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Mon avis : Les fureurs invisibles du cœur – John Boyne

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Sophie Aslanides

 

Éditions JC Lattès Le Livre de Poche

 

Mon avis sur Insta c'est ici

 

Quatrième de couverture :

Cyril n’est pas « un vrai Avery » et il ne le sera jamais – du moins, c’est ce que lui répètent ses parents, Maude et Charles. Mais s’il n’est pas un vrai Avery, qui est-il ? Né d’une fille-mère bannie de la communauté rurale irlandaise où elle a grandi, devenu fils adoptif des Avery, un couple dublinois aisé et excentrique, Cyril se forge une identité au gré d’improbables rencontres et apprend à lutter contre les préjugés d’une société irlandaise où la différence et la liberté de choix sont loin d’être acquises.

Une grande fresque sur l’histoire sociale de l’Irlande transformée en épopée existentielle. Florence Bouchy, Le Monde des livres.

John Boyne partage avec le chef-d’œuvre de John Irving, Le Monde selon Garp, un même souffle épique. Delphine Peras, L’Express.

Une éducation sentimentale et politique portée par l’art d’un romancier qui sait sonder les reins et les cœurs. Christophe Ono-dit-Biot, Le Point.

 

 

Mon avis :
Magie de la littérature, j'ai adoré ce roman dès les premières lignes. Immédiatement, il ne vous lâche plus, il vous emporte avec lui. J'aurais voulu m'abstraire du monde et rester dans ma lecture jusqu'au mot fin sans devoir m'arrêter.

Le narrateur nous raconte sa vie, depuis sa conception dans le péché, car sa mère n'avait que seize ans et ça se passait en 1945. Elle fut chassée par ses parents après avoir été copieusement insultée par le curé pendant la messe. Elle accoucha à Dublin, où, seule et sans argent, elle confia son fils à l'adoption.
C'est ainsi que Cyril, enfant à la maturité étonnante, grandit chez les Avery ses parents adoptifs, un couple dysfonctionnel passablement déjanté.

J'ai eu sans cesse l'impression d'être parachutée dans un monde inconnu. L'Irlande, pays étrange pour moi qui n'en connaissais que le nom et la situation géographique, m'est apparu extrêmement puritain et intolérant, presque moyenâgeux. D'ailleurs l'auteur le dit explicitement que "L'Irlande est épouvantablement rétrograde, dirigée par des curés malveillants, malintentionnés et sadiques [...]"

J'ai adoré Cyril qui, à sept ans avait déjà un regard acéré sur ce qui l'entourait, qui se rendait bien compte qu'il ne fonctionnait pas comme la majorité des gens, et qui acceptait la place étrange qu'il occupait auprès de ses parents adoptifs, pas vraiment un meuble mais pas un enfant non plus. D'ailleurs les parents sont des phénomènes dans leur genre, complètement inconséquents, égoïstes et superficiels mais jamais malveillants. En réalité, tous les personnages sont incroyables et souvent très drôles.

Cyril est torturé par sa conscience : il déteste le mensonge. Or, à l'époque, l'homosexualité était pénalement réprimée en Irlande ce qui l'obligeait à cacher ce qu'il avait compris sur lui-même depuis très longtemps. Sans parler de l'homophobie ambiante totalement assumée par tout un chacun et la violence qui en résultait à l'encontre des homosexuels considérés comme des pervers et des moins que rien.

Les nombreux personnages et leurs destinées sont passionnants.
Chose à laquelle je ne m'attendais pas en commençant ce livre, j'ai énormément ri ! Des dialogues totalement hilarants ponctuent ce roman. C'est d'une drôlerie incroyable alors que le sujet est douloureux dans les époques que le narrateur traverse, toutefois sans jamais donner dans le pathos, bien au contraire, tout en étant très émouvant par moments.
C'est un énorme coup de cœur que ce roman qui nous dit la difficulté, la douleur et la peur souvent, de vivre son homosexualité selon l'endroit et l'époque où l'on naît. L'auteur met en exergue la beauté intérieure de ceux qui en sont pourvus, nous éclaire sur les liens invisibles et les pirouettes du destin qui se jouent de nous.
J'ai adoré ce récit d'une vie entière et de toutes celles dans son sillage, raconté avec tant de verve et de délicatesse aussi, qui nous montre l'évolution de la société irlandaise qui a eu bien du mal à s'ouvrir l'esprit, de 1945 à nos jours.

Une chose est sûre, c'est que je vais poursuivre la découverte de l’œuvre de 
John Boyne qui vient d'entrer dans mon panthéon des auteurs incontournables auprès de Yasmina KhadraPat ConroyJeanine CumminsLance WellerAnne SteigerMaria José SilveiraLaurent Gaudé et Paul Auster entre autres.
Les 853 pages lues en cinq jours, c'est dire si l'histoire est prenante.

 

Citations :

Page 33 : Non, je suis enfant unique. Après ma naissance, ma mère ne pouvait plus en avoir d’autre et père ne lui a jamais pardonné. Il va voir ailleurs. Il a plusieurs petites amies et personne ne dit jamais rien parce que d’après le curé, un homme a le droit de s’attendre à ce que sa femme lui donne une maison pleine d’enfants, et un champs stérile ne peut être semé.

 

Page 39 : Je n’ai rien avalé d’autre qu’un petit sandwich aujourd’hui, je pourrais dévorer un petit protestant si quelqu’un voulait bien lui verser un peu de sauce sur la tête.

 

Page 88 : Sa mère était fille-mère, aimait à dire Charles. Et nous, dans un acte de charité, l’avons pris chez nous et lui avons donné un foyer. Une sœur rédemptoriste bossue nous l’a apporté. Si vous voulez un enfant un jour, ce sont les nonnes qu’il faut appeler, je vous assure. Elles en ont plein. Je ne sais pas où elles les stockent, ni comment elles les trouvent, à vrai dire, mais il n’y a jamais pénurie.

 

Page 116 : Mon Dieu, cette femme m’a fait des choses qu’aucune ne m’a jamais faites. Tant que tu n’auras pas eu de fellation de ta mère adoptive, Cyril, tu ne sauras pas vraiment ce qu’est une pipe de qualité.

 

Page 184 : Nous étions en 1959, après tout. Je ne savais presque rien de l’homosexualité, en dehors du fait que succomber à ce genre de désir était un acte criminel en Irlande qui donnait lieu à une peine de prison. À moins que j’entre dans les ordres, dans ce cas, il s’agissait d’un avantage en nature de la profession.

 

Page 304 : C’était une période difficile, pour un Irlandais âgé de vingt et un an attiré par les hommes. Quand on possédait ces trois caractéristiques simultanément, on devait se situer à un niveau d’hypocrisie et de duplicité contraire à ma nature.

 

Page 317 : Beaucoup de garçons ont eu des sentiments identiques, depuis les Grecs de l’Antiquité jusqu’à nos jours. Les pervers, dégénérés et cinglés ont toujours existé, ne pensez pas une seconde que vous êtes spécial.

 

Page 382 : Je crois que ce sont des gens qu’on appelle communément des mondains, déclara-t-elle, la voix pleine de dédain. La définition du dictionnaire doit être quelque chose comme : un paquet d’individus égocentriques, narcissiques, physiquement attrayants mais intellectuellement sans profondeur, dont les parents ont tellement d’argent qu’ils n’ont absolument pas besoin de travailler. Ils vont de fête en fête, dans le seul but de se faire voir, tandis qu’ils s’érodent de l’intérieur, comme une batterie vide, à cause de leur manque d’ambition, de perspicacité ou d’esprit.

 

Page 486 : Je n’ai pas mis les pieds en Irlande depuis trente-cinq ans et il faudrait une armée entière de mercenaires pour m’y traîner. Un pays atroce. Des gens horribles. Des souvenirs terribles.

 

Page 488 : L'Irlande est épouvantablement rétrograde, dirigée par des curés malveillants, malintentionnés et sadiques, et le gouvernement est aussi asservi par le pouvoir religieux qu’un chien mené au bout d’une laisse.

 

Page 815 : Vous ne pouvez pas comprendre, mais c’est quelque chose dont toutes les filles se rendent compte à un moment donné dans leur vie, généralement vers quinze ou seize ans. Peut-être que maintenant, cela arrive encore plus tôt. Elles comprennent qu’elles ont plus de pouvoir que tous les hommes de la pièce réunis, parce que les hommes sont faibles, se laissent gouverner par leurs désirs et leur envie frénétique de posséder des femmes. Mais les femmes sont fortes. J’ai toujours pensé que si les femmes pouvaient mobiliser toutes ensemble le pouvoir qu’elle détiennent, elles dirigeraient le monde.

 

Page 818 : Les curés tenaient les rennes du pays à cette époque-là, et ils détestaient les femmes. Oh, mon Dieu, comme ils haïssaient les femmes et tout ce qui était en rapport avec elles, avec le corps, les idées, les désirs des femmes. Chaque fois qu’ils avaient l’occasion d’humilier une femme, de la briser, ils s’en donnaient à cœur joie. Je crois que c’était parce qu’ils les désiraient sans pouvoir les avoir. Sauf, bien sûr, quand ils en avaient une en douce. Ce qui arrivait souvent.

 

 

 

 

 

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