes, ni mormons, ni quackers,

tout le monde comprit

qu’à partir de maintenant

la vie sexuelle de la banque

serait

tendanciellement

chaste.

 

Page 338 : On a tenté de lui expliquer

qu’il s’agit d’une tradition

et qu’on ne jette pas les traditions,

cher Herbert, comme des vieilleries,

qu’une femme juive n’est pas l’égale d’un homme

même si

la mode new-yorkaise de la parole

s’est tellement infiltrée

que les femmes ont elles aussi

envie de parler

et font un sacré vacarme

sous le nom de suffragettes.

Tu veux changer le rite, maintenant ?

Herbert secoue la tête :

il conteste le fait

qu’un frère soit plus important

qu’une sœur.

 

Page 408 : Épouser une cousine

est vraiment

le minimum auquel on puisse arriver

en termes non seulement de paresse

mais aussi

de banalité sentimentale.

 

Page 444 : « Cher Emmanuel et cher Mayer

pour vous répondre je vais réfléchir avec vous

à la signification du mot âge.

Qu’est-ce que l’âge sinon un lieu de la vie

identique à l’espace

un territoire où nous vivons ?

Chaque âge est un pays, un village,

si vous préférez une nation

où chacun de nous doit transiter.

Et de même que chaque lieu du monde

possède un climat, une langue

un paysage particulier,

de même le vieillissement

signifie habiter une terre étrangère,

où les règles des pays précédents

ont tout simplement

perdu leur valeur.

À l’étranger

il faut apprendre une nouvelle langue

pour appeler le soleil le soleil

et la lune la lune :

alors seulement on saura

que le soleil est soleil sur toute la terre

y compris sur une terre d’exil

et que seul change

la façon de l’appeler.

En d’autres termes

avec les âges comme avec les pays

tout est inhospitalier tant qu’on est étranger

et tout est accueillant

quand on se transforme enfin

en citoyen. »

 

Page 571 : La première année que j’ai passée ici

il y avait trois mots sur toutes les lèvres :

vous avez dit 21 546 fois PROFITS.

J’ai entendu 19 765 fois RAPPORT.

Et 17 983 le verbe ENCAISSER.

 

Ces dernières années

ces mots ont disparu

du haut de ma liste.

INTÉRÊT a gagné le sommet avec 25 744 occurrences,

suivi par ACTIF, prononcé 23 320 fois.

Cela n’est pas du blabla,

c’est de la substance, cher cousin.

 

Page 678 : « Parler d’éthique avec un banquier est absurde.

Je te mets en garde, si tu veux le comprendre :

vous êtes en train de créer un système monstrueux

qui ne pourra pas résister longtemps.

Des industries partout, des usines partout :

à qui vendra-t-on si la plupart des gens sont pauvres ?

Vous aimez penser que l’Amérique est riche

imaginer le monde entier sur le chemin du bien-être

mais quand ouvrirez-vous les yeux ?

Quand il sera trop tard ? »

 

 


 

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