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Mon avis : Chasse à l’homme – Gretchen Felker-Martin

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Héloïse Esquié

 

Éditions Sonatine

 

Mon avis sur Insta c'est ici

 

Quatrième de couverture :

Une épidémie a transformé tous les êtres humains à haut niveau de testostérone en des créatures uniquement mues par leurs besoins les plus primaires : se nourrir, violer, tuer. Tous les individus masculins sont ainsi devenus des zombies. Beth et Fran, deux femmes transgenres, sont chasseuses d'hommes. Elles ont en effet besoin d'absorber les œstrogènes contenus dans les testicules de ces derniers pour éviter la contagion. Bientôt, elles vont devoir affronter une armée de féministes radicales, qui haïssent davantage encore les transgenres que les hommes.


 

 

Mon avis :
On entre directement dans le vif du sujet avec un zombie répugnant dont on apprend que c'est à cause de sa testostérone qu'il en est là. Car oui, un immonde virus, le T. rex, transforme tous ceux dont le taux de testostérone est élevé. Donc les hommes sont touchés ainsi que les trans nés garçons qui n'ont pas eu le temps d'achever leur transition en se faisant faire une orchidectomie (oh le joli mot pour designer quelque chose de visuellement pas très beau MDR). Dès lors, ils ne pensent plus qu'à dévorer, tuer, violer.

Des trans femmes doivent consommer des testicule de zombies riches en œstrogènes pour contrer le virus qui risque de s'attaquer à eux. Iels (ah que ce pronom est pratique !) sont aussi la cible de TERF, féministes radicales, qui veulent les éradiquer car elles haïssent tout ce qui porte un chromosome Y, qu'iel soit devenu(e) femme ou pas. Donc pour Fran et Beth, deux trans femmes, il y a la traque des zombies pour leur becqueter les roubignoles tout en faisant attention de ne pas devenir leur objet sexuel et leur repas car ces derniers sont retournés à un état primaire, et la fuite devant une bande de TERF hyper agressives et dangereuses. La survie en permanence, le danger absolument partout et de toute nature. L'enfer sur terre.

Alors vu comme ça, ça peut paraître complètement déjanté ! Et vraiment c'est le sentiment que j'ai eu tout de suite. Mais ça traite d'un sujet de société terrible pour celleux qui le subissent : la transphobie. Et en amont, le sentiment d'injustice d'être né dans le mauvais corps et de pas parvenir à l'aimer tel qu'il est, l'incompréhension et le rejet de la plupart des gens y compris la famille, et le mépris, et la haine. Et puis dans ce monde là, les femmes trans sont terrifiée par le danger que leur biologie interne leur fait courir, à savoir se transformer en zombie.

Comment fabriquer un avenir à l'humanité quand celle-ci est amputée d'une moitié indispensable à sa pérennité ?
Ce roman nous dit que l'être humain sait s'adapter, n'est jamais à bout de ressource, mais parfois en pure perte.

Agressions, viols, trafics d'êtres humains, un monde chasse l'autre et tout perdure, mais cette fois c'est dans une société matriarcale. Une multitude de viragos qui veulent créer un monde à leur image, qui ne vaut pas mieux que celui d'avant, celui des hommes.

J'ai beaucoup aimé ce roman qui pourtant est d'une violence inouïe, où il est énormément question de sexe et de fureur guerrière dont l'unique but est de réduire à néant les porteurs du chromosome Y. On y trouve cependant infiniment d'amour, de loyauté, de solidarité et d'humour. Cette histoire est une déclaration d'amour et de sororité aux femmes transgenres et une dénonciation de l'intolérance.

 

Citations :

Page 16 : Sur son front, juste au-dessus de l’arête de son petit nez mutin en pente de ski, un tatouage austère : XX. Chatte certifiée 100 % naturelle par les Filles de la Sorcière-Qu’On-Ne-Peut-Pas-Brûler ou la quelconque divinité merdique du festival de musique Womyn’s du Michigan à laquelle la TERFocratie du Maryland prêtait allégeance. Merde.

 

Page 40 : Un hurlement d’homme s’éleva de nouveau dans les bois, pas très loin cette fois, et par un accord tacite, elles s’arrêtèrent pour regarder les oiseaux s’envoler des arbres en nuées tourbillonnantes. Beth se demanda, et ce n’était pas la première fois, s’ils se sentaient seuls, ces êtres qui étaient autrefois des hommes. Si leurs femmes, leurs mères, leurs filles, leurs copines et leurs dominatrices leur manquaient. Mais peut-être qu’ils étaient heureux désormais, libres de violer, de tuer et de manger qui ils voulaient, libres de chier, de pisser et de se branler dans la rue.

Peut-être ce monde était-il celui qu’ils avaient toujours voulu.

 

Page 152 : Pendant un an et demi, après avoir laissé tomber ses études, elle avait habité, au premier étage, un placard dégueulasse en guise de chambre, sortant à tour de rôle avec un casting tournant de colocs et d’ami.e.s d’ami.e.s : transboys maigrelets, gouines en cuir vénères, demi-sexuel.l.e.s à la coupe au bol à moitié ironique qui passaient des heures sur Tumblr à parler du genre et s’interrogeaient pour savoir si le nœud papillon était un marqueur de la lutte des classes, jusqu’à ce que chaque relation médiocre, inévitablement, se consume pour laisser place à une rancœur silencieuse, cassante.

 

Page 216 : Même si vous pensez sincèrement avoir eu une enfance de fille, en réalité, vous avez été élevés comme des hommes. Vous avez été élevés pour brutaliser, pour voler, pour mépriser les femmes qui vous ont élevés et ont sacrifié leur vie pour protéger la vôtre.

 

Page 346 : La fille battue lécha ses lèvres desséchées.
« Ce qu’on leur fait... » Sa voix était un croassement rauque, guère plus qu’un murmure. « C’est exactement la même chose que ce les hommes nous faisaient avant.

Ce sont des hommes.

Non. » La paupière de Karine se baissa. « Elles n’en sont pas, et je crois que vous le savez. »

 

 

 

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