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Mon avis : Les abusés – Anne Parillaud

Publié le par Fanfan Do

Édition Robert Laffont

 

Mon avis sur Insta c'est ici

 

Quatrième de couverture :

« C’est une petite avec des habits de grande. Une enfant à qui on ne demande pas son avis et qui obéit par peur d’être sanctionnée ou mal-aimée.
Sous les regards violés de tendresse, elle est devenue cette chose que l’on prend. Une fleur en pot, un corps inanimé, désincarné, mort presque. Un corps que seule l’ivresse amoureuse peut raviver. De quoi est faite cette espèce d’amour qui l’obsède ? Quel est l’empire qui s’exerce sur sa personne, la soulève vers des êtres indignes qui abuseront d’elle ?
Ne pas savoir qui vous aime de qui vous hait, monter dans les chambres, s’oublier dans des bras, espérer que l’autre vous donne ce que vous cherchiez sans savoir ce que c’est. S’abandonner parce que vous avez été abandonné. Se soumettre à ceux qui vous effraient, et continuer à se faire maltraiter. »

 

 

Mon avis :

L'histoire démarre sur un coup de foudre, douce et terrible torture… tiraillement du désir fou, de l'envie de partir, tout plaquer pour cet autre qu'elle ne connaît pas, culpabilité envers cette vie qu'elle veut abandonner, cet homme qui dort dans son lit et croit en leur histoire, ses enfants dont elle va pulvériser la vie telle qu'ils la connaissent…

J'ai tout de suite été éblouie par la beauté de l'écriture, des métaphores qui expriment parfaitement la complexité de la pensée, l'ambivalence des aspirations.

Le récit est extrêmement introspectif durant de longs passages. Bien que la prose soit très belle, c'est très étrange de passer autant de temps dans la tête du personnage, à scruter tous ses traumatismes et balayer ses amnésies en sa compagnie car ça rend le déroulement très lent

Pourtant il va s'en passer des choses ! Adélie s'offre corps et âme à Samuel, vampire des sens, et de l'âme.
On suit cette histoire en forme d'emprise qui se développe au fil du temps. Une relation dominant-dominée assez insupportable, mais qui convient parfaitement à Adélie.
Toutefois, même si je ne comprends pas le lien entre la passion, si éthérée et anarchique, et le mariage, si terre à terre et conventionnel, on a finalement l'explication.

On assiste à la dissection minutieuse d'une relation passionnelle et toxique, de deux écorchés vifs qui se scrutent dangereusement et dont on se dit que le naufrage est inévitable. Quand l'amour, auquel tout le monde aspire, devient une arme de destruction massive, la vie devient "un pas après l'autre".
Ce roman décortique en profondeur la psyché de quelqu'un qui a subi l'indicible.
Aucun manichéisme ici, car entre le bourreau et son souffre-douleur on comprend que tous deux sont des victimes.

Il est dément d'espérer un résultat différent si on fait sans cesse la même chose. C'est la réflexion que se fait Adélie, et au fond n'est-ce pas ce que nous faisons tous ? Aller toujours inconsciemment vers le même type d'individu.

Qui est réellement Omer ? Qu'est-il surtout ? Personnage ambigu qui travaille pour Samuel mais semble vouloir protéger Adélie, la mettre en garde. Bienfaiteur ou manipulateur ?

Énormément de digressions, oniriques ou pas, difficile à dire, des dialogues échevelés rebondissant comme une balle de ping-pong, enserrés dans des paragraphes monolithique, m'ont parfois rendu la lecture oppressante et souvent ardue. Mais ça nous permet de mieux ressentir l'omniprésence de la violence dans ce couple au bord du vide, entre amour et haine.

Un point qui est mis en avant dans le livre, la théorie selon laquelle chaque femme recherche son père à travers l'homme qu'elle choisit, me semble relever de la psychanalyse d'un autre temps.

Adélie, c'est la grâce du désespoir. Alors qu'elle est en train de se noyer, au lieu de tenter de rejoindre la surface, elle essaie d'apprendre à respirer sous l'eau.

On avance pas à pas vers un dénouement dont on se demande ce qu'il sera, bien qu'on sache que rien de bon ne peut sortir d'une histoire aussi cruelle et pestilentielle.

J'ai aimé ce roman, pour la beauté des mots, mais il m'a beaucoup angoissée aussi et puis j'aurais peut-être aimé un peu moins de lenteur.

 

Citations :

Page 21 : Il l’a envoûtée. Mais ça ! Ça ! Elle ne peut le dire ! Comment dire que vivre une nuit avec l’un n’a d’égal que de mourir toute une vie avec l’autre.

 

Page 28 : Elle pense que l’on devrait faire chambre à part, salle de bain à part, tout à part quand on souhaite vivre ensemble.

 

Page 61 : Alors qu’elle mijotait un velouté de rupture, elle a dû le crucifier en une soirée. Chaque parole confessée fut un clou supplémentaire, le ferrant à son calvaire de perdre la femme qui l’aimait et les enfants qu’il lui avait faits. Ce soir-là, le bonheur s’est fêlé pour embrasser le malheur.

 

Page 62 : Les secrets de l’âme ne s’ouvrent pas avec une seule clef.

 

Page 84 : Si dans une peinture, une musique, un livre, un film, on ne voit qu’une œuvre, c’est dérisoire, mais si on entend le cri d’un homme qui se débat comme un possédé ou témoigne d’une vérité, alors l’art prend une valeur.

 

Page 183 : Comment peut-on construire sur les ruines d’une enfance ? En devenant comédienne et peintre. En faisant rêver les autres pour retrouver les rêves qu’ils ont perdus. En jouant à des jeux de société aux règles compliquées, en trichant, en utilisant le joker si la partie est condamnée. Faites vos jeux… d’esprit et de massacre. Faites vos jeux… Les jeux sont faits… Rien ne va plus.

 

Page 214 : Faut-il jouir de la vie sans souffrir de la mort ou, au contraire, passer sa vie à préparer sa mort ? Vaut-il mieux affronter une fois dans sa vie un danger que de l’éviter toujours ?

 

Page 242 : Même si tu quittais tes amis, ton travail, ta famille, je deviendrais jaloux de tes pensées. Mais toi qui aimes cogiter, peut-on être jaloux parce qu’on se sent soi-même infidèle ? Donc, on se sent coupable, on refoule alors son envie de tromper et on la projette dans l’autre.

 

 

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