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Mon avis : Gagner la guerre – Jean-Philippe Jaworski

Publié le par Fanfan Do

Éditions Folio SF

Mon avis sur Insta c'est ici

Quatrième de couverture :

"Gagner une guerre, c'est bien joli, mais quand il faut partager le butin entre les vainqueurs, et quand ces triomphateurs sont des nobles pourris d'orgueil et d'ambition, le coup de grâce infligé à l'ennemi n'est qu'un amuse-gueule. C'est la curée qui commence. On en vient à regretter les bonnes vieilles batailles rangées et les tueries codifiées selon l'art militaire. Désormais, pour rafler le pactole, c'est au sein de la famille qu'on sort les couteaux. Et il se trouve que les couteaux, justement, c'est plutôt mon rayon..."

Gagner la guerre est le premier roman de Jean-Philippe Jaworski. On y retrouve avec plaisir l'écriture inimitable de l'auteur des nouvelles de Janua vera et don Benvenuto, personnage aussi truculent que détestable. Le livre a obtenu en 2009 le prix du premier roman de la région Rhône-Alpes et le prix Imaginales du meilleur roman français de fantasy.

Jean-Philippe Jaworski, né en 1969, est l’auteur de deux jeux de rôle : Tiers Âge et Te Deum pour un massacre. Il conjugue une gouaille et un esprit de contes de fées à la Peter S. Beagle avec l’astuce et le sens de l’aventure d’un Alexandre Dumas.

 

Pourquoi j’ai voulu lire ce livre :

Ça faisait longtemps que ce livre me tentait, puis il a été proposé en lecture commune sur Instagram, c’est ce qui m’a décidée.

 

Mon avis :

Dès le premier chapitre je me suis demandé ce que j'étais venue faire dans cette galère !
C'est quasi-exclusivement narratif, du moins au début, et pour moi ce type de récit c'est l'enfer car j'aime quand il y a des dialogues. En gros je m'y suis ennuyée à mourir, surtout quand il n'est question que de combats sur mer (au début toujours). Et comme de surcroît il s'agissait là d'une Lecture Commune, et que je n'abandonne jamais une LC, et que le livre comporte 979 pages, je me suis dit que j'étais certainement complètement maso et née pour souffrir .
Ah oui, parce que le narratif a sur moi un effet soporifique qui m'empêche de retenir ce que je lis.

En fait, ma lecture a suivi une courbe sinusoïdale : des moments de grand intérêt alternés par des passages d'un ennui profond car très politiques, jusque la moitié du livre.

Don Benvenuto Gesufal est le narrateur et il s'adresse directement à moi, lectrice. C'est un sale type, un odieux salopard, espion et tueur à gage du Podestat Leonide Ducatore, et bien sur totalement sans cœur. Mais... il est parfois tellement drôle.
À sa décharge il faut reconnaître qu'il gravite dans un furieux panier de crabe, et lui au moins assume ce qu'il est, contrairement à d'autres qui avancent à visage couvert et n'en sont pas moins ignobles.

C'est une lecture instructive et d'un point de vue politique on se rend compte de toutes les magouilles dans ce domaine et ça nous fait comprendre, si besoin était, à quel point il faut être retors pour être une bête politique. Hélas de ce point de vue là j'y ai trouvé des longueurs infernales car la politique me rebute au plus haut point. Pourtant c'est un roman prenant qu'on n'a pas envie de lâcher.

L'histoire est incroyablement fouillée, hyper construite avec une multitude de personnages, d'événements, de lieux, et de descriptions de tous ordres.
L'écriture est magnifique, érudite, poétique parfois, même l'argot est savamment utilisé, et le tout est d'une fluidité absolue.

 

Citations :

Page 49 : La plupart avaient complètement abasourdis, écrasés par la défaite ; des pauvres types tellement sonnés par le malheur qu’ils ne pouvaient pas l’encaisser réellement, juste se demander ce qui était le plus dur, entre se tortiller sous de savants supplices pendant d’interminables heures ou ramer pendant d’interminables années sur un banc de nage, en patinant dans sa propre crotte.

 

Page 116 : Un ciel immense déployait ses champs d’étoiles au-dessus de ma tête branlante, et un quartier de lune blonde se mussait avec indolence dans une écharpe nuageuse. Parce que j’avais failli mourir, je percevais le monde avec une acuité fabuleuse. Comme si l’esprit désertait déjà l’intelligence et le sentiment, pour se réfugier dans la sensation pure.

 

Page 239 : C’était une imposture. Ce n’était pas moi qu’on honorait, mais l’argent et l’influence du Podestat.

 

Page 286 : Tuer et inhumer, c’est deux activités très différentes. Buter un quidam, pour un affranchi, c’est gratifiant. Ça demande un minimum de cœur au ventre, nécessite un vrai sens du contact, c’est un peu sale, c’est rapide, c’est payant : bref, c’est une réelle expérience humaine, directe et sans complications. Enterrer le même quidam, par contre, quelle corvée ! C’est codifié, grégaire, faux cul, interminable. Ça sublime toutes les vicissitudes du banquet de mariage, en noir et et sans le pince-fesse. La douleur sincère de quelques naïfs copule d’obscène manière avec les larmes obligées du plus grand nombre.

 

Page 549 : La nuit à la cambrousse, c’est toujours plein d’un raffut animalier à vous faire dresser les cheveux sur la tête. Ça jappe, ça glapit, ça hulule, ça miaule des cris d’écorché. Même le brame d’une chevrette ressemble au râle d’un poitrinaire égorgé.

 

Page 751 : L’intuition d’une catastrophe imminente. Tout le monde a vécu ça, chacun à sa manière. Certains, quand ils ont marché vers la femme qui les aimait à la folie pour lui dire que c’était fini ; d’autres, quand ils étaient traînés devant la cour de justice où les attendait une sentence ; et tous, tôt où tard, quand il a fallu affronter la chapelle ardente où reposait le corps d’un ami ou d’un parent. C’est la certitude de l’irréparable. C’est l’instant de suspens où tout tient encore en place, alors que tout doit crouler.

 

 

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Mon avis : Le vieux qui lisait des romans d’amour – Luis Sepulveda

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’espagnol par François Maspero

Éditions Points

Mon avis sur Insta c'est ici

Quatrième de couverture :

Antonio José Bolivar connaît les profondeurs de la forêt amazonienne et ses habitants, le noble peuple des Shuars. Lorsque les villageois d'El Idilio les accusent à tort du meurtre d'un chasseur blanc, le vieil homme quitte ses romans d’amour – seule échappatoire à la barbarie des hommes – pour chasser le vrai coupable, une panthère majestueuse…

Luis Sepulveda est né au Chili en 1949. Best-sellers mondiaux, ses romans traduits dans le monde entier sont disponibles en Points.

« Il ne lui faut pas vingt lignes pour qu’on tombe sous le charme de cette feinte candeur, de cette fausse légèreté, de cette innocence rusée. Ensuite, on file sans pouvoir s’arrêter jusqu’à une fin que notre plaisir juge trop rapide. »

Pierre Lepape, Le Monde

Mon avis :

J'ai trouvé en ce livre une étrange ode à la nature tropicale, belle et terrifiante à la fois.
On comprend rapidement que dans de tels endroits du monde, il faut apprendre à vivre en harmonie avec ce milieu et bien le connaître si on veut survivre.

Ce roman est plein de poésie, il donne le sentiment d'une communion de l'Homme avec la terre nourricière et les étoiles, comme si nous faisions partie d'un grand tout, en totale union avec l'univers.
Je me suis laissé envoûter par ces descriptions.
Antonio José Bolivar Proaño dit le vieux, natif de la ville et parti vivre au bord de la jungle, a tout appris au contact des Shuars, peuple qui vit en osmose avec la forêt.

Il y a quelques dialogues hilarants, notamment pendant la chasse au fauve mais aussi une sagesse infinie et l'humilité qui convient face à la nature sauvage.

J'ai trouvé ce roman magnifique et totalement envoûtant, mais aussi déchirant quand on pense à la destruction lente mais inéluctable que l'Homme opère dans ces endroits sauvages, par pure bêtise et absolue cupidité.

 

Citations :

Page 41 : Antonio José Bolivar qui ne pensait jamais au mot liberté jouissait dans la forêt d’une liberté infinie. Il tentait de revenir à ses projets de vengeance, mais il ne pouvait s’empêcher d’aimer ce monde, si bien qu’il finit par tout oublier, séduit par ces espaces sans limites et sans maîtres.

 

Page 47 : C’était de l’amour pur, sans autre finalité que l’amour pour l’amour. Sans possession et sans jalousie.

 

Page 54 : Antonio José Bolivar essayait de mettre des limites à l’action des colons qui détruisaient la forêt pour édifier cette œuvre maîtresse de l’homme civilisé : le désert.

 

Page 110 : Tu es le chasseur des blancs, tu as un fusil, tu violes la mort en l’entourant de douleur.

 

 

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