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Mon avis : Le bal des folles – Victoria Mas

Publié le par Fanfan Do

Éditions Albin Michel

 

Mon avis sur Insta c'est ici

 

Quatrième de couverture :

« Depuis l’arrivée de Charcot à la Salpêtrière, on dit que seules les véritables hystériques y sont internées. Mais le doute subsiste »

 

Chaque année, à la mi-carême, se tient, à la Salpêtrière, le très mondain Bal des folles. Le temps d'une soirée, le Tout-Paris s'encanaille sur des airs de valse et de polka en compagnie de femmes déguisées en colombines, gitanes, zouaves et autres mousquetaires. Cette scène joyeuse cache une réalité sordide : ce bal "costumé et dansant" n'est rien d'autre qu'une des dernières expérimentations de Charcot, adepte de l'exposition des fous. Dans ce livre terrible, puissant, écrit au scalpel, Victoria Mas choisit de suivre le destin de ces femmes victimes d'une société masculine qui leur interdit toute déviance et les emprisonne. Parmi elles, Geneviève, dévouée corps et âme au service du célèbre neurologue ; Louise, une jeune fille "abusée" par son oncle ; Thérèse, une prostituée au grand cœur qui a eu le tort de jeter son souteneur dans la Seine ; Eugénie Cléry enfin qui, parce qu'elle dialogue avec les morts, est envoyée par son propre père croupir entre les murs de ce qu'il faut bien appeler une prison. Un hymne à la liberté pour toutes les femmes que le XIXe siècle a essayé de contraindre au silence.


 

 

Mon avis :
Mesdames, tenez vous le pour dit, dès les premières pages on sait que la place qui nous est assignée en 1885 est à la maison et en silence ! Les femmes n'ont pas voix au chapitre car ce qu'elles pourraient avoir à dire n'intéresse personne. Et si elles ont la mauvaise idée de la ramener, d'avoir des envies, des rêves, ou qu'elles ne supportent pas le mal qu'on leur a fait, on les enferme à la Salpêtrière chez les folles !
Voilà comment les femmes pouvaient être traitées à l'époque.

Victoria Mas raconte le mal qui a été fait aux femmes, de tous temps. Mais plus précisément, il semble qu'on enfermait facilement celles qui étaient considérées comme folles dès qu'elles dérangeaient un peu, telle Louise, violée à treize ans, ou Eugénie avec qui les défunts entrent en contact. Car croire en Dieu, que personne n'a jamais vu, c'est bien, communiquer avec les morts c'est mal ! Il y a des choses acceptables et d'autres non.

Le professeur Charcot, roi du diagnostic psychiatrique à l'emporte-pièce, est le maître absolu en ce lieu, vénéré par ses pairs, ses étudiants, les infirmières, et même par les internées. Son avis et sa parole ne sont jamais mis en doute, ce qui le rend hermétique à toute forme d'avis extérieur, d'introspection, ou même d'empathie envers ses patientes.

J'ai bien aimé cette histoire qui part d'un phénomène de société totalement révoltant qui pourtant ne choquait personne à l'époque. Cependant, bien qu'il semble extrêmement bien documenté et que je l'ai dévoré, ce roman ne m'a pas provoqué un grand enthousiasme, je n'ai pas réussi à m'attacher aux personnages ni à détester ceux qui pourtant auraient dû provoquer chez moi une certaine aversion.

 

Citations :

Page 24 : Le père n’a pas levé les yeux de son assiette. Maintenant qu’il a parlé, les autres peuvent prendre la parole.

 

Page 25 : La jeune fille de dix-neuf ans retient un sourire. Si elle ne provoquait pas son père, celui-ci ne daignerait même pas lui adresser un regard. Elle sait que son existence n’intéressera le patriarche que lorsqu’un parti de bonne famille, c’est à dire une famille d’avocats ou de notaires, comme la leur, souhaitera l’épouser. Ce sera alors la seule valeur qu’elle aura aux yeux de son père – la valeur d’épouse.

 

Page 54 : Son corset la gênait horriblement. Aurait-elle su qu’elle allait parcourir une aussi longue distance, elle l’aurait laissé dans une armoire. Cet accessoire a clairement pour seul but d’immobiliser les femmes dans une posture prétendument désirable – non de leur permettre d’être libres de leurs mouvements ! Comme si les entraves intellectuelles n’étaient pas déjà suffisantes, il fallait les limiter physiquement. À croire que pour imposer de telles barrières, les hommes méprisaient moins les femmes qu’il ne les redoutaient.

 

Page 86 : L’ancienne petite fille catholique, traînée de force à l’église chaque dimanche de son enfance, a toujours récité la prière avec dédain. Aussi loin qu’elle s’en souvienne, tout ce qui touchait de près ou de loin à ce lieu lui faisait horreur – les rudes bancs en bois, le Christ mourant sur sa croix, l’hostie qu’on forçait sur sa langue, les têtes baissées des fidèles en prière, les phrases moralisatrices qu’on distillait dans les esprits comme une poudre bienfaisante ; on écoutait cet homme qui, parce qu’il arborait une toque et se tenait à l’autel, avait toute autorité sur les gens de la ville ; on pleurait un crucifié et on priait son père, identité abstraite qui jugeait les hommes sur terre. Le concept était grotesque. L’absurdité de ces parades la faisait gronder en silence.

 

Page 102 : Entre l’asile et la prison, on mettait à la Salpêtrière ce que Paris ne savait pas gérer : les malades et les femmes.

 

Page 102 : Libres ou enfermées, en fin de compte, les femmes n’étaient en sécurité nulle part. Depuis toujours, elles étaient les premières concernées par des décisions qu’on prenait sans leur accord.

 

Page 112 : Tant qu’les hommes auront une queue, tout l’mal sur cette terre continuera d’exister.

 

Page 167 : Des années à la Salpêtrière lui avaient fait comprendre que les rumeurs faisaient plus de ravages que les faits, qu’une aliénée même guérie demeurait une aliénée aux yeux des autres, et qu’aucune vérité ne pouvait réhabiliter un nom qu’un mensonge avait souillé.

 

 

 

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