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Mon avis : Les chiens-monstres – Kirsten Bakis

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Marc Cholodenko

 

Éditions Plon - Pocket

 

Mon avis sur Insta c'est ici

 

Quatrième de couverture :

New York en 2008

D'étranges chiens s'installent en ville

Des chiens extraordinaires, munis de prothèses de mains humaines, marchant sur leurs pattes arrières, intelligents et doués de la parole. Les chiens-monstres, fruit des obscures travaux d'un savant fou et génial. Élégants et riches, leurs manières raffinées cachent pourtant un terrible secret. Seule Cleo Pira, une jeune journaliste qui a gagné leur confiance, sait ce qui se trame dans l'immense et luxueux château que les chiens-monstres ont fait construire au cœur de la ville.

 

Née en Suisse, Kirsten Bakis à grandi aux États-Unis. Elle vit actuellement à New York. Cet ouvrage est son premier roman.

 

 

Mon avis :
Deux narrateurs nous emmènent à travers cette histoire. Tout d'abord Cleo, jeune journaliste malgré elle, dont la préface nous parle de l'arrivée des chiens-monstres à New-York en 2008.
Puis le prologue, extrait du journal de Ludwig von Sacher, chien-monstre de son état. Il nous parle d'Augustus Rank, espèce de savant fou prussien qui conçut l'idée de ces chiens en 1882 pour le servir.
Puis il nous raconte la vie de cet illuminé génial et monstrueux, depuis l'enfance, sa vocation et les expériences terribles qu'il a faites sur des animaux. Car Ludwig, historien, s'est donné pour mission de retracer la vie de Rank et la genèse de leur existence à eux 
les chiens-monstres afin de comprendre leur raison d'être et laisser un témoignage au monde.
J'ai eu plus d'une fois des sueurs froides et j'ai craint d'avoir envie de lâcher ce livre, mais heureusement on n'entre jamais dans les détails horribles. Et c'est tant mieux car ces expériences sur des animaux dignes d'un Dr Moreau m'ont glacée sans pourtant en avoir les précisions.

Le majeur partie de ce roman se passe bien après la mort D'Augustus Rank, et la narration de cette histoire folle nous est faite en alternance par Cleo puis Ludwig.
J'ai rapidement été happée par ce récit qui nous parle de chiens transformés en ersatz d'humains - car ils marchent debout, parlent et ont des mains - et en même temps pas tout à fait. Des chiens malheureux qui se considèrent comme des monstres à qui le monde est fermé, interdit, et se demandent pourquoi ils existent et quelle est leur place, à supposer qu'il y en ait une pour eux.

Il y a beaucoup de suspense, lié à la personnalité retorse d'Augustus Rank, à sa mégalomanie et aux actes terribles qu'il a pu commettre au cours de sa vie. Tout cela nous est distillé peu à peu par Ludwig.
L'exploitation sans vergogne que les humains se permettent sur les plus faibles, l'inconcevable, la vengeance mais aussi la grandeur des sentiments nous mènent doucement dans les méandres de cette étrange histoire.

Honnêtement, au début je me suis demandée si ça allait me plaire. Il y avait quelque chose d'un autre temps, un peu comme de la vieille SF qui situerait son histoire en 2008. Mais bien sûr, le mélange de l'époque prussienne de laquelle viennent les chiens avec leurs vêtements désuets, et l'époque actuelle donnent cette sensation hors du temps.
Ce roman, qui m'a beaucoup fait penser à un mélange de littérature gothique, de L'île du Dr Moreau et de Frankenstein, m'a tenue en haleine jusqu'à l'épilogue.

 

Citations :

Page 13 : Il n’y a pas de fidélité humaine qui puisse égaler la dévotion fanatique d’un chien.

 

Page 20 : Augustus tu te trompais ! Tes chiens t’ont oublié ! J’enlève de nouveau mon pince-nez et colle mon nez au papier. C’est un mouvement ridicule — les mots sentent l’encre Xérox et je le savais déjà. Maintenant j’en ai sur le bout du nez et toutes les autres odeurs de la pièce en sont viciées.

Si seulement je pouvais comprendre l’homme, si je pouvais le sentir, si je pouvais l’aimer, je crois que je pourrais comprendre l’histoire de ma race — je pourrais comprendre quel était son but en nous créant, ce que nous sommes.

 

Page 51 : Et c’est ainsi que, grâce à son bégaiement, le futur Dr Rank ne révéla pas ses plans à son oncle, conservant de cette manière ses chances de succès. Je ne comprends vraiment pas ce qui poussa Augustus à vouloir dire la vérité à Herr Zwigli cet après-midi là ; je me demande souvent s’il n’est pas possible qu’il ait soudain compris brièvement l’horreur de ce qu’il était sur le point de faire, et les conséquences que cela aurait par la suite.

 

Page 76 : Je me rappelle à Rankstadt… commença-t-il lentement. Rankstadt, en hiver, quand j’étais un chiot. On approchait de Noël, je crois, et… je trottais aux côtés de Prinzi Von Sacher, dans la rue. C’était la fille aînée de mon maître. J’étais très jeune alors, huit mois, peut-être, car j’avais encore le droit de marcher à quatre pattes. À l’âge d’un an nous devons — il faut commencer à marcher debout.

 

Page 92 : Je suis seul au monde, animal ridicule. Je suis sorti de mon trou de mémoire il y a quelques heures, et — je suis incapable de décrire mon état d’esprit depuis lors. J’aimerais le noter ; j’aimerais que le monde en ait un souvenir. J’ai l’impression que c’est la seule chose qui puisse me retenir, me fixer en tant que présence, même brève, dans ce monde.

 

Page 96 : Voyez-vous, Vittorio était comme un animal ; robuste, trapu, musculeux, stupide, et couvert de poils. Son âme avait été corrompue par une maladie, qui était la passion ; et elle émanait de son corps comme la lueur que produit le poisson en décomposition.

 

Page 126 : La petite église était toujours pleine les dimanches, et l’horloge dans son clocher blanc, surplombant la place du marché, marqua les heures de la ville durant cent ans. Au-dehors, bien que les habitants de Rankstadt le sussent à peine, les monarchies s’écroulaient, les économies tombaient en ruine, les gouvernements s’installaient et étaient renversés, les guerres arrivaient, la terre était dépouillée et empoisonnée.

 

Page 171 : Et c’est quelque chose qui me manque dans votre culture, à propos, — me dit-il. Tout est si aseptisé. C’est à peine s’il y a des boucheries. Et pourtant, les abattoirs qui vous fournissent en viande, je les ai vus à la télévision, ils sont vraiment épouvantables, c’est l’enfer. Ce n’est pas naturel du tout. Vous n’avez pas la chasse ou le combat ou les odeurs qui donnent son prix à tout cela, et pourtant la souffrance la plus abominable est créée.

 

Page 197 : Il nous reste si peu de souvenirs des chiens, de toute façon. Je sais que malgré le livret, malgré tout ce que Ludwig a écrit et tout ce que j’ai écrit moi-même sur eux, ils finiront par être oubliés, comme le reste. Et cependant je ne peux pas m’empêcher d’^élever une petite digue chaque fois que je le peux contre le flot du temps, pour le retenir un peu plus longtemps.

 

Page 240 : J’essayais de deviner pourquoi Ludwig avait choisi de vivre là. Je me disais que cette partie de la ville, comme nulle autre, avait des recoins et de vieux espaces verts où les fantômes pouvaient s’abriter, des endroits où les reliquats du passé n’avaient pas été balayés par les milliers de corps en mouvement et d’immeubles qui montaient et descendaient.

 

Page 287 : Dans le pays au-delà du tamis il n’y a que de la lumière, et nos corps nous manqueront. Nous les chercherons désespérément.

 

 

 

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