Mon avis : Le baron perché – Italo Calvino
Traduit de l’italien par Juliette Bertrand, revue par Mario Fusco
Éditions Gallimard - Folio
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Quatrième de couverture :
« Pour bien voir la terre, il faut la regarder d'un peu loin. »
En 1767, suite à une dispute avec ses parents au sujet d'un plat d'escargots, le jeune Côme Laverse du Rondeau monte dans l'yeuse du jardin. Il ne descendra plus des arbres jusqu'à sa mort, s'y éveillant au savoir et à l'amour, à la solitude comme à la fraternité.
Conte philosophique en hommage au siècle des Lumières, autoportrait d'un excentrique épris de liberté, Le baron perché enchante par son humour généreux, ses constantes inventions, son humanisme intemporel.
Le baron perché fait partie de la trilogie Nos ancêtres, qui comprend également Le vicomte pourfendu et Le chevalier inexistant.
Mon avis :
Perché le petit futur baron ? Oui et en même temps pas tant que ça. Dans un arbre oui, par esprit de révolte et je dois dire que j'ai tout de suite été d'accord avec lui ! Il faut savoir se défendre, ne pas se soumettre, surtout quand on est petit. Bon, il est quand-même peut-être un peu perché. Mais qu'il est drôle cet enfant !
D'ailleurs la sœur aînée, Baptiste (c'est tellement étrange d'avoir Traduit Battista en Baptiste) est quelque peu azimutée à sa façon, qui se situe dans le registre du gore culinaire. La mère aussi est spéciale et le père a des rêves de grandeur et un frère naturel très bizarre… C'est une famille de doux dingues.
Quant à Blaise, le petit frère et narrateur, il est en admiration devant cet aîné si courageux et extravagant.
Et puis il y a la petite voisine, Violante. Une espèce de petite pestouille, qui m'a fait penser à Minnie avec Mickey. Ou Daisy avec Donald. Et oui, j'ai de drôles de références, mais c'est parce que dans cette histoire, la fille est celle qui fait tourner en bourrique le pauvre garçon, et qui nous rendrait presque misogyne !.. Comme Minnie et Daisy. Eh oui, l'enfance nous imprègne durablement.
Et donc, cet enfant, parti dans les arbres par esprit de contestation envers ses parents, ne redescendra plus. Tel un funambule il passera d'arbre en arbre sans plus jamais toucher le sol. Et nous lecteurs, avec Côme nous allons parcourir toutes sortes d'essences d'arbres et apprendre lesquels sont les plus adaptés au funambulisme. Eh oui ! Et on n'apprend pas que ça !
Côme, doux rêveur, devient l'anticonformisme personnifié, d'une belle érudition, jamais à cours d'idées et d'une telle ouverture d'esprit pour son temps qu'il m'a énormément plu. Tout l'intrigue, tout l'intéresse, tout le passionne… y compris l'altruisme et le don de soi.
Alors que ce choix, fait sous la colère, d'aller vivre dans les arbres a permis à Côme de vivre des choses incroyables toute sa vie, moi je n'ai pas totalement réussi à me laisser emporter par la poésie de cette existence car j'ai eu froid pour lui, j'ai souffert de sa solitude à sa place et j'ai regretté qu'il ne foule plus jamais l'herbe de ses pieds, qu'il ne puisse serrer Optimus Maximus dans ses bras. Au fond, il est une sorte d'Antigone, inébranlable dans ses convictions, quel que soit le prix à payer.
Cette surprenante épopée sylvestre m'a rappelé que souvent l'orgueil nous emmène plus loin qu'on ne l'aurait voulu et parfois beaucoup trop loin.
Citations :
Page 40 : Nous ferons toute une armée des arbres, et nous ramènerons à la raison la terre et ses habitants.
Page 76 : C’était un destin extraordinaire pour une mère que d’avoir un fils aussi fantasque, un fils qui se refusait à tout ce qui compose normalement une vie sentimentale ; […]
Page 79 : Les exploits que fondent une obstination toute intérieure doivent rester muets et secrets ; pour peu qu’on les proclame ou qu’on s’en glorifie, ils semblent vains, privés de sens, deviennent mesquins.
Page 129 : Le figuier vous assimile, vous imprègne de sa gomme, du grondement de ses bourdons ; Côme, après un moment, avait l’impression de devenir figue lui-même : il se sentait mal à son aise, et s’en allait. On vit bien dans le dur sorbier, dans le mûrier ; dommage qu’ils soient si rares.
Page 141 : Optimus Maximus était un chien perdu qui s’était joint à la meute par passion juvénile.
Page 224 : Que sert d’avoir risqué sa vie, quand on ne connaît pas encore la saveur de la vie ?
Page 329 : Tout cela était bien beau : mais moi, j’avais l’impression que mon frère, outre sa folie, tombait dans l’imbécilité, chose plus grave et douloureuse ; soit en bien, soit en mal, la folie est une force de la nature, mais l’imbécilité n’en est qu’une faiblesse, sans aucune contrepartie.
Page 345 : Je n’ai jamais bien compris comment Côme pouvait concilier sa passion pour la vie en association et son refus perpétuel de l’univers social ; ce n’est pas une des moindres singularité de son caractère.