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Mon avis : Une fin heureuse – Maren Uthaug

Publié le par Fanfan Do

Traduit du danois par Françoise et Marina Heide

 

Éditions Gallmeister

 

Mon avis sur Insta c'est ici

 

Quatrième de couverture :

Comme sa mère, son grand-père et tous les hommes de la famille avant lui depuis sept générations, Nicolas est croque-mort et adore son métier. Il tient désormais les rênes de la florissante entreprise familiale. Pourtant, il s'apprête à prendre la décision la plus difficile de sa vie. En plus d'un héritage déjà bien lourd à porter, le voici à présent obsédé par des pulsions inavouables. Tandis qu'il emmène ses deux enfants en voyage, Nicolas tente de comprendre sa part d'ombre et retrace l'histoire de cette lignée d'excentriques au service des défunts. D'une île perdue au milieu de l'océan Pacifique au XIXe siècle, berceau de leur généalogie, à l'actuelle Copenhague, se dessine une incroyable saga familiale où les gènes décident de l'avenir de chacun. Car la question se pose : une dynastie qui vit des morts depuis des siècles peut-elle vraiment connaître une fin heureuse ?
Maren Uthaug réinvente la saga nordique, en l'épiçant d'humour noir et de provocation.


 

 

Mon avis :
Dès les premières lignes on apprend que Nicolas, le narrateur, est issu d'une lignée de croque-morts et croque-mort lui-même, qu'il est envahi par des pulsions nécrophiles et qu'il en a honte. Et là, d'emblée, je me suis demandé si j'avais envie de me marrer, ou pas. Ou plutôt je me suis demandé si mes gloussements n'allaient pas être un tantinet démoniaques. Immédiatement ça sent l'humour noir à plein nez et j'adore ça.

Nicolas attaque par la description de ses ancêtres, puis sa mère, puis sa fille et son fils jumeaux, cette famille où visiblement tout le monde est un peu "spécial". Donc voilà qu'il nous raconte l'histoire de cette lignée de Christian, car ils se nomment tous ainsi de père en fils, jusqu'au jour où patatras, sa mère s'appelle autrement et lui aussi. Les filles s'appellent toutes Liliane, mais pas sa mère.
Il part donc du premier Christian au XIXe siècle, naufragé sur une île de Polynésie dont les habitants avaient trouvé  une méthode particulière pour empêcher la surpopulation, et nous raconte la naissance de cette vocation à aider les morts à accepter leur sort, de Christian Christiansen en Christian Christiansen.

C'est bien louftingue, c'est drôle, c'est jouissif. C'est politiquement incorrect, totalement irrévérencieux et j'ai adoré, comme un tout petit qui va sortir des bordées d'injures alors que c'est interdit Hi Hi ! Car oui, on a affaire à une vraie famille de barjots ! Et malhonnêtes avec ça ! Mais ça rapporte et puis, si ça rassure les endeuillés... Et au fond ils ne sont pas vraiment malhonnêtes, puisqu'ils font du bien aux gens. Oups !

Les chapitres, qui commencent tous par un arbre généalogique, se suivent et nous parlent tour à tour de Christian I, puis Christian II, Puis III, puis IV, et Nicolas et sa mère indigne, et son père pas comme tout le monde, et on découvre la dynastie Christiansen et ses spécificités. Chaque Christian a une particularité, mais celle de Christian IV est vraiment très spéciale car paranormale, alors que Christian V, lui, est atteint d'un toc envahissant. Et que dire des Liliane ??? Pas très nettes non plus ! C'est comme si à chaque génération, les tares de la famille augmentaient d'un cran. J'ai quand-même eu un peu de mal parfois à m'y retrouver parmi tous les membres de cette famille qui, de génération en génération portent le même prénom. Ou presque.

Et puis les morts. Pas physiques, non ! Ceux qui nous entourent et que nous ne voyons pas. Ils en ont des choses à dire et à faire ! Par exemple regretter leur courte vie parfois, ou tenter d'entrer en contact avec nous, la plupart du temps en vain.

En passant on apprend des choses sur l'histoire de Copenhague, crasseuse et puante comme toutes les grandes villes autrefois, pleines de miasmes et qui empestaient la mort et amenaient des maladie, car les cadavres et les déjections polluaient tout, l'air qu'on respirait et l'eau qu'on buvait. Et les épidémies du XXe siècle, telles la grippe espagnole ou la polio. Puis plus tard la montée du nazisme avec ses idéologies nauséabondes, et la guerre, et l'après-guerre. On voit aussi à travers les décennies l'évolution du rapport à la mort.
Alors qu'autrefois on veillait les morts un certain temps, à présent on expédie et on cache ce moment difficile, comme si ne pas voir les morts faisaient disparaître la mort. Même le terme de mort fait peur aux gens. de nos jours on préfère dire "il est décédé", ou bien "elle est partie". Et l'incinération qui se répand.
Et les plats préparés, en boîte, en plein essor dans les années 60...
On assiste aux changements dans la société.

Voilà que j'ai terminé ce livre désopilant, mais aussi immoral souvent, voire amoral, avec des passages bien écœurants. Oui car la nécrophilie, c'est quand-même un sacré tabou, et heureusement ! Mais s'il n'y avait que ça de répugnant... Une vraie famille de dingues vous dis-je !!!
J'ai aimé ce roman réjouissant, bien que je l'aie trouvé très déroutant et parfois dérangeant. Je ne suis pas sûre qu'il puisse être mis entre toutes les mains, tant il évoque certains sujets vraiment prohibés, à juste titre.

 

Citations :

Page 10 : Les rêves ne se soucient pas de ce que nous trouvons convenable, hélas. Ils se fichent complètement des barrières que la société met au désir et de ce qui peut faire déferler les orgasmes.

 

Page 78 : Les médecins ne savaient à quel saint se vouer. Ils tentaient de recourir aux classiques saignées, sans constater d’effet sur les malades, leur frottaient le corps avec des linges imbibés de camphre et d’huile de térébenthine, leur appliquaient des ventouses, leur posaient des sangsues sur les tempes. Ils torturaient leurs patients en leur faisant subir des séances de sudation, des cures d’opium ou de sel. Ils les enveloppaient de couvertures et les faisaient asseoir au-dessus de pierres chauffées que l’on arrosait de vinaigre, ou encore, suivant les conseils de leurs confrères anglais, leur administraient des préparations à base de mercure et leur prescrivaient des bains de vapeur, des vomitifs et des laxatifs.

 

Page 152 : Au fil des années, on avait fini par interdire les inhumations en dehors du cimetière. Désormais, les enfants non baptisés, les suicidés et les criminels avaient tous droit à leurs trois poignées de terre à l’intérieur de l’enclos. Mais ce n’était pas du ressort du pasteur. Ce genre de petites cérémonies miteuses était en principe le lot du sacristain. Même si les malheureux qui avaient renoncé à vivre étaient admis en terre sacrée, l’image du Dieu vengeur avait la vie dure, ce Dieu qui punirait tout le monde si l’on faisait entrer au cimetière, en grande pompe, les gens indignes.

 

Page 207 : L’école le rongeait. S’il était auparavant un enfant malingre et pâlichon, ces années-là le rendirent presque évanescent.

 

Page 220 : Même si on avait fait appel au jeune homme pour s’assurer que le mort, simplement, était mort, Christian IV considérait comme son devoir d’aider ce dernier à comprendre ce qu’il en était. Il n’avait pas beaucoup de temps devant lui, car contrairement aux gens des époques antérieures, ceux de maintenant souhaitaient qu’on les débarrasse du corps et qu’on le dépose à la chapelle le plus vite possible. À mesure que s’enchaînaient les révélations de la médecine sur les potentielles sources de contamination, l’idée d’avoir un mort au milieu du salon devenait plus déplaisante. Ce qu’on ressentait autrefois comme intime et festif n’était plus qu’effrayant et macabre.

 

Page 282 : La grippe espagnole était vicieuse : elle laissait tous les membres d’une famille se réveiller au matin frais, dispos et pleins d’espoir, pour les éliminer ensuite jusqu’au dernier avant le coucher du soleil. Ou bien elle en épargnait un seul, de préférence une mère ou un père épuisé et misérable, qui devait user de ses maigres forces pour enterrer un à un tous ceux qu’il avait aimés.

 

Page 293 : Les humains, comme on le sait, ont besoin dans l’existence d’une certaine dose de danger pour pouvoir être heureux, faute de quoi ils s’inventent des névroses, des phobies et autres fantaisies dont leur esprit se divertit pour éviter les affres de l’ennui.

 

Page 336 : En regardant ma mère fourrer une quantité insolente de poulet dans sa bouche, je me suis demandé si elle avait toujours été aussi méchante, ou si ça avait empiré avec les années. Je n’arrivais pas à savoir. Enfant, on est capable de trouver tout normal.

 

Page 366 : La polio fut la dernière épidémie qui poussa les Danois à s’enfermer chez eux et à garder leurs distances. Durant les années 50 et 60, la mort se confronta de nouveau à la science qui ne cessait d’inventer des vaccins. Anéantir plusieurs personnes en même temps ne s’avérait plus aussi facile qu’autrefois, mais la mort ne fut pas désarmée bien longtemps. Ironiquement, l’homme faisait toujours des trouvailles qui décuplaient ses possibilités.

À cette époque, il n’y avait pas encore beaucoup de voitures dans les rues. Chaque mois, les accidents de la route faisaient pourtant trois fois plus de victimes qu’aujourd’hui. Non pas parce que les véhicules étaient moins sûrs et les gens de piètres conducteurs, mais parce que beaucoup avalaient dix bières avant de prendre le volant. Pratique que personne ne remettait en cause.

 

Page 375 : Elle n’était pas bonne cuisinière, mais ça ne faisait rien, car dans les années 60, les plats préparés étaient en pleine popularisation. Tout pouvait s’acheter en boite. Elle servait donc des quenelles, du pot-au-feu, des boulettes de viandes et autres plats en mettant simplement les boites dans l’eau chaude, avant de les ouvrir et de verser leur contenu dans les assiettes.

 

 

 

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