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Mon avis : Le dernier vol (Single Lady) – John Monk Saunders

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Philippe Garnier

Éditions La Table Ronde

 

Mon avis sur Insta c'est ici

 

Résumé :

Dans les années 1920, cinq jeunes vétérans de l'armée de l'air - Shepard Lambert, Bill Talbot, Johnny Swann, Cary Lockwood et Francis, dit le Washout - se retrouvent à Paris après l'Armistice, livrés à eux-mêmes. Incapables de reprendre leur souffle, ils semblent n'avoir qu'un but, celui de se noyer dans l'alcool. Ils rencontrent Nikki, jeune Américaine esseulée à Paris, et l'embarquent dans leur tournée spectaculaire des bars parisiens puis des cafés de Lisbonne et des corridas madrilènes. Publié en feuilleton dans le magazine Liberty en 1930, sous le titre Single Lady, ce roman inspiré de l'existence de Saunders n'est pas sans rappeler Le soleil se lève aussi : les clins d'œil à Hemingway y sont nombreux, et ne font qu'ajouter au charme et à la drôlerie d'une histoire pourtant tragique. Adaptée au cinéma peu après sa parution, elle est devenue Le Dernier Vol, l'un des meilleurs films de l'époque sur la génération perdue.

 

 

Mon avis :
Ce roman parle d'une jeunesse désabusée, dans les années 20 à Paris, de pilotes après la guerre et d'alcool, de beaucoup d'alcool. Des jeunes hommes et une jeune femme, Nikki, tous américains, qui donnent l'impression de vouloir devenir alcooliques très rapidement et que ce serait pour eux un fait d'armes glorieux. Ils ont des comportements exubérants, comme si le monde leur appartenait, allant de bars en hôtels en cabarets, comme si la vie n'était qu'une plaisanterie. Et ils parlent et parlent encore et toujours, souvent pour ne rien dire, comme c'est généralement le cas en état d'imbibition alcoolique. Ils vont de bitures en lendemains de cuites où ils recommencent à picoler dès le matin pour calmer leurs tremblements.

Ce livre est rempli de dialogues incohérents. Ça m'a fait penser à ces films américains où tout le monde parle en même temps dans une effroyable cacophonie avec des dialogues un poil ineptes. Sans doute l'auteur évoque-t-il sa jeunesse désabusée qui ne sait pas où elle va ni quoi faire d'elle-même. Même leur humour est absurde.

J'ai trouvé tout très hollywoodien, j'ai eu l'impression de voir un vieux film en noir et blanc. Peut-être est-ce le préambule du roman qui m'a influencée ou bien juste l'ambiance qui m'a replongée dans les vieux films que je regardais, adolescente, au Ciné club tard le soir. Toujours est-il que j'ai trouvé les personnages soûlants, jamais posés, jamais calmes, toujours en mouvement, juste pour brasser du vent, opérant un suicide lent à coup d'alcool à l'excès pour oublier la guerre qui les a détruits à jamais. Car, croire qu'on veut mourir est une chose, avoir la force de se donner la mort en est une autre. Trop dur. Trop radical. Alors qu'avec l'alcool…

De plus, mais c'est inhérent à l'époque, quel machisme ambiant ! C'est effarant la façon dont les hommes se comportaient et parlaient des femmes, et les femmes se sentaient flattées : "[] Regarde-moi cet engin, Cary. C'est pas merveilleux ? Ose me dire qu'elle est pas drôlement bien roulée.
- Oh Shepard, dit Nikki en entrant dans le salon, tu me fais fondre quand tu dis des choses comme ça."
Quoique… ça existe encore, non ?

Je commençais à trouver le temps long et à avoir la gueule de bois à tous les suivre dans leurs beuveries jusqu'à ce qu'il y ait la petite virée au Père Lachaise puis l'expédition au Portugal qui ont ravivé mon intérêt.

Sous ses airs de rigolades et de grosses bringues à répétition, c'est une histoire assez triste qui nous parle d'une jeunesse que la guerre a pulvérisée. Des jeunes fauchés dans la fleur de l'âge, qui se noient dans l'ivresse du soir au matin mais aussi tout le jour, debout mais morts à l'intérieur.

 

Citations :

Page 40 : Qui ne connaît pas le Bal Tabarin, rue Frochot ? La piste de danse, emplie d’un amalgame d’Américains, d’Argentins, de Noirs et de Jaunes qui dansent avec des petites grues françaises aux lèvres peintes, a tout d’un cabaret de bas quartier dans un port méditerranéen.

 

Page 78 : Lui et moi. C’est là qu’on s’est rencontrés. On avait des casiers voisins, ou presque, et la première fois que je l’ai vu déshabillé il avait un énorme hématome rouge comme la rage sur l’épaule. Là, près du cou, c’était bleu et jaune et violet et toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Comme un coucher de soleil hawaïen, ou une queue de paon, ou une aurore boréale. » Shep était un peu porté sur les comparaisons. « Il lui descendait sur le flanc et lui barrait la poitrine. Je lui ai même dit qu’il marquait facile. « Eh bien, m’a-t-il dit, vu les circonstances. » Qu’est-ce qui t’est arrivé ? J’ai demandé. Je croyais qu’il avait reçu un coup de sabot de cheval, ou chuté dans une cage d’ascenseur, ou qu’il s’était fait renverser par un char à bancs . « Une dame m’a mordu », il m’a fait.

 

Page 187 : La présence de la fille endormie dans le compartiment était exaltante. Elle dort comme une enfant*, doucement, paisiblement ; c’est à peine si on la voyait respirer. De sa chevelure et de sa personne montait une légère fragrance aromatique, comme du gardénia en fleur, qui rafraîchissait l’intérieur du compartiment poussiéreux et enfumé. Dans le sommeil, avec ses yeux noirs de myope fermés et sa main sous la joue, elle semblait si pathétiquement seule et vulnérable, si dépendante de leur présence à tous. Elle leur appartenait à tous et n’appartenait à aucun.

 

Page 226 : Shep était étrangement ému. « Si c’est pas une belle ville tout de même. Regardez-moi ça. C’est pas fantastique ? Pas la chose la plus fantastique que vous ayez jamais vue ? »

Vue du port, la ville de Lisbonne ressemblait à un mirage de toits beiges et gris ; terriblement belle, terriblement irréelle.

 

Page 251 : L’inquiétude de Travassos se mua bientôt en perplexité puis en stupéfaction. Il assistait au spectacle édifiant d’un homme qui dessoûlait à mesure qu’il buvait. Plus Shep buvait de brandy, plus il avait l’air serein.

 

 

 

 

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