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Mon avis : Je suis Jeanne Hébuterne – Olivia Elkaim

Publié le par Fanfan Do

Éditions Points

 

Mon avis sur Insta c'est ici

 

Quatrième de couverture :

Décembre 1916. Dans la pénombre d’un escalier, Jeanne Hébuterne tombe amoureuse d’Amedeo Modigliani. Elle peint modestement, lui est un artiste maudit. Elle vit encore dans le cocon familial, il mène une existence dissolue entre son atelier, les cafés parisiens et les prostituées. Elle abandonne tout pour le suivre. La passion les emporte. Incandescente, destructrice. Jusqu’à la folie…

Olivia Elkaim est née en 1976. Je suis Jeanne Hébuterne est son quatrième roman.

« Un roman remarquable par sa puissance d’évocation. »

Mohammed Aissaoui, Le Figaro

 

 

Mon avis :
1916

Olivia Elkaim prend la voix de Jeanne Hébuterne pour nous raconter cette histoire dont la première phrase résume ce qui va suivre et donner envie de poursuivre : "Hier soir je suis tombée amoureuse d'Amedeo Modigliani."

Le coup de foudre ! Qui donne la sensation d'exister puissance dix, fait marcher à un mètre du sol et nous anéantit tout aussi fort à la fin.

Jeanne, passionnée de peinture, peint, tout comme son frère parti à la guerre, et semble vivre dans une perpétuelle discussion intérieure. C'est un électron libre. Elle observe sa mère et se dit qu'elle ne veut pas de cette vie là. Elle pense à son frère très pieux et se dit que ce sont des fadaises. Lorsqu'elle croise le regard de Modigliani, artiste charismatique, alcoolique et fantasque, elle est totalement subjuguée et soudain menée par le bout de son cœur.

Lui, aime cette femme à peine sortie de l'enfance, mutique, artiste comme lui.

J'ai aimé observer cet amour fou, quand plus rien ne compte que le moment présent avec l'être aimé. C'est étrange comme l'amour peut parfois être maléfique, ou du moins la passion l'est. Mais est-ce qu'on ne rate pas quelque chose à traverser la vie sans jamais avoir connu ce sentiment terrible et flamboyant qui nous consume tout entier ?

Jeanne était sans doute prédestinée à vivre une passion dévorante. Elle vivait un amour fraternel malsain avec André, ce frère limite incestueux, tellement possessif que c'en est dérangeant. Elle vivait confortablement au sein d'une famille aimante où on lui parlait de respectabilité dont elle n'avait que faire. La passion est un raz de marée qui ne s'embarrasse pas de conventions sociales.

L'amour, l'art, la pauvreté, la faim, le feu sacré, artistes maudits et libres…

Montmartre, Montparnasse, la vie de Bohême, la bande d'amis, Chaïm Soutine, 
Blaise Cendrars, Erik Satie, Maurice Utrillo, Max Jacob, ça ferait presque rêver si on oubliait qu'ils baignaient tous dans la misère et les vapeurs d'alcool, mais aussi la fête et une sorte de jeunesse éternelle, qui n'est rien d'autre que de l'immaturité et de l'égoïsme.

Jeanne s'est donnée tout entière à sa passion. Modigliani l'aimait aussi, à sa façon, mal. Il était absolument, totalement égocentrique. Comme le sont les artistes. Comme le sont souvent les hommes.

Que faire quand celui qu'on aime est devenu notre souffle de vie, sans qui on s'étiole et on meurt ?

Jeanne n'est plus que passion pour lui qui peut disparaître des semaines entières : "L'absence de mon amour me désagrège."

Pauvre petite Jeanne, si seule et incomprise, jugée et honnie par son époque mais pire que tout, par sa famille, ceux-là même qui étaient censés la protéger, la soutenir et l'aimer quoiqu'il arrive.

Je ne sais pas si c'est une belle histoire, car l'amour fou est-il beau ? Vaut-il d'être vécu ? Peut-être nous dirait-elle que oui, elle qui s'est consumée pour son bel Amedeo.

Le destin passionné de Jeanne Hébuterne pour son artiste maudits, le ténébreux Modigliani, sortie de l'oubli par 
Olivia Elkaim, m'a totalement bouleversée.

Mais que les femmes paient cher leur adoration, de tous temps !.. capables de s'effacer jusqu'à n'être plus que l'ombre de l'être aimé.

 

Citations :

Page 9 : Je les entendais déjà graillonner, « Les filles qui font de la peinture, c’est pire que les peintres du dimanche. Elles ne domptent pas leurs nerfs, comment pourraient-elles maîtriser un pinceau ? »

 

Page 15 : Si maman avait seulement conscience de mon état,de cette transe, elle assènerait :

- Tu sais, les hommes, ma fille…

Sans terminer sa phrase, me laissant imaginer les horreurs dont ils sont capables en toutes circonstances. Cruauté, absence, abandon, lâcheté, égoïsme, duplicité, bellicisme.

 

Page 38 : Ce matin quand j’ouvre les volets, je m’attarde un moment au bord de la fenêtre. Ma main caresse mécaniquement la pierre granuleuse du parapet. Une buée glaciale sort de ma bouche.

Les passantes silencieuses avancent, le dos voûté. Il n’y a presque plus d’hommes de mon âge dans Paris. Il reste les réformés, les éclopés, les trop vieux. Les types du genre d’Amedeo Modigliani. Les « traîne-savates » de l’arrière-front, comme les désigne André dans ses lettres.

 

Page 60 : Je ne sais combien de temps nous restons là. Des gens, aux fenêtres, grondent et crachent. Ils nous balancent des œufs, l’eau souillée de leurs pots de chambre.

Les mains en cornet sur la bouche, Amedeo leur crie :

- Nous sommes les noctambules, les nyctalopes, les somnambules… Nous sommes les adversaires des bourgeois encalminés dans leurs chemises de nuit. Nous troublons votre sommeil puant l’haleine calcifiée.

 

Page 79 : L’ai-je perdu moi ? L’ai-je perdu le soir du carnaval où j’ai dansé nue pour lui, dans les bosquets du Luxembourg lorsque je le laissais caresser mes cuisses, dans les chambres des hôtels où il m’entraînait, déchirait mes vêtements et léchait ma peau grain par grain ?

Je le laissais me prendre, sans jamais dire non. Aucune résistance, aucune force à opposer à son désir. André m’avait pourtant mise en garde contre les hommes. Pense à ton honneur, à celui de notre famille et n’oublie pas la « chose ». Le pouvoir de la « chose ».

 

Page 94 : - L’artiste est au-dessus des contingences, me dit Amedeo. Nous, c’est un monde, tes bourgeois de parents, c’en est un autre, loin de nous désormais.

 

Page 105 : Nous étions en paix et ne le savions pas.

 

Page 110 : Que la mort fasse son entrée, rue de la Grande-Chaumière, par la grande porte. Qu’elle vienne m’arracher Amedeo, fardée et déguisée sous l’habit de l’amour.

Je l’attends.

Alors je lui dirai de m’emporter moi aussi. Je ne vivrai pas plus de vingt-quatre heures sans lui.

 

Page 133 : - Il la baise ! me dit Soutine. C’est une de ses nombreuses putains. Une nana venue de Marseille, un peu perdue ici… N’en fais pas tout un plat. Les hommes sont infidèles par nature. Leur amour n’a rien à voir avec ça. Il t’aime, mais il la baise. C’est la vie, chasse ce romantisme en toc, et souris un peu. Moi, je ne suis resté fidèle qu’à ma mère.

 

Page 184 : J’ai été heureuse, toutes ces années.

J’ai connu l’amour, le grand amour, les sentiments que la plupart des jeunes filles de mon âge relèguent au fond d’elles-mêmes par peur ou par bienséance, dans une boite vissée à double tour. Elles n’en ouvrent jamais l’opercule doré.

 

Page 190 : - Ne me laisse pas seul avec la mort, ma petite sœur, ma fée. Je crois que j’ai un peu peur… J’ai un peu peur de m’en aller sans toi sur ce chemin.

 

 

 

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