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book trip mexicain

Mon avis : Prières pour celles qui furent volées – Jennifer Clement

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Patricia Reznikov

 

Éditions j’ai lu

 

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Quatrième de couverture :

Ladydi, quatorze ans, est née dans un monde où il ne fait pas bon être une fille. Dans les montagnes du Guerrero au Mexique, les barons de la drogue règnent sans partage. Les mères doivent déguiser leurs filles en garçons ou les enlaidir pour leur éviter de tomber dans les griffes des cartels qui les "volent. Pourtant, Ladydi et ses amies rêvent à un avenir plein de promesses, qui ne serait pas uniquement affaire de survie. Portrait saisissant de femmes sur fond de guerre perdue d'avance, Prières pour celles qui furent volées est une histoire inoubliable d'amitié, de famille et de courage.

 

 

Mon avis :
Ce roman est d'une violence inouïe envers les femmes. Il nous rappelle qu'en certains endroits du monde, nous ne sommes rien de plus qu'une marchandise qu'on peut voler, surtout les filles et surtout lorsqu'elles sont belles. Les narcotrafiquants qui arrivent en 4x4, armés jusqu'aux dents, font leur marché en les emportant. Mais il y a aussi les bébés-poubelle, les chirurgiens qui ne se déplacent dans certains endroits que protégés par l'armée. C'est incroyable le niveau de danger de ce coin du monde.

La narratrice est Ladydi, une enfant qui raconte son quotidien et vous assène sa réalité comme un uppercut, froid, banal, violent, insupportable. Il y a la dureté de la vie pour ces femmes qui élèvent leurs enfants seules, car les hommes prennent la fuite sans se retourner, se libérant ainsi de leurs entraves familiales, laissant parfois comme dernier souvenir le VIH. Car les hommes arrivent à s'échapper, les femmes plus rarement.

Heureusement, Ladydi a ses amies, Estefani qui a une belle maison, Paula qui est la plus belle fille de tout le Mexique, et Maria qui a un bec de lièvre la "veinarde", car elle ne risque pas d'être enlevée, ELLE ! Elle nous raconte sa complicité avec ses trois amies, l'école, les mères en manque d'homme, la sienne qui boit trop, qui ment, qui vole, les superstitions, les signes que quelque chose va arriver, les punitions divines, l'armée qui les empoisonne, tout ce qui fait leur vie et nous montre qu'elles sont les oubliées du monde. Et quand au détour d'un fait elle dit "on ne l'a plus jamais revue", c'est juste glaçant. Cette simple phrase est comme une plongée dans le néant. Comme si quelqu'un pouvait disparaître comme ça, juste comme ça. Elle était là, elle n'est plus là. Tout le monde sait, mais personne n'en parle. À quoi bon ?

Au fil de sa narration, Ladydi fait de nombreuses digressions vers des souvenirs et le passé de tous ses proches ce qui nous apprend beaucoup sur leurs vies mais aussi sur la façon dont les choses ont pu dégénérer à ce point pour les habitants du Guerrero. Elle paraît étonnamment plus mûre et plus sage que sa mère, et cela très tôt. Mais peut-on échapper à ce qui nous attend quand on vient au monde avec une aussi mauvaise donne ?
Là-bas, tout le malheur des femmes vient des hommes.

Je me suis laissée emporter dans cette histoire de filles, de femmes, qui sont toujours celles qui souffrent le plus chez les êtres humains, dans beaucoup d'endroits du monde, parce qu'il y a longtemps des hommes ont décidé qu'ils étaient les maîtres du monde et qu'ils pouvaient disposer des femmes comme bon leur semblait, sans états d'âme et sans respect. Cette histoire d'une dureté effroyable est pourtant remplie d'amour et de sororité.


 

Citations :

Page 19 : Nos hommes traversaient la rivière jusqu’aux États-Unis. Ils trempaient leurs pieds dans l’eau, puis entraient dedans jusqu’à la taille, mais ils étaient morts lorsqu’ils arrivaient de l’autre côté. Dans cette rivière, ils se défaisaient de leur femmes et de leurs enfants et entraient dans le grand cimetière américain.

 

Page 24 : Lorsque mon père est parti, ma mère, qui n’avait jamais mâché ses mots, a dit :

- Ce fils de pute ! Ici, on perd nos hommes, on attrape le sida par leur faute, à cause de leurs putains américaines, nos filles se font enlever, nos fils partent, mais j’aime ce pays plus que ma propre vie.

 

Page 42 : Ruth était née d’un sac-poubelle en plastique noir rempli de couches sales, d’épluchures d’oranges pourries, de trois bouteilles de bière vides, d’une cannette de coca et d’un perroquet mort enveloppé dans du papier journal. Quelqu’un à la décharge, avait entendu des cris qui venaient du sac.

 

Page 78 : Le premier jour d’école, nous sommes arrivées avec nos mères pour nous inscrire et rencontrer le nouveau maître. C’était un rituel auquel nous sacrifiions à chaque début d’année scolaire. Ce premier jour nous étions nous-même. Nées de la jungle et peu soignées, ce qui faisait de nous les cousines des papayers, des iguanes et ds papillons.

 

Page 122 : À cet instant, Paula est apparue derrière sa mère. Une créature blanche et vaporeuse. Elle tenait un biberon d’une main. Elle était nue. Dans la nuit, dans un flot de rayons de lune, j’ai vu les pointes de ses seins, la toison noire de son ventre et la constellation de brûlures de cigarettes sur tout son corps. Je reconnaissais les constellations d’Orion et du taureau. Même ses pieds en étaient couverts. C’était comme si Paula avait traversé la Voie lactée et que chaque étoile avait brûlé son corps.

 

Page 154 : Au cinéma, ma mère aurait eu une immense révélation après avoir blessé Maria et elle aurait arrêté de boire. Au cinéma, elle aurait dédié sa vie aux alcooliques ou aux femmes battues. Au cinéma, Dieu aurait souri d’aise de voir sa repentance. Mais nous n’étions pas au cinéma.

 

Page 200 : J’ai décidé de ne pas lui dire pourquoi ma mère m’avait donné le nom de la princesse, parce que je ne voulais pas risquer de me faire de la peine toute seule.

 

Page 230 : J’avais des cheveux frisottés, crépus, ce qui prouvais que j’avais aussi du sang d’esclave africain. Nous n’étions que deux pages dans le livre de l’histoire de ce continent. On aurait pu nous arracher de ce livre, nous froisser et nous jeter à la poubelle.

 

Page 285 : J’ai repensé à notre petit bout de terre furieuse qui autrefois hébergeait une vraie communauté, mais qui avait été détruite par le crime organisé des trafiquants de drogues et l’immigration aux États-Unis. Notre petit bout de terre furieuse s’était métamorphosé en une constellation brisée et chaque petite maison avait été réduite en cendres.

 

 

 

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Mon avis : Celle qui parle – Alicia Jaraba

Publié le par Fanfan Do

Éditions Grand Angle

 

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Quatrième de couverture :

Fille d’un chef déchu, offerte comme esclave, elle est devenue l’une des plus grandes figures féminines de l’Histoire.” XVIe siècle. Malinalli est la fille d’un chef d’un clan d’Amérique centrale. Peu de temps après la mort de son père, elle est vendue à un autre clan pour travailler aux champs et satisfaire la libido de son nouveau maître.
Un jour, d’immenses navires apparaissent à l’horizon, commandés par Hernan Cortez, obsédé par la recherche d’or. Le conquistador repère Malinalli et son don pour les langues. Elle sera son interprète et un des éléments clés dans ses espoirs de conquête. Elle sera également celle qui aura le courage de dire un mot interdit aux femmes de son époque : non !
Au-delà de la légende, voici l’histoire de la Malinche, vivante, jeune, inexpérimentée, souvent dépassée par les événements, mais avant tout, humaine.

 

 

Mon avis :
L'histoire du peuple Aztèque, de la Malinche et des conquistadors me passionne depuis que j'ai lu Azteca de Gary Gennings.
Quelle incroyable chance les espagnols ont eue car à cause d'une prophétie ancienne, ce peuple les a pris pour des dieux arrivant de la mer alors qu'ils étaient tellement supérieurs en nombre qu'ils auraient pu les écraser… la tournure de l'histoire en aurait été totalement différente.

Quel étrange destin que celui de Malinalli, la Malinche, qui a changé la face du monde dans une époque et un lieu où les femmes (eh oui, encore et toujours) n'étaient rien et n'avaient pas droit à la parole.

Elle était la fille du cacique d'Oluta, qui lui avait appris le nahuatl en plus du popoluca qui était sa langue maternelle, puis plus tard le maya chontal et l'espagnol. Cette fille de chef fut vendue comme esclave puis un jour devint interprète auprès de Cortes.
Elle fut celle qui permit la communication entre les peuples mais aussi hélas l'anéantissement des Mexicas (ou Aztèques) par les espagnols, sales, malodorants et hypocrites qui exigèrent que les peuplades locales renoncent aux sacrifices humains alors qu'eux-mêmes continuaient de brûler des gens sur des bûchers, au nom de leur dieu unique qu'ils imposèrent aux autochtones.
Son histoire est passionnante et tellement bien racontée dans cette bande dessinée aussi belle qu'instructive.

J'ai tout aimé dans cette BD. Elle nous raconte l'histoire de la conquête espagnole tout en réhabilitant Malintzin, la Malinche, et c'est visuellement très beau, il y a relativement peu de texte, les images se suffisant très souvent à elles-mêmes.

Pour qui s'intéresse à l'épopée conquistadore et plus précisément à cette femme incroyable nommée, entre autre, la Malinche, il faut se jeter sur cette magnifique BD et surtout ne pas omettre de lire la postface qui est très éclairante.
Pour moi, une vraie réussite et un coup de cœur.

 

Citations :

Page 26 : Mais quand je ne serai plus là, je le serai quand-même.

Pour que tu n’oublies jamais qui tu es.

Et quand tu te sentiras perdue…

Je serai avec toi.

Je serai l’eau.

Je serai la pluie, je serai la mer.

Le ruisseau,

les nuages, les larmes...

 

 

 

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Mon avis : American dirt – Jeanine Cummins

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Françoise Adelstain et Christine Auché

 

Éditions Philippe Rey

 

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Quatrième de couverture :

Libraire à Acapulco, au Mexique, Lydia mène une vie calme avec son mari journaliste Sebastián et leur famille, malgré les tensions causées dans la ville par les puissants cartels de la drogue. Jusqu’au jour où Sebastián, s’apprêtant à révéler dans la presse l’identité du chef du principal cartel, apprend à Lydia que celui-ci n’est autre que Javier, un client érudit avec qui elle s’est liée dans sa librairie... La parution de son article, quelques jours plus tard, bouleverse leur destin à tous.
Contrainte de prendre la fuite avec son fils de huit ans, Luca, Lydia se sait suivie par les hommes de Javier. Ils vont alors rejoindre le flot de migrants en provenance du sud du continent, en route vers les États-Unis, devront voyager clandestinement à bord de la redoutable Bestia, le train qui fonce vers le nord, seront dépouillés par des policiers corrompus, et menacés par les tueurs du cartel...
Porté par une écriture électrique, American Dirt raconte l’épopée de ces femmes et de ces hommes qui ont pour seul bagage une farouche volonté d’avancer vers la frontière américaine. Un récit marqué par la force et l’instinct de survie de Lydia, le courage de Luca, ainsi que leur amitié avec Rebeca et Soledad, deux sœurs honduriennes, fragiles lucioles dans les longues nuits de marche... Hymne aux rêves de milliers de migrants qui risquent chaque jour leur vie, American Dirt est aussi le roman de l’amour d’une mère et de son fils qui, au cœur des situations tragiques, ne perdent jamais espoir. Un roman nécessaire à notre époque troublée.

 

 

Pourquoi j’ai voulu lire ce livre :

Le thème des migrants, de tous pays, me passionne. Là, j’ai eu la chance de le lire en lecture commune ce qui est toujours enrichissant. De plus c’était un des romans proposés pour le Book Trip Mexicain au mois de mai.

 

Mon avis :
Ce roman commence dans une violence absolue, un bain de sang effroyable, puis on est cueilli par une émotion douloureuse.
J'ai tout de suite été touchée par la beauté de cette écriture, qui dit si bien les choses, qui nous fait si bien ressentir l'horreur, le chagrin, la peur.
Le danger est partout à Acapulco où l'histoire débute, mais aussi dans tout le Mexique, les cartels ont des ramifications partout, des Monsieur et Madame tout le monde payés pour donner des infos. C'est un univers cruel et sans pitié où règne le racket, la terreur par le meurtre et la torture, les mises en scène macabres, et la corruption pour couronner le tout, ce qui rend les cartels tout-puissants.

Ce roman embarque le lecteur, quasiment en apnée. C'est comme une lame de fond contre laquelle on ne peut rien. On suit la fuite éperdue de Lydia et Luca seuls survivants du massacre de toute leur famille, devenus migrants malgré eux, avec effroi et angoisse, mais aussi un peu d'espoir.
Ce qu'il y a de beau dans cet enfer des migrants, c'est l'immense solidarité et l'abolition des frontières. Hommes et femmes de tous peuples se serrent les coudes dans leur détresse commune.

L'autrice à su créer une vraie diversité dans les personnages, venus de différents horizons, avec chacun une histoire qui lui est propre, réunis dans cette fuite en avant, même pas pour chercher un avenir meilleur mais juste pour fuir l'enfer, voire la mort.
On ne peut qu'être en empathie totale avec eux, et trembler à chaque page. Ce roman est source d'angoisses et de peine mais d'une beauté incroyable. C'est comme une ode à la générosité de l'humanité, mais aussi un doigt pointé sur sa laideur.

J'ai trouvé dans ce récit une densité émotionnelle qui ne faiblit à aucun moment.
Que l'histoire soit axée sur une femme, un enfant et deux adolescentes ajoute une tension supplémentaire car on ne peut s'empêcher de penser qu'elles courent un plus grand danger car plus vulnérables. Surtout quand leur beauté ajoute un risque supplémentaire au péril qui les menace. Mais on sait bien que les femmes ne sont pas le sexe faible. Leur force est intérieure.

 

Citations :

Page 18 : Tant qu’il reste ici, dans cette douche, le visage enfoui dans les creux sombres de ses coudes, tant qu’il ne regarde pas Mami en face, il peut retarder le moment de savoir ce qu’il sait déjà. Il peut prolonger l’espoir irrationnel que, peut-être, un fragment du monde d’hier surnage encore.

 

Page 219 : Lydia envie le chœur de respirations régulières autour d’elle, cette facilité avec laquelle les jeunes glissent dans leur lassitude comme dans un bain chaud. Elle se souvient qu’elle en était capable elle aussi, avant la naissance de Luca. Elle était capable de faire n’importe quoi à cette époque-là, avant que la maternité ne lui fournisse de véritables raisons d’avoir peur.

 

Page 277 : Il pourrait lui briser la nuque, puis prendre une photo et toucher une grosse récompense. En la tuant, il pourrait devenir un héros chez les jardineros. Mais n’est-il pas possible aussi que, sous son air fanfaron de bébé narco, il soit un garçon apeuré, seul au monde et fuyant pour sauver sa vie ?

 

Page 348 : En suivant les rails qui traversent la ville, elle est terrifiée à l’idée que quelqu’un les remarque, que le garde de la veille soit en route pour son travail à bord de son véhicule – est-ce que ces hommes font la navette pour aller travailler ? Si c’est comme ça que ça s’appelle ? Est-ce qu’ils embrassent leurs femmes et leurs enfants le matin, grimpent dans la berline familiale et partent pour une journée de viols et de chantages, puis reviennent le soir, épuisés et affamés, manger leur rôti de bœuf ?

 

Page 364 : L’espoir ne peut pas survivre à la réalité empoisonnée de ses récentes expériences : le monde est un endroit horrible.

 

Page 391 : La fuite de la violence et de la pauvreté, les gangs plus puissants que leurs gouvernements. Elle écoutait raconter leur peur et leur détermination, tout résignés qu’ils étaient à atteindre les Estados Unidos ou à mourir sous l’effort, parce que demeurer dans leur pays signifiait que leurs chances de survie étaient encore plus minces.

 

 

 

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Mon avis : Méjico - Antonio Ortuño

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Marta Martinez Valls

 

Éditions Christian Bourgois

 

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Quatrième de couverture :

À Méjico, un coup de feu était une fleur dans un jardin ou la pluie sur le visage, un phénomène qui n’intéressait personne, sauf ceux qui pouvaient en profiter.
Omar, garçon sans ambition, se laisse entraîner dans une liaison avec Catalina, sa cousine éloignée, brocanteuse de son état. Plusieurs individus menaçants vont bientôt faire exploser sa placide existence, la seule solution sera la fuite. Dans ce roman plein de sang, de violence et d’amour fou, les personnages trouvent leur dignité dans leurs liens avec un noble passé, enraciné de l’autre côté de l’océan Atlantique : les sombres heures de la Guerre Civile espagnole, où éclatent des rivalités intimes.
Antonio Ortuño propose un récit truculent, brutal et subtil comme un verre de tequila.

 

 

Mon avis :
Le démarrage sur les chapeaux de roues de ce roman m'a quelque peu désarçonnée. Je n'ai absolument pas compris ce que je lisais dans les premières pages. J'ai donc dû recommencer. Oui car le tout début est un peu tout feu tout flamme.

1997 - 1946 -1997 - 1923 - 1996 - 1926 etc...

Les chapitres alternent entre les époques, entre le Mexique et la guerre d'Espagne et aussi la guerre au Maroc. Malheureusement j'ai trouvé que ça manquait de précisions, j'ai été un peu perdue.

J'ai eu un peu de mal au départ à me situer dans les différents chapitres avec les personnages, mais je me suis dit que sans doute à mesure que j'avancerai dans l'histoire j'arriverais à raccrocher les wagons. Parce que quand-même c'est agréable à lire, même en ayant l'impression de ne pas tout comprendre.

C'est un récit ébouriffant, violent, crasseux, triste parfois, drôle souvent, comme si l'humour pouvait aider à avaler la pilule de l'ignominie.

C'est l'histoire d'une famille, sur plusieurs décennies, qui parle d'exil, de guerre civile, de haines et de représailles.

Je suis restée passablement perdue dans l'histoire, à cause de trop nombreux lieux, personnages, et dates. L'écriture est belle est extrêmement rythmée, mais ça part trop dans tous les sens pour moi.

Ce livre m'a provoqué un long sentiment de malaise et d'angoisse à de nombreux moments, à la limite de la déprime car il m'a donné le sentiment que la vie est plus une vallée de larmes qu'une vallée de roses (oui je sais que c'est le cas mais je préfère faire comme si…). Car, pour certains, la vie n'est qu'un long chemin de croix, où la résilience n'est jamais sûre ni définitive, où tout peut basculer à tout moment.

 

Citations :

Page 20 : Les flics étaient capables de beaucoup de choses mais aucune qui puisse être qualifiée de scientifique, à moins que la notion de science ne se résume à tourmenter des gens et des animaux dans le but de tester les vertues lissantes d’un shampoing. Affirmer que la police était honnête revenait à dire que le bourreau serait charitable, l’assassin candide et l’éventreur compatissant.

 

Page 141 : Maria et Yago s’étaient mariés un mois de janvier, en pleine Guerre Civile. Ils avaient déjà une fille de trois ans et un bambin de quelques mois. Il n’y eut pas de curé, à l’évidence, parce qu’ils ne croyaient pas en une présence bienveillante habitant le ciel, mais un officier et des témoins choisis de leur propre main parmi les syndicalistes.

 

Page 144 : Madrid avait toujours regorgé de fascistes. Ce n’était pas pour rien si la Phalange avait été fondée ici, cette meute de morveux nostalgiques du Moyen Âge, des poètes guéris de la tuberculose grâce au salut romain en compagnie de canailles de pistoleros (ainsi que quelques types au courage suicidaire, admettait Yago, qui s’étaient défendus valeureusement contre les bandes qui les avaient prises en chasse).

 

 

 

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Mon avis : Chocolat amer – Laura Esquivel

Publié le par Fanfan Do

Editions Gallimard - Folio

 

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Quatrième de couverture :

Dans le Mexique du début du siècle, en pleine tempête révolutionnaire, Tita, éperdument éprise de Pedro, brave les interdits pour vivre une impossible passion. À cette intrigue empruntée à la littérature sentimentale, Laura Esquivel mêle des recettes de cuisine. Car Tita possède d'étranges talents culinaires : ses cailles aux pétales de roses ont un effet aphrodisiaque, ses gâteaux un pouvoir destructeur. L'amour de la vie est exalté dans ces pages d'un style joyeux et tendre, dont le réalisme magique renvoie aux grandes œuvres de la littérature latino-américaine. Chocolat amer, adapté en film sous le titre Les épices de la passion, s'est vendu à plus de quatre millions d'exemplaires dans le monde.

 

 

Mon avis :
Mexique, début du XXème siècle. Tita découvre avec effarement qu'étant la plus jeune des filles elle ne pourra jamais se marier car elle devra s'occuper de sa vieille maman. Sacrifiée sur l'autel d'une coutume immuable. Mais voilà, Tita est amoureuse de Pedro qui ressent un amour immense et impérissable pour elle. Hélas, parfois les compromis… car Mamá Elena veille sur sa maisonnée en parfaite mégère, d'une poigne de fer et sans cœur. Et Pedro est un idiot, car il accepte un arrangement stupide.

Cuisine, amour, peines de cœur et joie de vivre, voilà de quoi ce roman nous parle, avec un soupçon de magie. J'ai adoré l'idée !

Douze chapitres, douze mois de l'année mais pas forcément toujours la même année, avec une recette à chaque fois. Par moments il émane de ces pages une sensualité torride, où les sens se voient exacerbés par le talent culinaire, la préparation de mets succulents et élaborés éveillant des désirs refoulés. Car Tita met tellement d'elle-même dans ses plats, qu'ils semblent posséder ses gènes, près à contaminer ses convives.

Tout le long de ma lecture j'ai eu la chanson du film Peau d'âne en tête, Recette pour un cake d'amour.
J'ai adoré l'histoire de Tita, en qui j'ai vu un mélange de Cendrillon, Blanche-Neige et Peau d'âne. Elle est toutes ces femmes à la fois et en même temps le vilain petit canard… avec un soupçon de frivolité sous-jacent, de la bonne humeur et surtout l'amour de la vie et de la bonne chère. Il y a dans ce roman un mélange de la féerie de l'enfance, un côté Vatel tant l'art culinaire est essentiel et passionnément fêté, le tout saupoudré d'un zeste de fantastique. D'ailleurs la fin est incroyable.

 

Citations :

Page 54 : Tita était le dernier maillon d’une chaîne de cuisinières qui s’étaient transmis, de génération en génération, les secrets de la cuisine. Elle était représentée comme la meilleure représentante de cet art merveilleux.

 

Page 245 : « Attention de bien allumer les allumettes une par une. Si elles s’enflamment toutes ensemble, sous l’effet d’une émotion violente, le flamboiement est tellement intense qu’il illumine au-delà de notre vision normale. Alors apparaît à nos yeux un tunnel resplendissant, un chemin oublié à la naissance, qui nous incite à retrouver notre origine divine perdue. L’âme veut réintégrer son lieu primitif, laissant le corps inerte »

 

 

 

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Mon avis : Gabacho – Aura Xilonen

Publié le par Fanfan Do

Éditions Liana Levi

 

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Quatrième de couverture :

Liborio n’a rien à perdre et peur de rien. Enfant des rues, il a fui son Mexique natal et traversé la frontière au péril de sa vie à la poursuite du rêve américain. Narrateur de sa propre histoire, il raconte ses galères de jeune clandestin qui croise sur sa route des gens parfois bienveillants et d’autres qui veulent sa peau. Dans la ville du sud des États-Unis où il s’est réfugié, il trouve un petit boulot dans une librairie hispanique, lit tout ce qui lui tombe sous la main, fantasme sur la jolie voisine et ne craint pas la bagarre…
Récit aussi émouvant qu’hilarant, Gabacho raconte l’histoire d’un garçon qui tente de se faire une place à coups de poing et de mots. Un roman d’initiation mené tambour battant et porté par une écriture ébouriffante.


Aura Xilonen est née au Mexique en 1995. Après une enfance marquée par la mort de son père et des mois d'exil forcé en Allemagne, elle passe beaucoup de temps chez ses grands-parents, s'imprégnant de leur langage imagé et de leurs expressions désuètes. Elle a seulement dix-neuf ans lorsqu'elle reçoit le prestigieux prix Mauricio Achar pour Gabacho, traduit depuis en huit langues. Auta Xikonen étudie le cinéma à la Benemérita (Universidad Autónoma de Puebla).
Julie Chardavoine a reçu le Grand Prix de la traduction de la ville d'Arles, 2017.

 

 

Pourquoi j’ai voulu lire ce livre :

Ce titre faisait partie des propositions pour février du groupe Book Trip Mexicain sur Facebook. La quatrième de couverture m’a énormément tentée.

 

Mon avis :
Amis de l'argot bonjour ! Eh oui, parce que dès la première page il faut, soit s'y connaître, soit aller sur internet… La langue est très imagée, trash, crue, percutante et je me suis demandé si ça n'allait pas me fatiguer assez rapidement. Mais non, ce langage grossier et agressif m'a vite amusée car il est l'expression parfaite de la personnalité de Liborio, ce jeune mexicain qui a réussi à passer la frontière vers le rêve américain. Et puis c'est tellement drôle la plupart du temps ! Il y a aussi beaucoup de mots-valise, ou conjugués voire carrément inventés et ça rend le tout très visuel.

Liborio a eu la vie dure, il ne fait confiance à personne, il trouve la gentillesse suspecte. Il a toujours été plutôt livré à lui-même dans une vie difficile, c'est pourquoi il a un jour migré vers les États-Unis, quitte à vivre dans la clandestinité, son but étant un jour d'aller à New-York. C'est une tête brûlée, mi-chihuahua inconscient de ses faiblesses, mi- pitbull complètement fondu qui n'a peur de rien et fonce dans le tas. "Après tout, je suis né-mort et franchement j'ai peur de rien."
Un jour, il aperçoit dans la rue une "gisquette" qui se fait harceler par un voyou, il vole à son secours, ça va changer le cours de sa vie.

Il a trouvé un petit boulot dans un librairie. Bien qu'il soit exploité, ça a été une chance car il a découvert le pouvoir des livres.
Il nous raconte son quotidien dans cet état d'Amérique frontalier avec le Mexique et c'est ponctué de flash-back qui nous font découvrir peu à peu les bribes de son passé. Ça donne du rythme et accroît l'intérêt, si besoin était.

Quoique ce récit soit très drôle, il aborde le terrible sort de ceux qui sont prêts à mettre leur vie en danger dans l'espoir d'un futur meilleur, risquant à tout moment de se faire prendre par la police, moindre mal comparé aux milices, ces "braves citoyens" qui traquent les clandestins et leur réservent un sort abominable.
Il jette aussi un regard critique sur la société d'hyper consommation ou on trouve tout à profusion jusqu'à l’écœurement.

Malgré tout le bien que je pourrais dire de ce roman mexicain qui va à cent à l'heure, j'ai l'impression que je serai toujours en dessous de ce qu'il vaut, parce que, argotique autant que poétique et érudite, l'écriture est tout simplement époustouflante et incroyablement belle, aussi bien que l'état d'esprit que l'autrice insuffle à ses personnages, tous hauts en couleur. Des injures à faire verdir de jalousie le capitaine Haddock, des situations et des répliques percutantes m'ont provoqué quelques bons fous rires. Je crois n'avoir jamais rien lu de pareil ! J'ai adoré cette histoire, merveille de drôlerie et d'irrévérence, grosse bulle d'oxygène, où la fraternité et la bienveillance font la nique à la perfidie.

 

Citations :

Page 15 : J’en chiais sang et eau, parce que lire, bordel, ça fait mal aux yeux au début, mais petit à petit l’âme se fait contaminer. Le soir, j’embarquais de petits livres encore chastes sur ma mezzanine et le matin, je les redescendais dépucelés.

 

Page 22 : Je suis resté bouche bée, abasourdi, dévasté par l’image infecte que les autres ont de moi. Et si la vérité, c’est que Dieu, il existe pas et qu’on est juste des particules qui pourrissent avec le temps pour se détruire les unes les autres ?

 

Page 25 : Je monte dans le bus rouge qui vient de s’arrêter, paye et me pose au fond, là où les galeux comme moi, on a l’habitude de s’installer histoire de ne pas leur faire peur, aux noirs et aux blancs, parce que nous, on est gris, et le gris ici, c’est les limbes, ni du côté de Dieu, ni du côté du Diable.

 

Page 77 : Ça fait longtemps que je me suis fait la remarque que les fils à papa, ils se tiennent toujours droits comme des I ; nous autres, paumés, crevards, guignols ou mectons, on marche tous comme des singes, comme si on avait pas été touchés par l’évolution. On dirait qu’on se sent inférieurs et que si on se tient le dos courbé, c’est à cause de notre queue de mandrill. Comme si on était déjà battus d’avance, que c’était une clause divine, charonique, une saloperie de destin irréversible.

 

Page 110 : Je me récure sous tous les angles, histoire d’évacuer la crasse que je porte en moi, qu’elle me lâche enfin la grappe avec toutes ses petites peaux mortes enroulées dans mon âme.

 

Page 179 : Je croise les mains derrière la tête en mode coussinets de viande. Le sommeil s’échappe peu à peu par une fuite dans mon coco, comme une clepsydre diamantine qui aurait plus assez d’eau.

 

Page 311 : [« Nous vivons dans les vestiges du monde, espèce d’hurluberlu empoté. Dans les résidus de l’Histoire, dans ce qu’il reste, dans les débris de l’humanité. Faut que t’imagines, le pédoque, après toutes les guerres qu’il y a eues, qu’est-ce que tu voudrais qu’il nous reste ? Rien que des déchets, et on des milliards à moisir dedans, les uns sur les autres, crevant la dalle, dans la pauvreté la plus dégueulasse qu’on ait jamais pu imaginer. Le monde, c’est de la merde et c’est tombé sur nous d’y vivre. Après le Léviathan, on pourra plus jamais retourner à l’état d’innocence, à l’abri, dans son ventre. On est la pire espèce de l’Univers, celle qui dévore tout sur son passage, comme des fléaux exubérants, des insectes méphitiques. C’est comme ça.

- Vous vous êtes encore disputé avec votre femme, Boss ?

- Oui, le pédoque. »]

 

 

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