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Mon avis : Wilderness – Lance Weller

Publié le par Fanfan Do

Traduit par François Happe

 

Éditions Gallmeister

 

Mon avis sur Insta c'est ici

 

Quatrième de couverture :

Sur la côte du Pacifique Nord-Ouest, Abel Truman vit avec son chien pour unique compagnon. Hanté par la Guerre civile américaine, il décide de partir pour un ultime voyage vers l'est, guidé par ses souvenirs. Mais un homme au visage déchiré et un Indien aux yeux sans éclat l'attaquent et lui dérobent son chien. Laissé pour mort par ses assaillants, Abel part sur leurs traces à travers les Olympics Mountains menacées par la neige. Sa quête l'entraînera sur la route de son passé et vers une rédemption qu'il n'espérait plus. Wilderness est une fresque ambitieuse qui décrit la course contre la mort d'un homme à travers l'histoire et le continent américain.

 


 

Mon avis :
L'histoire débute en 1965 avec Jane Dao-ming Poole, seule dans sa chambre d'une maison de retraite. On entrevoit ses souffrances passées…
Elle remonte dans ses souvenirs et, en 1899, dans la vie d'Abel Truman, son deuxième père.
On plonge là dans des abîmes de noirceur où il n'est question que de souvenirs de guerre, de peur, de mort, de souffrance, de douleurs, de chagrins, de blessures mal guéries et de solitude.

On fait des allers-retours entre 1899, quand Abel est vieux, malade et seul avec son chien, et 1864, sur les champs de bataille de la guerre de sécession avec ses compagnons d'arme, face à l'ennemi.
On s'attache à eux, David, Ned, dont on sait qu'ils vont mourir alors qu'ils sont si jeunes. L'absurdité est omniprésente, tant d'entre eux sont morts dans une folie sans nom durant cette guerre et ici plus précisément pendant la bataille de la 
Wilderness. On ressent la terrible atmosphère de violence et de terreur sur tous ces champs de batailles qui se sont gorgés du sang de ces soldats, de leurs chairs déchiquetées, de leurs rêves anéantis avec eux. C'est d'une tristesse sans nom. Tous ces massacres sont une abomination.
Les descriptions de certaines atrocités m'ont fait dresser les cheveux sur la tête.

Un jour, des hommes laissent Abel pour mort sur le rivage, et lui volent son vieux chien. Sauvé et remis sur pied par des indiens, au bout d'une vie de tant de drames, il part en quête de son ami, son compagnon, son chien, pour le sauver d'un destin funeste.

Ces pages d'histoire de l'Amérique m'ont terriblement donné le sentiment que pour beaucoup, la vie n'est qu'une vallée de larmes, car l'homme est d'une cruauté sans limites.

J'ai été totalement bouleversée par ce roman plein de bruit et de fureur qui nous relate, entre autre, la boucherie qu'a été la guerre de sécession et je me suis demandé pourquoi certaines personnes doivent ainsi souffrir du début à la fin de leur existence. 
Lance Weller nous immerge totalement dans cette histoire dont le réalisme est parfois glaçant. Il parvient à mettre de la poésie dans ses descriptions de moments pourtant tragiques et macabres, comme dans un ralenti où on s'attend à être touché par la grâce alors qu'on est en pleine tragédie. Rien n'est manichéen ici. Beaucoup de noirceur, contrebalancée par un peu de lumière et de chaleur. J'ai trouvé cette histoire d'une beauté déchirante.

 

Citations :

Page 10 : Elle est âgée désormais, elle est devenue grise et fragile au-delà de toutes les représentations qu’elle avait pu se faire de la vieillesse lorsqu’elle était enfant.

 

Page 27 : Le chien savait aussi qu’ils ne reviendraient pas. Il savait ces choses de la même façon qu’un chien connaît bien le cœur de l’homme qu’il aime et comprend ce cœur au-delà de ce que l’homme pourrait jamais espérer.

 

Page 32 : Devenu un vieil homme désormais, Abel se dit qu’avec une bonne concentration il était capable de faire revenir ces hommes dans ses souvenirs. Chacun de ces hommes qui étaient morts sous ses yeux et dont il connaissait le visage. Se les rappeler et les faire revivre, ne serait-ce qu’un instant, ne serait-ce que dans son esprit seulement. Abel prit une profonde inspiration, sentant l’effet progressif de l’air frais en lui. Il se disait que s’il pouvait faire revenir ces hommes, il aurait bien des choses à leur demander.

 

Page 44 : Il se retrouva entièrement dans l’eau. Ses pieds ne touchaient plus les cailloux et le sable, sa tête n’était plus exposée à la lune et à la nuit. Le vieux soldat ferma les paupières et se mit à flotter entre la terre et l’air, chaque endroit de son corps étant en contact avec l’eau froide. Fermant les yeux, il goûta la saveur âcre du sel de l’océan et l’imagina en train de se répandre en lui, de reprendre possession de lui – de sa pauvre chair loqueteuse – pour ne laisser de lui que des os blanchis et articulés et des morceaux de métal rouillés raclant le fond de la mer pour l’éternité.

 

Page 66 : Il n’avait pas parlé, il n’avait pas tremblé, car il s’était rapidement rendu compte que cette chose, cette scène, n’était qu’un maillon d’une longue et terrible chaîne d’évènements qu’il sentait – plus qu’il ne la voyait – s’étirer si loin sur la courbe de sa vie qu’il s’imaginait qu’une extrémité devait rejoindre l’autre quelque part pour former un cercle parfait du malheur. Un seul moment, celui-là.

 

Page 153 : Oyster Tom resta assis un certain temps, les yeux rivés sur le vieil homme meurtri étendu devant lui. Les anciennes blessures et les nouvelles. Il resta là comme s’il essayait de découvrir des motifs dans les spirales, le câblage et le gribouillage des cicatrices qui balafraient ce corps, chacune d’entre elles racontant l’histoire d’une blessure, chacune d’entre elles marquant la fin de la trajectoire d’une balle, d’un éclat d’obus, ou d’une lame, ou de l’instrument souillé d’un chirurgien, et chacune reliée à la suivante par un morceau de chair pâle et lisse dont l’unique fonction semblait être de rattacher une cicatrice à une autre.

 

Page 163 : Comment les choses s’étaient passées, cet après-midi là, à Gettysburg, quand le monde avait basculé et qu’ils avaient ressenti ce basculement, comme si la Terre elle-même avait été secouée jusqu’en son centre, et peut-être bien qu’elle l’avait été. Ce jour-là.

 

Page 193 : Les corps explosent, leur sang gicle et retombe sur les vivants et les morts comme une douce pluie de printemps…

 

Page 200 : Regardez, vous ne pouvez pas vous en empêcher. Regardez, et vous verrez des hommes morts ou blessés, des hommes fracassés ou brûlés. Des hommes debout qui se battent, une sinistre détermination se lisant sur leur visage figé comme s’ils avaient découvert en eux des choses avec lesquelles il sera difficile de vivre, plus tard, et des hommes effrayés à en perdre la raison, étendus face contre terre, pleurant dans l’herbe. Des soldats de l’Union qui battent en retraite dans le champs des hurlements, et des masses de soldats des deux camps, étendus, serrés les uns contre les autres dans le fossé humide, entre les lignes, se passant et se repassant des bouteilles. Des fanions, des étendards et des drapeaux déchirés par les balles faisant tous flotter fièrement leurs couleurs vives au milieu de la fumée et des flammes. Dans les bois, de part et d’autre du champs, les drapeaux vert et jaune des hôpitaux de campagne que le vent fait onduler surgissent çà et là, attirant les blessés vers eux comme d’horribles fleurs héliotropes. Les chirurgiens sont au travail, les bras nus, leurs poings blancs serrant fort les poignées de leurs scies.

 

 

 

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