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Mon avis : De nos frères blessés – Joseph Andras

Publié le par Fanfan Do

Éditions Actes Sud

 

Mon avis sur Insta c'est ici

 

Quatrième de couverture :

Alger, 1956. Fernand Iveton a trente ans quand il pose une bombe dans son usine. Ouvrier indépendantiste, il a choisi un local à l'écart des ateliers pour cet acte symbolique : il s'agit de marquer les esprits, pas les corps. Il est arrêté avant que l'engin n'explose, n'a tué ni blessé personne, n'est coupable que d'une intention de sabotage, le voilà pourtant condamné à la peine capitale.
Si le roman relate l'interrogatoire, la détention, le procès d'Iveton, il évoque également l'enfance de Fernand dans son pays, l'Algérie, et s'attarde sur sa rencontre avec celle qu'il épousa. Car avant d'être le héros ou le terroriste que l'opinion publique verra en lui, Fernand fut simplement un homme, un idéaliste qui aima sa terre, sa femme, ses amis, la vie - et la liberté, qu'il espéra pour tous les frères humains.
Quand la Justice s'est montrée indigne, la littérature peut demander réparation. Lyrique et habité, Joseph Andras questionne les angles morts du récit national et signe un fulgurant exercice d'admiration.

 

 

Mon avis :
Des attentats revendiqués par le FLN, des bombes dans des bus, des bars. Fernand Iveton, communiste, antiraciste, idéaliste, militant, est un activiste. Il est partisan de la liberté, des coups d'éclat mais pas des attentats sanglants.
Une bombe déposée par lui dans un local à l'écart, sans risque de faire des victimes, et qui n'explose même pas. Malheureusement pour lui, Fernand Iveton va être arrêté, torturé, insulté, humilié pendant des jours… Ah oui, parce qu'en France on torturait dans les années 50 ! Il a eu la malchance d'être associé, dans l'esprit des gens, aux terroristes qui posaient des bombes qui tuaient des civils, femmes et enfants, aveuglément.

Les chapitres alternent entre passé et présent, entre son destin funeste et l'époque où il a rencontré Hélène, dans la Marne, qui deviendra sa femme, quand il avait un avenir et que tous les rêves étaient possibles. Ça met l'accent sur l'injustice qui lui arrive. Lui, il rêvait juste d'égalité entre arabes et français et de justice dans l'Algérie française. Car il s'est toujours senti algérien d'origine européenne et déteste le colonialisme qui traite les arabes avec mépris. Héros pour les arabes, terroriste pour les français.


Joseph Andras retrace son calvaire en appuyant bien là où ça fait mal, la justice indigne, le colonialisme et l'anticommunisme à l’œuvre, un homme qu'on veut sacrifier en guise d'exemple. Lui, dans sa prison, attend et espère sa grâce. On voit bien que les réseaux sociaux n'ont rien inventé ! L'opinion publique fait pression depuis très longtemps sur les politiques…

C'est une histoire émouvante autant qu'instructive et révoltante sur ce qui s'est passé en Algérie à l'époque. Pourquoi on n'entend jamais parler des algériens lynchés par la foule en représailles à des attentats ? Des algériens innocents qui avaient la malchance de se trouver là, et qui servaient de prétexte à la vindicte populaire… et des français qui militaient aux côtés de leurs frères algériens.
En lisant ce livre je me suis rendue compte à quel point je ne connaissais rien sur cette sombre période de notre histoire.

 

Citations :

Page 45 : Hélène se rêvait indépendante et autonome, mais la société n’entend pas que l’on puisse, lorsque l’on est une femme, rêver plus que les contours ne le permettent – la collectivité tient à garder un œil sur ses ventres, sa chair et son avenir.

 

Page 60 : J’ai plus les dates en tête, vous m’excuserez, mais ce qui est sûr c’est que ça fait des années que les Arabes s’organisent pour qu’on les entendent, pour obtenir l’égalité entre tous, entre chaque communauté, chez nous, en Algérie. Ils crient dans le désert. Rien. Zéro.

 

Page 64 : Il n’a rien dit depuis son réveil : il se méfie des mots, à présent, il sait qu’on peut les arracher par la force et les retourner comme un gant.

 

 

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