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Mon avis : Girl – Edna O’Brien

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Aude de Saint-Loup et Pierre-Emmanuel Dauzat

 

Éditions Le Livre de Poche

 

Mon avis sur Insta c'est ici

 

Quatrième de couverture :

S'inspirant de l'histoire des lycéennes enlevées par Boko Haram en 2014, l'auteure irlandaise se glisse dans la peau d'une adolescente nigériane, Maryam. Tout commence par l’enlèvement de plusieurs jeunes filles après l’irruption d’hommes armés dans l’enceinte d’une l’école, puis la traversée de la jungle en camion et l’arrivée dans le camp, où la faim, la terreur et le désarroi deviennent le lot quotidien des prisonnières.

Mais le plus difficile commence quand Maryam parvient à s’évader, avec l’enfant qu’elle a eue durant sa captivité. Après des jours de marche, et alors qu’elle a enfin pu rejoindre son village, elle se retrouve en butte à la suspicion des siens et à l’hostilité de sa propre mère. Victime, elle devient coupable d’avoir introduit dans leur descendance un être au sang souillé par celui de l’ennemi…

Bouleversant récit à la fois atroce et magnifique. Le Monde.

La lecture de Girl est une marche chancelante au bord d’un précipice. Télérama.

Edna O’Brien est lauréate du prix Femina spécial 2019 et du prix PEN/Nabokov 2018 pour l'ensemble de son œuvre.

 

 

Mon avis :
On entre immédiatement dans le vif du sujet avec l'enlèvement de lycéennes au Nigeria par Boko Haram en 2014, dont l'autrice s'est inspirée pour nous conter le récit de Mariam à la première personne, donnant ainsi corps à ces filles victimes de la barbarie des hommes. Boko Haram, ce groupe sectaire prône un islam rigoriste et impose sa vision cruelle de ce que doit être la vie, surtout pour les femmes.
"J'étais une fille autrefois, c'est fini. Je pue. Couverte de croûtes de sang, mon pagne en lambeaux. Mes entrailles, un bourbier." Voilà ce que nous dit Mariam. Les viols et les violences, les témoignages de John, petit garçon enlevé pour devenir soldat, puis Buki, une fille, défouloir pour les hommes, comme toutes les autres filles, victimes de leur désir répugnant, leur besoin de se vider dans ces "salopes" comme ils disent, sans état d'âme.

Ce qui ressort dans la première partie, c'est une haine incommensurable des femmes, mais aussi que l'amitié est une planche de salut dans les pires moments de la vie. Et puis tout le long, que l'instinct de conservation est chevillé au corps. Quelles que soient les horreurs qu'on puisse subir, la plupart du temps le désir de rester en vie est le plus fort. Mais ce livre ne parle pas que d'horreurs. Il nous raconte des moments de grâce, quand des êtres humains tendent la mains à d'autres êtres humains. Il nous parle des nomades peuls qui ont une vie plutôt heureuse, qui sont chez eux partout où ils se posent, qui ont l'instinct grégaire, où le clan est essentiel, mais pas fermé. Il nous dit que l'attachement mère-enfant est presque toujours plus fort que tout.

Hélas, partout dans le monde, les femmes sont toujours au bord du vide, car elles sont les victimes désignées des hommes quand tout va mal, impuissante à modifier leur destinée :
"On n'a pas le pouvoir de changer les choses […]
- Pourquoi pas ?
- Parce qu'on est des femmes."
C'est écœurant car tellement vrai si souvent.

Malheureusement, le retour chez soi n'est pas toujours synonyme de joie. Surtout avec un enfant Oui, la triste condition des femmes dans le monde, doublement punies. Victimes d'abord, puis pour cette même raison montrées du doigt et vouées aux gémonies, comme si elles étaient responsables du malheur qui les accable.

Un roman dur mais nécessaire, où le sordide est évité grâce à la subtilité de l'autrice qui nous épargne les détails des viols. Toutefois j'ai trouvé ce récit très froid ou distancié, car je n'ai jamais eu d'empathie pour Mariam. Uniquement de la compassion. Mais pourquoi donc ?

 

Citations :

Page 18 : Chaque fille a reçu un uniforme, identique à celui que portaient les filles qui étaient là depuis longtemps. On nous a dit de les enfiler. D’un bleu morose, avec des hijabs encore plus foncés, et même si je ne me voyais pas, faute de miroir, j’ai vu mes amies, transformées, soudain vieilles, telles des nonnes endeuillées.

 

Page 55 : Leurs fanfaronnades, leur concours de photo l’ont enhardi. Par moments, il se retire pour laisser les appareils scruter. Ils excitent sa prouesse, son désir brûlant et sa détestation de moi. Ils rient de mes hurlements alors qu’il fait trépider tout mon corps sur cette triste terre.

 

Page 64 : Elle m’a dit que c’était une vraie jubilation à chaque naissance… si c’était un garçon. Un futur combattant. Si c’était une fille, il y avait moins de coups de feu et aucune jubilation.

 

Page 107 : Sa mère dit qu’elle n’a que dix ans, mais elle est déjà fiancée à un garçon d’une tribu d’un autre village. Elle se mariera d’ici trois ou quatre ans, et ils obtiendront une parcelle de terre et partiront lancer leur propre troupeau.

 

Page 122 : Pourquoi je te raconte tout ça… Parce que je ne te connais pas, tu ne me connais pas et tu ne connais pas le monde dans lequel tu es revenu.

 

Page 137 : À chaque rêve, la nuit, ça devient plus sanglant. Je fais bouillir mes ravisseurs dans de grandes marmites noires. Plein de feux allumés. Ces hommes savent que leur heure a sonné. Ils demandent grâce comme nous suppliions. Je les entasse dans les marmites et John-John m’aide avec le pilon. On leur fracasse le crâne et leur cervelle suinte en une sorte de sombre bouillie. Leurs barbes flottent à la surface telle une écume putréfiée. L’eau bouillante qui s’élève autour d’eux les réduit au silence.

 

 

 

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