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Mon avis : L’été où tout a fondu – Tiffany McDaniel

Publié le par Fanfan Do

Traduit par François Happe

 

Éditions Gallmeister

 

Mon avis sur Insta c'est ici

 

Quatrième de couverture :

Été 1984 à Breathed, Ohio. Hanté par la lutte entre le bien et le mal, le procureur Autopsy Bliss publie une annonce dans le journal local : il invite le diable à venir lui rendre visite. Le lendemain, son fils Fielding découvre un jeune garçon à la peau noire et aux yeux d’un vert intense, planté devant le tribunal, qui se présente comme le diable en personne. Cet enfant à l’âme meurtrie, heureux d’être enfin le bienvenu quelque part, serait-il vraiment l’incarnation du mal ? Dubitatifs, les adultes le croient en fugue d’une des fermes voisines, et le shérif lance son enquête. Se produisent alors des événements étranges qui affectent tous les habitants de Breathed, tandis qu’une vague de chaleur infernale frappe la petite ville.
Porté par une écriture incandescente, L’Été où tout a fondu raconte la quête d’une innocence perdue et vient confirmer le talent exceptionnel d’une romancière à l’imaginaire flamboyant.

 

 

Mon avis :
J'avais adoré Betty et l'écriture sublime de Tiffany McDaniel, alors évidemment j'ai eu envie de découvrir son roman suivant. Et je dois dire que dès la première (demie) page, mon petit cœur s'est senti enveloppé, avec délice, de soyeuses volutes de poésie.

Pourtant, après quelques pages, mon intérêt a eu un peu de mal à décoller.

 

Une bigote qui perd subitement la foi, son fils qui doute de la force du Bien contre le Mal, tel est le point de départ de ce roman. Le narrateur est Fielding, treize ans, le fils de cet homme, Autopsy Bliss, qui a un jour invité le Diable à se présenter. Et il s'est présenté ! C'était un enfant de treize ans, noir, aux yeux verts. Évidemment personne n'a cru qu'il était ce qu'il prétendait être. Pourtant il a semblé parfois doué de prescience. Assez rapidement des événements étranges vont se produire.

 

Alors que l'histoire se passe en 1984, je n'ai pas réussi à voir autre chose que les années 50. De la tenue vestimentaire du père, de la mère, qui ne sort jamais par peur de la pluie et qui donc tient sa maison en parfaite femme au foyer, en passant par la bigoterie et les descriptions de la ville comme des gens, je n'ai absolument pas vu les années 80. Ni même dans le futur avec les années 2050 quand le narrateur, devenu vieux, poursuit dans ses souvenirs.

 

On passe sans cesse et sans transition de 1984 aux années 2050 avec Fielding devenu un vieil homme aigri et bourré de remords, qui n'a plus posé le pied sur le sol de l'Ohio depuis soixante-dix ans, et la question est : pourquoi ? 

La curiosité m'a fait poursuivre ma lecture mais hélas j'ai peiné à m'immerger dans l'histoire. Je suis restée un peu en dehors sans parvenir à m'intéresser à l'intrigue malgré les questions qui m'ont taraudée. Qui est Sal ? Pourquoi Fielding est-il devenu un vieil homme triste et seul ?

Pourtant j'ai aimé tous les membres de la famille Bliss. Généreux, bienveillants, équilibrés à part la mère et son étrange phobie de la pluie même en pleine sécheresse. Mais tous ont ouvert leurs bras à Sal, faisant de lui le cinquième membre de la famille.

 

On se trouve au cœur de cette Amérique bigote, raciste et homophobe. Les bien-pensants prêts à lyncher un enfant noir car tout le monde prétend avoir vu quelque chose que personne n'a vu. C'est fascinant et effrayant. Cette petite ville a son fanatique, le fauteur de troubles Elohim, dont le nom est une des appellations de Dieu et qui harangue les fidèles. Serait-il déterminé par le nom qu'il porte ?

 

En fait, mon intérêt pour ce roman a été en dents de scie. Par moments j'ai été captivée, puis je me suis ennuyée, parce que trop lent à mon goût. Et puis à partir de la moitié du roman j'ai été très émue, parfois attristée, mais conquise. Car c'est une belle histoire d'amours. Amour familial, immense amour fraternel, amour pour son prochain, et aussi de cette forme d'amour qu'est l'amitié, au milieu de l'intolérance, de l'obscurantisme et de la haine aveugle qui cherche quelqu'un à punir pour ses malheurs ou simplement pour ses convictions. Et puis parfois l'amour fait qu'on meurtrit profondément, bêtement, maladroitement, ceux qu'on aime le plus.

 

Avec cette histoire Tiffany McDaniel nous rappelle que la vie est un long chemin semé d'embûches, que trop souvent ce qui est perdu l'est pour toujours, que le mal est partout et, fréquemment, pas où on l'attend.

Ni la quatrième de couverture ni même le début du roman ne m'avaient préparée à ce que j'allais trouver dans ce récit. Au fond, c'est l'histoire de la vie, des familles, des lieux, des gens et leurs tragédies, de la violence du monde et celle cachée derrière les murs, de l'Amérique profonde... et un peu du Moyen-âge qui perdure chez certains. Tiffany McDaniel nous emmène tout doucement vers un dénouement tragique. C'est beau et douloureux, laid parfois et tellement triste.

 

 

Citations :

Page 13 : Autopsy est un prénom des plus étranges pour un homme, mais sa mère était aussi une femme des plus étranges dans sa religiosité, une femme qui utilisait la Bible comme un stéthoscope avec lequel elle écoutait battre le pouls du diable dans le monde qui l’entourait.

 

Page 24 : Ce que je viens de décrire, c’est la ville que j’ai dans le cœur, pas forcément la ville elle-même, dont la face cachée savait composer avec la boue. Comme dans n’importe quelle petite ville ou n’importe quelle grande métropole, des femmes et des hommes savaient crier. Des chiens se faisaient battre, des enfants aussi.

 

Page 55 : Mais si un homme décide de tuer un serpent qui ne représente aucune menace, c’est très révélateur de son état d’esprit.

 

Page 72 : - D’abord on a perdu le mot nè… (Le shérif s’est interrompu avant de finir le mot, son regard passant de Papa à Sal.) On a perdu le mot qui commence par un n, et maintenant v’la qu’on perd le mot nabot. Bientôt on pourra plus dire que les gens sont moches. Faudra dire qu’ils ont un physique imparfait, ou un truc politiquement correct comme ça.

 

Page 123 : Maman avait raison. La chaleur poussait les gens à se comporter en fonction de ce qu’ils avaient de plus mauvais en eux. Peut-être même qu’elle leur donnait la confiance nécessaire pour agir de manière stupide et irréfléchie sans raison valable.

 

Page 134 : Parfois, la seule chose à faire est de fuir cette existence, en espérant qu’après cette fuite on nous épargnera un jugement trop sévère à propos de cette mort.

 

Page 164 : Les gens demandent souvent, pourquoi Dieu permet-Il que la souffrance existe ? Pourquoi permet-Il qu’un enfant soit battu ? Qu’une femme pleure ? Qu’un holocauste soit commis ? Qu’un brave chien meure dans de telles souffrances ? La vérité est toute simple : Il veut voir par Lui-même ce que nous allons faire. Il a planté la chandelle, Il a posté le diable à la mèche et maintenant, Il veut voir si nous l’éteignons en soufflant dessus ou bien si nous la laissons brûler jusqu’au bout. Dieu est le plus grand spectateur de la souffrance qui puisse exister.

 

Page 182 : Parfois je me dis que les frères aînés ne devraient pas être permis. On tombe trop facilement amoureux d’eux. Ils sont tout pour nous et pendant ce temps, ils souffrent dans leur coin pour être à la hauteur de nos attentes.

 

Page 259 : Nous étions tous à haut risque. Cette canicule provoquait des palpitations, des fièvres, des choses dont on n’arrivait pas à se libérer. Elle agissait comme le parfait révélateur de toute douleur, de toute frustration, de toute colère, de toute perte. Elle faisait tout remonter à la surface, elle faisait tout transpirer.

 

Page 272 : Je ne veux pas que tu sois gay. Je ne veux pas que tu sois heureux, et non, ce n’est pas bien que tu aies envie d’être avec un homme. Pédé. N’est-ce pas ce que ce mot est censé vouloir dire ? Pédé ?

 

 

 

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