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feminisme

Mon avis : La nuit des béguines – Aline Kiner

Publié le par Fanfan Do

Éditions Liana Levi

 

Mon avis sur Insta c'est ici

 

Quatrième de couverture :

Paris, 1310, quartier du Marais. Au grand béguinage royal, elles sont des centaines de femmes à vivre, étudier ou travailler comme bon leur semble. Refusant le mariage comme le cloître, libérées de l’autorité des hommes, les béguines forment une communauté inclassable, mi-religieuse mi-laïque. La vieille Ysabel, qui connaît tous les secrets des plantes et des âmes, veille sur les lieux. Mais l’arrivée d’une jeune inconnue trouble leur quiétude. Mutique, rebelle, Maheut la Rousse fuit des noces imposées et la traque d’un inquiétant franciscain... Alors que le spectre de l’hérésie hante le royaume, qu’on s’acharne contre les Templiers et qu’en place de Grève on brûle l’une des leurs pour un manuscrit interdit, les béguines de Paris vont devoir se battre. Pour protéger Maheut, mais aussi leur indépendance et leur liberté. Tressant les temps forts du règne de Philippe le Bel et les destins de personnages réels ou fictifs, Aline Kiner nous entraîne dans un Moyen Âge méconnu. Ses héroïnes, solidaires, subversives et féministes avant l’heure, animent une fresque palpitante, résolument moderne.
 

 

Mon avis :
Paris 1310 dans le quartier du Marais. Les béguines, des femmes libres d'étudier ou travailler et de disposer de leur argent, mi-religieuses, mi-laïques, libérées de l'autorité des hommes, refusant le mariage comme le cloître, dont un grand nombre vivaient au grand béguinage royal, parfois après une vie, des enfants et le veuvage. Il y avait de nombreuses communautés de béguines reparties dans la partie nord du pays, ce mouvement étant né à Liège en 1173. Forcément, un tel fait historique ne pouvait que m'intriguer et m'intéresser, d'autant que le Moyen-âge me fascine.

C'est ahurissant l'importance qu'avait la religion au Moyen-âge. Tout tournait autour de Dieu, des messes, des prières et gare à l'inquisition qui traquait les hérétiques ! On est à l'époque de Philippe le Bel, roi pieux, petit-fils de Louis IX (Saint Louis), hanté par la peur de l'hérésie, maître d'œuvre de la disgrâce des Templiers, ce puissant Ordre des moines-soldats. Des tortures "artistiques" ou comment broyer, briser, étirer sans jamais faire saigner pour ne pas souiller les terres de l'Église… Sacrée ambiance le Moyen-âge !!
C'est aussi le temps où les roux étaient honnis, "Roux, couleur maudite. Couleur du traître. le poil roux de Judas et Caïn, d'Esaü qui vendit son frère pour un plat de lentilles, de Ganelon qui envoya au massacre Roland et ses compagnons." Et justement, une enfant rousse a été trouvée dans le froid, prostrée et mutique. Ysabel, entrée au béguinage après son veuvage, va vouloir la protéger de l'extérieur où le danger est partout pour les femmes. Car en réalité, cette enfant, Maheut, est une jeune femme qui, semble-t-il, a été violentée. Maheut la Rousse, jeune femme rebelle et intrépide, victime des hommes, est recherchée par un moine.

Certaines femmes parfois complices du pouvoir abusif des hommes, stupides au point de croire les mensonges qu'on leur assène - "La bêtise des moutons qui hurlent avec les loups !" Néanmoins, c'est une belle histoire de sororité, de femmes entre elles, qui se soutiennent et se protègent des dangers du monde extérieur, essentiellement les hommes.

Ce roman passionnant et enrichissant met en exergue le statut des femmes de tout temps, béguine ou pas, toujours accusées de potentielle perfidie, de faiblesse, d'inconstance, et d'incapacité à penser par elles-mêmes. Mais pourquoi les hommes ont-ils à ce point peur des femmes, qu'ils essaient depuis toujours de faire taire, les traitent en sous-humains, tentent de les effacer, de se rendre maîtres d'elles ? Les béguines elles, sont accusées par beaucoup d'un double refus d'obéissance, au prêtre et à l'époux.
Femmes sur une corde raide, elles qui dérangeaient le clergé car elles ne lui étaient pas soumises. Leur statut devenu fragile sous Philippe le Bel où il était question de remettre en cause leur mode de vie. Une des leurs, 
Marguerite Porete, accusées d'hérésie et brûlée sur le bûcher pour avoir écrit un livre sur son amour de Dieu en dehors de tout dogme. Peut-être a-t-elle été le grain de sable qui a fait voler en éclat le statut des béguines, ou peut-être pas... car toute foi non contrôlée par l'Église semble insupportable. Et l'Église détruisait ce qu'elle ne parvenait pas à soumettre.

J'ai adoré cette très belle incursion, très immersive, dans le Moyen-âge, époque étrange et lointaine où religion et superstitions font bon ménage, où Dieu ne peut pas être bon, puisque tout le monde le craint. Les méchants n'inspirent pas l'amour, seulement la peur. J'ai aimé la balade dans ce Paris si lointain, sale, malodorant, et si plein de vie mais aussi hélas si plein des morts de l'inquisition. J'ai aimé la plupart de ces femmes, la charitable Ysabelle, l'impénétrable Ade, la bienveillante Jeanne, Juliotte la muette, Maheut la Rousse, généreuses, érudites et solidaires, beaucoup moins les hommes, autoritaires et brutaux.
C'est un véritable coup de cœur que ce roman qui m'a appris beaucoup sur cette courte période du Moyen-âge et le triste sort réservé aux femmes, qui a vu la fin des Templiers et la fin annoncée des béguines.

 

Citations :

Page 28 : Roux, couleur maudite. Couleur du traître. le poil roux de Judas et Caïn, d'Esaü qui vendit son frère pour un plat de lentilles, de Ganelon qui envoya au massacre Roland et ses compagnons. Couleur des flammes de l’enfer qui brûlent sans éclairer. De Satan et ses maléfices. Des enfants engendrés durant les règles de leur mère. Il y a quelques jours, l’abbé de Sainte-Geneviève a expulsé de la ville une fillette, Emmelote, qui avait pour seul tort d’être née avec des cheveux flamboyants.

 

Page 40 : Certains se sont moqués du souverain et de sa piété démonstrative ! Après l’échec humiliant de la première croisade, on l’a vu, il est vrai, se complaire dans une existence de privation, abandonnant l’hermine et le vair, l’habit écarlate, les étriers et les éperons d’or, pour se vêtir d’habits incolores, manger des plats simples et allonger son vin d’eau. Aujourd’hui pourtant, chacun est bien obligé de reconnaître que, durant sa vie, Louis a tenté d’approcher, autant qu’il est possible à un homme dans son incomplétude, l’exemple du Christ. Il a apporté son soutien aux ordres mendiants, fondé des hôpitaux pour les pauvres, un couvent pour les prostituées repenties de Paris, protégé les aspirations des femmes qui voulaient pratiquer leur religion sans subir le joug des autorités ecclésiastiques. Sous sa protection, des petites communautés de béguines se sont établies un peu partout à travers le royaume, à Senlis, à Tours, Orléans, Rouen, Caen, Verneuil… Et dans la capitale, il s’est investi personnellement dans la construction du clos, conçu sur le modèle de Sainte-Elisabeth à Gand qu’il avait eu l’occasion de visiter.

 

Page 49 : « Ils ont été soumis à la question avec beaucoup d’efficacité. Selon l’inquisiteur général, c’est une méthode fiable pour emporter la vérité. Je ne me permettrais pas de le contredire. Mais la vérité qu’on obtient est souvent celle que l’on cherche. »

 

Page 54 : Afin que le sang ne se répande pas sur les terres de l’Église, on y applique la question non pas avec retenue mais avec art, brisant, broyant, étirant sans que jamais la moindre goutte de sang perle sur la peau. Et lorsqu’il s’agit de couper des oreilles, on mène les condamnés à quelques quartiers de là, à l’extrémité de la rue de l’Arbre-Sec.

 

Page 276 : Elle savait que jamais elle n’offrirait d’enfant à son mari, le médecin l’avait dit. Il avait assouvi ses désirs avec d’autres femmes, des servantes du château… cette brune qui riait dans la chambre voisine. Un bâtard était né. Tous les hommes faisaient ainsi.

 

Page 299 : Quant à moi, j’ai toujours été réticent à l’égard du béguinage, vous le savez, Agnès. Le roi nous a fait l’honneur de nous en confier le contrôle, mais trop longtemps vos maîtresses et vos compagnes ont agi à leur guise. Je ne pense pas qu’il soit bon que les femmes administrent seules leur destin. Ni qu’elles prétendent à l’instruction, bien que ce soit une tendance de notre temps.

 

 

 

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Mon avis : Le banquet des Empouses – Roman d’épouvante naturopathique – Olga Tokarczuk Prix Nobel de littérature

Publié le par Fanfan Do

Traduit du polonais par Maryla Laurent

 

Éditions Noir sur Blanc

 

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Quatrième de couverture :

En septembre 1912, lorsqu’il arrive au sanatorium de Görbersdorf, dans les montagnes de Basse-Silésie, le jeune Wojnicz espère que le traitement et l’air pur stopperont la maladie funeste qu’on vient de lui diagnostiquer : tuberculosis. À la Pension pour Messieurs, Wojnicz intègre une société exclusivement masculine, des malades venus de toute l’Europe qui, jour après jour, discutent de la marche du monde et, surtout, de la « question de la femme ». Mais en arrière-plan de ce symposium des misogynies, voici que s’élève une voix primordiale, faite de toutes les voix des femmes tant redoutées…
Hypersensible, malmené par un père autoritaire, Wojnicz veut à toute force étouffer son ambiguïté et dissimuler aux autres ce qu’il est ou redoute de devenir. Pourtant, une mort violente, puis le récit d’autres événements terribles survenus dans la région, vont le conduire à sortir de lui-même. Alors qu’il est question de meurtres rituels et de sorcières ayant trouvé refuge dans les forêts, notre héros va marcher au-devant de forces obscures dont il ne sait pas qu’elles s’intéressent déjà à lui.

 

Prix Nobel de littérature, Olga Tokarczuk a reçu le Man Booker Prize 2018 pour Les Pérégrins (Noir sur Blanc, 2010, puis le prix Niké pour son monumental Les livres de Jakob (Noir sur Blanc, 2018). Née en 1962, Olga Tokarczuk a étudié la psychologie à l’université de Varsovie. Elle est la romancière polonaise la plus traduite à travers le monde. Chez Noir sur Blanc ont récemment paru Maison de jour, maison de nuit (2021) et Jeu sur tambours et tambourins (2022).

 


Mon avis :
Septembre 1912, Mieczyslaw Wojnicz, étudiant de l'école polytechnique de Lwów, atteint de tuberculose, arrive au sanatorium de Görbersdorf dans les montagnes de Basse-Silésie. Jeune homme extrêmement sensible, élevé par un père qui a toujours craint d'être observé à la dérobée, il a lui-même développé une obsession sur le sujet et de fait souffre d'une pudeur exacerbée. Il est convaincu que les gens vous épient et adorent ça. Ah s'il savait qu'il y en a certaines qu'aucune obturation de trous de serrures ni d'interstices dans les parois ne peuvent empêcher de tout voir ! On comprend très vite que la ou les narratrices sont partout, tout autour, éthérées, invisibles.

Dès le premier chapitre tout paraît lointain dans le temps, comme si on avait oublié que ça avait existé un jour : la tuberculose mais aussi l'air pur et l'eau pure, des endroits du monde exempts de pollution. D'autres choses paraissent lointaines comme cette pension pour hommes et sa tablée d'hommes, virils et vaniteux, imbus d'eux-mêmes, pleins de mépris envers les femmes sur lesquelles ils énoncent des inepties à la pelle, leurs vérités fallacieuses basées sur la haute idée qu'ils ont de leur statut d'homme dont ils se gargarisent tant et plus.

L'ambiance de ce livre est vraiment très particulière. Il n'y a quasiment pas de femmes, ou seulement dans les souvenirs de Mieczyslaw, ou mortes. Donc tous ces "génies" sont des hommes, entre eux, à beaucoup parler des femmes car ils trouvent l'essence même de leur grandeur en les rabaissant : "La femme représente une étape passée et inférieure de l'évolution, selon ce qu'écrit monsieur Darwin, et il a son mot à dire sur le sujet. La femme est comme [...], comme une attardée de l'évolution. Tandis que l'homme allait de l'avant, qu'il développait de nouvelles capacités, la femme a fait du surplace, elle a stagné. Telle est la raison pour laquelle les femmes sont souvent socialement infirmes, elles ne savent pas se débrouiller seules et doivent toujours s'appuyer sur un homme. Elles doivent donc lui faire de l'effet. le séduire et le manipuler."
"Peu importe le sujet initial de leurs débats, ils finissent par parler... des femmes." Et par leurs dénigrements permanents ils en viennent à justifier les actes les plus abjects. le passage où il est question de l'utérus m'a plongée dans des abîmes de sidération. Ça explique bien des choses qui perdurent à notre époque, dont on parle beaucoup en ce moment, comme par exemple la culture du viol. C'est qu'ils aiment discourir tous ces messieurs, s'écouter parler tout en buvant du Schwärmerei, cette boisson étrange à la composition douteuse qui vous laisse un peu flou...

La mort semble roder, discrète mais omniprésente et oppressante. Car certains guériront, peut-être, tandis que d'autres...
Et puis il y a des secrets... qu'on pressent. La forêt, partout autour du village, belle et inquiétante, cette nature avec laquelle les humain ont un lien très fort. Et les Empouses, démons femelles qui appartiennent au monde des enfers, discrètes mais partout, tout le temps, qui surveillent ce microcosme de mâles phallocentriques et narcissiques.
Mais c'est lent, lent, lent. D'une lenteur "sanatoriale" pour reprendre une expression du roman. Beaucoup trop lent à mon goût. Et pourtant, quelle écriture !!! Magnifique, parfaite, où chaque mot est le bon pour définir les éléments, les décors, les ambiances, les événements et les pensées. Oui, j'ai trouvé ce roman superbement écrit, qui nous fait ressentir tous les sentiments, sensations ou répulsions des personnages. Mais mon ennui a été à la hauteur de mon admiration.

Roman féministe tout en subtilité, avec un héros fragile qui ferait presque honte à son père mais qui détonne autant que Thilo, l'autre jeune homme de la pension, au milieu de cette assemblée de vieux boucs, où sont disséminés çà et là des détails sur ce que les hommes ont effacé des femmes. Cependant, avec ces misogynes à deux sous, fiers d'énoncer à tout bout de champ des réalités soi disant scientifiques sur l'infériorité psychique et physiologique des femmes, j'ai eu l'impression d'observer des amibes dans leur milieu naturel. Des imbéciles heureux. Une belle galerie d'andouilles, pontifiants et fiers d'eux-mêmes. Et pourtant c'est intéressant d'apprendre comment les femmes étaient considérées par ceux qui ne voulaient pas partager le monde. Hélas, ce genre d'arriérés existent encore à notre époque. On a l'impression que l'autrice s'est beaucoup amusée à citer leurs envolées phallocrates au cours desquelles ils se ridiculisent eux-mêmes. Néanmoins, lorsqu'ils ne dénigrent pas les femmes, ils ont de nombreuses conversations philosophiques, spirituelles et intellectuelles... ah oui vraiment, ils aiment parler ces messieurs !

Donc mon avis est mitigé, subjuguée que j'ai été par la plume de l'autrice et sa façon si habile d'écrire un roman féministe, mais où j'ai dû m'accrocher tant l'inaction m'a pesé. le tout m'a semblé très onirique et brumeux. Pourtant, c'est toute une ambiance qui est décrite et dans laquelle on se trouve immergé pour nous amener tout doucement vers le dénouement. Et quel dénouement !... Je ne suis cependant pas sûre de l'avoir bien compris, je crois qu'il va continuer de mûrir dans ma tête un certain temps.

À la toute fin, petite cerise dans le Schwärmerei, dans les notes de l'autrice sont énumérés les noms des "grands hommes" qui ont un jour proféré les énormités sexistes attribuées à nos protagonistes, c'est consternant... il y a même le célèbre compagnon d'une féministe notoire. Où est l'imposture ??

 

Citations :

Page 16 : Mieczyslaw Wojnicz est affecté de singularités qu’il n’ignore pas, mais c’est surtout son père qui, depuis l’enfance, en mesure l’incidence sur sa vie. January Wojnicz, fonctionnaire à la retraite et propriétaire terrien, a ainsi toujours géré ses particularités avec un immense savoir-faire, avec sérieux et tact, traitant le bien qui lui a été confié en la personne de son fils avec beaucoup de responsabilité et, de toute évidence, avec amour — un amour certes dénué de toute sentimentalité, de ces « minauderies de bonnes femmes » qu’il déteste particulièrement.

 

Page 36 : Il aurait aisément pu se remarier. Mais l’ingénieur senior January Wojnicz a perdu tout intérêt pour les femmes, comme si la disparition de son épouse lui avait fait perdre confiance dans le sexe faible, comme s’il s’était senti trompé, ou même déshonoré par elle. Sa femme avait mis un enfant au monde et elle était morte ! Quelle impudence !

 

Page 82 : La femme représente une étape passée et inférieure de l'évolution, selon ce qu'écrit monsieur Darwin, et il a son mot à dire sur le sujet. La femme est comme… — Longin Lukas voudrait être précis —, comme une attardée de l'évolution. Tandis que l'homme allait de l'avant, qu'il développait de nouvelles capacités, la femme a fait du surplace, elle a stagné. Telle est la raison pour laquelle les femmes sont souvent socialement infirmes, elles ne savent pas se débrouiller seules et doivent toujours s'appuyer sur un homme. Elles doivent donc lui faire de l'effet. le séduire et le manipuler.

 

Page 118 : C’est simple, se disait alors Miecio Wojnicz en ravalant ses larmes qui se mêlaient au sang de l’animal dans son corps frêle et enfantin. Être un homme, c’est apprendre à devenir hermétique à ce qui vous dérange. Voilà tout le secret !

 

Page 218 : Wilhelm Opitz aiguise ses couteaux, Frau Weber et Frau Brecht n’écossent plus les haricots ou les fèves, mais cousent des taies de coussins à remplir de duvet.

Les belles et fières oies vont se transformer prochainement en pots de graisse, en conserves de viande, en ragoûts et en pâtés. Quand elles sortent fières et dignes devant les curistes endimanchés, elles ignorent à quel point elles sont vulnérables et à quel point leur sort est scellé. La supériorité humaine sur les oiseaux condamnés à mort vient de ce que les hommes connaissent leurs intentions meurtrières à leur égard. Voilà pourquoi, les gens rient sous cape quand ils voient le cortège d’oies traverser le village, avec la solennité et l’assurance que seuls peuvent avoir des être immortels.

 

 

 

 

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Mon avis : Les femmes sont occupées – Samira El Ayachi

Publié le par Fanfan Do

Éditions de L’Aube

 

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Quatrième de couverture :

Découvrant sa nouvelle condition de « maman solo », la narratrice jongle avec sa solitude sociale, sa solitude existentielle, et s'interroge sur les liens invisibles entre batailles intimes et batailles collectives - entre deux machines à faire tourner, une couche à changer, une thèse à finir et une pièce de théâtre à monter.

 

«Puissant, bouleversant… et drôle ! » Nancy Huston

«Furieusement cathartique ! » Zoé Courtois, Le Monde des livres

«Un des romans les plus enthousiasmants de la rentrée ! » Hubert Artus, Causette

«Un livre engagé à l'écriture ciselée.» Marianne Bliman, Les Échos

«Un livre dévoré au prix d'un sommeil raccourci !» La Croix du Nord

 

 

Mon avis :
Tout de suite je me suis dit "Ohlala mais qu'est-ce que c'est beau ! Et tellement ça ! Qu'est-ce qui est beau ? La façon de décrire l'après rupture, juste après. Tous les sentiments qui passent, l'envie de tout balayer, de tout changer, jusqu'à soi-même. Se transformer en nouvelle personne pour repartir vers l'avenir, un autre avenir que celui qu'on s'était fabriqué en quelques années, avec une personne qui n'est plus là.
Car que faire de sa douleur abyssale, noire, gluante ? Qui a quitté l'autre ? Peu importe. le vide est là, absolu. Avec un deuil à faire, celui d'une vie à deux. Sauf que là, c'était pas à deux mais à trois, avec un Petit Chose.

La vie monoparentale et ses déboires... La culpabilité maternelle, l'impression de ne pas être à la hauteur, de ne pas faire ce qu'il faut, comme il faut. Être presque gênée de travailler et d'être mère en même temps. Les rapports homme-femme sont tellement bien décrits que ça en est déprimant. La vie des femmes est déprimante. Si on la décortique... Pourtant, je ne voudrais pas être un homme. Mais quand-même, j'ai eu l'impression de lire une suite de galères liées au statut de femme. Pourtant, je les connais. Mais de les lire, c'est pas pareil, c'est pire.

Les pères qui oublient leur droit de garde des enfants, qui ne les prennent pas un week-end sur deux, ça existe. Certaines préfèrent, d'autres le vivent mal. C'est le cas de l'autrice qui peine à reprendre son souffle, qui n'est plus que mère. Adieu les soirées entre copines, les moments égoïstes à glander, seule.

J'ai trouvé pas mal de points de convergence avec le fond de ma pensée, notamment le plus violent pour moi, pourquoi avoir fait des enfants dans ce monde là...
L'autrice pointe sur tout ce qui ne va pas pour les femmes dans notre société. Il y a de quoi faire. Et alors que j'ai par moments pensé que 
Samira El Ayachi noircissait un peu le tableau, j'ai repensé à la naissance de ma fille. J'avais gardé la surprise, je ne voulais pas savoir avant, et quand on m'a annoncé que c'était une fille, ma première pensée, où bien l'ai-je dit à voix haute je ne sais plus, "La pauvre, elle va en chier toute sa vie". C'est dire le ressenti sur ma propre vie... On entend tellement de conneries dans une vie de femme, de la petite enfance à l'âge adulte, sur nos capacités, notre intelligence, le rôle qu'on doit tenir, ce qu'on doit faire et ne pas faire, dire et surtout ne pas dire, les métiers pour nous et ceux qu'on ne devrait pas exercer, nos comportements, l'alcool, le tabac, notre vocabulaire... Ah mais je m'emporte ! Il est surtout question ici des Mamans solo et du poids que la société fait peser sur leurs épaules, mais jamais sur celles des pères divorcés...
Alors oui, il fallait bien en parler de la difficulté d'être femme dans un monde fait par les hommes et pour les hommes.

Il y a des moments drôle, mais un peu grinçant quand-même. Ben oui, pas le choix !
Il y a aussi du bon, du doux, car comme dit l'autrice, "Avoir un enfant, c'est rentrer dans la ronde." Eh oui ! Je suis bien d'accord !!
Et puis c'est beau. Il y a tant de poésie dans ces mots qui parlent de peine et du chemin de croix, vers la guérison, ou peut-être plutôt vers la révélation à soi-même.

 

Citations :

Page 14 : Cette histoire n’en finissait pas. Elle n’en finissait pas de mourir dans vos bras.Vous n’étiez plus que deux loques qui se croisent dans un appartement aux murs gris et qui ne s’embrassent plus jamais.

 

Page 41 : Impossible de savoir combien de vies tu mènes de front : 1) il y a la femme qui se bat le jour ; 2) celle qui se noie la nuit ; 3) celle qui découvre au pied du mur le métier improbable de maman ; 4) celle qui apprend à nager en se noyant ; 5) celle qui n’est pas encore arrivée, mais qui — tu l’espères — se pointera bientôt pour voler au secours de toutes les autres : la superwoman en toi.

 

Page 61 : Dans ta tête c’est clair. Dans le corps des jours, c’est autre chose. Tu luttes contre toi-même. La tentation est grande de te laisser couler dans le flux du jour. Il y a des costumes tout prêts et des étiquettes prédécoupées. La mère bonne. La mère dévouée. La mère courage. La mère courge. Les autres, c’est entendu. Toutes des égoïstes ou des salopes.

 

Page 139 : « Je-ne-suis-pas-mère-célibataire, je suis une cheffe de famille comme tout le monde. Cheffe à part entière, cheffe comme toi, papa. Alors arrêtez de me regarder comme s’il me manquait une jambe. Je ne suis pas mère célibataire, je suis une mère autonome ! Merde ! »

 

Page 167 : Arrive toujours un moment où une mère attrape son téléphone et prend des nouvelles. Il y a toujours un moment où l'inquiétude arrive comme un gros nuage au-dessus de sa cervelle en surchauffe. C'est ça dont se coupent l'époque et les hommes : le partage des inquiétudes, le soin apporté à l'autre.

 

 

 

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Mon avis : Toujours là pour toi – Kristin Hannah

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Matthieu Farcot

 

Éditions Le Livre de Poche

 

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Quatrième de couverture :

Dès leur rencontre durant l’été 1974, Tully et Kate nouent une amitié sans faille. Les deux adolescentes deviennent inséparables, malgré leurs différences. Tully n’a de cesse de prouver sa valeur au monde : abandonnée petite par sa mère, elle veut être aimée à tout prix. Elle cherche d’abord la reconnaissance dans les bras des hommes avant de se vouer à son travail. Son métier de journaliste vedette et son ambition lui apportent la célébrité, le succès… et la solitude. Kate, elle, n’a qu’un rêve : tomber amoureuse et avoir des enfants. Durant plus de trente ans, elles partagent leurs joies, affrontent les affres de la jalousie, du ressentiment aussi, mais restent l’une pour l’autre d’un soutien indéfectible. Jusqu’à ce qu’une fracture, une trahison intime, éprouve réellement le pacte qui les lie : « meilleures amies pour la vie ».

Ce roman a été adapté en série par Netflix en 2021.

Cet ouvrage a été précédemment publié sous le titre La Route des Lucioles aux éditions Michel Lafon.

 

 

Mon avis :
Une femme se rappelle son adolescence, son double inséparable, son amie perdue.
TullyEtKate. Kate et Tully.
En 1974, Tully vient habiter avec sa mère en face de chez Kate. Elles ont quatorze ans, Tully est aussi belle et populaire que Kate est insignifiante et seule. Contre toute attente elles deviennent amies, complices, inséparables. C'est l'histoire d'une amitié profonde, qui commence à l'adolescence, faite pour durer toujours, qu'on va suivre pendant une trentaine d'années. C'est aussi une histoire de famille, de deux familles. L'une est ordinaire, aimante, c'est celle de Kate. L'autre, celle de Tully, est dysfonctionnelle et elle rêverait d'avoir la famille de son amie. Elle aimerait tant qu'on lui dise comme à son amie "Fais pas ci, fais pas ça". Mais elle, on la laisse pousser comme une herbe folle. Sa mère du moins. Ses grands-parents veillent, mais de loin.

Ce roman parle d'amour, de cette forme particulière et puissante d'amour qu'est l'amitié, qui se joue des différences, qui est tolérante et généreuse, qui ne ment pas, qui console, qui donne de la force et fait pousser des ailes. Tallulah la solaire, l'ambitieuse que rien n'arrête, pas même les blessures qu'on lui a infligées, et Kathleen la timide, qui manque de confiance en elle et se sent invisible, ces deux filles là vont marcher main dans la main sur le chemin qu'elles se sont tracé, où plutôt sur le chemin tracé par Tully. Chacune apporte à l'autre ce qui lui manque. Pour Tully c'est le sentiment de compter pour quelqu'un, et Kate celui de n'être enfin plus invisible. Elle sont complémentaires, un caractère fort face à un caractère conciliant.

La famille Mullarkey devient une famille de substitution pour Tully. Margie, la mère de Kate est LA Maman américaine, celle qui ouvre grand ses bras et sa maison et qui apporte des plats préparés par elle-même à ses nouveaux voisins. Tully, parce qu'elle a un immense besoin d'amour et de reconnaissance, va avoir des ambitions démesurées qu'elle se donnera les moyens d'atteindre, entraînant Kate dans son sillage, en bonne working girl des années 80 !

C'est une histoire qui se dévore, entraînée par la tornade Tully, d'autant plus pour moi que les deux amies sont de ma génération. Je m'y suis retrouvée à travers l'histoire du monde, la guerre du Vietnam, 
Ronald Reagan président des États-Unis, la guerre au Koweït, la mort de Lady Di, le scandale Clinton-Lewinsky, les attentats contre les tours jumelles, la musique qui traverse ces époques, les parents qui poussaient leurs filles à faire des études pour être indépendantes, ne pas forcément se marier et avoir des enfants. En revanche pas du tout par le mode de vie ni la mentalité bien sûr, l'Amérique et nous, c'est tellement différent ! Bizarrement, alors qu'elles entrent dans l'âge adulte, pendant l'apparition du sida qui a été un séisme absolu, il n'en est jamais fait mention ici.

Tout le long de cette histoire d'amitié, la famille est au cœur de tout. Celle dont on est issu, celle qu'on se fabrique, celle qu'on choisit lorsqu'on on n'en a pas vraiment.
Les choix auxquels les femmes sont confrontés semblent toujours déchirants et culpabilisant... carrière ou famille.
Il y a néanmoins quelque chose que j'ai détesté dans ce roman, ce sont les nombreuses descriptions très détaillées de leurs tenues vestimentaires. Ça donne un côté girly que j'ai trouvé insupportable. Mais comme ça se passe en grande partie dans le monde de la télé, paillettes et superficialité sont au rendez-vous. Et puis ça m'a  rappelé la mode des années 80 : larges épaulettes, grosses ceintures, couleurs vives, et la cerise sur le gâteau : le brushing exubérant totalement improbable. Mais quelle horreur !!!

Vraiment, un roman qui se dévore et m'a fait penser qu'une amie pour la vie, mais qu'est-ce que c'est bon !!!

 

Citations :

Page 44 : Votre génération a tellement de chance. Vous pouvez être tout ce que vous voulez. Mais vous devez parfois prendre des risques. Faire un pas en avant. Je peux te dire une chose avec certitude, nous ne regrettons que ce que nous ne faisons pas dans la vie.

 

Page 107 : — Entrez dans mon bureau, mademoiselle Hart.

Madame Hart, corrigea-t-elle.

Il valait toujours mieux partir du bon pied. Gloria Steinem disait que l’on ne se faisait jamais respecter si on ne l’exigeait pas.

M. Rorbach la regarda en clignant des yeux.

Pardon ?

Je préfère « madame Hart », si ça ne vous dérange pas, ce dont je suis sûre. Comment une personne ayant obtenu une maîtrise de littérature anglaise à Georgetown pourrait-elle être hostile au changement ? Je suis certaine que vous êtes à la pointe de la conscience sociale.

 

Page 129 : Tully ressentit soudain une certaine nostalgie de leur jeunesse. À cet endroit, durant la plus grande partie d’un été, elles avaient pris leurs deux vies solitaires et les avaient entrelacées pour former une corde d’amitié.

 

Page 244 : Tully était de la soie couleur pomme d’amour, Kate, du coton beige.

 

Page 275 : Les Mularkey voyaient tous l’amour comme une chose durable, solide, facile à identifier. Tully était peut-être jeune, mais elle savait qu’ils se trompaient. L’amour pouvait être plus fragile qu’un os de moineau.

 

Page 421 : Rapidement, Tully fit rire Kate. C’était la particularité avec les meilleures amies. Comme des sœurs et des mères, elles pouvaient vous mettre hors de vous, vous faire pleurer et vous briser le cœur, mais en définitive, en cas de coup dur, elles étaient là et vous faisaient rire, même dans les pires moments de votre existence.

 

 

 

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Mon avis : L’ultime guerre – Anna Raymonde Gazaille

Publié le par Fanfan Do

Éditions LE MOT ET LE RESTE

 

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Quatrième de couverture :

Dans un monde dystopique, une secte nommée les Adeptes du Tout-Puissant sème la terreur dans les Territoires du Sud. Depuis les Territoires du Nord, des soldats et la Légion des Guerrières de la liberté luttent contre leur invasion et l’asservissement des femmes qu’ils tentent brutalement d’imposer. Ainsi débute l’odyssée de Tessa, une enfant soldat errant sur un champ de bataille, recueillie par trois Guerrières avec lesquelles elle entame un long et périlleux voyage à travers les ruines d’un monde dévasté. S’accrochant aux liens tissés avec ses sœurs d’armes, elle s’acharne à survivre, en dépit de tout ce qu’elle a subi, apprivoisant les fantômes qui la hantent. Son périple et cette quête vers la terre nordique feront surgir en elle un puissant sentiment d’appartenance à une humanité qu’elle avait condamnée.


 

 

Mon avis :
Dans un futur indéterminé le monde a basculé. Des hordes d'hommes asservissent les femmes, qui sont reléguées au statut d'inférieures, de ventres, d'esclaves. "Les armes étaient interdites, mais nous savions tous que les plus puissants en possédaient. C'est ce qui faisaient d'eux les plus puissants." Tessa, une orpheline de douze ans, nous raconte ce monde en ruine, ces villes détruites, ces édifices si hauts qu'on n'en distingue pas le sommet mais aussi la peur, la douleur et le deuil.
Des femmes, les Combattantes du Nord, luttent. Ce sont les Guerrières de la liberté.
On en revient toujours à cette réalité sordide énoncée par 
Simone de Beauvoir "N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question." Alors l'apocalypse.
Mais dans ce monde, quasiment personne n'a de droits, sauf les plus forts.

Tessa suit trois Guerrières, Manu, Pat et Cum, qui doivent rejoindre leur bataillon. À partir de là, on change de narratrice au gré des chapitres. On découvre ce monde en guerre, le fanatisme contre la liberté, avec des villes çà et là dont certaines tentent la neutralité mais vivent dans la corruption, pendant que d'autres sont presque des modèles de démocratie. le Sud où règnent la guerre et la mort, le Nord où la civilisation a perduré.

À travers ces lignes on sent la rage de ces femmes qui luttent pour leur liberté. Toutes ont perdu beaucoup, elles se battent pour ce qui leur reste : elles-mêmes, leurs choix, leur libre arbitre et une societe égalitaire. C'est dans ce monde là que Tessa va devoir avancer à l'aveugle en se méfiant de tout le monde. Pourtant il ne m'a pas semblé si différent du nôtre. Partout le fanatisme religieux explose, le sexisme et l'intolérance aussi, ainsi que le patriarcat et ses prérogatives que certains veulent voir perdurer au détriment des femmes et de leur liberté. Ce roman, c'est peut-être le monde de demain dans une perspective cauchemardesque.

Alors, j'ai bien aimé. Ça se lit bien et on est embarqué dans ces vies cabossées de femmes. Cependant j'ai trouvé que plusieurs personnages auraient gagné à être plus approfondis, moins éphémères. Et puis l'ensemble m'a semblé un peu fourre-tout, avec un mélange de sociétés et d'époques qui seraient réunis dans un espace assez réduit tout en étant aux antipodes les unes des autres. Un peu comme si un univers barbare côtoyait une société plutôt bien rangée, Mad Max VS Bienvenue à Gattaca. Presque un anachronisme. Néanmoins, une dystopie féministe, moi je dis bravo !
Merci à Babelio Masse Critique et aux Éditions le Mot Et le Reste.

 

Citations :

Page 16 : Dans le camp, il y avait bien sûr des hommes, beaucoup moins nombreux que les femmes et les enfants, mais ils commandaient. Ils formaient des bandes, la plupart du temps rivales. Ils se battaient, trafiquaient. Les armes étaient interdites, mais nous savions tous que les plus puissants en possédaient. C'est ce qui faisaient d'eux les plus puissants.

 

Page 27 : Tout brûle. Je songe aux dépouilles des guerrières qui gisent parmi tous ces livres. Dans le ciel flamboyant du couchant s’élèvent les flammes tout aussi rougeoyantes. J’aimerais que les mots de toutes les histoires incendiées crient leur colère.

 

Page 42 : J’ai demandé à Cum ce qu’elle en pensait. Elle a plongé ses yeux dans les miens : « Les dieux n’existent pas. Pas plus celui de ces déments qui enferment les femmes en cage et les traitent en esclaves, que les déesses, créatrices de cette humanité qui court à sa perte. »

 

Page 105 : Quand il ne reste que ton corps et à peine de quoi le couvrir, la valeur de la liberté prend toute la place et la vie s'allège pour ne plus désirer que l'essentiel.

 

 

 

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Mon avis : Ce qu’elles disent – Miriam Toews

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Lori Saint-Martin et Paul Gagné

 

Éditions J’ai lu

 

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Quatrième de couverture :

Colonie mennonite de Molotschna, 2009. Alors que les hommes sont partis à la ville, huit femmes de tous âges tiennent une réunion secrète dans un grenier à foin. Depuis quatre ans, nombre d'entre elles sont retrouvées, à l'aube, inconscientes, rouées de coups et violées. Pour ces chrétiens baptistes qui vivent coupés du monde, l'explication est évidente : c'est l’œuvre du diable. Mais les femmes, elles, le savent : elles sont victimes de la folie des hommes.

Elles ont quarante-huit heures pour reprendre leur destin en main. Quarante-huit heures pour parler de ce qu'elles ont vécu, et de ce qu'elles veulent désormais vivre. Au fil des pages de ce roman éblouissant qui retranscrit les minutes de leur assemblée, leurs questions, leur rage et leurs aspirations se révèlent être celles de toutes les femmes.

 

Miriam Toews est née en 1964 dans une communauté mennonite au Canada. Elle est l'autrice de plusieurs romans et a été lauréate de nombreux prix littéraires, notamment le prix du Gouverneur général. Ce qu'elles disent est son troisième roman paru en France.


 

 

Mon avis :
Depuis 2005, des filles et des femmes de la colonie mennonite de Molotschna ont été violées, y compris une petite fille de 3 ans - par des fantômes ou par Satan d'après les hommes - après avoir été rendues inconscientes par des substances, et cela à cause de péchés qu'elles auraient commis. Évidemment, quand les femmes sont violées, c'est toujours de leur faute. Mais bien sûr, les agresseurs étaient des proches. Et pendant que les agresseurs sont en prison, et avant qu'ils ne soient libérés sous caution, les femmes se réunissent pour décider de ce qu'elles doivent faire pour se protéger, elles et leurs filles, puisque les hommes sont LE danger.

C'est une histoire violente, pourtant August Epp, le narrateur ne manque pas d'humour dans son récit, ou plutôt de dérision envers lui-même. Il nous parle d'abord de lui, et ce qu'il dit est très étrange. Il vient de ce monde en dehors du monde : les mennonites. Il avait été banni, il est revenu. Il est là pour retranscrire les témoignages de ces femmes qui ne savent ni lire ni écrire. Celles-ci ont trois options quant à ce qui leur est arrivé :
1. Ne rien faire
2. Rester et se battre
3. Partir
La première option consiste à pardonner à leurs agresseurs, ce qui leur assurera leur place au paradis. Si elles refusent, elles devront partir. Décidément, les religions n'aiment vraiment pas les femmes…

On assiste à un débat philosophique entre ces femmes, sur le pardon et Dieu, le salut de l'âme et le désir de vengeance, l'amour et la compassion, la peur de l'excommunication. Elles se questionnent sur ce qu'est la liberté, ce qu'elles sont réellement, la position qu'elles occupent dans leur micro société coupée du monde moderne, le respect qu'on leur refuse, la domination des hommes.

C'est choquant de penser que dans une toute petite communauté où la religion et la crainte de Dieu sont prédominantes, où tout le monde se connait, une chose pareille ait pu se produire. Pourtant l'autrice, elle-même issue d'une communauté mennonite, s'est inspirée d'une histoire vraie, d'un événement arrivé dans une colonie mennonite de Bolivie.
Le débat des sans-voix, celles qu'on laisse dans l'ignorance du monde dans lequel elles vivent une vie sans joie, qui ne parlent pas sa langue puisqu'elles pratiquent un allemand médiéval, éternellement sous le joug des hommes, ces femmes veulent que leur vie change. Elles veulent changer la société. Elles y veulent une vraie place. Elles décident d'établir un manifeste où elles seront libres de leurs choix, de leur vie. Pourtant il semble toujours y avoir un mur quasi-infranchissable, c'est la crainte de Dieu.

J'ai trouvé ce roman très intéressant. Il nous parle d'un sujet intemporel : il faut éduquer les garçons à respecter les femmes et non pas éduquer les filles à faire attention. Il nous montre que, hélas, les combats des femmes sont à peu près les mêmes partout, dans toutes les sociétés, à différents degrés, mais qu'ils sont bien réels et essentiels pour se faire une place au soleil. Car ce qu'on ne prendra pas, personne ne nous le donnera.
J'ai néanmoins trouvé ces débats un peu longs, car bien que la condition féminine soit primordiale à mes yeux, et que les religions m'intéressent car elles ont forgé les sociétés, sur ce point j'ai trouvé le temps long, car la foi je ne l'ai pas et je n'arrive pas à comprendre cette vénération emplie de crainte qui sert de chemin de vie. C'était cependant passionnant, les débats de ces femmes, avec l'avis masculin (silencieux) d'August, considéré comme un demi-homme par ses semblables, sans doute, entre autre, parce qu'il ne se sert pas de ses poings sur les femmes pour leur imposer le respect.

 

Citations :

Page 18 : Dans un éclat de rire, Ona a brandi le poing et a traité le soleil de traître, de lâche. J’ai songé à lui expliquer les hémisphères, lui raconter que nous avons l’obligation de partager le soleil avec d’autres régions du monde, qu’une personne observant la terre depuis l’espace verrait jusqu’à quinze levers et couchers de soleil en une seule journée – et qu’en partageant le soleil l’humanité pourrait apprendre à tout mettre en commun, apprendre que tout appartient à tout le monde ! Mais je me suis contenté de hocher la tête. Oui, le soleil est un lâche. Comme moi.

 

Page 26 : Je lui ai répondu que je venais d’une partie du monde qui avait été fondé pour être un monde en soi, séparé du reste de l’univers. En un sens, lui ai-je expliqué, les miens (je me souviens d’avoir étiré les mots « les miens » dans une intention ironique avant d’être envahi par la honte et de demander silencieusement pardon) n’existent pas ou, à tout le moins, ils veulent être perçus comme s’ils n’existaient pas.

 

Page 108 : Tête baissée, les femmes continuent d’adresser des louanges à notre Père céleste. (Deux jours avant de disparaître, mon père, je m’en souviens comme si c’était hier, m’a dit que les deux piliers qui défendent l’entrée du temple de la religion sont le mensonge et la cruauté.)

 

Page 140 : Nous, les femmes, n’avons jamais rien demandé aux hommes, dit Agata. Rien du tout. Même pas le sel, à table, même pas un sou, même pas un moment de tranquillité, même pas de rentrer la lessive, de tirer un rideau, d’y aller doucement avec les yearlings, de poser une bas sur le bas de mon dos pendant que j’essayais, pour la douzième ou la treizième fois, de pousser un bébé hors de mon corps.

Ça ne manquerait pas de cachet, ajoute-t-elle, que l’unique demande que les femmes feraient aux hommes serait de s’en aller ?

 

Page 187 : Le problème, enchaîne Salomé en se faisant un devoir d’ignorer Neitje, c’est que ce sont les hommes qui interprètent la Bible et qui nous transmettent leur interprétation.

 

Page 229 : Comment pourrai-je vivre sans ces femmes ?

Mon cœur va s’arrêter de battre.

J’essaierai de parler d’ona aux garçons. Elle sera mon étoile polaire, ma Croix du Sud, mon nord et mon sud, mon est et mon ouest, mes nouvelles, ma direction, ma carte et mes explosifs, ma carabine. J’écrirai le nom d’Ona en haut de toutes mes fiches pédagogiques. J’imagine des écoles dans des colonies mennonites du monde entier, à l’heure où le soleil disparaît ou, plutôt, s’esquive pour faire profiter d’autres régions du monde de sa chaleur et de sa lumière, et tout appartient à tout le monde, et le moment est venu d’accomplir les corvées du soir, de souper, de prier et de dormir, et les enfants supplient leur instituteur de leur raconter encore une histoire à propos d’Ona, jadis fille du diable et maintenant la plus précieuse enfant de Dieu. L’âme de Molotschna.

 

Page 240 : Salomé a ri encore une fois. Je ne m’étais pas rendu compte qu’elle riait si souvent, comme sa mère, comme toutes les femmes de Molotschna. Elles réservent leur souffle pour rire.

 

 

 

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Mon avis : Interruption – L’avortement par celles qui l’ont vécu – Sandra Vizzavona

Publié le par Fanfan Do

Éditions Stock

 

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Quatrième de couverture :

« J’ai avorté deux fois et je suis la preuve qu’un avortement peut provoquer l’indifférence ou une déflagration. Je suis la preuve qu’il peut occuper vingt ans ou les seules semaines nécessaires à son accomplissement. Qu’il peut être l’unique issue envisageable ou simplement permettre d’attendre un meilleur moment. Alors, j’ai été lasse des discours péremptoires sur les raisons pour lesquelles les femmes devraient y avoir recours et sur ce qu’elles devraient, ou non, ressentir à son occasion. J’ai eu envie d’écouter certaines d’entre elles raconter ce qu’elles avaient vécu, en refusant que d’autres parlent pour elles. Ma préoccupation n’était pas le droit à l’avortement mais le droit à la parole de celles qui l’ont expérimenté. Le droit à l’avortement est inscrit dans la loi depuis 45 ans mais son exercice doit toujours être discret, si ce n’est secret. La loi nous autorise à avorter, la société nous empêche d’en parler. Nous sommes nombreuses à nous plier à cette loi du silence, parce que la gêne et la culpabilité sont toujours là. Je suis cependant convaincue que ce droit sera toujours fragile si nous n’assumons pas pleinement d’y avoir recours comme bon nous semble et si nous pensons le protéger en faisant profil bas, laissant alors au passage certains professionnels de la santé nous malmener.
Voici donc ce livre, mélange de témoignages et d’une quête personnelle qui m’a transformée.
Ce sont quelques histoires d’interruption. Douloureuses ou anodines. Singulières. Une interruption aussi je l’espère, quand bien même furtive, du silence, de la honte et de la colère. »


Mon avis :
J'ai eu connaissance de ce livre et par la même occasion envie de le lire en écoutant une émission sur 
France Inter, La bande originale de Nagui et Leila Kaddour Boudadi, à laquelle était invitée Pascale Arbillot pour parler de la pièce tirée de cet ouvrage.
L'avortement !? Un mot qui recouvre tant de choses !! de la souffrance, physique, et morale beaucoup mais pas toujours, du jugement, énormément. Une chose que DES HOMMES souvent veulent rendre illégale. Un problème essentiellement de FEMME, car le jour où elles avortent, il n'y a pas souvent d'homme concerné pour leur tenir la main dans ce moment difficile. C'est toujours à elles qu'on jette la pierre. Comme si elles s'étaient auto-fécondées…

Nous sont offerts ici des témoignages de femmes, des jeunes et des moins jeunes, qui ont vécu le recours à l'avortement. Ça nous raconte aussi les femmes face à la société et tous ces donneurs de leçons qui ont un avis sur tout, et surtout sur ce qu'ils ne comprennent pas. Qui vous plantent des petits couteaux dans le cœur avec des petites phrases assassines et débiles : avortement de confort ; fallait faire attention ; horloge biologique ; égoïste de ne pas faire d'enfant ; pas une femme accomplie sans enfant ; et patati et patata… TAISEZ-VOUS ! Vous faites du bruit pour rien !! Vous brassez du vent et vous êtes blessants !

De nombreux témoignages de femmes, qui regrettent parfois mais pas souvent et toujours assument, ponctués du récit de l'autrice de ses deux avortements passés et de son désir d'enfant quand la quarantaine se pointe en même temps que l'homme de sa vie.

Ce livre bat en brèche tous les clichés. Il y a autant d'histoires d'avortement que de femmes qui avortent.
Mais ce livre aurait été incomplet sans témoignages de femmes qui ont avorté clandestinement à une époque où la loi l'interdisait. L'autrice leur donne la parole pour clore cet ouvrage.
Finalement avec le recul et à travers ce livre je me rend compte que c'est terrifiant d'être femme, jeune, féconde, moins jeune. Que de risques et de responsabilités ! Et que de silences !! Quand je pense qu'on a osé nous appeler "le sexe faible". On porte tellement de choses sur nos épaules.

 

Citations :

Page 13 : Premier test de grossesse. S’ensuivra une longue série au cours des vingt-cinq prochaines années : l’inquiétude variera, le verdict imploré également.

Pour l’heure, il est positif. Vertige, angoisse, solitude. Je prends conscience de ma fertilité comme d’une porte en pleine gueule.

 

Page 15 : Solitude, solitude, solitude. Je comprends immédiatement à mon réveil que je viens de vivre ma première épreuve fondamentale intime et personnelle, de celles qui n’appellent aucune consolation. Je perçois qu’elle aura des retentissements qu’il m’appartiendra seule de digérer et d’apprivoiser. C’est dans mon corps que tout cela s’est passé.

 

Page 22 : Il y avait aussi la mémoire de toutes les femmes de ma famille qui s’étaient battues pour avoir ce droit-là ; je me devais d’en user, comme du droit de vote.

 

Page 39 : J’avais beau savoir que tout cela le concernait autant que moi, je ne voulais pas vivre cette IVG autrement que de façon purement personnelle.

Je ne lui en voulais pas mais je trouvais la situation injuste : cette connerie, nous l’avions faite à deux et j’étais la seule à la subir. C’était bien moi qui étais enceinte et qui allais me faire avorter, il n’y avait qu’en moi que cela risquait de résonner.

 

Page 49 : Ils ne savent pas que mon cœur se serre dès que je rencontre un nouveau-né et que je suis hantée par l’éventualité de ne jamais sentir le mien contre moi, mais que toutes les décisions que j’ai prises, tous les choix que j’ai faits depuis que je m’imagine diriger ma vie l’ont été au nom d’une indépendance à laquelle je suis viscéralement attachée et que je ne suis pas prête à abandonner. Elle est si confortable.

 

Page 64 : Je ne sais pas combien de fois j’ai dû me le répéter ce matin-là : j’ai quarante ans. Comme si le marteler pouvait rendre vraisemblable cette information encore inconcevable la veille, bien que tant redoutée. Comment est-il possible d’avoir vingt ans puis tout d’un coup quarante ? Il me semble que me réveiller homme ne m’aurait pas plus choquée.

Puisque je n’en perçois aucun symptôme mental, je n’arrive pas à m’y résoudre : aurais-je un jour le sentiment d’être une adulte ?

 

Page 77 : On a été nourries de récits de vies perturbées ou brisées par des maternités imposées et je ne pouvais pas m’infliger cela ; il était hors de question de jouer avec l’idée qu’une femme peut sacrifier son avenir pour un enfant ; je ne pouvais pas me laisser réduire à ma condition biologique.

 

 

 

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Mon avis : Danser dans la mosquée – Homeira Qaderi

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Cécile Dutheil de La Rochère

 

Éditions Julliard - 10-18

 

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Quatrième de couverture :

Homeira naît en 1980 à Hérat, en Afghanistan, dans une maison où se côtoient trois générations qui tentent de survivre tour à tour à l'occupation soviétique, à la guerre civile puis à la première prise de pouvoir des talibans. Au sein de ce foyer aimant, l'enfant chérit les livres et la liberté, se révolte contre les privilèges accordés aux hommes et les interdits visant les filles. Adolescente, elle va jusqu'à animer une école clandestine dans une mosquée.
Mais plus Homeira grandit, plus la vie s'assombrit. Elle accepte le mariage avec un inconnu, puis finit par fuir son pays. Elle fera de son existence un combat pour l'instruction et pour le droit des femmes.
Portrait d'un peuple qui vit sous la férule des talibans, Danser dans la mosquée est aussi un message au fils dont Homeira Qaderi a été séparée, auquel elle adresse des lettres poignantes.

" Danser dans la mosquée se lit vite, sans répit. Homeira Qaderi est une formidable conteuse. " Karen Huard, ELLE

 

 

Mon avis :
Merci a Babelio Masse Critique pour l'envoi de ce livre 😘


Homeira Qaderi nous prévient en préambule que tout est vrai dans ce livre à part certains noms, pour des raisons évidentes.
De son exil en Californie, ce livre raconte sa vie en Afghanistan depuis l'enfance, parsemé de lettres à son fils, qu'on lui a retiré quand il avait dix-neuf mois.

"𝙻𝚎𝚜 𝚚𝚞𝚊𝚝𝚛𝚎 𝚜𝚊𝚒𝚜𝚘𝚗𝚜 𝚊𝚕𝚕𝚊𝚒𝚎𝚗𝚝 𝚎𝚝 𝚟𝚎𝚗𝚊𝚒𝚎𝚗𝚝, 𝚖𝚊𝚒𝚜 𝚕𝚊 𝚜𝚊𝚒𝚜𝚘𝚗 𝚍𝚎 𝚕𝚊 𝚐𝚞𝚎𝚛𝚛𝚎 é𝚝𝚊𝚒𝚝 𝚜𝚊𝚗𝚜 𝚏𝚒𝚗."
Il y a eu l'occupation russe, puis, après, l'arrivée des talibans. Les filles étaient déjà au départ moins bien traitées que les garçons, jouissant de beaucoup moins de privilèges qu'eux à tous les niveaux, moins de viande à table, pas le droit de courir, encore moins de grimper aux arbres, de rire bruyamment. Mais à l'arrivée des talibans la nuit s'est refermée sur elles. Elles ont cessé d'exister. Ces obscurantistes, à vouloir écraser les femmes, ont réveillé chez certaines un fort esprit de résistance.

Homeira était une rebelle née. Une petite fille curieuse et pleine de vie, refusant l'injustice, rien que ça. Elle voulait juste avoir les droits des garçons.

Tout au long de ce récit j'ai ressenti une angoisse diffuse. le désir de résistance des filles, car plutôt mourir que d'être enterrée vivante mais aussi la peur des garçons qui refusent d'aller contre les talibans. Car il faut du courage pour refuser le destin imposé par ces espèces de zombies, ces hommes armés, vêtus de noir, dépenaillés, maigres, sales, aux longues barbes, longs cheveux et turban, maquillés d'un trait de khôl, au regard glacé comme la mort.
Tout est devenu interdit : rire, chanter, danser, écouter de la musique, avoir une télé, lire, à part le coran. Être heureux tout simplement et avoir des rêves est interdit.

Un jour Homeira a accepté, pour épargner l'opprobre à sa famille, d'être mariée à un inconnu, ou plutôt vendue car dans cette culture là, le prix d'une fille est négocié, elle n'a pas son mot à dire. Néanmoins elle vivra une parenthèse enchantée en Iran où les femmes à ce moment là avaient le droit d'étudier, de rire, de travailler, avant de rentrer en Afghanistan, de […] 𝚛𝚎𝚝𝚘𝚞𝚛𝚗𝚎𝚛 𝚍𝚊𝚗𝚜 𝚞𝚗𝚎 𝚟𝚒𝚕𝚕𝚎 𝚚𝚞𝚒 𝚜𝚎 𝚗𝚘𝚞𝚛𝚛𝚒𝚜𝚜𝚊𝚒𝚝 𝚍𝚞 𝚜𝚊𝚗𝚐 𝚍𝚎𝚜 𝚏𝚒𝚕𝚕𝚎𝚜.

Ce livre est un cri, de révolte, de ralliement, de solidarité, pour toutes les femmes du monde écrasées par des pouvoirs misogynes et totalitaires, mais aussi pour des hommes qui savent qu'une société non égalitaire est une société bancale, injuste et souvent cruelle.

 

Citations :

Page 13 : Elle était persuadée que la plus difficile des missions que le Tout-Puissant pouvait confier à quiconque était d’être une fille en Afghanistan.

 

Page 34 : Le lendemain de ta naissance, un vent glaçant a pénétré par le fenêtre ouverte de ma chambre. Dans la rue, les gens devaient être en train de rassembler les membres éparpillés des corps de leurs proches morts. Un camion-citerne jaune orangé était venu prêter main-forte à la neige pour effacer les entailles rougeoyantes, fruit de la cruauté des hommes.

 

Page 63 : Je sais que l’islam a été manipulé et transformé en instrument de châtiment. En pierre à lapider les gens, surtout les femmes.

 

Page 108 : Nous étions condamnées à vivre dans une obscurité étouffante, claquemurées derrière les fenêtres et les rideaux. Les filles ne voyaient la lumière que lorsqu’elles les écartaient pour faire passer le fil dans leur aiguille.

 

Page 127 : Nous vivions une époque terrifiante. Les talibans obligeaient de nombreuses jeunes filles à les épouser et personne n’osait s’opposer à ces hommes armés et féroces. Certains étaient arabes, pakistanais ou tchétchènes, si bien que les filles disparaissaient comme de la fumée. Telle était la face hideuse de la religion et de la politique.

 

Page 137 : Nanah-jan a toujours pensé qu’une femme afghane devait d’abord avoir un fils, pour faire plaisir à son mari, puis une fille, pour son plaisir à elle. « Une femme sans fille meurt avec un sacré lot de peine et de souffrance », disait-elle.

 

Page 142 : Dans les livres que nous avions remontés de la cantine, il n’y avait pas de burqa. Pas de filles que l’on fouettait avec des branches de grenadier ou que l’on échangeait contre des chiens de combat. Pas de filles que l’on offrait au vieillard le plus pieux de la cité. Pas de filles battues qui préféraient se jeter dans un puits plutôt que d’être lapidées à mort. Il n’y avait pas non plus de fillettes que leur père obligeait à porter des vêtements de garçon et à jouer le rôle du fils de la famille. Dans ces livres-là, les femmes n’allaient pas confier leurs histoires à l’eau du fleuve ni parler aux morts des cimetières pour fuir la solitude.

 

Page 194 : Avec le temps, je me suis fait deux amies, Sara et Elaheh, avec qui je pouvais parler plus longuement de mon enfance en Afghanistan. Je me souviens de leurs regards ébahis quand elles refermaient leurs livres pour m’écouter. À l’époque, personne n’avait rien écrit sur la vie des femmes sous le régime des talibans. Elles n’imaginaient pas qu’un tel endroit puisse exister ; inversement, je ne savais pas qu’en dehors de l’Afghanistan, le monde était un paradis, relatif, pour les femmes.

 

 

 

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Mon avis : Jane Eyre – Charlotte Brontë

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Sylvère Monod

 

Éditions Pocket Classique

 

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Quatrième de couverture :

Le destin dramatique de Charlotte Brontë transparaît dans l'histoire de son héroïne Jane Eyre, en rupture avec le puritanisme victorien de son époque.
Orpheline maltraitée, sans fortune et sans beauté, Jane entre comme gouvernante au manoir de Thornfield, pour s'éprendre du ténébreux Rochester, le maître des lieux. Entraînés par une passion sensuelle et une égale exigence morale, ils envisagent bientôt le mariage. Mais une présence mystérieuse hante ce domaine perdu entre landes et bruyères. Qui est cette femme, cette « folle » recluse dans une mansarde de Thornfield, qui menace leur union ?
En plein XIXe siècle, dans l'Angleterre victorienne qui voit s'éteindre les sombres lumières du roman gothique et s'étioler les vapeurs du spleen romantique, Charlotte Brontë incarne l'audacieux combat des femmes prêtes à se battre pour leur indépendance et leur liberté.


 

 

Mon avis :
Jane Eyre, un film vu dans mon enfance et qui m'avait bouleversée mais dont je me rappelle que la fin. Donc j'ai eu envie de lire le roman, alors qu'il y a si peu de temps encore ne lisais absolument jamais de classiques.
Les deux premiers chapitres m'ont révoltée car 
Jane Eyre, orpheline, qui a été recueillie par le frère de sa mère, est maltraitée par sa tante et ses cousins. J'ai presque tout de suite été emportée dans l'histoire de cette petite fille martyrisée et rapidement j'ai été captivée par sa personnalité et son destin.

Assez vite je me suis trouvée dans le style de lectures d'antan, où les enfants souffraient, où les adultes étaient odieux et ça m'a ramenée au monde du XIXème siècle tel que je le voyais étant petite. Ben oui parce que voilà... Ça se passait plutôt mal à cette époque pour les enfants ! Surtout les pauvres, et surtout les orphelins. Comme si la vie ne s'était pas suffisamment acharnée et qu'il fallait que les détenteurs de la vérité en rajoute une couche. Ceux-là, c'étaient les chrétiens de tous poils, qui voulaient apprendre à ces pauvres gamins les vertus de l'humilité, de la frugalité (en les affamant carrément), et de l'austérité en général ainsi que des châtiments corporels, pendant que eux-mêmes vivaient dans l'opulence et le tape à l'oeil le plus indécent et vulgaire qui soient tout en oubliant le principe de charité chrétienne.

Mais Jane est une petite rebelle. Elle ne trouve pas normales les méchancetés et les humiliations qu'on lui inflige. de plus, arrivée à l'âge adulte, elle émet des idées ouvertement féministes, trouvant injuste que les hommes aient tous les droits, y compris celui de faire des choses agréables pendant que les femmes sont assignées uniquement à des tâches sans joie.

C'est une histoire lente mais toutefois prenante, et par certains aspects déconcertante, car elle raconte en détail une manière de vivre et les liens sociaux que les moins de 150 ans ne peuvent pas connaître.

En réalité, pour moi ce roman ça a été les montagnes russes. Par moment prenant, puis d'un ennui mortel pendant de nombreuses pages car il ne se passe pas grand-chose et le peu qui se passe on sent qu'on va devoir attendre longtemps pour en connaître la raison.

Ce qui m'a le plus marquée, c'est que les gens riches, nobles ou pas, étaient horriblement méprisants envers le petit peuple, extrêmement mal élevés avec eux et totalement sans filtre, comme s'ils parlaient à un animal qui ne comprend pas ce qu'on lui dit. C'étaient des gens immondes.
Il y a toutefois une histoire d'amour. Un amour sincère, fort, puissant, qui ne se soucie que de l'être et non du paraître. Mais est-il réellement partagé ? Cette question m'a fait trembler…
Puis il y a les lois divines et humaines de l'époque.

Ce roman a réveillé mon ambivalence congénitale avec ses moments intéressants puis ce qui m'a paru interminable avant de redevenir passionnant puis de nouveau long et monotone… J'ai aimé, un peu, beaucoup, moyennement, énormément…
C'est bien écrit mais souvent trop développé à mon goût. On se noie dans les sentiments décrits sur des pages et des pages.

J'ai vu dans ce roman beaucoup de vanité, de mépris pour les classes dites inférieures, d'insensibilité, voire de dureté. J'y ai vu une analyse extrêmement pointue et fine de la nature humaine dans ce qu'elle peut avoir de bon ou de pervers. J'ai vu à quel point la ferveur religieuse peut mettre en danger avec un pied au bord du fanatisme quand le discernement fait défaut. J'ai surtout été effarée par la douleur que peuvent s'infliger certaines personnes par crainte de la colère de Dieu et peur du jugement des Hommes.
Jane est une altruiste, elle est généreuse et totalement désintéressée. C'est un personnage magnifique ! Mais elle n'est pas la seule…
À la fin de ces 760 pages, le constat est que le plaisir de lecture a été plus fort que l'ennui qui m'a plusieurs fois accablée.

 

Citations :

Page 29 : Toutes les violentes tyrannies de John Reed, toute la hautaine indifférence de ses sœurs, toute l’aversion de sa mère, toute la partialité des domestiques remontèrent à la surface de mon esprit agité comme un dépôt noirâtre dans un puits troublé. Pourquoi devais-je toujours souffrir, toujours être rabrouée, toujours accusée, condamnée sans cesse ?

 

Page 58 : - Il n’y a pas de spectacle plus affligeant que celui d’un enfant désobéissant, commença-t-il, surtout quand cet enfant est une petite fille.

 

Page 96 : Sans doute, si j’avais récemment quitté un foyer heureux et des parents affectueux, eût-ce été là l’heure où j’eusse le plus cruellement regretté la séparation ; le vent m’eût attristé le cœur ; le désordre dans l’obscurité eût troublé la paix de mon esprit : dans les circonstances où j’étais, je tirais de l’un et de l’autre une étrange surexcitation et, d’humeur aventureuse et fébrile souhaitais entendre le vent hurler plus sauvagement, voir la pénombre se muer en ténèbres et le désordre dégénérer en clameurs.

 

Page 189 : Il est vain de prétendre que les êtres humains doivent se satisfaire de la tranquillité ; il leur faut du mouvement ; et s’ils n’en trouvent pas, ils en créeront. Des millions d’individus sont condamnés à un destin plus immobile que le mien, mais ces millions sont en rébellion silencieuse contre leur sort. Nul ne sait combien de révoltes, en dehors des révoltes politiques, fermentent dans la masse des vivants qui peuplent la terre. Les femmes sont censées être très paisibles en général, mais les femmes ont tout autant de sensibilité que les hommes ; il leur faut des occasions d’exercer leurs facultés et un champ d’action tout comme à leurs frères ; elles souffrent de contraintes trop rigides, d’une stagnation trop complète, exactement comme en souffriraient des hommes ; et c’est par étroitesse d’esprit que leurs compagnons plus privilégiés décrètent qu’elles devraient se borner à faire des entremets et à tricoter des chaussettes, à jouer du piano ou à broder des sacs. Il est sot de les condamner ou de se moquer d’elles quand elles cherchent à faire ou à apprendre plus de choses que la coutume n’a déclarées nécessaires aux personnes de leur sexe.

 

Page 196 : Je n’avais pour ainsi dire jamais vu de beau jeune homme ; jamais de ma vie je n’avais adressé la parole à un tel personnage. J’éprouvais en théorie de la déférence et de la vénération pour la beauté, l’élégance, la bravoure, le charme ; mais si j’avais rencontré ces qualités incarnées dans un corps masculin, j’aurais compris d’instinct qu’elles n’étaient ni ne pouvaient être en sympathie avec aucun trait de ma propre nature et je les eusse évitées comme on évite le feu, la foudre ou tout autre objet lumineux mais de nature hostile.

 

Page 235 : Vous n’avez pas le droit de me faire des sermons, jeune néophyte, qui n’avez point franchi le portail de la vie et êtes absolument ignorante de ses mystères.

 

Page 316 : Mlle Ingram était un objet indigne de la jalousie : elle était trop inférieure pour susciter un tel sentiment. Excusez l’apparent paradoxe ; je dis bien ce que je veux dire. Elle était très brillante, mais elle n’était pas authentique ; elle avait une belle prestance et nombre de talents éclatants, mais son esprit était pauvre et son cœur naturellement sec ; rien ne fleurissait spontanément sur un pareil sol ; nul fruit n’en jaillissait aisément et naturellement pour enchanter par sa fraîcheur.

 

Page 398 : - Georgiana, il est certain que nul animal plus vain ou plus absurde que toi n’a jamais pu encombrer la terre de sa présence . Tu n’avais pas le droit de naître ; car tu ne tires aucun parti de la vie. Au lieu de vivre pour toi-même, en toi-même et avec toi-même, comme le doit faire tout être raisonnable, tu ne cherches qu’à accrocher ta faiblesse à la force d’une autre personne ; si tu ne trouves ni homme ni femme qui accepte de se charger d’un être aussi gras, aussi débile, aussi bouffi, aussi inutile que toi, tu t’écries qu’on te maltraite, qu’on te néglige et qu’on te rend malheureuse.

 

Page 400 : Il y a des gens qui ne font guère de cas des sentiments sincères et généreux ; mais voilà que l’absence de tels sentiments rendait l’une de ces deux natures insupportablement pointue, et l’autre méprisablement fade. La sensibilité sans le jugement n’est en vérité qu’une potion bien insipide ; mais le jugement qui n’est pas tempéré par la sensibilité est une substance trop amère et trop rugueuse pour pouvoir être avalée par un gosier humain.

 

Page 462 : Mon futur époux devenait pour moi tout l’univers ; et plus que l’univers terrestre, presque mon espoir d’au-delà. Il se dressait entre moi et toutes mes pensées religieuses, comme une éclipse s’interpose entre l’homme et le grand soleil. À cette époque, une créature m’empêchait de voir Dieu, car de cette créature j’avais fait une idole.

 

Page 525 : Engager une maîtresse est ce qu’il y a de pire, après l’achat d’une esclave ; l’une et l’autre sont souvent par nature et toujours par position des inférieures ; or, vivre en familiarité avec des inférieurs est avilissant.

 

Page 541 : Au milieu de la douleur de mon cœur et de la farouche résistance de mes principes moraux je me détestais. Je ne tirais aucune consolation de ma propre approbation ; aucune non plus du sentiment de ma propre dignité.

 

Page 662 : Ce salon n’est pas son domaine, pensai-je. La crête de l’Himalaya, la brousse du pays cafre, ou même le marécage pestilentiel de la côte de Guinée lui conviendraient mieux. Il a bien raison de se dérober au calme de la vie familiale ; ce n’est pas son élément ; ses facultés y restent stagnantes, elles ne peuvent se développer ou y apparaître à leur avantage. C’est dans les scènes de lutte et de péril, là où le courage s’affirme, où l’énergie s’exerce, où l’endurance est mise à rude épreuve, qu’il pourra parler et agir, en chef et en supérieur. Mais devant cet âtre un enfant joyeux aurait l’avantage sur lui.

 

Page 689 : Je n’avais guère de fierté en pareille circonstance ; j’ai toujours préféré être heureuse plutôt que digne ; je lui courus donc après ; il était au pied de l’escalier.

 

 

 

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Mon avis : Le Pays du Dauphin Vert – Elizabeth Goudge

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Maxime Ouvrard

 

Éditions Libretto

 

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Quatrième de couverture :

Une rue peut être un univers, l'endroit où tout se joue. Lorsque sa famille emménage rue du Dauphin-Vert, en plein dix-neuvième siècle, dans une bourgade des îles Anglo-normandes, William se lie d'amitié avec la jolie Marguerite et la grave Marianne, toutes deux ses voisines. On rêve, on rit, on pleure et l'on se moque du jeune garçon qui, en dépit de sa préférence marquée pour Marguerite, ne peut s'empêcher de mélanger les prénoms des deux sœurs Un « détail » vraiment ? Un petit rien, croit-on, que cette confusion. Elle bouleversera pourtant le cours de bien des existences

 

 

Mon avis :
Dans les îles Anglo-normandes au milieu du XIXème siècle, vivent deux sœurs adolescentes très différentes l'une de l'autre. Il y a la belle et rayonnante Marguerite généreuse et magnanime, et son aînée Marianne, ombrageuse et pas jolie, qui rêve de voyages, de découvertes et de liberté, toutes ces choses réservées aux hommes à cette époque. Elle est notamment fascinée par les bateaux qui arrivent de leurs longs périples en mer.

Les deux sœurs sont aux antipodes l'une de l'autre. Marguerite, la cadette est grande et douce, blonde aux yeux bleus, elle respire le bonheur simple. Marianne, l'aînée est petite et sèche, brune aux yeux marrons, elle est cynique et calculatrice, égoïste, ambitieuse, très cultivée et très intelligente, et totalement glaçante dans sa façon d'envisager son avenir. Rien ne doit lui résister. William, le jeune voisin est comme Marguerite, joyeux et toujours heureux. D'ailleurs, de la façon dont ils sont décrits, j'ai vraiment eu l'impression d'avoir affaire à deux imbéciles heureux. Beaux, solaires, mais très naïfs et rieurs. Hélas, les deux sœurs vont tomber follement amoureuses de William.

C'est un roman rempli de tant de choses !.. gorgé de l'humanité qui vit et respire, sourit et souffre, de ses choix et de ses erreurs. C'est vertigineux tout ce qui est raconté là, des vies entières, la croisée des chemins, une méprise qui peut changer plusieurs destins à tout jamais et gâcher des vies. J'ai eu tellement envie de crier avec effarement "MAIS POURQUOIIIIIIIIII ?????" Pourtant on l'a vu arriver la catastrophe !

C'est aussi un roman d'aventure, qui nous fait découvrir le monde du XIXème siècle, avec ses bateaux à voiles et ses pays lointains en voie de colonisation avec des descriptions détaillées et magnifiques. J'ai trouvé ça passionnant. Tout est tellement bien décrit…

Alors oui, il y a une histoire d'amour, et même plusieurs en une, mais c'est essentiellement une histoire de duplicité, de trahison et d'aveuglement. C'est surtout l'histoire d'une époque où le seul avenir possible pour une femme était le mariage. J'ai aimé tous les personnages de cette histoire au long cours, qui nous emmène sur plusieurs décennies, notamment le capitaine O'Hara ou encore Tai Haruru, le maori blanc, mes préférés.
J'ai détesté Marianne, dominatrice, arrogante, jalouse et horriblement vaniteuse, dont l'égocentrisme absolu ne l'incite à faire le bien que pour briller aux yeux des autres. C'est une personne superficielle et totalement abjecte, qui ne se soucie pas du bonheur des autres mais uniquement du sien. Pourtant l'autrice essaie de lui trouver des qualités. Hélas, ses défauts sont rédhibitoires.

Ce roman est un GROS pavé, 800 pages rien que ça, et c'est écrit tout petit. J'ai eu souvent l'impression de ne pas avancer surtout dans la première moitié, pourtant je ne me suis jamais ennuyée. On a droit à des multitudes de descriptions : les îles Anglo-normandes, la marée basses et les coquillages dans les flaques, un couvent perché sur un rocher isolé, les habitations, les bateaux, les traversées en mer, les tempêtes, les villes du bout du monde, l'histoire des maoris et leurs coutumes, les états d'âme et les sentiments des protagonistes ainsi que leur foi en Dieu ou pas, mais aussi leurs nombreuses tenues vestimentaires, les pays traversés et tant d'autres choses encore avec moult détails qui s'étalent sur des pages et des pages, sans que jamais l'ennui ne s'installe. C'est miraculeux !

Je suis passée par tout un tas d'émotions à cette lecture, la joie, la peur, la consternation, l'espoir, la colère, le soulagement, plusieurs fois, comme une ronde sans fin. J'ai aimé ce roman passionnément, qui nous raconte plusieurs décennies, et à la toute fin je dois avouer que l'âme humaine demeure un mystère pour moi car, comment peut-on faire preuve d'autant d'abnégation ?

 

Citations :

Page 52 : Et, pendant un court instant, au fond de son cœur, elle reconnut la supériorité de William. Puis elle repoussa cette idée très loin d’elle, afin qu’elle ne revînt plus la troubler de toute sa vie. Elle était Marianne Le Patourel, la personne la plus importante de son monde, et elle avait accordé à cet être jeune et magnifique qu’était William Ozanne l’inestimable trésor de son amour. Il était à elle. Elle le formerait. Il était désordonné, paresseux, sale, mal élevé, et il y avait une certaine faiblesse dangereuse dans son caractère. Mais elle changerait tout cela.

 

Page 72 : Marianne aussi était en proie à une curieuse sensation. Ses mains étaient serrées, et ses yeux avides ne quittaient pas le visage du capitaine O’Hara. Comme le monde était vaste, magnifique, terrible, plein de merveilles et d’aventures ! Quand on est un homme, on n’en peut connaître, avant de mourir, qu’une bien petite partie ; mais si l’on est femme, on a peu de chance de jamais quitter l’île où l’on est née…

 

Page 90 : Vous êtes une femme, ma petite ; les femmes ne peuvent pas être docteurs, et ne le seront jamais. Dieu merci ! La place d’une femme est à la maison, à faire de la couture et à prendre soin de sa précieuse santé.

 

Page 93 : Il est horrible d’être une femme. On ne semble même pas capable d’avoir ce qu’on veut. Il faut que ce soit un homme qui le donne. Papa ne m’autorisera jamais à étudier les choses qui m’intéressent, comme la mécanique et les autres sciences du même genre. C’est son orgueil qui parle… Il préfère que je sois féminine qu’heureuse. Il est étrange n’est-ce pas ? Que les parents ruinent ainsi souvent par simple orgueil, la vie de leurs enfants.

 

Page 123 : - Lorsque nous aurons vu les empreintes, nous ramasserons des patelles pour le dîner, dit Marianne. C’est très bon cuit.

Marguerite soupira. Elle n’aimait pas détacher les pauvres patelles des rochers, simplement pour corser un repas destiné à des gens qui, en réalité, se suralimentaient. Pourquoi des êtres humains avides devaient-ils dévorer des innocentes créatures de la mer ?

 

Page 170 : À ce moment, elle était plus qu’elle-même, pensait William, et il la contemplait avec ravissement depuis la porte. Quelque chose s’était emparé d’elle, quelque chose de divin que les hommes vénéreraient toujours. Elle était la femme qui donne son corps à l’homme pour assurer son immortalité sur la terre, divine Déméter, qui ouvre son sein au soleil et à la pluie afin que la graine y puisse prendre vie.

 

Page 261 : Rien de ce qui est vivant ne devrait être traité avec mépris. Tout ce qui vit, que ce soit un homme, un arbre ou un oiseau, devrait être touché délicatement, car le temps de la vie est court.

 

Page 294 : Sophie ne connaissait pas grand-chose sur les grands voyages. En fait, elle savait simplement que les jeunes femmes devaient toujours descendre dans les Hôtels de la Tempérance, si elles ne voulaient pas être molestées par les hommes.

 

Page 441 : - C’est cette conception de la réalité comme un lieu qui fait de certains êtres des pèlerins et des voyageurs, observa la révérende mère. Ils doivent toujours quitter le pays où ils sont nés pour en chercher un autre meilleur. Ce sont des créateurs, des pionniers, des constructeurs de nouveaux mondes. Je crois pourtant qu’ils sont rarement satisfaits. Ils ne peuvent jamais construire quelque chose de parfait. Le pays qu’ils désirent est à la fois en eux et hors des limites de ce monde, mais il ne leur vient pas à l’idée de le chercher là où il est.

 

Page 592 : - On doit lutter contre l’erreur, partout où on la rencontre, dit Samuel sentencieusement. Ces enfants sont dans l’erreur quand ils adorent leurs dieux de la nature, le vent, la forêt et l’eau. Ces dieux sont simplement la personnification de leur propre désir de s’unir à la beauté de la nature.

 

Page 734 : « Europe, si ancienne et si belle, adieu ! Adieu ! Paradis de ma jeunesse, adieu ! Je ne te reverrai plus avant que ma vie ait parcouru sa révolution, et la porte par laquelle un enfant est sorti sera la porte par laquelle une vieille femme entrera... »

 

Page 759 : Il ne savait pas, avant de l’avoir revue, à quel point les corps peuvent être modelés pas l’esprit, de telle sorte qu’avec l’âge les âmes sympathiques ne se reconnaissaient les unes les autres que plus facilement.

 

Page 763 : Il n’était pas facile, assurément, de renoncer à toute certitude temporelle simplement pour adorer quelque chose qui, en dépit de tout ce qu’on pouvait dire et faire, devait rester jusqu’à la fin de la vie un mystère impénétrable.

 

Page 779 : Elle avait toujours voulu marquer la vie de son empreinte. Le ciel seul pouvait savoir combien il pourrait lui en coûter de se résigner à être la cire et non pas le sceau.

 

 

 

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