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Mon avis : Dandara et les esclaves libres – Jarid Arraes

Publié le par Fanfan Do

Traduit du brésilien par Paula Anacaona

 

Éditions Anacaona

 

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Quatrième de couverture :

En pleine forêt tropicale brésilienne, au 17e siècle, des dizaines de milliers d'esclaves fugitifs regroupés dans le camp quilombo de Palmares résistèrent aux Portugais pendant un siècle. Zumbi en fut le chef mythique et Dandara, sa compagne, resta pendant longtemps dans son ombre. Aujourd'hui, plongez dans l'aventure de sa vie ! Rebelle et féministe avant l'heure, fine stratège, experte en capoeira, Dandara apparaît surtout comme une femme maîtresse de son destin -- et avide de justice et de liberté. L'auteure, se basant sur les études les plus actuelles, a décidé de réécrire cette histoire officielle qui a trop souvent omis la résistance des vaincus, et trop souvent oublié le rôle des femmes ! Écrit dans un style entraînant, Dandara et les esclaves libres s'adresse aux jeunes comme aux adultes, afin de découvrir un pan méconnu de l'histoire de l'esclavage et de célébrer ces femmes qui ont lutté pour notre liberté d'aujourd'hui. Une inspiration, pour que nous soyons tous, à notre façon, des héroïnes et des héros.

 

L’auteure Jarid Arraes écrit sur les femmes Afro-Brésiliennes qui ont marqué l’Histoire mais ont été injustement oubliées.


 

 

Mon avis :
Au XVIIème siècle, Dandara, guerrière d'origine africaine libérait les esclaves des portugais au Brésil.

Dandara est une des nombreuses femmes "oubliées" de l'Histoire. Elle reprend vie sous la plume de Jarid Arrares.
Entre légende et réalité, l'autrice fait aussi parler les dieux africains pour nous faire découvrir cette femme libre, effacée de l'histoire par les hommes, puisque Dandara vient d'Afrique et que personne ne sait quand et où elle est née ni quand elle est morte,

Cette histoire ressemble à un conte pour enfants par certains aspects. C'en est peut-être un d'ailleurs. C'est un peu comme si Dandara était tombée du ciel… Ah mais oui ! Suis-je bête ! Mais quelle belle façon de raconter un fait historique d'esclaves en rébellion contre leurs tortionnaires !!
Car ces esclaves évadés qui vivaient dans le camp quimbolo de Palmares firent trembler les colons, ces maîtres cruels des plantations. Ils devinrent leur pire cauchemar. Et Dandara, une femme, était à leur tête !
J'ai découvert en lisant cette histoire, le masque de Flandres, une cruauté qu'on infligeait à certains esclaves, dont j'ignorais l'existence.

On ressent bien l'opposition entre le désir de quiétude de ceux qui veulent juste vivre, en harmonie avec la nature, traqués par ceux qui sont aveuglés par le pouvoir, la réussite et l'argent.

J'ai bien aimé l'histoire, mais entre légende et magie, j'aurais préféré quelque chose qui se rapproche de la réalité historique car c'est ce qui m'intéresse avant tout. Mais comme nous l'explique l'autrice dans la préface, il est extrêmement difficile de trouver des documents sur Dandara. Beaucoup pensent même qu'elle n'a pas existé, que c'est une légende. C'est pourquoi Jarid Arrares a choisi cet angle là. Et de toute façon, ça nous raconte quand-même l'histoire d'une femme, une femme noire, une cheffe, une guerrière, qui fit trembler les hommes blancs, les esclavagistes. Et puis peu à peu, au fil du récit, on a de plus en plus le sentiment d'être proche de la réalité historique.

 

Citations :

Page 96 : Ils mettaient des jours à pouvoir dormir sans faire de cauchemars. L’esclavage ne causait pas seulement des douleurs physiques – les blessures infligées à l’âme étaient elles aussi difficiles à guérir. Avec l’aide des autres femmes de la communauté, Dandara s’occupait plus particulièrement des femmes fugitives et de leurs enfants, qui subissaient eux aussi des séquelles de ces abus. Le cercle vicieux de la violence, qui se transmettait de mère en fils, était difficile à briser. Il fallait venger toutes ces femmes.

 

Page 97 : C’était l’heure du grand final. Dandara savait qu’après cette nuit, tous les maîtres d’esclaves craindraient de finir comme Arnoso. Ils trembleraient dans leurs habitations luxueuses, redoutant que leurs terres ne soient envahies par les guerriers de Palmares. Plus aucun d’eux ne serait en sécurité chez lui, malgré les hommes de main et les chasseurs d’esclaves à leur solde. Ils n’auraient plus de repos.

 

Page 106 : Elle ne pouvait commettre d’erreurs, car elle était responsable de la vie de milliers de Palmarinos. Elle ne voulait pas voir son peuple brisé par les défaites, mais resplendissant du bonheur des victoires. Son âme se nourrissait de la libération et des sourires de ceux qui habitaient désormais avec eux et qui pouvaient vivre en harmonie avec la nature, travailler, produire et cueillir les fruits de leur travail, être récompensés par leurs efforts. Quand elle pensait à ceux qui souffraient encore, elle sentait sa poitrine se serrer et comprenait qu’elle devait encore faire plus, beaucoup plus.

 

Page 115 : - Tu es une larve immonde, Mendoça, et tu vas payer pour les cris que mes frères ont poussés entre tes mains ! Toi et tous les autres vous avez réduit mon peuple en esclavage, et avez accumulé des fortunes sur notre dos, au prix de notre sang !

 

Page 137 : Les colons mettaient les huttes à sac, et enchaînaient ceux qu’ils trouvaient sans aucune pitié pour les vieillards et les enfants. Écumant de rage, ils voulaient annihiler le quilombo et faire payer à ces Noirs libres leurs attaques passées ; ils voulaient les punir pour l’inquiétude qui avait perturbé le sommeil des maîtres de plantation.

 

 

 

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Mon avis : Cinq petits indiens – Michelle Good

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Isabelle Maillet

 

Éditions du Seuil – Voix Autochtones

 

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Résumé :

Canada, fin des années 1960. Des milliers de jeunes autochtones, libérés des pensionnats, essaient de survivre dans le quartier d'East Vancouver, entre prostitution, drogue et petits boulots.
Il y a Maisie, qui semble si forte ; la discrète Lucy, épanouie dans la maternité ; Clara, la rebelle, engagée dans l'American Indian Movement ; Kenny, qui ne sait plus comment s'arrêter de fuir, et, enfin, Howie, condamné pour avoir rossé son ancien tortionnaire.
D'une plume saisissante, Michelle Good raconte les destins entremêlés de ces survivants. Un roman choral bouleversant.


 

 

Mon avis :
Roman choral qui nous fait faire des sauts dans le temps en nous racontant l'histoire dramatique de cinq enfants amérindiens, parmi des milliers, qu'on enleva à leur famille pour les "désindianiser" dans des instituts religieux tenus par des sadiques pervers de la pire espèce.
Les Blancs voulaient tuer l'indien en eux, ils ont tué bien plus que ça… Ils leur ont mis la peur au ventre pour toujours et une colère inextinguible.

Kenny, Lucy, Maisie, Clara, Howie.
J'ai eu l'impression de lire ces vies comme en apnée, tant j'ai passé mon temps à avoir peur pour ces enfants, tant j'ai souffert de la terrible injustice qui leur a été faite. Enfermés, battus, humiliés, violés dès l'enfance, jetés dehors à 16 ans sans que rien ne les ait préparés à la vie à l'extérieur. Tout en ayant vécus à peu près les mêmes sévices, ils auront des vies différentes les uns des autres, avec leurs séquelles propres et leurs capacités à les surmonter ou pas.
J'ai tremblé pour eux devenus adultes, à me demander s'ils allaient parvenir à terrasser leurs démons et accepter la vie.
Mais pourquoi ceux à qui on a fait énormément de mal persistent-ils à s'en faire eux-mêmes ? Pourquoi deviennent-ils leur pire ennemi ?

Il y a cependant une infinie beauté au milieu de toute cette crasse. de la sororité, de la fraternité, de l'amour, un attachement indestructible à leurs origines, et surtout un lien indéfectible entre ceux qui sont passés par là, entre les mains sales des institutions religieuses. Ils sont une famille à tout jamais, pour le meilleur et pour le pire

Ce roman poignant m'a rappelé Jeu blanc de 
Richard Wagamese amérindien lui aussi, qui traite de ce qu'on a fait subir aux enfants des premières nations au Canada.
C'est une page d'histoire du peuple indien d'Amérique du nord qui nous est racontée là, qui parle du mal qu'on leur a fait, de leurs croyances qui les englobent dans un grand tout, qui les enracine dans cette terre qu'on leur a volée.
C'est un livre qui se dévore, entre colère, révolte et espoir, comme un cri qui nous dit "regardez ce qu'on nous a fait !" Et qui nous montre que beaucoup sont toujours debout. Sous cette magnifique couverture se trouve le récit de l'enfer vécu par des enfants mais aussi parfois de la résilience. Énormément d'émotions dans cette lecture, et un énorme coup de cœur !

 

Citations :

Page 77 : Un peu avant l’arrivée de Lucy, j’avais rencontré au Balmoral une fille qui venait de mon village. Après le traditionnel échange pour savoir qui étaient nos oncles et tantes respectifs, elle m’avait dit qu’elle était désolée pour ma mère. Je n’étais pas au courant, mais elle n’avait pas eu besoin d’ajouter quoi que ce soit. Javais rêvé si souvent au pensionnat de ce jour où je rentrerais auprès d’elle… Où je pourrais cuisiner avec elle, dormir en sécurité dans ma chambre, jouer librement et sans crainte sur la plage… J’aspirais désespérément à grimper de nouveau sur cette chaise devant la cuisinière, à remuer le contenu d’une casserole sous son regard attentif, comme quand j’étais petite. Mais hélas, redevenir un enfant, vivre à nouveau dans l’insouciance, sans peur, sans coups – personne n’a droit à une telle chance. Ne subsiste qu’un vide béant, un manque que rien ne peut combler.

 

Page 97 : Je voyais les pochetrons et les tapineuses déambuler sur la place, dans l’attente d’un verre ou d’un client. Et aussi les gens normaux qui, à peine sortis du bureau, marchaient à vive allure sans un regard pour les êtres brises qui s’étaient approprié cet endroit, les annihilant de leur indifférence. Je fumai encore, jetant à leurs pieds les mégots encore embrasés pour attirer leur attention.

 

Page 150 : - Est-ce qu’on a déjà eu droit au bonheur dans cette vie ? Demanda Lucy dans un souffle.

 

Page 165 : « Pour qui se prennent-ils, tous ces Blancs ? Notre peuple a sauvé leur misérable peau quand ils ont débarqué, morts de faim et de froid. Et comment nous ont-ils remerciés ? En répandant la haine et le meurtre. Ils n’étaient pas si nombreux, mais tout a changé. Nous ne sommes pas si nombreux, mais nous aussi nous changerons tout, et je suis prête à sacrifier ma vie pour reprendre ce qui nous appartient. »

 

Page 174 : Pensez au tambour, au cœur qui bat, aux chants, et à la façon dont tous ces sons merveilleux résonnent en un écho porté par le vent venu de nos ancêtres, qui soufflera aussi sur la vie des enfants de nos enfants.

 

Page 324 : - Si tu y réfléchis, avait-il poursuivi, toute notre enfance a été marquée par le malheur, la destruction et la mort. Combien y en a-t-il aujourd’hui qui n’arrivent pas à supporter leurs propres souvenirs ? Ils ont besoin que la vérité soit dite.

 

 

 

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Mon avis : Sur la route de Madison – Robert James Weller

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Anne Michel

 

Éditions Pocket

 

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Quatrième de couverture :

Francesca Johnson, fermière de l'Iowa, était seule cette semaine-là ; son mari et ses enfants s'étaient rendus en ville pour la foire agricole. Sa rencontre avec Robert Kincaid, écrivain-reporter qui photographiait les ponts du comté de Madison, eut lieu au cours de l'été 1965. Dès leur premier regard, ils surent qu'ils étaient faits l'un pour l'autre de toute éternité. Ils ne disposaient que de quelques jours pour se connaître, s'aimer et vivre une vie entière de passion silencieuse, avide et sans espoir.


 

 

Mon avis :
Qui ne connaît pas cette histoire ? Moiii !!! Enfin si, vite fait dans les grandes lignes mais alors que beaucoup de gens ont adoré le film, je ne l'ai jamais vu. Donc quand j'ai trouvé le livre dans un vide-greniers, je n'ai pas hésité un instant.

L'amour passion, est-ce que ça peut exister à n'importe quel âge ?

Robert Kincaid est photographe. Il a été un enfant hors norme, mystérieux, étrange et secret. Devenu photographe, alors qu'il est dans la cinquantaine, solitaire et célibataire, il rencontre au hasard d'un repérage, Francesca, née à Naples, fermière dans l'Iowa, mère et épouse qui se sent transparente.

Alors contrairement à ce que je pensais en attaquant cette lecture, je me suis terriblement ennuyée ! J'ai trouvé la narration très bizarre, faite parfois de longs monologues de Robert entrecoupés de quelques lignes sur la façon dont Francesca fait cuire ses légumes. Il y a néanmoins de la beauté dans cette rencontre. Deux personnes aimant la poésie, cultivées, dans la maturité, avec un charisme subtil, pourtant tous deux résignés dans leurs solitudes, mais dans une sorte d'osmose, comme deux âmes sœurs qui se rencontrent enfin au bout d'une longue errance. "Voilà pourquoi je suis sur cette planète, maintenant, Francesca. Pas pour voyager ou faire des photos, mais pour t'aimer. Je le sais aujourd'hui. Je suis tombé du cercle d'un lieu très haut, très grand, il y a longtemps, des années avant de vivre cette vie. Et pendant toutes ces années, je tombais vers toi."

Leur histoire d'amour est belle parce qu'elle est empêchée. Les plus belles histoire d'amour sont celles qu'on ne concrétise pas. Enfin… il me semble.

C'est plein de belles pensées, sur la vie, le désir, le mariage fossoyeur de l'amour ou au moins du désir, les chimères de notre époque, la beauté du monde, d'un lever de soleil, d'un crépuscule à l'heure où les phalènes s'envolent, l'illusion de ce que nous sommes nous petits humains présomptueux… pourtant, aux deux tiers je m'ennuyais toujours…

Heureusement le roman est court car sinon je ne sais pas si je l'aurais lu jusqu'au bout. Et j'aurais eu tort…

J'ai trouvé le dernier tiers du roman absolument magnifique, totalement bouleversant et je me suis demandé si l'auteur avait un jour été amoureux au-delà de tout, pour réussir à retranscrire aussi bien les élans du cœur quand ils atteignent la passion. Et ne serait-ce que pour la fin, ce roman valait la peine que je m'y accroche, tant elle envoûte par la poésie qu'elle distille.

 

Citations :

Page 20 : Je sais qu’il est mon fils, mais j’ai parfois l’impression qu’il ne vient pas de moi et de mon mari, mais d’un autre endroit où il essaie de retourner.

 

Page 34 : Elle regarda à nouveau la photographie, l’étudia. « J’étais effectivement belle », pensa-t-elle, se moquant d’elle-même pour cette légère trace de vanité. « Je n’ai jamais eu l’air si belle ni avant ni après. C’était lui. »

 

Page 59 : « C’est une chose à laquelle je ne me suis jamais faite, que je n’ai jamais comprise, qu’ils puissent déployer un tel amour et une telle attention envers leurs animaux et les vendre pour la boucherie. Je n’en parle pas, cela dit. Richard et ses amis me sauteraient dessus immédiatement. Mais il y a une sorte de contradiction froide, impitoyable dans tout cela. »

 

Page 83 : Mon Dieu, qu’est-ce qu’il avait donc de si spécial ? Il était comme un habitant des étoiles qui se serait accroché à la queue d’une comète avant de tomber au bout de son allée.

 

Page 101 : En se frottant contre elle, il lui embrassait les lèvres ou l’oreille, ou passait sa langue le long de son cou, la léchant comme le ferait un beau léopard dans le vled. Il était un animal. Un animal mâle souple et fort qui ne faisait rien ouvertement pour la dominer, mais la dominait pourtant complètement, exactement comme elle le voulait à ce moment-là.

 

Page 104 : "Voilà pourquoi je suis sur cette planète, maintenant, Francesca. Pas pour voyager ou faire des photos, mais pour t'aimer. Je le sais aujourd'hui. Je suis tombé du cercle d'un lieu très haut, très grand, il y a longtemps, des années avant de vivre cette vie. Et pendant toutes ces années, je tombais vers toi."

 

Page 109 : Viens voyager avec moi, Francesca. Ça ne pose pas de problème. Nous ferons l’amour sur le sable du désert, nous boirons du brandy sur les balcons de Mombasa en regardant les dhaws de l’Arabie hisser leurs voiles dans la première brise du matin. Je te montrerai les contrées du lion et une vieille ville française dans la baie du Bengale avec un merveilleux restaurant sur un toit, et les trains qui prennent les chemins de montagne et les petites auberges basques des Pyrénées. Dans une réserve de tigres du sud de l’Inde, il y a une petite île au milieu d’un énorme lac. Si tu n’aimes pas voyager, j’ouvrirai une boutique quelque part et je deviendrai le photographe local, je ferai des portraits ou n’importe quoi pour nous faire vivre.

 

 

 

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Mon avis : Shit ! - Jacky Schwartzmann

Publié le par Fanfan Do

Éditions Du Seuil

 

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Quatrième de couverture :

Quand Thibault débarque à Planoise, quartier sensible de Besançon, il est loin de se douter que la vie lui réserve un bon paquet de shit. Conseiller d’éducation au collège, il mène une existence tout ce qu’il y a de plus banale. Sauf qu’en face de chez lui se trouve un four, une zone de deal tenue par les frères Mehmeti, des trafiquants albanais qui ont la particularité d’avoir la baffe facile. Alors que ces derniers se font descendre lors d’un règlement de comptes, Thibault et sa voisine, la très pragmatique Mme Ramla, tombent sur la cache de drogue.
Que faire de toute cette came ? Lorsque notre duo improvisé compare ses fiches de paie avec le prix de la barrette, il prend rapidement une décision. Un choix qui pourrait bien concerner tout Planoise.

 

 

Mon avis :
J'ai littéralement eu le coup de foudre pour ce livre dès que je l'ai vu dans la vitrine de la librairie ! La couv ? le titre ? le bandeau signé 
Thomas VDB ? Sûrement les trois, même si je ne connais pas Breaking bad, mais j'adore Thomas VDB... Ma fille aussi tentée que moi ! Nous sommes donc reparties de là avec le dernier exemplaire sous le bras.

Grand bien nous en a pris !!!...

Dès la première page j'ai aimé le style, l'écriture sarcastique, drôle, énergique, à l'humour caustique, le langage, qui me parle à moi comme moi je parle, et puis les réflexions marrantes sur les gens et la vie. C'est politiquement incorrect, voire carrément immoral mais putain qu'est-ce que c'est bon à une époque où on doit bien mesurer chaque parole qui sort et où, par exemple, manifester pour une bonne cause est devenu très mal.

Jacky Schwartzmann met des "horreurs" dans la bouche de Thibault Morel qui est CPE dans un collège en zone sensible, il a des pensées, des idées, des réflexions sur le consumérisme, la superficialité et la futilité, que j'ai adorées. Et je me suis mise à imaginer le surgé de mon adolescence parler comme ça, le mal surnommé Baloo, costard-cravate, gros connard et distributeur de baffes. Et non, ça le fait pas !

Thibault, et Myriam sa voisine, deviennent dealer pour la bonne cause et experts en blanchiment d'argent sale. Des Robin des bois de la zone en somme. Ils dealent et font le bien autour d'eux et on part dans des délires souvent très drôle. Ça nous présente le trafic de drogue comme une économie parallèle indispensable qui fait du bien à tout le monde. Tiens, tiens…

Je mettrai toutefois un bémol dans ce roman. J'ai failli l'adorer. Mais page 60, ceux qui ne veulent pas de porc à la cantine ont raison alors que ceux qui veulent manger végétarien sont des ayatollahs de la bouffe. Pourquoi ??? Sans porc c'est bien, sans viande c'est haram ?? Hallal oui, veggie non ! Mais qui pense ça d'ailleurs ? 
Jacky Schwartzmann ou Thibault Morel ? Parce que là, tout comme Thibault Morel juge les crétins de tous poils qui ont des valeurs foireuses, il pourrait s'auto-juger pour intolérance crasse, zéro empathie, ouverture d'esprit en berne et conscience écologique inexistante. Finalement, pages 104 et 105 on a la preuve que Thibault est un crétin borné qui parle de ce qu'il ne connaît pas, assénant au passage des clichés ressassés jusqu'à l’écœurement "[…] nous mangerions du foin et des pruneaux arrosés de jus de pissenlit". Dommage, je l'aimais bien avant d'avoir la certitude que c'est un ayatollah du carnisme avec une pensée de boomer. Et encore une couche page 200 et 201 : antispéciste militante = asexuée. Waouhhh c'est du lourd ça ! Surtout du gros relou ! L'auteur aurait-il des comptes à régler ? Mais revenons à nos dealers…

Ils font le bien de beaucoup de familles dans le besoin, mais en vendant de la drogue. Hmmm, Hmmm… Auto-entreprenariat dans le 
shit, ONG du spliff, vision à grande échelle, adrénaline, le grand frisson du risque mais le risque de se faire coffrer ou pire, se faire buter.

N'empêche, sous ces airs de grosse farce invraisemblable, ce livre nous énumère un paquet de travers de notre société et nous dit que l'égalité des chances c'est plutôt une vue de l'esprit. C'est le système d'qui prévaut quand on n'a pas la chance d'être né au bon endroit.

Ce roman embarque le lecteur dès la première page, l'écriture est fluide et dynamique. J'ai aimé beaucoup de choses, notamment ce que ça dit de nous, des salauds et des gens bien, du monde tel qu'il est, absurde et dégueulasse, qui porte certains très au dessus du sommet tout en laissant beaucoup d'autres dans le caniveau.

C'est souvent drôle et même jubilatoire, mais exaspérant tout autant. L'auteur se veut peut-être un peu trop donneur de leçon, pensant détenir La Vérité. Ou alors c'était du second degré, mais vraiment je ne sais pas.

 

Citations :

Page 13 : Les enfants sont les pires salauds pour tout ce qui touche au physique, c’est injuste, c’est comme ça. Ici, l’apparence physique revient presque à un crime contre l’humanité.

 

Page 21 : Qu’un gars soit un acharné de boulot, on ne regardera pas trop le reste. Il est infect avec sa femme ? Odieux avec ses enfants ? Il tue des adolescentes, les découpe à la scie égoïne et balance les morceaux à ses chiens ? Certes, mais attention : c’est un sacré bosseur.

 

Page 75 : J’ai toujours considéré qu’un conducteur de Lamborghini, par exemple, représentait la lie de l’humanité. Impossible d’être plus abruti. J’ai appris récemment qu’un des joueurs du PSG s’était fait voler à son domicile une montre d’une valeur de 600 000 euros. Je ne suis pas loin de penser que le plus répréhensible, ce n’est pas de voler une telle montre, mais de l’acheter. Que se passe-t-il dans la tête de ce con le jour où il conçoit qu’il peut se payer une montre valant quasiment une vie d’ouvrier ? Au poteau, ça ! Au bûcher !

 

Page 112 : Elle est aussi méfiante que si je m’apprêtais à braquer la Banque de France. Pourtant, j’ai un physique de phasme, une tête de jeune premier et l’agressivité d’une aubergine marinée.

 

Page 122 : Les gens de banlieue, les prolos en général, ne s’embarrassent pas de fioritures, de politesses exagérées et fausses. Ils cassent, clashent, s’emportent et redescendent aussitôt, montagnes russes de la parole. Il faut simplement accepter de se faire rembarrer, casser, chambrer, et être prêt à dégainer très vite pour rendre la pareille.

 

Page 151 : C’est vrai qu’on s’est un peu emballés, Myriam et moi, pour les vélos. Y en a eu pour 15 000 balles, quand-même. Mais avez-vous déjà essayé de dépenser 100 000 euros en liquide, vous ?

 

Page 153 : Étudier à Sciences Po et sucer des bites pour joindre les deux bouts n’est pas forcément antinomique. On pourrait même considérer qu’il s’agit d’une sorte de stage, tant la carrière politique, pour une jeune femme issue d’un quartier sensible, consiste à avaler des couleuvres : plus grosses elles seront, plus loin elle ira. Sans compter les cochons qui ne manqueront pas de croiser son chemin, hommes de pouvoir qui confondent fonction et séduction, affinités et fellation, drague sympa et sodomie.

 

Page 185 : La condition humaine est si fragile que nous passons la moitié de notre temps à nous sustenter, nous reposer, et l’autre moitié à chercher les moyens de nous sustenter, nous reposer. Dieu nous a ratés. Nous sommes des vivants dégradés. Faibles. Et les actions à accomplir afin de rester en vie sont chiantes.

 

Page 218 : - C’est toi qui aides les gens, alors que tu es un petit Français, un Blanc. Tu es censé être raciste. Tu sais, l’islamophobie, le racisme systémique

 

 

 

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Mon avis : Contrition – Carlos Portela - Keko

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Alexandra Carrasco

 

Éditions Denoël Graphic

 

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Quatrième de couverture :

La loi très restrictive de Floride interdit à tout individu condamné pour délit sexuel de vivre à moins de 1 000 pieds d'un endroit où étudient ou jouent des enfants. C'est ce qui fait de Contrition Village un terrible ghetto de pédocriminels, violeurs et harceleurs. Et, forcément, quand une mort bizarre par immolation frappe l'un de ses résidents, l'enquête ne peut prendre qu'un tour de plus en plus noir à mesure qu'elle s'enfonce dans les ténèbres d'une Amérique hantée par le péché.

 


 

Mon avis :
Les lois américaines contre les pédophiles aux États-Unis sont beaucoup plus sévères que chez nous et c'est ce qui m'intéressait avant tout dans cette histoire car, y a-t-il une rédemption possible chez ces criminels-là ?


Contrition est un village-ghetto où sont concentrés des pédocriminels. Dans les jardins, plantés devant les maisons se trouvent des panneaux précisant que là, vit un prédateur sexuel. C'est à la fois terrifiant et tellement dégradant. Pourtant ce qu'ils ont fait l'est tout autant. Mais je ne peux m'empêcher de penser que trop souvent, les pédophiles sont d'anciennes victimes de pédophiles et je trouve terrible qu'on ne les ai jamais aidés. Ça aurait sans doute permis, entre autre, de briser ce cercle vicieux tout en réparant ces enfants détruits, qu'à leur tour ils ne détruisent pas un jour d'autres enfants.

Christian Nowak est retrouvé carbonisé chez lui. Les questions se bousculent, suicide, négligence ou meurtre ? Beaucoup, y compris du côté des autorités, considèrent qu'il n'a eu que ce qu'il méritait.

Marcia Harris, journaliste ambitieuse qui écrit sur la dégradation urbaine à Nahokee, va pourtant enquêter sur cette mort qui s'avère d'emblée intrigante lorsqu'un grain de sable, et pas des moindres, est découvert à l'autopsie.

L'histoire nous amène à nous interroger. Est-ce qu'on attache autant d'importance à la mort d'un prédateur ?

Il est aussi question de féminisme à travers les ambitions de Marcia et de sa vie privée compliquée car maman d'un petit garçon, elle peut difficilement compter sur son conjoint qui semble considérer que s'occuper de l'enfant ne relève que de la mère.

J'ai vraiment adoré ce livre au graphisme très sombre qui sied à merveille à la noirceur du thème ainsi que l'ambiance et les décors qui nous plongent totalement aux États-Unis, mais aussi l'histoire qui traite de nombreux sujets comme le harcèlement, les sévices en milieu scolaire, le viol, la prédation sur Internet, le suicide, le deuil, la double peine, la difficulté d'être femme, et ce suspense bien ficelé, car on ne sait pas où on va... mais on sait qu'on va le savoir. Eh ouais !

Une BD magnifique qui traite en finesse un sujet extrêmement douloureux.

Merci à Babelio Masse Critique et à Denoël Graphic pour la découverte de cette magnifique BD.

Citations :

Page 16 : Désolé de t’avoir tirée du lit pour ça. Cette ordure ne mérite même pas un entrefilet dans le journal.

 

Page 45 : Indépendamment de la morale, nous avons tous une explication à donner à nos actes.

 

Page 83 : Quelqu’un m’a dit un jour que les circonstances pouvaient nous pousser à commettre des horreurs. Mais je n’ai jamais su quoi en penser.

On a mal agi. Mais une personne qui fait des choses mauvaises est-elle forcément une mauvaise personne ?

 

 

 

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Mon avis : Poster Girl – Veronica Roth

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Alice Delarbre

 

Éditions Michel Lafon

 

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Quatrième de couverture :

Pendant des années, Sonya a été le visage de la Délégation, un régime totalitaire impitoyable.
Mais depuis que les rebelles ont pris le pouvoir il y a dix ans, la jeune femme croupit dans la ville-prison réservée aux opposants politiques.
Quand un vieil ennemi lui demande l'impossible en échange de sa liberté, l'ex-Poster Girl ne peut qu'accepter.
Quitte à déterrer un sombre passé.

 

Jusqu'où iriez-vous pour votre liberté ?

 


Mon avis :
Dans un futur proche, l'Objectif est une prison à ciel ouvert, où les détenus sont obligés de faire le service d'ordre eux-mêmes sous peine de représailles.

Dedans il y a les opposants politique, dont Sonya issue d'une famille de privilégiés, qui n'est autre que 
Poster girl la fille de l'affiche dont la photo a servi à la propagande. Elle est la figure déchue de la Délégation, ce régime totalitaire déboulonné par le Triumvirat. Elle se voit confier une mission qui pourrait lui permettre de recouvrer sa liberté : retrouver une enfant qui a été volée à ses parents dix ans plus tôt, peu avant la chute de la Délégation.

Alors bien sûr, dans cette histoire on nous fait comprendre que la dictature c'est mal : la pensée unique, l'absence de libre arbitre, de choix personnels, de liberté de pensée, et les actions toujours récompensées ou sanctionnées selon qu'elles sont positives ou négatives pour le régime, qui sait susciter la duplicité et la cupidité pour les âmes les plus vénales et du coup la délation pour le bien commun et de fait une forme d'infantilisation. J'ai l'air de me moquer, mais non. Un seul enfant par foyer (Chine), enfants volés (Argentine, Chili, Russie), ça reprend les grands thèmes qu'on connaît hélas trop bien. J'ai aimé suivre le cheminement de Sonya, convaincue que la dictature c'était bien, que c'était l'ordre et qu'il n'y avait pas de raison sensée de désirer autre chose. Pourtant, à 27 ans ça fait dix ans qu'elle est en prison et elle continue d'avoir foi en ces diktats qu'on lui a inculqués. C'est la force de l'endoctrinement dès le plus jeune âge. Et puis c'est tellement facile de ne pas penser par soi-même, d'avoir des idées prédigérées. Non ?

Non bien sûr. Mais va-t-elle le comprendre ?

Ce livre m'a donné à réfléchir sur la société en général. Car si certaines règles sont des carcans dans les états totalitaires, il y a certaines façons de voir les choses qui sont écoeurantes et qui pourtant existent dans nos sociétés soi-disant démocratiques, comme les passe-droits pour les nantis et les prétendues élites, en toute bonne mauvaise foi.

Il est aussi question de transhumanisme, chose terrifiante vers laquelle on se dirige, tranquillement mais sûrement, et de nouvelles technologies qui ne sont pas vraiment nos meilleures amies car presque toujours dévoyées. Mais bien souvent l'enfer est pavé de bonnes intentions…

Sonya va mener son enquête, se frotter à de multiples dangers, découvrir des aberrations de l'ancien système, mais peut-être aussi du nouveau, et enfin découvrir la vie et se découvrir elle-même… le chemin est parfois long jusqu'à la liberté.

Encore un roman que j'ai beaucoup aimé et qui va continuer à faire son chemin bien après l'avoir refermé.

 

Citations :

Page 41 : C’est une sensation à la fois familière et inédite. Ses parents lui ont fait implanter la Perception dans son cerveau quand elle était toute petite, suivant à la fois la loi et la coutume. Une intervention brutale, en un sens – une grosse aiguille plantée dans le coin de l’œil d’un nouveau né. Mais les différentes cultures ont toujours accueilli la brutalité tant qu’elle est au service d’un bien supérieur, parfois même alors que ce n’était plus nécessaire depuis longtemps. Baptême par immersion, circoncision. Rites initiatiques.

 

Page 65 : Roger ne semblait pas gagner beaucoup de cryptodeniers, ce qui suggérait une incapacité à prendre part à la vie de la société. Quant à Eugenia, elle perdait les siens par négligence – des petites choses sans gravité comme traverser la rue en dehors des zones autorisées, monter dans une rame avant que les autres usagers descendent, jurer devant sa fille. Rien de très notable.

 

Page 150 : Quand elle essaie de se remémorer cette époque, c’est le trou noir. Elle sait qu’elle n’avait aucun désir d’affronter le monde extérieur, qu’elle se sentait comme le chat de Schrödinger dans sa boîte, à la fois vivante et morte – ou peut-être ni l’un ni l’autre. Et c’était plus simple d’adopter cet état d’esprit à l’Objectif, où de toute façon personne n’ouvrirait la boîte, précipitant ainsi le destin de ceux qui y étaient enfermés.

 

Page 210 : - Si tu savais comme je l’emmerde, ma liberté, Sasha ! Qu’est-ce que je deviendrais dehors, hein ? Je n’ai ni famille ni amis. Je ne sais rien faire. Je n’ai plus aucun rêve.

 

Page 213 : Les lampes, toutes allumées, donnent aux visages de la foule un éclat inquiétant, fantomatique. C’est de circonstance, puisqu’ils ont tous perdu des êtres chers, puisqu’ils ne sont plus que des vestiges incomplets, hantés.

 

 

 

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Mon avis : Homesman – Glendon Swarthout

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Laura Derajinski

 

Éditions Gallmeister

 

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Quatrième de couverture :

Au cœur des grandes plaines de l'Ouest, au milieu du XIXe siècle, un chariot avance péniblement, à rebours de tous les colons. A l'intérieur, quatre femmes brisées, devenues folles au cours de l'hiver impitoyable de la Frontière, et que la communauté a décidé de rapatrier dans leurs familles. Une seule personne a accepté de faire cet éprouvant voyage de plusieurs semaines : Mary Bee Cuddy, une ancienne institutrice solitaire qui a appris à toujours laisser sa porte ouverte. Mais à cette époque, les femmes ne voyagent pas seules. Briggs, un bon à rien, voleur de concession sauvé de la pendaison par Mary Bee, doit endosser le rôle de protecteur et l'accompagner dans son imprévisible périple à travers le continent.

 


Mon avis :
Ça commence très fort, par une ambiance extrêmement triste puis un évènement glaçant. On est prévenu, ça va être dur, sans doute même terrible.

Quatre femmes sont devenues folles durant l'hiver, dans ces lieus éloignés de tout où elles vivent avec mari et enfants. Est-ce l'âpreté de la vie, la dureté de l'hiver, la faim qui les tenaille en permanence, les grossesses à répétition ou bien autre chose, comme le poids énorme d'être la clé de voûte de la famille ?

On apprendra peu à peu pourquoi elles ont perdu la raison…

Cette histoire de pionniers fait la part belle aux femmes, démontrant si besoin était à quel point elles portent énormément sur leurs épaules, à quel point elles sont fortes, hélas parfois jusqu'à la cassure. Pourtant l'Histoire les a toujours laissées dans l'ombre des hommes. Avec ce roman, 
Glendon Swarthout leur rend la lumière qui leur a été volée et nous rappelle que certains hommes sont lâches.

C'est une lecture passionnante, avec un personnage féminin haut en couleur, Mary Bee Cuddy, ancienne institutrice, totalement atypique pour l'époque puisque célibataire, indépendante, extrêmement déterminée et grande gueule mais aussi totalement altruiste et généreuse. Pourtant elle semble avoir des fêlures. Son binôme, George Briggs à qui elle a sauvé la vie, est rustre, pas causant et peut-être pas fiable mais indispensable dans la mission d'aller ramener auprès de leurs proches, leurs familles d'origine, ces quatre femmes devenues folles. Car dans l'ouest, il n'y a plus rien pour elles : pas de soins, pas d'asile. Juste une vie qui tient de la survie et du combat quotidien, pour lequel elle ne n'ont plus ce qu'il faut.

Cette histoire m'a comme assommée, plusieurs fois, à cause d'événements d'une extrême violence auxquels je ne m'attendais pas.

Ce récit nous démontre que rien n'est jamais noir ou blanc et que rien n'est gravé dans le marbre. On avance parfois à tâtons, et la vie se charge de nous assouplir le cuir alors qu'on s'était forgé une armure et les certitudes s'effondrent les unes après les autres.

J'ai aimé les personnages, Mary Bee Cuddy et George Briggs, tellement aux antipodes l'une de l'autre, qui avaient beaucoup à gagner au contact de leur altérité mais aussi au contact de ces quatre femmes dont l'esprit s'est réfugié dans la folie.

J'aurais sans doute aimé plus de pages afin que soient un peu plus approfondies les personnalités de Mary Bee et de Briggs que j'ai trouvés passionnants. Néanmoins j'ai beaucoup aimé cette histoire âpre et terrible, très éloignée des westerns hollywoodiens de mon enfance.

L'Amérique s'est construite sur beaucoup de douleurs et de sacrifices, c'est difficile d'imaginer que c'était il y a si peu de temps… Enfin, cette histoire se passe il y a presque deux cents ans, ça me paraît loin et proche à la fois.

 

Citations :

Page 12 : Vester avait quarante-quatre ans. Il posa la main sur le ventre de sa femme et lui dit que le bébé n’était pas de sa faute. L’homme avait des besoins, dit-il, et le seigneur avait créé la femme pour les assouvir.

 

Page 18 : C’était comme si une immense tombe s’était ouverte pour laisser entrer la lumière, la lumière aveuglante. Depuis le ciel bleu, le soleil bénissait tout en contrebas. Le corps de la plaine, froid, silencieux, blanc et immense, était enfin à nu. Hommes, femmes et enfants, enterrés pendant l’hiver comme des bêtes, sortaient de terre pour voir ce que les mois d’obscurité, de tempêtes et de mort s’étaient infligés les uns aux autres. Certains désespéraient. D’autres accueillaient le printemps. D’autres, encore, remerciaient Dieu.

 

Page 34 : Il est paresseux. Il est ignorant. C’est un pleurnichard. C’est Theoline qui était forte. C’était elle, le pilier de la famille.

 

Page 77 : Il resta sur son cheval et la dévisagea. Elle aurait tout aussi bien pu lui parler en hottentot. Elle savait reconnaître un loup solitaire quand elle en voyait un.. Un solitaire ne pouvait pas comprendre un ordre, évidemment, ni même une suggestion, mais, ce qui l’exaspérait d’autant plus, c’est qu’il ne semblait jamais avoir entendu prononcer le mot coopération. Un tel homme vivait seul au monde, pensant que la planète tournait pour son propre confort et à sa convenance.

 

Page 127 : Les pages du calendrier s’égrenaient. Le lit conjugal avait fini par leur tourner le dos. Les relations sexuelles, qui avaient un jour été un acte d’amour, puis une corvée aussi routinière que de mener le taureau à la vache, étaient désormais un acte exécuté dans un silence désespéré, après seize ans de mariage. Ils n’avaient pas d’enfants, mais ce n’était pas faute d’essayer. Chaque nuit, sauf quand elle avait ses règles, le mari passait une jambe par dessus son épouse, relevait sa chemise de nuit, la montait, s’affairait sur elle comme s’il maniait un pied-de-biche ou une hache, versait sa semence, roulait sur le côté et s’endormait. Ils n’échangeaient aucun mot doux. Ils ne s’embrassaient pas.

 

Page 142 : Un homme de piètre morale. Un ignorant. Un rustre. Un abruti. Une brute – seule une brute aurait pu fendre ainsi le cuir chevelu de Vester Belknap. Elle fouillait dans son vocabulaire en quête du terme qui pourrait le décrire à la perfection. La plupart des hommes qui venaient s’installer dans les Grandes Plaines étaient des hommes bien, robustes et courageux, qui craignaient Dieu et avaient de l’ambition, c’étaient des pères de famille. Oh, il y avait certes des exceptions, la lie de l’humanité, les hors-la-loi et les bons à rien. La catégorie intermédiaire représentait les fruits pourris mis au rebut, des gens inférieurs en tout point, qui prenaient tout ce qu’ils pouvaient sans jamais rien donner en retour. Eurêka. Elle avait trouvé le terme. Le voleur était un fruit pourri.

 

 

 

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Mon avis : Une vie de malade – Nadim Aswissri

Publié le par Fanfan Do

Auto-Éditions

 

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Quatrième de couverture :

Depuis la nuit des temps l'être humain est confronté à toutes sortes de maladies : la peste, le choléra, la grippe espagnole et récemment, le Covid 19. Et depuis toujours, l'homme a tenté d'y remédier : il a fabriqué des médicaments, mis au point des traitements, conçu des tenues spécifiques pour éviter la contamination. En 2020 ne t'a-t-on pas dit que le meilleur moyen de te protéger était de porter un masque sanitaire ?
Aujourd'hui l'un d'entre eux a décidé de prendre la parole ! En te plongeant dans son journal intime, tu vas vivre une aventure fantastique et palpitante. Au programme : de l'action, de l'amour, de l'espoir et même une pointe de philosophie. Cette histoire, c'est la pandémie comme tu ne l'as jamais vécue, jamais imaginée.
Tout au long de ce récit loufoque et absurde, le narrateur t'entraînera au plus profond de la crise sanitaire, en te contant la destinée de ceux que tout le monde a détestés et voulu oublier au plus vite : nos amis les masques.

 

 

Mon avis :
Grandeur et décadence d'un masque sanitaire en temps de covid et après !
Le narrateur est un masque, né en Chine en décembre 2019, dans une "maternité" nommée Bâtiment 567 Gangdong, moche et qui pue l'alcool à brûler. Il nous raconte le triste sort de ses congénères qui ne sont pas conformes et là, ça m'a fait rire. Sauf que ça résonne étrangement avec notre société humaine, où on a tendance à vouloir cacher ce qui nous dérange, et ça devient beaucoup moins drôle. Ça m'a rappelé une phrase de notre président "Il y a ceux qui réussissent et ceux qui ne sont rien."

En nous racontant l'histoire et la vie d'un masque, l'auteur fait un parallèle avec nous. Au bout d'un temps qui a paru long à notre ami le masque, le périple pour l'inconnu commence en mars 2020, ce qui galvanise les troupes grâce à une impression d'être importants puisqu'ils ont passé les sélections. Mais quand ils vont découvrir leur destin, le but de leur existence, le choc sera violent.

Cette histoire est drôle, plutôt barrée, car avoir imaginé la vie et les pensées d'un masque avec qui nous avons passé tant de temps pendant la pandémie relève d'un esprit inventif. Ce n'est pas que drôle. le masque nous parle de la différence, de fidélité, d'amour, d'écologie, j'ai eu l'impression de traverser un moment de grâce. En fait, le masque nous parle de nous et ce qu'il dit est beau, enfin, pas toujours, parce que nous ne sommes pas toujours très glorieux.

 

 

Citations :

Page 9 : Et si c’était notre sort à tous ? Non, non… Moi je suis différent. Je fais partie de ceux qui ont de la chance… Il ne semble pas bon naître infirme ou différent dans cette société qui semble beaucoup se préoccuper de la perfection, de l’uniformité.

 

Page 24 : Et si au final notre destin n’était que cela ? Être plaqué pour le restant de notre vie à un visage sans pouvoir bouger et devoir supporter tous les inconvénients que cela implique ? Les sécrétions nasales, la salive, les poils qui grattent, les odeurs nauséabondes des haleines fétides ?

 

 

 

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Mon avis : Wilderness – Lance Weller

Publié le par Fanfan Do

Traduit par François Happe

 

Éditions Gallmeister

 

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Quatrième de couverture :

Sur la côte du Pacifique Nord-Ouest, Abel Truman vit avec son chien pour unique compagnon. Hanté par la Guerre civile américaine, il décide de partir pour un ultime voyage vers l'est, guidé par ses souvenirs. Mais un homme au visage déchiré et un Indien aux yeux sans éclat l'attaquent et lui dérobent son chien. Laissé pour mort par ses assaillants, Abel part sur leurs traces à travers les Olympics Mountains menacées par la neige. Sa quête l'entraînera sur la route de son passé et vers une rédemption qu'il n'espérait plus. Wilderness est une fresque ambitieuse qui décrit la course contre la mort d'un homme à travers l'histoire et le continent américain.

 


 

Mon avis :
L'histoire débute en 1965 avec Jane Dao-ming Poole, seule dans sa chambre d'une maison de retraite. On entrevoit ses souffrances passées…
Elle remonte dans ses souvenirs et, en 1899, dans la vie d'Abel Truman, son deuxième père.
On plonge là dans des abîmes de noirceur où il n'est question que de souvenirs de guerre, de peur, de mort, de souffrance, de douleurs, de chagrins, de blessures mal guéries et de solitude.

On fait des allers-retours entre 1899, quand Abel est vieux, malade et seul avec son chien, et 1864, sur les champs de bataille de la guerre de sécession avec ses compagnons d'arme, face à l'ennemi.
On s'attache à eux, David, Ned, dont on sait qu'ils vont mourir alors qu'ils sont si jeunes. L'absurdité est omniprésente, tant d'entre eux sont morts dans une folie sans nom durant cette guerre et ici plus précisément pendant la bataille de la 
Wilderness. On ressent la terrible atmosphère de violence et de terreur sur tous ces champs de batailles qui se sont gorgés du sang de ces soldats, de leurs chairs déchiquetées, de leurs rêves anéantis avec eux. C'est d'une tristesse sans nom. Tous ces massacres sont une abomination.
Les descriptions de certaines atrocités m'ont fait dresser les cheveux sur la tête.

Un jour, des hommes laissent Abel pour mort sur le rivage, et lui volent son vieux chien. Sauvé et remis sur pied par des indiens, au bout d'une vie de tant de drames, il part en quête de son ami, son compagnon, son chien, pour le sauver d'un destin funeste.

Ces pages d'histoire de l'Amérique m'ont terriblement donné le sentiment que pour beaucoup, la vie n'est qu'une vallée de larmes, car l'homme est d'une cruauté sans limites.

J'ai été totalement bouleversée par ce roman plein de bruit et de fureur qui nous relate, entre autre, la boucherie qu'a été la guerre de sécession et je me suis demandé pourquoi certaines personnes doivent ainsi souffrir du début à la fin de leur existence. 
Lance Weller nous immerge totalement dans cette histoire dont le réalisme est parfois glaçant. Il parvient à mettre de la poésie dans ses descriptions de moments pourtant tragiques et macabres, comme dans un ralenti où on s'attend à être touché par la grâce alors qu'on est en pleine tragédie. Rien n'est manichéen ici. Beaucoup de noirceur, contrebalancée par un peu de lumière et de chaleur. J'ai trouvé cette histoire d'une beauté déchirante.

 

Citations :

Page 10 : Elle est âgée désormais, elle est devenue grise et fragile au-delà de toutes les représentations qu’elle avait pu se faire de la vieillesse lorsqu’elle était enfant.

 

Page 27 : Le chien savait aussi qu’ils ne reviendraient pas. Il savait ces choses de la même façon qu’un chien connaît bien le cœur de l’homme qu’il aime et comprend ce cœur au-delà de ce que l’homme pourrait jamais espérer.

 

Page 32 : Devenu un vieil homme désormais, Abel se dit qu’avec une bonne concentration il était capable de faire revenir ces hommes dans ses souvenirs. Chacun de ces hommes qui étaient morts sous ses yeux et dont il connaissait le visage. Se les rappeler et les faire revivre, ne serait-ce qu’un instant, ne serait-ce que dans son esprit seulement. Abel prit une profonde inspiration, sentant l’effet progressif de l’air frais en lui. Il se disait que s’il pouvait faire revenir ces hommes, il aurait bien des choses à leur demander.

 

Page 44 : Il se retrouva entièrement dans l’eau. Ses pieds ne touchaient plus les cailloux et le sable, sa tête n’était plus exposée à la lune et à la nuit. Le vieux soldat ferma les paupières et se mit à flotter entre la terre et l’air, chaque endroit de son corps étant en contact avec l’eau froide. Fermant les yeux, il goûta la saveur âcre du sel de l’océan et l’imagina en train de se répandre en lui, de reprendre possession de lui – de sa pauvre chair loqueteuse – pour ne laisser de lui que des os blanchis et articulés et des morceaux de métal rouillés raclant le fond de la mer pour l’éternité.

 

Page 66 : Il n’avait pas parlé, il n’avait pas tremblé, car il s’était rapidement rendu compte que cette chose, cette scène, n’était qu’un maillon d’une longue et terrible chaîne d’évènements qu’il sentait – plus qu’il ne la voyait – s’étirer si loin sur la courbe de sa vie qu’il s’imaginait qu’une extrémité devait rejoindre l’autre quelque part pour former un cercle parfait du malheur. Un seul moment, celui-là.

 

Page 153 : Oyster Tom resta assis un certain temps, les yeux rivés sur le vieil homme meurtri étendu devant lui. Les anciennes blessures et les nouvelles. Il resta là comme s’il essayait de découvrir des motifs dans les spirales, le câblage et le gribouillage des cicatrices qui balafraient ce corps, chacune d’entre elles racontant l’histoire d’une blessure, chacune d’entre elles marquant la fin de la trajectoire d’une balle, d’un éclat d’obus, ou d’une lame, ou de l’instrument souillé d’un chirurgien, et chacune reliée à la suivante par un morceau de chair pâle et lisse dont l’unique fonction semblait être de rattacher une cicatrice à une autre.

 

Page 163 : Comment les choses s’étaient passées, cet après-midi là, à Gettysburg, quand le monde avait basculé et qu’ils avaient ressenti ce basculement, comme si la Terre elle-même avait été secouée jusqu’en son centre, et peut-être bien qu’elle l’avait été. Ce jour-là.

 

Page 193 : Les corps explosent, leur sang gicle et retombe sur les vivants et les morts comme une douce pluie de printemps…

 

Page 200 : Regardez, vous ne pouvez pas vous en empêcher. Regardez, et vous verrez des hommes morts ou blessés, des hommes fracassés ou brûlés. Des hommes debout qui se battent, une sinistre détermination se lisant sur leur visage figé comme s’ils avaient découvert en eux des choses avec lesquelles il sera difficile de vivre, plus tard, et des hommes effrayés à en perdre la raison, étendus face contre terre, pleurant dans l’herbe. Des soldats de l’Union qui battent en retraite dans le champs des hurlements, et des masses de soldats des deux camps, étendus, serrés les uns contre les autres dans le fossé humide, entre les lignes, se passant et se repassant des bouteilles. Des fanions, des étendards et des drapeaux déchirés par les balles faisant tous flotter fièrement leurs couleurs vives au milieu de la fumée et des flammes. Dans les bois, de part et d’autre du champs, les drapeaux vert et jaune des hôpitaux de campagne que le vent fait onduler surgissent çà et là, attirant les blessés vers eux comme d’horribles fleurs héliotropes. Les chirurgiens sont au travail, les bras nus, leurs poings blancs serrant fort les poignées de leurs scies.

 

 

 

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