Mon avis : La cabane aux confins du monde – Paul Tremblay
Traduit de l’américain par Laure Manceau
Éditions Gallmeister - Totem
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Quatrième de couverture :
Wen, sept ans, est en vacances avec ses parents Eric et Andrew au bord d'un lac isolé. Un après-midi, tandis qu'elle s'amuse à attraper des sauterelles, un jeune homme apparaît dans l'allée. Bien qu'imposant, elle le trouve tout de suite sympathique. Après avoir un peu joué et discuté avec l'enfant, l'étranger déclare brusquement : "Rien de ce qui va se passer n'est de ta faute." Trois inconnus surgissent alors, munis d'armes étranges. Eric et Andrew se barricadent avec Wen, mais les nouveaux venus insistent pour leur proposer un marché : ils ont besoin d'eux pour sauver le monde.
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Mon avis :
Wen, sept ans, passe ses vacances dans les bois au bord d'un lac avec ses deux papas Eric et Andrew. Wenling est une petite fille, née en Chine, qui aime les animaux et qui voudrait les étudier quand elle sera grande afin de pouvoir les aider. Alors que ses pères lui ont toujours dit de ne pas faire confiance aux inconnus, elle sympathise avec Leonard, un homme sorti de la forêt, une espèce de colosse, très doux, qui lui parle gentiment et l'aide à attraper des sauterelles. Tandis qu'ils discutent, une tension s'installe, comme si Leonard cachait ou craignait quelque chose. Quand trois autres personnes se dirigent vers la Cabane, Wen prend peur.
Ces quatre inconnus, deux hommes, deux femmes, prétendent vouloir sauver le monde, pourtant ils semblent dangereux car armés jusqu'aux dents. Et que veulent-ils dire réellement ? Leur but est-il écologique ou humaniste ? Ou sont-ils juste des illuminés ? Voire complètement cinglés !? Car ce qu'ils proposent est totalement glaçant. Eric et Andrew soupçonnent des désirs de nuire animés par l'homophobie. Seuls au milieu de la nature à la merci de ces quatre étrangers au discours hallucinant, Wen et ses deux papas semblent n'avoir aucune échappatoire.
Ce huis clos oppressant nous emporte au bout de la folie. J'ai aimé, cependant j'ai trouvé que le genre d'ambiance qui met au bord du malaise a été longue à venir. Heureusement, on finit par être pris dans un étau de stress, un déluge de démence. Il y a réellement un contraste inquiétant entre la gentillesse de ces inconnus venus pour sauver le monde et leurs actes totalement barbares. Je me suis demandé si je lisais un roman de science-fiction ou un thriller. Si quelque chose qu'on ne s'explique pas était en train de se produire ou bien si ces quatre-là étaient des psychopathes, une espèce de secte de l'apocalypse ? Car si certains sont croyants, d'autres sont agnostiques. Pourtant ils semblent tous mus par une sorte de force spirituelle qui vire par moments au fanatisme le plus débridé car ils prétendent avoir été appelés par quelque chose de supérieur.
Au cœur de cette noirceur il y a la famille unie que forment Andrew l'agnostique, Eric le très pieux, et Wen à qui ils ont décidé de laisser le choix, l'amour et la confiance qu'ils se portent. Pourtant, les trois auront des moments d'incompréhension les uns envers les autres, voire de peur et de doutes.
Et puis cet étrange quatuor de forcenés qui, pour faire le bien, sont près à faire le mal le plus absolu.
J'ai aimé les personnages, le couple de pères qui s'aiment profondément mais surtout la petite Wen qui, quand elle a très peur, ferme ses petits poings avec les pouces à l'intérieur et les tient contre son visage, comme si ça l'aidait à supporter ou peut-être se protéger du mal. J'ai même souvent aimé Leonard, ce titan si doux, mi monstrueux mi bienveillant qui semble mener un terrible combat intérieur.
Les chapitres donnent la paroles aux personnages à tours de rôle, nous partageant leurs pensées et leurs souvenirs ce qui attise la peur des événements à venir. Pourtant, des questions resteront sans réponses, ce qui m'a un peu frustrée. Et si le pourquoi de l'ultimatum était sans réelle importance. Et s'il fallait essentiellement voir dans cette histoire le côté humain avant tout, avec ses failles et ses forces !? Peut-être juste réfléchir sur la tolérance, l'altérité, l'ouverture d'esprit, le don de soi, la préservation de notre habitat dont nous devrions vraiment nous soucier. Peut-être est-ce simplement un hymne à l'amour... l'amour de l'humain, l'amour de la Terre.
En tout cas, ce roman m'a avalée dès le début, je dois bien avouer que je ne l'ai pas lâché.
Citations :
Page 25 : Wen soupire.
— J’ai deux pères. (Elle garde les bras croisés.) Je rajoute leur prénom pour qu’ils sachent à qui je m’adresse.
Un de ses copains d’école, Rodney, a deux papas lui aussi, mais il déménage à Brookline à la fin de l’été. Sasha a deux mamans, mais Wen ne l’aime pas trop, elle veut toujours commander. D’autres camarades du quartier ou de l’école ont juste une mère ou un père, certains ont ce qu’ils appellent un beau-père ou une belle-mère, ou alors le compagnon de leur mère ou la compagne de leur père, ou encore quelqu’un à qui ils ne donnent pas de nom spécial. La plupart des enfants qu’elle connaît ont un père et une mère, cela dit.
Page 177 : Elle passe un marché avec le dieu-tueur de Leonard, un dieu en lequel elle ne croit pas, mais qui lui fait très peur. L’image qu’elle a de ce dieu c’est tout le néant noir qui existe entre les étoiles quand on regarde le ciel la nuit, et ce dieu du vide infini est assez grand pour avaler la Lune, la Terre, le Soleil, la Voie lactée, si grand qu’il ne peut s’occuper de rien ni personne.
Page 197 : Il avait prévu de lui dire la vérité à propos de cette cicatrice quand elle serait plus grande, quand elle aurait l’âge de comprendre. Il entretenait cet espoir irrationnel de sans cesse remettre à plus tard le jour où elle s’apercevrait que la cruauté, l’ignorance et l’injustice étaient les piliers de l’ordre social, aussi inéluctables que le temps qu’il fait.