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Mon avis : L’épouse d’Amman – Fadi Zaghmout

Publié le par Fanfan Do

Éditions L’Asiathèque

 

Mon avis sur Insta c'est ici

 

Quatrième de couverture :

Ce roman se situe à Amman, en Jordanie. Quatre jeunes femmes et un jeune homme, Hayat, Rana, Salma, Leila et Ali prennent la parole tour à tour pour dire leurs souffrances et leurs interrogations devant les situations dramatiques et les choix de vie auxquels leur destin les confronte. Face à une société conservatrice qui les contraint et les humilie, on voit s'affirmer, à travers drames et vicissitudes, leur être profond et leur volonté de liberté.
Au-delà d'une évocation de la condition des femmes : soumission au chef de famille, primauté du mariage sur les études, importance de la virginité, l’Épouse d'Amman est un des premiers romans à parler ouvertement des questions LGBT dans le monde arabe.

 

Fadi Zaghmout est un intellectuel jordanien habitant Dubaï qui s'est focalisé sur les problèmes de genre dans le monde arabe. II tient depuis aoo6 un blog traitant de différents sujets de société au Moyen-Orient, " fadizaghmout.com ", avec des analyses en anglais et en arabe. Arous Amman, publié en noir, a été un best-seller controversé, sans pour autant être censuré.

 

 

Pourquoi j’ai voulu lire ce livre :

Depuis toujours les histoires de femmes m’intéressent, mais aussi l’histoire des minorités qui souffrent de l’intolérance du monde.

 

Mon avis :
Ce roman choral nous emmène à Amman en Jordanie. Au fil des chapitres on entend à tour de rôle les voix de Leila, Salma, Hayat, Rana, Ali.
Ces jeunes femmes nous racontent que leur but, imposé par la société, est de se marier, car une femme toujours célibataire à trente ans n'a plus aucune chance de convoler car trop vieille, donc adieu l'espoir d'avoir des enfants. De mère en fille les femmes perpétuent cette iniquité en faisant les entremetteuses. Car pour une fille sans mari, c'est sur la mère que rejaillit la honte. Mais pour trouver un mari, elles doivent posséder un diplôme qui leur permettra d'avoir un travail et donc un salaire, elles doivent être jeunes, jolies, gentilles, bonne ménagères, bonne cuisinière. Des robots ménagers en quelque sorte, mais avec le sourire.
Et les hommes ??? Bah, ils ont juste besoin d'avoir un travail… Et alors qu'ils n'ont qu'une seule casquette, ils seront les chefs absolus au sein de leur foyer. Ah ! le patriarcat !
Et Ali, lui, a un secret. Un secret bien lourd, une sacrée casserole pour cette culture. Une douleur qu'il traîne dans les tréfonds de son être.

On fait une incursion dans ce monde violent et révoltant où les femmes ne sont rien, complètement soumises à l'autorité des hommes, qui souvent en usent et en abusent. Ces hommes qui parlent beaucoup d'honneur quand il s'agit des femmes mais passent leur temps à le bafouer quand c'est pour eux-mêmes.

Leila pense avoir enfin trouvé le bonheur. Ali espère la rédemption. Hayat est dans la survie. Rana aime en dehors de sa religion. Salma n'attend plus rien, quoi que… Peut-on jamais jurer de rien ? Ces choses insignifiantes chez nous sont insurmontables dans certains pays. Et si la transgression était la voix vers l'émancipation !
L'auteur donne la parole à celles et ceux qui n'ont pas voix au chapitre. Il dénonce les abus du patriarcat, de la masculinité toxique, de la virilité abusive.
C'est scandaleux révoltant, terrifiant, mais au fond, il n'y a pas si longtemps c'était à peu de chose près la même chose en occident. J'ai trouvé très intéressante cette exploration des pensées existentielles des différents protagonistes, en proie à un mal-être induit par cette société intolérante de mâles dominants.

Maternité, homosexualité, harcèlement, adultère, inceste, émancipation, religion, amour, transidentité, discrimination, crime d'honneur, loyauté, féminisme, amitié, Sororité, tels sont les thèmes abordés dans ce roman qu'on ne peut pas, qu'on ne veut pas lâcher, suspendu à l'appréhension de ce qui pourrait arriver, de ce qui risque de se produire.

C'est un roman puissant qui décrit extrêmement bien le chemin chaotique qu'est la vie, et dont la tension va crescendo jusqu'à la fin, tant on ne peut qu'être en empathie avec les personnages.
Énorme coup de cœur pour moi.

 

Citations :

Page 8 : « Ça va pas non ? Tu vas pas te faire battre par une fille ? »

Depuis, l’écho de ce sarcasme du père a résonné pour moi comme une alarme. Cela m’a stimulée. Il m’a fallu m’appliquer, exceller, « battre » Louay, son père et toute la gent masculine.

Oui, je suis une fille. Et s’il y a bien une phrase que j’espère entendre dans la bouche des autres, c’est : « Elle est excellente ! »

 

Page 14 : Le compte à rebours commence après la remise des diplômes, parfois même avant. Et toutes les femmes se lancent dans une course contre la montre vers cette ligne d’arrivée qu’est mariage, chacune selon ses capacités. C’est un parcours darwinien qui sélectionne celles qui auront la chance de se caser. Le marathon peut durer des années. La voie se fait plus étroite à chaque seconde jusqu’à l’âge de trente ans, limite après laquelle les retardataires sont cataloguées comme des faillites sociales.

 

Page 32 : Les hommes, eux, n’ont d’autre devoir que de se consacrer à leur emploi et de ramener de l’argent à la maison. Demander à leur femme de les aider financièrement ne leur fait plus honte, mais partager avec elle les tâches ménagères reste un déshonneur.

 

Page 77 : Comme si le chemin qui s’ouvrait devant moi était parsemé de pétales de roses. J’aurai bientôt le meilleur diplôme qu’une femme puisse espérer : un certificat de mariage.

 

Page 112 : Le rôle de bourreau et de victime s’inverse. L’homme devient la victime du désir provoqué par le plus innocent geste d’une femme. La criminelle, c’est elle. C’est elle qui le provoque et l’excite ; le viol n’est que la conséquence de son comportement.

 

Page 117 : Lorsque j’ai décidé de suivre mon désir, je l’ai fait après m’être réapproprié mon corps. Mon corps est à moi et à moi seule. J’ai décidé de le libérer et d’exercer mes droits en tant que femme, en tant qu’être humain libre qui possède la chose la plus élémentaire du monde : un corps.

 

Page 122 : Aujourd’hui j’ai échappé à la lapidation, en un autre lieu et en un autre temps, j’aurais fini sur le bûcher, ou bien j’aurais été assassinée par un peloton d’exécution, ou pendue au bout d’une corde, ou encore écartelée et mise en pièces.

 

Page 124 : Au téléphone, il s’adresse à son compagnon au féminin pour que personne ne puisse deviner son secret. Moi aussi je camoufle mes appels avec Amer en faisant mine de parler avec une copine. Un jour, Samir aborde ce sujet. Nous en rions, d’un rire défaitiste, révélateur du dysfonctionnement de notre société qui oblige tous les rapports humains à se conformer à un seul et unique modèle, toujours au bénéfice des hommes.

 

Page 134 : « J’ai joué le jeu, j’ai suivi tes règles et tes coutumes. J’ai été une femme obéissante et vertueuse. Je n’ai jamais fréquenté d’homme. J’ai brillé dans mes études et excellé dans mon métier. J’ai travaillé et soutenu mon père. J’ai secondé ma mère dans ses tâches. Mais tout cela n’était jamais assez »

 

Page 164 : L’amour nous joue souvent des tours. On se consume pendant des mois, voire des années. On est prêt à bâtir toute sa vie autour de l’être aimé. L’amour qu’on lui porte est le cœur de notre monde qu’il colore et parfume à son contact. Mais il peut s’évanouir aussi vite qu’il est apparu. Une touche suffit pour enclencher la passion, une autre pour la faire disparaître.

 

 

 

 

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