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Mon avis : Le chat du rabbin Tome 1 – Joann Sfar

Publié le par Fanfan Do

Éditions Dargaud

 

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Résumé :

Le Chat du Rabbin, c'est Alger et le quartier juif au début du siècle. Celui qui regarde ce monde et qui raconte, c'est "Le Chat du Rabbin." Tout de suite, il explique pourquoi le Rabbin n'a pas plutôt un chien : "ça fait tellement longtemps que les juifs se font mordre, courir après ou aboyer dessus que, finalement, ils préfèrent les chats." Le chat mange le perroquet de Zlabya, la fille du Rabbin, et du coup, le voilà doté de la parole et exigeant de faire sa bar-mitzva. Les discussions vont être longues tant avec le Rabbin lui-même qu'avec le Rabbin du Rabbin. Ce chat, qui a une allure graphique à pleurer de rire, tantôt matou tendre amoureux de sa maîtresse, tantôt sournois filou, tient tête à tout le monde et ergote à n'en plus finir. Il ne se calme que dans la douceur des bras de sa maîtresse. Mais il lui est interdit de lui parler, alors il nous confie: "c'est la condition, si je veux rester avec elle. Ça vaut le coup de fermer sa gueule pour être heureux". Ceci ne l'empêchera pas de se mettre sur la piste des étudiants qui fréquentent l'école du Rabbin, car l'un d'entre eux a le désir d'épouser la jolie Zlabya.

 

 

Mon avis :
Le chat du rabbin est un chat comme tous les chats, observateur, mystérieux et silencieux. À tous ceux qui disent en parlant de leur petit compagnon poilu "Il ne lui manque que la parole" je réponds toujours "Ça va pas la tête ?". S'ils parlaient ce serait peut-être pour sortir autant d'inepties que nous. Moi je les aime comme ils sont, sans la parole. Sauf que le chat du rabbin, un jour il bouffe le perroquet et se met à parler ! Damned !!

C'est qu'il est insolent et intelligent ce chat ! Tellement irrévérencieux ! Et menteur de surcroît ! Les arguments du rabbin du rabbin, oui oui faut suivre hein !.. il les contre et les démonte avec une logique implacable et c'est pas pour me déplaire… les religieux de tous poils ont des arguments souvent obscurs et s'arrangent toujours pour retomber sur leurs pattes, ben comme les chats dis donc !

Et donc, le chat veut faire sa bar-mitsva pour être un bon juif, et veut aussi étudier la kabbale. Et pourquoi donc ? Pas pour l'amour de Dieu en tout cas. C'est drôle et plein de doubles sens, ça m'a beaucoup amusée. Mais j'ai dû aller à la recherche d'infos car je ne connais rien au judaïsme. du coup, je mourrai moins ignorante !

Entre le chat et le rabbin, c'est en quelque sorte le darwinisme contre le créationnisme, le réalisme contre le puritanisme, c'est un genre de ping-pong oral, une joute verbale idéologique, c'est bon et c'est drôle !!!

 

Citations :

Dans la tradition juive, le chien est un bon animal, dit le rabbin du rabbin, car il est franc, opiniâtre, prompt à endurer des souffrances pour le bien général,. Alors que le chat, PFF, on ne peut pas faire confiance à un chat.

GNAGNAGNA ! Tu parles, un chien, c’est solaire, univoque, moraliste, masculin, merdique.

 

 

 

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Mon avis : Dans les eaux troubles – Sarah Bailey

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Adrian Castillo

 

Éditions du 38

 

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Quatrième de couverture :

C'est bientôt Noël à Smithson, en Australie. Un été chaud comme jamais. Une ville sur le point d'exploser. Un corps de femme, parsemé de roses rouges, est retrouvé dans le lac Sonny. La détective Gemma Woodstock manoeuvre pour que l'affaire lui soit confiée, bien qu'elle connaissait la victime depuis le lycée, des années auparavant, dissimulant la fascination qu'elle avait pour celle-ci. Mais ce n'est pas tout ce que Gemma tente de cacher. Alors que l'enquête plonge dans le passé, des secrets sont sur le point d'être révélés, secrets qui étaient censés rester enfouis. Le lac renferme la clef qui permettra de résoudre ce meurtre, mais il a aussi le pouvoir d'entraîner Gemma dans ses eaux troubles. Un récit envoûtant de la descente aux enfers d'une femme qui sombre dans le mensonge et la folie. Un thriller addictif, un roman époustouflant. SARAH BAILEY est établie à Melbourne et dispose d'une solide expérience dans le domaine de la publicité et de la communication. Au cours des cinq dernières années, elle a publié un certain nombre de nouvelles et d'articles dans des revues d'opinion. Son premier roman, le best-seller The Dark Lake, a été publié en 2017, suivi de Into the Night (2018), et Where the Dead Go (2020), tous les trois dans la série Gemma Woodstock.

 

 

Mon avis :
On entre de plain pied dans l'histoire et tout de suite on ressent comme une ambiguïté de la part de la détective Gemma Woodstock, personnage torturé qui erre dans ses souvenirs. Une femme est couchée sur la table d'autopsie, une femme assassinée qu'elle connaissait depuis le lycée.
J'ai senti tout de suite que je m'étais fait harponner par l'histoire.

Gemma Woodstock a dû faire son trou dans ce bastion de la misogynie qu'est la police. Dès le début elle a su qu'elle devrait se battre pour prouver qu'elle valait autant que ses collègues masculins.
On apprend peu à peu des bribes de sa vie, son passé douloureux au travers de flash-backs.
Elle vit depuis toujours à Smithson où pratiquement tout le monde se connaît.

L'enquête que mènent Gemma et Felix, son coéquipier, nous entraîne dans l'intimité des habitants de Smithson et beaucoup dans les souvenirs de l'adolescence. Peu d'indices au départ, de nombreuses questions, des secrets de famille semblent se faire jour, une menace sournoise, de sourdes angoisses…
Ce roman est un véritable page turner. J'y ai tout aimé, l'écriture très belle qui dépeint si bien les sentiments et les douleurs, le rythme, les descriptions, les personnages, le suspense, l'enquête… et puis l'Australie ❤️ !!!
J'ai aimé Gemma, avec ses fêlures, ses zones d'ombre, ses fantômes, ses secrets, ses mensonges, ses mystères, toute la douleur qu'elle trimballe comme des grosses valises pesantes, et l'air de vivre à côté de sa propre vie, un peu en retrait, comme si elle faisait en sorte d'exister avec ce qu'elle n'a pas choisi. La résolution de cette enquête semble être particulièrement vitale pour elle. Et tout le long, Rosalind, la femme assassinée reste un mystère et on sent bien qu'on devra arriver au bout du bout du roman pour enfin savoir qui l'a tuée et pourquoi, car tout s'imbrique parfaitement.

Merci Babelio_ Masse critique et les Editions du 38 pour l'envoi de ce roman.

 

Citations :

Page 15 : Le sang se mélange à l’eau avant de disparaître dans les égouts et je ferme les yeux en souhaitant être à nouveau une petite fille, bordée dans son lit, le doux baiser de sa mère sur le front.

 

Page 35 : Être une femme flic à Smithson comportait des défis, mais d’une certaine manière, je m’en réjouissais. Ce métier me donnait quelque chose de concret et de réel à affronter. Un obstacle mouvant que je pouvais vaincre, un contraste frappant avec le néant obscur qu’était le puits profond de mon chagrin. La bande sonore de moqueries et d’humiliations qui me suivait partout ne faisait que me rendre plus déterminée, plus concentrée.

 

Page 90 : Je fais une pause, sentant la puissante charge de motivation dans la pièce infuser dans le groupe. Je peux sentir le désir brut de traquer la personne qui a pris l’initiative de perturber l’ordre naturel du monde.

 

Page 300 : C’est une chose très étrange de ne pas avoir de mère. C’est comme être sans gouvernail.

 

 

 

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Mon avis : La mort est une pose – Keyvan Sayar

Publié le par Fanfan Do

Éditions L’Harmattan

 

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Quatrième de couverture :

Chercher dans le deuil et la tristesse... une lumière. C'est ce à quoi s'attelle Keyvan Sayar dans ce recueil aigre-doux, nous assurant que « la mort est une pose » et que même si la vie « a de méchants trous dans les poches », « rien de grave ne nous arrive, sauf les trucs graves, mais il y en a moins que de mardis, moins que de soleils, moins que de minutes au cadran de la montre ».
La vérité est ailleurs
Ici il y a surtout des pastèques
Vertes dehors, rouges dedans
Gorgées de graines et d'eau
Complexes
Autant que ma gueule
Distraites
Et c'est mieux comme ça
On les coupe en quat'
Qu'elles s'en rendent même pas compte
Franco-iranien, Keyvan Sayar a grandi en banlieue parisienne puis est parti vivre à Grenoble, Dublin, La Hayes, Bruxelles, Santo Domingo et Brasilia. Auteur de poésie et de fiction, ses points communs avec Victor Hugo sont d'aimer les gilets, les phrases un peu longues et les pains au lait.

 

 

Mon avis :
J'ai tout d'abord été étonnée par l'orthographe du titre car dans un premier temps mon cerveau avait enregistré "pause", comme une pause avec la vie. C'est donc curieuse que j'ai commencé ce recueil de poésie.

Je me suis intéressée à ce livre parce que depuis toujours la mort me fascine, m'interpelle. C'est la chose qui provoque les plus grandes douleurs dans la vie, mais c'est aussi celle qui fait que parfois certains restent éternellement jeunes, morts trop tôt pour devenir vieux. Et parfois nos défunts nous font rire, à travers des souvenirs drôles.

Ce recueil est fait de poésies sans rimes, de vers funambules, qui virevoltent et disent des choses étranges et belles, qui jonglent avec les mots :


𝑻𝒖 𝒑𝒂𝒔𝒔𝒂𝒊𝒔 𝒅𝒆𝒗𝒂𝒏𝒕 𝒎𝒐𝒊
𝒄𝒐𝒎𝒎𝒆 𝒔𝒊 𝒋𝒆 𝒓𝒊𝒆𝒏 𝒏'𝒆𝒕𝒂𝒊𝒔


Keyvan Sayar détourne les mots ou en invente et parfois les conjugue et c'est joli… et puis c'est drôle ! Et puis c'est facétieux.
Oui, oui, il y a de l'humour au fil de ces pages. Ces poèmes sont comme des bulles dans une boisson, comme les bulles d'un gin tonic , délicieuses et euphorisantes… et parfois entre deux eaux :


𝑱'𝒂𝒗𝒂𝒊𝒔 𝒍𝒆𝒔 𝒃𝒐𝒖𝒍𝒆𝒔, 𝒍𝒆𝒔 𝒈𝒍𝒂𝒏𝒅𝒆𝒔
𝑳𝒆𝒔 𝒄𝒓𝒐𝒕𝒕𝒆𝒔 𝒅𝒆 𝒏𝒆𝒛 𝒒𝒖𝒊 𝒑𝒆𝒏𝒅e𝒏𝒕
𝑳𝒆 𝒄oe𝒖𝒓 𝒍𝒐𝒖𝒓𝒅 𝒅'é𝒎𝒐𝒕𝒊𝒐𝒏𝒔
𝑳𝒂 𝒄𝒆𝒓𝒗𝒆𝒍𝒍𝒆 𝒆𝒏 𝒄𝒖𝒊𝒔𝒂𝒏𝒄𝒆
𝑴𝒐𝒏 𝒕𝒓𝒂𝒊𝒏 𝒄𝒉𝒆𝒓𝒄𝒉𝒂𝒊𝒕 𝒔𝒂 𝒈𝒂𝒓𝒆
𝑬𝒏 𝒕𝒄𝒉𝒐𝒖𝒄𝒉𝒐𝒖𝒕𝒂𝒏𝒕 𝒍𝒆 𝒕𝒆𝒎𝒑𝒔
𝑱'𝒎𝒂𝒄𝒉𝒐𝒖𝒊𝒍𝒍𝒂𝒊𝒔 𝒅𝒆𝒔 𝒃𝒐𝒏𝒃𝒆𝒄𝒔
𝑬𝒏 𝒂𝒕𝒕𝒆𝒏𝒅𝒂𝒏𝒕 𝒍𝒂 𝒔𝒖𝒊𝒕𝒆
𝑳𝒂 𝒇𝒖𝒊𝒕𝒆
𝑳𝒂 𝒄𝒐𝒖𝒓𝒔𝒆-𝒑𝒐𝒖𝒓𝒔𝒖𝒊𝒕𝒆

 

Citations :

Page 14 : Tu passais devant moi

comme si je rien n’étais

 

Page 36 : Si on existe peu, puis qu’on n’existe plus, à quoi bon participer ?

Si le jeu est truqué dès le début, quelles chances a-t-on de gagner ?

 

 

 

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Mon avis : Le goûter du lion – Ogawa Ito

Publié le par Fanfan Do

Éditions Picquier

 

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Quatrième de couverture :

Ce qui fait de ce livre grave et pudique un roman solaire, c’est d’abord le lieu : l’île aux citrons dans la mer intérieure du Japon, qu’il faut gagner en bateau ; et encore, l’image magnifique de l’union de la mer, du ciel et de la lumière : la mer scintillante, illuminée par un incroyable sourire, surplombée par la Maison du Lion, ce lieu de paix où Shizuku a choisi de venir pour vivre pleinement ses derniers jours en attendant la mort.
Avec elle, nous ferons la connaissance des pensionnaires – ses camarades, ses alliés et pour tout dire, sa nouvelle famille – ainsi que de la chienne Rokka qui s’attache à elle pour son plus grand bonheur. En leur compagnie, il y aura aussi les goûters du dimanche où grandit peu à peu son amour de la vie quand on la savoure en même temps qu’un dessert d’enfance, une vie qui aurait le goût de la fleur de tofu, d’une tarte aux pommes ou des mochis-pivoines.
Avec la délicatesse d’écriture que nous lui connaissons dans ses précédents romans, Ogawa Ito entraîne peu à peu Shizuku sur un chemin de poésie dont la mélodie possède la voix grave et conciliante d’un violoncelle ; un chemin apaisé comme pour dire la gratitude d’exister.

 

 

Mon avis :
Shizuku part mourir dans la Maison du Lion sur l'île aux citrons dans la mer intérieure du Japon alors qu'elle est si jeune encore, à peine trente trois ans. C'est un endroit qui accueille les gens en fin de vie. Cette histoire est pleine de la beauté de la nature et du goût des choses sucrées, de la générosité, de l'attente fébrile du goûter.
C'est rempli de l'amour de la vie autant que de l'acceptation de la mort bien que parfois la révolte contre cette injustice refait surface. J'ai ressenti une frustration de ce qui aurait pu être mais ne serait jamais.

Il y a l'île, la mer, la nature, les sons, la nourriture, tous ces mets qui confinent au divin, quand chaque bouchée est une explosion de sensations gustatives absolument sublimes ! D'ailleurs, le goûter du dimanche est toujours un mets demandé par un des pensionnaires, quelque chose qui lui évoque un souvenir heureux. Et puis il y a Rocca, petite chienne totalement adorable qui devient la compagne des derniers jours de Shizuku. Des gens extrêmement bienveillants peuplent cet endroit pour faire des derniers instants des pensionnaires un moment d'amour et de sérénité. Mais n'est-ce pas plus dur de quitter la vie quand on a enfin trouvé le bonheur ?

À mesure que son corps s'étiole, Shizuku est de plus en plus dans l'introspection et les questions existentielles, des souvenirs remontent et des rêveries prennent place.

Beaucoup d'émotion, une petite larme m'a échappé, et un sentiment de révolte et d'impuissance face au cancer qui condamne bêtement, aveuglément, désespérément. Pourtant c'est une histoire qui fait du bien. À la lecture de ce roman, on se dit qu'on devrait jouir quotidiennement du moment présent, être heureux simplement d'être en vie, de savoir qu'on verra encore et encore le soleil se lever. Par ailleurs, on a l'eau à la bouche avec ce livre, j'ai eu envie de me mettre aux fourneaux et notamment de chercher des recettes de l'okayu tant les descriptions m'ont fait rêver.

 

Citations :

Page 7 : C’était une chance inouïe que de pouvoir vivre chaque jour sans y penser. Le bonheur, c’était de couler des jours ordinaires, à se plaindre juste un peu, sans se rendre compte que l’on était heureux.

 

Page 40 : C’est la fin, tu peux enlever les chaînes qui entravent ton cœur, m’a dit Dieu en me donnant un tendre baiser.

 

Page 72 : Inspirez le malheur de toutes vos forces, transformez l’air que vous expirez en gratitude, et votre vie brillera bientôt.

 

Page 74 : L’okayu du matin l’avait poussée à vivre un peu plus longtemps, et je comprenais très bien pourquoi. La Maison du Lion était parsemée d’encouragements. De petits espoirs s’y cachaient un peu partout.

 

Page 95 : Nous autres, les malades en phase terminale qui résidions à la Maison du Lion, étions appelés des invités. Et lorsqu’un invité quittait ce monde, une bougie brûlait devant l’entrée pendant vingt-quatre heures. Le corps du défunt invité était sorti par l’entrée principale, avant d’être incinéré. Ce qui n’était pas le cas quand on mourait à l’hôpital. Le corps était discrètement sorti par une porte de derrière, pour éviter de l’exposer à la vue de tous.

 

Page 167 : Oui, les bananes souriaient, il ne pouvait en être autrement. Je venais de découvrir que les animaux n’étaient pas les seuls à sourire, les plantes aussi.

 

Page 252 : Vivre, c’est être la lumière de quelqu’un d’autre. User sa propre vie en offrant sa lumière à l’autre. Et de cette façon, s ‘éclairer l’un l’autre.

 

 

 

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Mon avis : Les enfants endormis – Anthony Passeron

Publié le par Fanfan Do

Éditions Globe

 

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Quatrième de couverture :

Quarante ans après la mort de son oncle Désiré, Anthony Passeron décide d'interroger le passé familial. Évoquant l'ascension de ses grands-parents devenus bouchers pendant les Trente Glorieuses, puis le fossé grandissant apparu entre eux et la génération de leurs enfants, il croise deux histoires : celle de l'apparition du sida dans une famille de l'arrière-pays niçois - la sienne - et celle de la lutte contre la maladie dans les hôpitaux français et américains.

Dans ce roman de filiation, mêlant enquête sociologique et histoire intime, il évoque la solitude des familles à une époque où la méconnaissance du virus était totale, le déni écrasant, et la condition du malade celle d'un paria.

 

 

Mon avis :
Waouhhh quelle écriture ! C'est beau, précis, brut. C'est ce que j'ai pensé dès le prologue où l'auteur parle de ces photos où on voyait des morts encore vivants, des vieux encore jeunes. C'est ça, c'est exactement ce que je n'aurais pas su dire mais qui m'a tellement parlé !


Anthony Passeron nous raconte sa famille, depuis la rencontre de ses grands-parents en passant par l'arrivée du sida dans le début des années 80, qui a laissé deux médecins seuls face à un mystère pendant que d'autres les raillaient de s'intéresser à cette maladie qui concernait si peu de gens. de très nombreux médecins pensaient que l'époque des grandes épidémies était révolue. Comme quoi il faut toujours rester humble face à la nature.

Pourtant, l'arrivée de ce fléau, qui sera appelé le syndrome gay, a fait une véritable hécatombe sans qu'on comprenne d'où ça venait ni ce qui nous arrivait. Hélas, ça a été l'occasion pour beaucoup d'abrutis de se défouler sur les homosexuels, rendus responsables de cette épidémie… puis les drogués. Finalement, les porteurs de cette maladie sont devenus les pestiférés du XXÉME siècle, car tout le monde en avait peur. Donc on le taisait quand soi ou un proche l'avait.

L'auteur refait le chemin à l'envers pour tenter de comprendre l'histoire familiale de cette lignée de bouchers et celle de Désiré, son oncle et le fils préféré de ses grands-parents, devenu toxicomane et contaminé par le VIH. En parallèle il nous fait l'historique du sida et certains comportements du monde médical prêterait presque à sourire si ce n'était pas si tragique.
L'alternance entre l'histoire du virus et la vie de Désiré donne l'impression qu'ils marchaient main dans la main mais que lui ne le savait pas encore.

Tout est passionnant dans ce livre. La force du déni dans la famille et la lutte d'ego de certains scientifiques mais aussi la recherche, les espoirs et les nombreux échecs. Sans oublier la solitude et le rejet des malades. C'est une plongée au coeur du tsunami qu'a été l'arrivée du sida, qui a tué tant de jeunes et nous a coulé les pieds dans le béton alors qu'à 20 ans on veut juste bouffer la vie à pleines dents.

Cette histoire d'une famille dévastée par la maladie, doublée d'un compte rendu très détaillé de l'apparition du sida et le la recherche médicale qui s'en est suivie est extrêmement bien faite, hyper documentée. Ce livre devrait être lu par tout le monde car il y a tellement d'ignorance sur les modes de contamination, sur la dangerosité, comme si, avec le temps on s'était endormis, oubliant la terreur que ce virus a inspiré à tout le monde à l'époque.
C'est en même temps très triste, le destin de ceux qui se sont fait avoir, qui jouaient à la roulette russe sans le savoir. Les dommages collatéraux ont été terribles.

C'est brillant, didactique, émouvant et intelligent. L'alternance entre l'intime et la recherche scientifique nous ouvre les yeux et peut-être apporte-t-elle un peu de ce qui a manqué aux premières victimes du sida : compassion et empathie.
Et chapeau bas aux chercheurs pour leur opiniâtreté à toute épreuve et dont le credo pourrait être "il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer."

 

Citations :

Page 9 : Mon oncle était mort quelques années après ma naissance. Javais découvert des images de lui dans une boite à chaussures où mes parents gardaient des photos et des bobines de films en super-8. On y voyait des morts encore vivants, des chiens, des vieux encore jeunes, des vacances à la mer ou à la montagne, encore des chiens, toujours des chiens, et des réunions de famille.

 

Page 28 : Ainsi, Émile était devenu boucher. Sa vie était inscrite dans la continuité des siens, dans la mémoire des lieux. On lui avait légué un nom et un statut, plus encore qu’un métier.

 

Page 52 : Selon de très nombreux médecins, le temps des grandes épidémies est révolu, et peu se portent volontaires pour l’exploration de ce continent incertain.

 

Page 120 : Le chef du service de virologie avait refusé d’analyser les prélèvements sanguins de ses premiers patients susceptibles d’être infectés. Il arguait fièrement ne pas travailler « pour les pédés et les drogués ».

 

Page 136 : L’héroïne leur avait tout volé, l’appétit, le sommeil, les étreintes. Elle les avait renvoyés chacun vers un plaisir intérieur, inaccessible. La vie n’était plus qu’une course vaine, perpétuelle, contre les effets du manque, une course perdue d’avance.

 

Page 163 : À quoi bon soigner des gens qui passaient leur temps à se détruire ?

 

Page 167 : Un micro-organisme, surgi d’on ne sait où, réussissait à enrayer une longue histoire d’ascension sociale, une lutte pour devenir quelqu’un de respecté.

 

Page 220 : La situation exigeait d’espérer dans un univers sans espoir, de prévoir dans un monde sans avenir, de se battre dans un monde sans victoire. C’était à cela qu’on était désormais condamné : agir en vain.

 

Page 252 : Le virus était allé au bout de sa logique absurde. Contredisant ceux qui aimaient à le décrire comme un être malin. Il avait détruit son hôte, terrassé son système immunitaire. Il avait lui-même scié les piliers d’un refuge qui allait désormais s’effondrer sur lui.

 

 

 

 

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Mon avis : La synagogue – Joann Sfar

Publié le par Fanfan Do

Éditions Dargaud

 

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Quatrième de couverture :

Joann Sfar cherche depuis trente ans à inviter son lecteur dans le monde juif. Tous ses récits sont des appels désespérés à la fraternité. "La Synagogue" marque sans doute le début de son épopée la plus intime. Cette fois, il va moins loin que l'Algérie du chat ou que l'Ukraine de "Klezmer". Il a fallu qu'il se trouve sur un lit d'hôpital en 2021 pour que le dessinateur ose enfin raconter ses vraies aventures d'adolescence. C'est une génération qui se sent coupable d'être née après Hitler et de ne pouvoir le combattre. Des gosses poings serrés qui se disent que les fils de bourgeois déguisés en skinheads qui croisent leur route ne seront pas des ennemis à la hauteur de leur chagrin. C'est l'histoire des Juifs de France qui rêvent d'être comme tout le monde mais qui ne savent pas comment se rendre utiles lorsque des bombes commencent à exploser dans les synagogues. Derrière le plaisir du dessin et des bagarres, un récit salutaire pour rappeler aux jeunes ce que fut le Front National quand il ne faisait pas semblant d'être un parti comme les autres. "La Synagogue" est un récit qui rappelle la permanence des extrémismes politiques et la nécessité de les combattre, même si cette lutte doit être recommencée à chaque génération.

 

 

Mon avis :
Après avoir vu 
Joann Sfar à La grande librairie et avoir adoré son humour et son sourire canaille, j'ai eu envie de découvrir ce qu'il faisait. Je l'avais déjà entendu à la radio et j'avais adoré le personnage, mais le voir amène un plus, notamment l'étincelle espiègle dans son regard.

Dans ce livre, 
Joann Sfar, qui a failli mourir du covid en 2021, parle de lui, de sa vie, de son rapport à Dieu, de son angoisse d'aller a la Synagogue, de sa passion pour Joseph Kessel qui vient le voir, lui parler. Il lui parle d'Hitler, pendant son Ascension, qui, dit-il "était si médiocre !".
Il nous raconte l'antisémitisme, les groupuscules d'extrême droite, son père avocat et bagarreur, l'absence de sa mère, morte quand il était tout petit.
En fait, c'est une page d'histoire, qui part du début de sa vie jusqu'à maintenant, avec des digressions sur lui en train de dessiner, ou plutôt en train de se demander comment dessiner le Joann enfant, le Joann adolescent, s'interroger sur le droit de se moquer de qui il était. Et puis le combat contre Hitler et l'antisémitisme…

Après la BD, La météorologie antijuive étaye les propos de 
Joann Sfar ainsi que bon nombre de coupures de presse. On se rend compte à quel point l'antisémitisme est un mal qui dure depuis des siècles et qui n'a jamais de fin. Et moi, je me demande pourquoi, je ne comprends pas…
Puis les photos de famille à la toute fin.

J'ai trouvé cette bd instructive et terrible car la façon dont sont traitées les exactions envers les juifs est consternante, mais c'est aussi extrêmement drôle par moment, j'ai eu quelques bons fous rires. Et bien sûr, j'ai adoré ❤️


 

Citations :

Page 50 : Mon père a été livré sans l’option « adapte ta syntaxe et ton sujet à l’âge de l’auditoire », il me parlait comme si j’étais politologue.

 

Page 93 : Je pense à Georges Wolinski puisque c’est lui qui a inventé cette façon de se battre avec ou contre sa jeunesse.

 

 

 

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Mon avis : Pour que chantent les montagnes – Nguyên Phan Quê Mai

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Sarah Tardy

 

Éditions Charleston

 

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Quatrième de couverture :

Viêt Nam, 1972.
Depuis leur refuge dans les montagnes, la petite Huong et sa grand-mère Diêu Lan regardent Hà Nôi brûler sous le feu des bombardiers américains. Une semaine plus tard, Huong découvre les décombres qui ont remplacé sa maison : la guerre, l'ombre qui a emmené ses parents et ses oncles dans les forêts du Sud, vient de faire une entrée brutale dans sa vie.
Pourtant, malgré la destruction, le quotidien reprend son cours dans la capitale. Des colonnes de fumée s'élèvent tous les soirs des abris de fortune, les éclats de rire des enfants résonnent et, peu à peu, les vétérans reviennent du front. Mais, derrière la joie des retrouvailles, Huong entrevoit déjà les sombres souvenirs qui pourraient déchirer sa famille comme les souffrances déchirent sa patrie depuis des décennies…

 

Avec une justesse historique remarquable, Nguyên Phan Quê Mai nous offre un voyage poignant à travers un siècle d’histoire vietnamienne, de l’occupation française de Sài Gon. Un hymne intime à la résilience des peuples ravagés par la guerre et la mort.

 

 

Mon avis :
Ce roman de la rentrée était dans le peloton de tête de ma wishlist car l'Asie me fascine, autant par les lieux que par les peuples qui vénèrent leurs ancêtres et gardent ainsi la mémoire du passé très présente. Et puis la guerre du Vietnam racontée par une vietnamienne ajoute un regard nouveau. J'ai eu la chance que lecteurs.com me l'envoie. Alors Merci Merci Merci !!!

Dans ce roman les ancêtres ont donc une place essentielle, la religion aussi, et bien sûr les superstitions, et cet affreux devin au début de l'histoire, oiseau de malheur !

Huo'ng, la narratrice des années 70 à 2017, surnommée Goyave par sa grand-mère, nous raconte son pays accaparé par toutes sortes d'envahisseurs, son peuple et la souffrance qu'il a enduré depuis toujours, sa famille, ses ancêtres, leurs coutumes...

Diêu Lan, la grand-mère de Huo'ng, est la narratrice des années 40 à 50. On a ainsi l'histoire du Vietnam sur deux époques, l'histoire de deux fillettes qui deviennent femmes lors de deux guerres, au sein de leur famille et finalement on a le terrible sentiment que les décennies se suivent et se ressemblent tristement. Toujours le même fléau, la cruauté, les exactions, la peur, la séparation, la mort, le deuil, la souffrance. Et force est de constater que le mépris envers les femmes est un fléau universel et intemporel. Considérées partout comme moins intelligentes, moins intéressantes, moins tout en fait, et impures pendant leurs règles… c'est incroyable de voir que l'arriération mentale de bon nombre de mâles a touché tous les continents et toutes les époques. Pourtant ce roman nous montre à quel point les femmes sont fortes.

Chacune des deux raconte son quotidien, ce que la guerre fait aux humains, la sauvagerie, la peur et le chagrin. Les drames liés aux séquelles que les américains ont laissées aux vietnamiens en souvenir.
"Les guerres ont le pouvoir de transformer en monstres des peuples élégants et cultivés."
La famine et la mort, en plein XXÈME siècle, amenées par des pays riches, ça paraît aberrant, et pourtant…

La violence vient aussi de l'intérieur, car les vietnamiens s'entretuent pour des idées politiques, pour la réforme agraire, le nord contre le sud... La peur est omniprésente, partout, tout autour, dans l'air, au détour d'une rue, même après la guerre. Mais ça respire l'amour aussi. le danger vient de partout, l'amour vient de l'intérieur, au sein des familles, et parfois il ne leur reste que ça, car ce pays a été écartelé, déchiqueté, a subi les pires outrages. Et parfois, pire que tout, l'ennemi devient son propre peuple.

Ça a été une lecture très enrichissante et instructive, belle et hideuse à la fois, une petite piqûre de rappel pour le cas où on aurait oublié que les humains sont capables de tout, et trop souvent du pire, y compris envers leurs frères.
Ce roman beau, douloureux et rempli d'émotions est un cri d'amour au Vietnam et une ode à la famille, dans le bouillonnement de l'Histoire.

 

Citations :

Page 10 : Le murmure de sa voix s’élève des branches agitées. « Souviens-toi, ma chérie. Les épreuves auxquelles le peuple vietnamien a fait face sont aussi hautes que les plus hautes des montagnes. À se tenir trop près, on ne peut distinguer leur sommet. Mais lorsqu’on s’éloigne des tourments de la vie, on en voit le tout... »

 

Page 21 : Je me demandais pourquoi ces armées étrangères continuaient à envahir notre pays. D’abord les Chinois, puis les Mongols, les Français, les Japonais, et maintenant les impérialistes américains.

 

Page 44 : Pendant ce temps, toutes mes amies se mariaient à des hommes choisis par leurs parents. À treize ans, ma meilleure amie Hông s’est vue forcée d’épouser un homme deux fois plus âgé qu’elle, un veuf qui avait besoin de mains pour travailler dans les champs. C’est ainsi que la plupart des femmes étaient considérées à cette époque, Goyave.

 

Page 107 : Plus je lisais, plus les guerres me terrifiaient. Les guerres ont le pouvoir de transformer en monstres des peuples élégants et cultivés.

 

Page 123 : Oh, Goyave, moi qui pensais que nous étions les maîtres de notre destin, j’ai appris qu’en temps de guerre, les citoyens ordinaires ne sont plus que des feuilles balayées comme des milliers d’autres par la tempête.

 

Page 139 : Ce jour marquait la fin d’un bain de sang de près de vingt ans, qui avait noyé plus de trois millions de gens et laissé des millions d’infirmes, de traumatisés, d’exilés.

 

Page 183 : Dans la cour, le longanier était en fleurs, sa canopée verte coiffée d’un dôme de perles. Mais au lieu de remplir mon cœur de joie, cette vision m’a rappelée que les moments paisibles d’une vie sont parfois aussi éphémères que les fleurs – balayés en un coup de vent.

 

Page 199 : Si j’avais eu un souhait, je n’aurais rien demandé de grandiose, simplement une journée, normale, où nous aurions tous été réunis ; une journée à cuisiner, à manger, à rire, à discuter. Je me demandais combien de personnes dans le monde vivaient ces choses sans mesurer leur chance, sans savoir à quel point ces moments étaient précieux.

 

Page 210 : Plus aucun oiseau, plus de papillon, de fleur, d’arbre vert. Le souffle du vent ressemblait aux hurlements de fantômes affamés.

 

Page 263 : En écoutant oncle Dat, ce soir-là, j’ai compris à quel point la guerre était une chose monstrueuse. Lorsqu’elle ne tuait pas ceux qu’elle touchait, elle emportait avec elle une partie de leur âme, les laissant à jamais amputés.

 

 

 

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Mon avis : Ce brave docteur de Pardiac – Patrick Nieto

Publié le par Fanfan Do

Éditions Cairn

 

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Quatrième de couverture :

À la fin de l’été 1898, Pierre-Louis de Pardiac, jeune médecin Landais, quitte précipitamment sa terre natale hérissée de pins. À 26 ans, il rejoint une mission en Papouasie dans laquelle, bravant tous les dangers, il exercera la médecine au milieu de missionnaires venus évangéliser les populations locales. Quarante années après, il adresse un courrier à Solange, sa sœur cadette, pour lui annoncer son retour au pays afin de soulager sa conscience. À mots couverts, il avoue s’être exilé après avoir commis un meurtre. Pour tenter de découvrir l’identité de la victime avant l’arrivée de son frère, Solange va parcourir les Landes pour se replonger dans son histoire familiale tourmentée, à une époque où les révolutions industrielles et sociales se succèdent à un rythme effréné et où l’avenir du monde est des plus incertain.

 

 

Mon avis :
1937, dans les Landes. Solange de la Vigerie brode, lorsqu'elle reçoit une lettre de 
Pierre-Louis, son frère adoré, parti quarante ans plus tôt exercer la médecine en Papouasie. Ce courrier où il annonce son retour la plonge dans la nostalgie de ses souvenirs en 1898, et nous avec, dans ces beaux paysages landais.

L'auteur nous emmène avec le docteur 
Pierre-Louis de Pardiac à travers le temps et l'espace sur plusieurs époques, de 1898 à 1937, et j'ai tout de suite adoré ce voyage qui m'a fait rêver. À travers les lettres écrites à sa sœur, on découvre son périple et c'est une véritable plongée dans l'histoire. D'ailleurs, j'ai adoré la représentation qu'il fait de Marseille à cette époque, mais aussi toutes les descriptions des villes qu'il traverse durant son voyage vers la Papouasie, qu'on a l'impression de découvrir en même temps que lui. J'y ai retrouvé mes rêves d'enfance, quand je désirais plus que tout faire le tour du monde afin de découvrir tous les pays. Patrick Nieto nous décrit tout cela tellement bien qu'on y est aussi. Ça m'a rappelé les Tarzan avec Johnny Weissmuller que j'adorais regarder quand j'étais petite. Il y a le frisson de l'aventure et l'émerveillement de la découverte de terres nouvelles, de peuplades et aussi la peur de l'inconnu. Mais Pierre-Louis de Pardiac cache un secret, qui est la raison de son départ. Il a tué… Mais pourquoi, et comment ? Peut-on être à la fois humaniste et assassin ? On va apprendre au fil du récit la raison de son geste, autant via ses souvenirs que par l'enquête que mène sa sœur Solange qui cherche la vérité.

Roman d'aventures qui au passage nous rappelle la condition des femmes, trop souvent sacrifiées dans leurs rôles d'épouses, de mères, fréquemment bafouées mais dignes et malheureuses.
Une immersion captivante au sein du peuple papou.
Et puis l'évangélisation des peuples reculés, par des prêtres pétris de bonnes intentions, qui vont leur faire comprendre qu'il n'existe qu'un seul Dieu devant lequel il faut se prosterner si on veut sauver son âme.

Dans ce livre j'ai appris avec joie que la corrida avait été interdite depuis 1884. Mais pourquoi donc est-elle donc revenue ?

Ce roman, c'est aussi toute une ambiance, de lieux et d'une époque révolue, où on a l'impression de se promener. Et puis c'est extrêmement bien documenté, de toute évidence.

Merci à Babelio Masse Critique et aux Éditions Cairn pour l'envoi de ce roman passionnant et ce beau voyage lointain.

 

Citations :

Page 17 : Constantin de Pardiac possède un caractère autoritaire, intransigeant, égocentrique. Il fait régner dans sa maison une tension incessante. Il pique des colères noires pour des vétilles, houspille sans cesse les domestiques, trouve à redire sur tout et sur tous. Il attend d’autrui une probité morale sans tache, mais fréquente sans vergogne le bordel le plus huppé de Dax et entretient sur un grand pied, au vu et au su de tous, une maîtresse de trente ans sa cadette.

 

Page 28 : Ces derniers jours ont été riches en évènements et il me faut te les raconter. Après mon périple en train et en bateau, je suis arrivé à Marseille. Tu ne peux imaginer le choc que j’ai ressenti en découvrant cette ville largement ouverte sur la mer.

La cité s’étale sur un territoire deux fois supérieur à celui de Paris. Ici, le relief accidenté tranche avec celui de nos Landes. Les rues pentues offrent des perspectives éblouissantes sur les eaux cristallines de la Méditerranée. Les couchers de soleil sont prodigieux.

 

Page 123 : La vérité est quelque chose de tellement aléatoire tant elle n’existe que dans l’expérience de chacun.

 

Page 157 : L’usage veut que les Papoues se coupent une phalange pour manifester leur chagrin à l’occasion d’un deuil ou d’une violente dispute familiale.

 

 

 

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Mon avis : La conjuration des imbéciles – John Kennedy Toole

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Jean-Pierre Carasso

 

Éditions 10-18

 

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Quatrième de couverture :

À trente ans passés, Ignatus vit encore cloîtré chez sa mère, à La Nouvelle-Orléans. Harassée par ses frasques, celle-ci le somme de trouver du travail. C'est sans compter avec sa silhouette éléphantesque et son arrogance bizarre. Chef-d'oeuvre de la littérature américaine, La Conjuration des imbéciles offre le génial portrait d'un Don Quichotte yankee inclassable, et culte.
« On ne peut pas lire ce livre, l'un des plus drôles de l'histoire littéraire américaine, sans pleurer intérieurement tous ceux que Toole n'a pas écrits. »
Raphaëlle Leyris, Les Inrockuptibles

 

 

Pourquoi j’ai voulu lire ce livre :

J’avais lu partout que ce roman était non seulement un chef-d’œuvre mais aussi d’une drôlerie absolue.

 

Mon avis :
Ignatius Reilly est une sorte de boulet qui vit aux crochets de sa mère à 30 ans passés. Il est pédant, hypocrite, puritain, raciste, méprisant, arrogant, misogyne, égocentrique, malfaisant, homophobe, couard, paresseux, menteur, roublard, antipathique, aigri, imbus de lui-même, retors, opportuniste, et a des avis sur tout. Pour couronner le tout, il rote constamment. le parfait connard en somme. Mais, très érudit !

Je n'ai cessé de me demander pourquoi il était aussi infect avec tout le monde, y compris avec sa mère… il n'est rien, ne fait rien, ne sert à rien, mais il est toujours méprisant envers tout le monde, persuadé d'être un génie méconnu.

Un jour, contraint et forcé par sa mère, il trouve un travail. Et là… au secours !

Ça a été très étrange comme lecture car au départ je me suis demandé où on allait à observer cet adipeux trentenaire larvaire et sa mère beaucoup trop dévouée, dans des situations et des dialogues absurdes. Il y a aussi tout un tas de personnages qui gravitent dans cet univers loufoque et l'auteur appuie sur leurs petites mesquineries pour les ridiculiser.

Je n'ai pas compris l'intérêt des fautes comme par exemple clounes pour clowns ou encore dgine et même coquetèles Molotov. Pour certaines fautes on comprend le but qui est purement phonétique, mais j'ai été totalement hermétique à cette singularité quand ça ne change rien d'un point de vue auditif.

C'est parait-il un roman très drôle. Il ne m'a pas du tout amusée. Je l'ai même trouvé déprimant, avec l'infect Ignatius, le diptère infernal Mme Levy et l'antédiluvienne et pitoyable Miss Trixie. Néanmoins c'est une histoire qui vous attrape et qu'on ne peut pas lâcher alors qu'il n'y a absolument aucune intrigue et que le personnage principal est totalement répugnant, à tous les niveaux. C'est vraiment déroutant…

 

Citations :

Page 81 : Un petit Blanc du Mississippi est allé dire au doyen que j’étais un propagandiste du pape, ce qui est une contre-vérité patente. En effet, je ne soutiens nullement le pape actuel. Il ne correspond en rien à l’idée que je me fais d’un bon pape autoritaire.

 

Page 151 : Je me souviens d’une époque où c’était chouette, ici, on était normal dans le Quartier. Aujourd’hui y a plus que des gouines et des pédés. Faut pas s’étonner que les affaires soyent si mauvaises. Les gouines, moi, je peux pas les sacquer. Mais alors, pas les sacquer !

 

Page 174 : Malgré tout ce à quoi on les soumet depuis si longtemps, les Noirs n’en sont pas moins des gens plutôt sympathiques dans leur immense majorité. Je n’ai guère eu l’occasion d’en rencontrer : décidé à ne fréquenter que mes égaux, je ne fréquente bien évidemment personne puisque je suis sans égal.

 

Page 298 : Son propre corps l’avait toujours effarée. Elle l’avait reçu sans frais, et pourtant jamais elle n’avait rien acheté qui lui eût rendu autant de signalés services que ce corps qui était le sien.

 

Page 390 : - Oh, mon Dieu ! Tonna Ignatius, ma Némésis impubère ! La journée s’annonce bien ! Je suis selon toute apparence destiné à être écrasé par un tramway et détroussé simultanément, triste record jamais encore atteint par nul colporteur des établissements Paradise SA. Au large, bambin dépravé !

 

Page 403 : Mon appareil respiratoire est, malheureusement, d’une qualité inférieure à la moyenne. M’est avis que je suis le fruit d’un engendrement d’une particulière faiblesse de la part de mon père. Son sperme fut émis, je le crains, d’une manière très négligente.

 

 

 

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Mon avis : À quelques milles du reste du monde – Pat Conroy

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Marie Bisseriex

 

Éditions Le Nouveau Pont

 

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Quatrième de couverture :

"Je devais écrire ce livre pour expliquer ce qui s'était passé et à quel point cela m'avait affecté." Par le célèbre auteur du Prince des marées, d'après une histoire vraie.

1969. Dans une Amérique agitée par le mouvement pour les droits civiques, Pat Conroy accepte un poste d'enseignant sur une petite ile isolée. L'endroit est envoûtant, presque désert et séparé du reste de la Caroline du Sud par un bras de mer. On ne peut s'y rendre qu'en bateau. Une poignée de familles afro-américaines vit ici mais l'île n'a plus d'avenir à offrir à ses enfants. Or le jeune professeur idéaliste découvre avec stupeur que ses élèves sont des laissés-pour-compte du système scolaire, que le niveau est dramatiquement bas et que les châtiments corporels ont toujours cours dans cette école.
Pat s'acharne alors à faire rimer apprentissage avec plaisir et à donner à ces enfants une véritable ouverture sur le monde. Mais dans un Sud qui n'en a pas fini avec le racisme, il se heurte sans arrêt à l'immobilisme et au déni d'une administration qui fera tout pour le renvoyer. Dans son style enlevé et plein d'humour, Pat Conroy nous raconte son coup de cœur pour cette île à la beauté sauvage et pour dix-sept enfants qui avaient soif d'apprendre. L'année qui a changé sa vie.

 

 

Pourquoi j’ai voulu lire ce livre :

J'aime Pat Conroy. Tellement ! Il me bouleverse, m'amuse, et me transporte par son écriture virtuose. Et voilà qu'il a écrit un livre où il parle de lui, nous raconte ses jeunes années, et je me suis dit que c'était sans doute une clé pour comprendre un peu mieux le bonhomme…
 

Mon avis :
À 24 ans, Pat conroy jeune professeur demande à aller enseigner à Yamacraw, une petite île isolée de Caroline du Sud. Tellement isolée que le vingtième siècle a oublié sa présence. Des familles de noirs y vivent, abandonnées du reste de l'Amérique, dans un confort plus que sommaire, une ignorance quasi-totale et un alcoolisme endémique.

On découvre, au début de son récit, qu'il a été un jeune crétin, avec des comportements racistes dans sa bande de copains : "Le mot nègre possédait le mystère et l'attrait du fruit défendu et je l'utilisais abusivement au sein de la bande d'amis blancs et abrutis qui contribua à mon éducation."
Pourtant, par idéalisme, il ira enseigner à des enfants noirs totalement incultes. Et les méthodes d'enseignement du jeune professeur "Conrack" ou "Patroy" selon qui le nomme, s'évertuent à casser les codes et leur apprendre des tas de choses dans un joyeux bordel. Pourtant ses méthodes dérangent. Mrs Brown, la directrice, considère que les noirs ne comprennent que le fouet, alors qu'elle est elle-même afro-américaine.

Il y a énormément d'humour dans ce récit et on se rend compte que 
Pat Conroy ne s'est jamais pris au sérieux et pratiquait l'autodérision, même en compagnie de tous ces petits noirs, ces sauvageons, ces petits gremlins remuants, ignorants et moqueurs, lui qui se sentait, au milieu d'eux, si ridiculement blanc.

Dans cette Amérique des hippies, de la guerre au Vietnam, de la marche sur Washington, 
Pat Conroy nous raconte la vie des afro-américains laissés sur le bord de la route et de ces patriotes blancs et racistes qui rêvaient de buter toute cette engeance chevelue, droguée, colorée pour rendre à l'Amérique sa grandeur.

C'est un plaisir absolu, une délectation totale de découvrir la vie et la grande générosité d'un auteur qu'on aime passionnément, par son talent d'écriture et les histoires qu'il raconte. Cet électron libre, totalement anticonformiste, nous offre un regard amusé et moqueur sur ses contemporains, cette Amérique raciste, puritaine, et bien-pensante.
C'est tout un pan de l'histoire des États-Unis que 
Pat Conroy nous offre là, avec l'ironie, la drôlerie et la bienveillance qui le caractérisent.

Côtoyer ces enfants, isolés du monde et analphabètes à fait grandir ce jeune 
Pat Conroy qui pouvait avoir des idées abruptes sur certains sujets, tant il ignorait la profondeur de certaines croyances et superstitions.
J'aurais adoré avoir un prof comme lui, idéaliste, humaniste, anticonformiste, humble et pourtant moralisateur et inflexible parfois, qui a offert à ces enfants un peu du monde dont ils ignoraient presque tout, et l'altérité grâce à des intervenants extérieurs. Ce livre est aussi un regard sur l'Amérique post-ségrégation.

 

Citations :

Page 13 : Quelque chose d’éternel et d’indestructible habite ces rivages sculptés par la marée et les sombres silences menaçants des marécages du cœur de l’île. Yamacraw est belle car l’homme n’a pas encore eu le temps de détruire sa beauté.

 

Page 19 : En Allemagne, je visitais le camps de concentration de Dachau. Je vis les photographies des corps faméliques et anonymes empilés, se faire pousser par les bulldozers dans la fosse commune. Je contemplais les fours dans lesquels les juifs avaient été réduits en tas de cendres juives et j’eus l’impression de fouler une terre sainte, monument à l’inhumanité infinie de l’homme et à une société devenue folle, terre inondée de milliers de litres de sang, une terre peuplée par les souvenirs et par les fantômes des juifs et des allemands pris au piège d’un drame tellement abominable et irréel que le monde ne pourrait plus jamais connaître la même pureté. L’empreinte de Dachau me marqua à l’encre indélébile et provoqua l’avortement de ma philosophie de l’espoir.

 

Page 22 : Je devenais convaincu que le monde était un sac de pioche rempli de bâtards de toutes les couleurs.

 

Page 32 : Les enfants me toisaient discrètement, échangeaient des regards puis gloussaient avant de me regarder à nouveau. Je me sentais ridiculement blanc.

 

Page 49 : Je ne savais pas pourquoi j’avais laissé la situation m’échapper. J’avais été tellement intéressé par le classement gastronomique à l’envers des fins gourmets de l’île que je n’avais pas vu arriver le plongeon final dans la fosse à purin.

 

Page 66 : Madame Brown m’avait dit qu’ils étaient attardés et de ne pas perdre mon temps avec eux. De toute évidence, il y avait quelqu’un qui n’avait pas perdu beaucoup de son temps à essayer de les instruire.

 

Page 80 : J’en vins à aimer dévotement les Skimberry car sans raison aucune, ils m’accueillaient chez eux, me racontaient leurs rêves et leurs déceptions et partageaient avec moi leurs secrets intimes et les compromis de leurs vies. Ils mirent leur âme à nue devant moi car leur honnêteté élémentaire ne connaissait ni la ruse ni les faux-semblants. Je faisais partie de leur vie et ils devinrent un élément important de mon histoire à Yamacraw quand les évènements s’enchaînèrent et que les circonstances évoluèrent. Combien de matins ou d’après-midis entendis-je la voix rauque d’Ida me crier, alors que j’entrais : « Pat, vieux fils de pute, sers-toi donc du café. »

 

Page 82 : « Cette histoire est sacrément horrible Zeke.

- C’est juste pour te montrer comment les gens peuvent chier sur un Nègre et ne plus jamais y penser. Les gens d’ici sont pleins de préjugés sur les Nègres. Ils les voudraient tous morts. Tous les réexpédier en Afrique. Et ce sont tous de bons chrétiens. »

 

Page 148 : Je savais que le moment de vérité entre madame Brown et moi était proche. Le vieux démon de la culpabilité du Blanc pouvait me contrôler un moment mais l’une des facettes de la personnalité de madame Brown commençait à devenir de plus en plus claire dans mon esprit et plus cela s’éclaircissait, plus je m’approchais d’une importante et libératoire vérité universelle : qu’une personne soit noire ne signifie pas qu’elle pense noir ou qu’elle soit fière d’être noire. Elle aurait aimé être blanche, ce qui en disait peut-être long sur notre société.

 

Page 152 : « Ils ne connaissent rien de mieux. Ils sont heureux comme cela. » Et pourtant, tout autour de moi, dans les sourires de mes élèves, je voyais un crime si abominable qu’il pouvait être interprété comme la condamnation d’une société toute entière, comme la damnation d’une nation et comme une histoire de la perversité – ces enfants assis devant moi n’avaient pas la moindre fichue chance de goûter à l’incroyable richesse et à l’opulence du pays qui était le leur, un pays qui les avait déçus, un pays qui avait besoin d’être libéré mais qui ne le méritait pas.

 

Page 176 : J’hésitais même à m’aventurer vers des pensées plus profondes, sur le temps et l’infini, le présent et l’éternité, sur ma propre impermanence, comparée à celle des marécages, de la rivière et des marées. Dans cinquante ans, j’aurais soixante-quatorze ans, je serais un vieux grincheux chauve et édenté ; rejeton gériatrique des années quarante, au sang desséché, à la jeunesse fanée et aux rêves aussi morts que des herbes lessivées par une marée de printemps.

 

Page 245 : Les jeunes gens savent que de vrais fils de pute se cachent sous les costumes et les cravates.

 

Page 253 : Mais j’étais jeune. Je sous-estimais alors le côté obscur de l’humanité, celui que l’on perçoit rarement à la lumière du jour. Je n’avais pas compté sur les bêtes secrètes qui résidaient dans les forêts ténébreuses de l’âme des hommes.

 

 

 

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