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Mon avis : Le dernier inventeur – Héloïse Gay de Bellissen

Publié le par Fanfan Do

Éditions Robert Laffont

 

Mon avis sur Insta c'est ici

 

Quatrième de couverture :

C'est l'histoire d'un homme entré dans l'Histoire car il a découvert Lascaux à treize ans et des poussières et que la même Histoire a voulu anéantir. Réduire en poussière.


" Aujourd'hui, c'est le dernier des quatre copains de Montignac encore en vie. Le dernier inventeur, Simon. Quand je quitte son appartement, sur le palier, il me dit "la grotte elle est là' en me désignant son crâne, "elle est dans ma tête'. Dans l'ascenseur, je prends conscience que je viens de rencontrer une autre grotte. La grotte intérieure d'un petit garçon de quatre-vingt-onze piges qui vient de se rouvrir. Je ne sais toujours pas pourquoi Lascaux m'a emmenée vers une autre cavité, mais au fond c'est cette découverte-là que j'attendais. La vie de Simon Coencas sur une paroi, que j'allais calquer comme l'avaient fait avant moi les préhistoriens avec les dessins de Lascaux. "
Le Dernier Inventeur est une oeuvre unique, plongée dans l'Histoire et dans l'âme d'un homme, enquête sur le mystère de l'art préhistorique, réflexion poétique sur l'enfance, la beauté et le mal.

 


 

Mon avis :
Moi qui pensai changer d'horizon, voilà que sans le faire exprès je suis encore en phase avec @lemoislitterart puisqu'il est question ici d'art pariétal. L'art de la nuit des temps.

Ce que j'aime avec Héloïse Gay de Bellissen c'est qu'on entre immédiatement dans le vif du sujet, dès les premières lignes. Et puis elle s'adresse à chacun de nous quand elle écrit. Là, elle me l'a racontée à moi l'histoire des découvreurs de Lascaux, plus précisément les inventeurs comme on doit dire, avec Simon le dernier encore en vie des quatre copains qui sont tombés un jour par hasard sur ce témoignage du lointain passé.

L'autrice donne la parole à la grotte de Lascaux à chaque début de chapitre mais pas que… La grotte parle du monde et à ceux qui vont la découvrir : Je suis légataire du passé et maîtresse du devenir. J'étais une âme en attente avant de vous connaître.

Le récit fait des allers-retours dans l'histoire. La préhistoire, la guerre et l'horreur de la shoah qui s'est invitée dans la vie de Simon, pendant les années 40 avec la découverte de la grotte, et le présent. J'ai été touchée par la magie qu'on ressent en présence de ces peintures rupestres, mémoire de l'aube de l'humanité. Il y a quelque chose de tellement émouvant, comme si on pouvait traverser les couloirs du temps, presque sentir la présence de ces artistes des temps immémoriaux.

Ce roman est un mélange de scènes du quotidien, des horreurs de la guerre, et de l'état de grâce que procure la découverte de la mémoire de l'humanité, préservée bien à l'abri du monde en furie, sous la terre.
C'est une belle histoire d'amitié, de découverte et de communion avec l'humanité d'il y a des millénaires.
Les moments d'échange avec "le petit Simon", quatre-vingt-onze ans en 2018 au moment des entretiens avec l'autrice, alors qu'il en avait treize à la découverte de la grotte, sont des moments de belle complicité, heureux qu'il est de partager ce qu'il a vécu.

Le beau et le laid se côtoient, la magie de la découverte et l'horreur des déportations, Drancy, Auschwitz, ses proches qu'on n'a jamais revus, la barbarie…
Cette lecture a été remplie d'émotions, comme si bouillonnait tout au fond de moi la mémoire de nos lointains ancêtres et que les descriptions de la grotte, faites par elle-même et par ses découvreurs, faisaient entrer en vibration. J'aime ce qui représente la mémoire de l'humanité, toutes les traces qu'ont pu laisser nos ancêtres, des calvaires à la croisée des chemins et des cathédrales, aux Bouddhas géants en passant par les pyramides, jusqu'à ces grottes recouvertes d'art pariétal. Pas vous ?
La poésie est partout dans ce récit, jusque dans le dialogue entre la grotte et la mort... et cette espèce de danse effrénée entre hier et maintenant où tous s'y retrouvent.
Un très bon moment de lecture qui m'a redonné le sentiment de faire partie d'un Grand Tout avec mes frères et sœurs humains, et pourtant les humains ne sont pas mes animaux préférés.

À part ça ?... Je connais Riboux XD !

 

Citations :

Page 20 : Je suis la seule chose au monde née du vent, de l’eau et des nappes profondes, du calcaire et par toi. Je suis un geste de la nature que l’homme a ébranlée, éprouvée, sanctifiée. J’ai été aimée, caressée, tracée, gravée, colorée. Je suis une formation argileuse sur une colline de châtaigniers et de pins. Je suis destinée à quelque chose sans en être concernée. Je ne suis pas un départ mais un commencement.

J’ai 17 000 ans, je suis la grotte de Lascaux.

 

Page 25 : Simon a découvert la « chapelle Sixtine de la préhistoire » le 14 septembre 1940. Puis, à peine deux ans plus tard, en novembre 1942, il est interné à Drancy. Je ne sais plus quoi dire. Comment dans une même existence peut-on être considéré à treize ans comme un héros planétaire, et à quinze comme quelqu’un qu’on doit supprimer ?

 

Page 34 : Il y a 20 000 ans, des hommes des cavernes étaient exactement où ils se trouvent et ils ont dessiné, ils ont inventé l’art, ici, là, dans cette faille de la terre.

 

Page 64 : Georges Agniel, futur découvreur, et écolier lui aussi, était régulièrement au piquet. Insolent sans même le faire exprès, il savait tout sur tout. Une mémoire d’éléphant dans un corps de porcelaine. Il passait son temps à lever la main en cours parce qu’il connaissait les réponses. Le genre de mioche pénible. Donc inlassablement, chez lui ou à l’école, il était en retenue. Il avait ce qu’on n’appelait pas encore à l’époque une hypermnésie, une mémoire totale, tout ce qu’il entendait ou voyait, il le retenait.

 

Page 108 : Dans la grotte des Combarelles, caverne vieille de 13 000 ans, à quelques kilomètres de Lascaux, j’ai eu l’impression d’être mise dans le secret, et mon père aussi. Lorsqu’on regarde une gravure ou une peinture rupestre, on est en train de regarder quelque chose que l’on n’aurait jamais dû voir, le temps aurait dû l’effacer. On se sent précieux, choisi, car cette chose parfaitement belle, inimaginable, se déploie sous nos yeux. La main d’un Magdalénien, il y a des millénaires, était là, à notre place, et a laissé cette empreinte, qui n’est autre qu’un secret dévoilé.

 

Page 138 : - Moi je ne savais même pas que j’étais juif.

- Vos parents ne pratiquaient pas ?

- Non, ma grand-mère mangeait du pain azyme, elle faisait ça, voilà.

- C’était une sorte de non-dit, alors ?

- Non, non… Je ne sais pas, on n’en parlait pas, c’est tout, on était juste une famille, vous voyez.

 

Page 140 : Simon vient de passer la porte d’entrée en la claquant, mais ils ne l’ont même pas entendu. Il va exploser : « Alors comme ça, on est juifs ! Première nouvelle ! J’aimerais qu’on me mette au courant ! »

 

Page 161 : Vous savez qu’on m’a recopiée trois fois, moi je suis Lascaux I. Il y a Lascaux II, mon premier fac-similé, à mes côtés, dans la forêt, et Lascaux IV, le centre international de l’art pariétal. Je suis sans doute l’œuvre d’art la plus refaite, je suis tellement belle que vous devez me voir absolument.

 

Page 189 : Je perds la bataille de l’écrivain. Il y a dans le renoncement quelque chose de plus fort que soi, qui est digne de confiance, et on se doit de l’écouter.

 

 

 

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