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temoignage

Mon avis : Kukum – Michel Jean

Publié le par Fanfan Do

Éditions Depaysage

 

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Quatrième de couverture :

"Venir me réfugier au lac, comme ce matin, m'apaise, car il me rappelle qui nous avons été et qui nous sommes toujours. Pekuakami : ta surface lisse se mêle à l'horizon, le soleil s'y mire comme dans une glace, et ce miroir me renvoie à tous mes souvenirs."

 

Au soir de sa vie, sur les rives de Pekuakami — le majestueux lac Saint-Jean, au Québec —, Almanda remonte le fil de son existence, comme autrefois les rivières. Orpheline, elle est élevée par un couple de modestes fermiers qui la destine aux travaux des champs. Mais sa rencontre amoureuse avec un jeune chasseur innu va tout bouleverser : elle quitte alors les siens et rejoint le clan des Atuk-Siméon dont elle partagera le quotidien et auprès de qui elle apprendra à vivre en forêt.

 

Centré sur le destin singulier d'une femme éprise de liberté, ce roman relate, sur un ton intimiste, la fin du mode de vie traditionnel des peuples nomades du nord-est de l'Amérique, contraints à la sédentarité. Almanda Siméon est l'arrière-grand-mère de Michel Jean, sa kukum.

 

Écrivain, journaliste à Montréal, Michel Jean est issu de la communauté innue de Mashteuiatsh.

 


 

Mon avis :
Pekuakami, le lac 
Saint-Jean, c'est là que Almanda rencontre Thomas, un jeune chasseur Innu, beau garçon aux cheveux longs, à la peau cuivrée, aux yeux bridés. C'était dans la deuxième moitié du XIXème siècle... elle se rappelle. Et c'est beau, le monde là-bas en ce temps là, ça sent les grands espaces et la nature grandiose, avant que les humains ne la saccagent et détruisent la vie telle qu'elle était.

Michel Jean donne voix à Almanda son arrière grand-mère, sa kukum, pour nous raconter cette vie là, quand elle et son beau natif des premières nations se sont choisis pour passer toute une vie ensemble. Elle a adopté leur mode de vie nomade et fusionnelle avec la nature, jusqu'à devenir une Innue, elle, petite blanche descendante de colons.

Ça dit des belles choses sur ce peuple, entre autre que Almanda ait été acceptée sans restriction dans "un clan tissé serré" montre l'ouverture d'esprit qui était la leur. Ce qui n'aurait pas été le cas dans le sens inverse bien évidemment, si Thomas avait intégré un village de Blancs.
Cette histoire de Almanda-
Kukum, racontée comme un roman m'a passionnée. le renoncement à son avenir de fermière à Saint-Prime qui lui semblait sans joie, tout son apprentissage de la vie Innue, sa belle histoire d'amour avec Thomas, qui a duré toute la vie. Et puis la tradition orale, les histoires racontées au coin du feu, le soir sous les étoiles avec le clan réuni, les danses au rythme du tambour, la chasse et les campements en pleine nature, la descente en canot sur la Peribonka au début du printemps alors que les eaux grondent... et tant de choses encore qui font la culture de ce peuple.

La rivière Péribonka, la Fourche Manouane, le lac Onistagan, les monts Otish, le lac Pekuakami, tous ces noms nous rappellent qui étaient les premiers occupants de ces lieux.
Qu'elle est belle cette histoire ! Elle fait rêver et témoigne d'un monde qui hélas a disparu, d'un peuple qui vivait en harmonie avec la forêt, les saisons, les animaux, la Nature dans son ensemble, respectueux de tout ce qui l'entourait. Avant que la civilisation n'achève son oeuvre de destruction. En lisant cette histoire j'ai eu l'impression d'avoir traversé le miroir et d'être arrivée dans un monde enchanteur. Un monde loin des contingences bassement matérielles, où seule compte la vie dans ce qu'elle a d'essentiel. le monde d'un peuple qui est reconnaissant envers les animaux, qui choisissent de mourir pour leur survie. Je ne fais cependant pas d'angélisme. La vie au contact de la nature est parfois extrêmement dure. Mais belle.

Cette histoire transmet beaucoup de belles valeurs telles que la solidarité et la générosité, et j'ai eu plusieurs fois les larmes aux yeux, émue par la liberté de ce peuple, et la beauté de ce mode de vie qui n'existe plus. Et, bien que la vie n'existe pas sans moments de tristesse, celle-ci arrive avec l'homme blanc qui industrialise tout et vole les enfants des autochtones, le désespoir et la colère arrivent avec la "civilisation". Il y a réellement des moments déchirants, mais oui, j'ai été essentiellement bouleversée par des émotions hyper positives.

 

Citations :

Page 27 : Le jour suivant, quand je me suis levée à l’aube, l’image du mystérieux chasseur glissant sur l’eau dans une noblesse de gestes occupait encore mon esprit. Traquait-il ainsi tous les jours ses proies ? Changeait-il de terrain ou, comme le fermier, cultivait-il toujours le même ?

 

Page 43 : Cette nature indomptée et somptueuse m’a libérée de l’horizon.

Je m’amusais à écouter l’écho de ma voix se perdre entre les montagnes.

 

Page 52 : J’arrivais d’un monde où l’on estimait que l’humain, créé à l’image de Dieu, trônait au sommet de la pyramide de la vie. La nature offerte en cadeau devait être domptée. Et voilà que je me retrouvais dans un nouvel ordre des choses, où tous les êtres vivants étaient égaux et où l’homme n’était supérieur à aucun autre.

 

Page 54 : Je faisais le moins de bruit possible mais, malgré mes efforts, je n’arrivais pas à imiter le pas lent, faussement nonchalant, de Thomas. Je glissais sur les pierres, me cognais à des branches. À cause de moi, toute la forêt savait que nous étions là.

 

Page 86 : Malek avait été le premier à porter le nom de Siméon. Jusque-là, la famille se nommait Atuk. Mais les prêtres n’aimaient pas ces mots qu’ils ne comprenaient pas, et ils ont obligé les Innus à utiliser des patronymes français. Ainsi, le clan Atuk est devenu la famille Siméon.

 

Page 121 : Des volutes blanches sont montées vers le ciel, vers celui que j’appelais Dieu et que Thomas nommait l’Esprit supérieur.

 

Page 155 : Il fallait qu’ils m’aiment beaucoup, moi, déjà presque une adulte, pour prendre le temps de faire mon éducation. Parce que c’est de cela qu’il s’agissait. J’avais beau savoir lire, écrire et calculer mieux qu’eux tous, je restais une ignare là-bas.

 

Page 161 : Chaque culture possède ses rites. Mais peu importe la couleur de leur peau ou leur origine, manger offre aux humains une occasion de rassemblement et de partage.

 

Page 194 : Toute ma vie, je me suis sentie écartelée entre ce que j’estimais être mon devoir et ce que ma nature me dictait.

 

Page 198 : D’autres familles ont fait comme nous ensuite, laissant les enfants dans la réserve l’hiver pour leur permettre d’aller à l’école. Peu à peu, les maisons se sont multipliées. Certaines familles étaient réticentes, car les enfants donnaient un coup de main important à la chasse et ils hésitaient à s’en priver. Mais le nombre d’élèves de la classe augmentait chaque année. Rien n’obligeait les parents à le faire, mais les Innus sentaient bien que le vent tournait et que le monde auquel ferait face leur descendance différait de celui qu’ils avaient connu.

 

Page 208 : Les années avaient peu de prise sur l’aîné et la mort semblait l’avoir oublié. Mais cela, ça n’arrive jamais. Le temps nous est toujours compté.

 

Page 277 : En fermant les yeux, je pouvais m’imaginer au Péribonka. Quand on vieillit, les souvenirs deviennent des trésors.

 

 

 

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Mon avis : Interruption – L’avortement par celles qui l’ont vécu – Sandra Vizzavona

Publié le par Fanfan Do

Éditions Stock

 

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Quatrième de couverture :

« J’ai avorté deux fois et je suis la preuve qu’un avortement peut provoquer l’indifférence ou une déflagration. Je suis la preuve qu’il peut occuper vingt ans ou les seules semaines nécessaires à son accomplissement. Qu’il peut être l’unique issue envisageable ou simplement permettre d’attendre un meilleur moment. Alors, j’ai été lasse des discours péremptoires sur les raisons pour lesquelles les femmes devraient y avoir recours et sur ce qu’elles devraient, ou non, ressentir à son occasion. J’ai eu envie d’écouter certaines d’entre elles raconter ce qu’elles avaient vécu, en refusant que d’autres parlent pour elles. Ma préoccupation n’était pas le droit à l’avortement mais le droit à la parole de celles qui l’ont expérimenté. Le droit à l’avortement est inscrit dans la loi depuis 45 ans mais son exercice doit toujours être discret, si ce n’est secret. La loi nous autorise à avorter, la société nous empêche d’en parler. Nous sommes nombreuses à nous plier à cette loi du silence, parce que la gêne et la culpabilité sont toujours là. Je suis cependant convaincue que ce droit sera toujours fragile si nous n’assumons pas pleinement d’y avoir recours comme bon nous semble et si nous pensons le protéger en faisant profil bas, laissant alors au passage certains professionnels de la santé nous malmener.
Voici donc ce livre, mélange de témoignages et d’une quête personnelle qui m’a transformée.
Ce sont quelques histoires d’interruption. Douloureuses ou anodines. Singulières. Une interruption aussi je l’espère, quand bien même furtive, du silence, de la honte et de la colère. »


Mon avis :
J'ai eu connaissance de ce livre et par la même occasion envie de le lire en écoutant une émission sur 
France Inter, La bande originale de Nagui et Leila Kaddour Boudadi, à laquelle était invitée Pascale Arbillot pour parler de la pièce tirée de cet ouvrage.
L'avortement !? Un mot qui recouvre tant de choses !! de la souffrance, physique, et morale beaucoup mais pas toujours, du jugement, énormément. Une chose que DES HOMMES souvent veulent rendre illégale. Un problème essentiellement de FEMME, car le jour où elles avortent, il n'y a pas souvent d'homme concerné pour leur tenir la main dans ce moment difficile. C'est toujours à elles qu'on jette la pierre. Comme si elles s'étaient auto-fécondées…

Nous sont offerts ici des témoignages de femmes, des jeunes et des moins jeunes, qui ont vécu le recours à l'avortement. Ça nous raconte aussi les femmes face à la société et tous ces donneurs de leçons qui ont un avis sur tout, et surtout sur ce qu'ils ne comprennent pas. Qui vous plantent des petits couteaux dans le cœur avec des petites phrases assassines et débiles : avortement de confort ; fallait faire attention ; horloge biologique ; égoïste de ne pas faire d'enfant ; pas une femme accomplie sans enfant ; et patati et patata… TAISEZ-VOUS ! Vous faites du bruit pour rien !! Vous brassez du vent et vous êtes blessants !

De nombreux témoignages de femmes, qui regrettent parfois mais pas souvent et toujours assument, ponctués du récit de l'autrice de ses deux avortements passés et de son désir d'enfant quand la quarantaine se pointe en même temps que l'homme de sa vie.

Ce livre bat en brèche tous les clichés. Il y a autant d'histoires d'avortement que de femmes qui avortent.
Mais ce livre aurait été incomplet sans témoignages de femmes qui ont avorté clandestinement à une époque où la loi l'interdisait. L'autrice leur donne la parole pour clore cet ouvrage.
Finalement avec le recul et à travers ce livre je me rend compte que c'est terrifiant d'être femme, jeune, féconde, moins jeune. Que de risques et de responsabilités ! Et que de silences !! Quand je pense qu'on a osé nous appeler "le sexe faible". On porte tellement de choses sur nos épaules.

 

Citations :

Page 13 : Premier test de grossesse. S’ensuivra une longue série au cours des vingt-cinq prochaines années : l’inquiétude variera, le verdict imploré également.

Pour l’heure, il est positif. Vertige, angoisse, solitude. Je prends conscience de ma fertilité comme d’une porte en pleine gueule.

 

Page 15 : Solitude, solitude, solitude. Je comprends immédiatement à mon réveil que je viens de vivre ma première épreuve fondamentale intime et personnelle, de celles qui n’appellent aucune consolation. Je perçois qu’elle aura des retentissements qu’il m’appartiendra seule de digérer et d’apprivoiser. C’est dans mon corps que tout cela s’est passé.

 

Page 22 : Il y avait aussi la mémoire de toutes les femmes de ma famille qui s’étaient battues pour avoir ce droit-là ; je me devais d’en user, comme du droit de vote.

 

Page 39 : J’avais beau savoir que tout cela le concernait autant que moi, je ne voulais pas vivre cette IVG autrement que de façon purement personnelle.

Je ne lui en voulais pas mais je trouvais la situation injuste : cette connerie, nous l’avions faite à deux et j’étais la seule à la subir. C’était bien moi qui étais enceinte et qui allais me faire avorter, il n’y avait qu’en moi que cela risquait de résonner.

 

Page 49 : Ils ne savent pas que mon cœur se serre dès que je rencontre un nouveau-né et que je suis hantée par l’éventualité de ne jamais sentir le mien contre moi, mais que toutes les décisions que j’ai prises, tous les choix que j’ai faits depuis que je m’imagine diriger ma vie l’ont été au nom d’une indépendance à laquelle je suis viscéralement attachée et que je ne suis pas prête à abandonner. Elle est si confortable.

 

Page 64 : Je ne sais pas combien de fois j’ai dû me le répéter ce matin-là : j’ai quarante ans. Comme si le marteler pouvait rendre vraisemblable cette information encore inconcevable la veille, bien que tant redoutée. Comment est-il possible d’avoir vingt ans puis tout d’un coup quarante ? Il me semble que me réveiller homme ne m’aurait pas plus choquée.

Puisque je n’en perçois aucun symptôme mental, je n’arrive pas à m’y résoudre : aurais-je un jour le sentiment d’être une adulte ?

 

Page 77 : On a été nourries de récits de vies perturbées ou brisées par des maternités imposées et je ne pouvais pas m’infliger cela ; il était hors de question de jouer avec l’idée qu’une femme peut sacrifier son avenir pour un enfant ; je ne pouvais pas me laisser réduire à ma condition biologique.

 

 

 

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Mon avis : Le petit chat est mort – Xavier de Moulins

Publié le par Fanfan Do

Éditions Flammarion

 

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Quatrième de couverture :

« Le petit chat est mort. Les mots sont une détonation. Les choisir pour l’annoncer aux enfants n’a pas été chose facile, alors je me suis résigné à faire simple, cinq mots et un point final. Court, cruel, monstrueux. »

Des petites choses et des plus grandes pour mieux vivre sous les orages à la saison des hécatombes.

 

 

Mon avis :
Dans ce court livre de 123 pages, 
Xavier de Moulins raconte la vie et la mort du petit chat. Son petit chat. Mais pas que. Il y a la famille, les amis, les souvenirs. Ce n'est pas un roman, c'est du vécu.
Alors autant prévenir tout de suite, c'est beau, c'est très bien écrit et dès la première page mon nez a piqué et je me suis dit que j'allais pleurer à cette lecture. Car j'ai tant de deuils de petits poilus dans ma vie et là, c'était bien parti pour remuer tous ces chagrins. Mais je suis maso alors j'ai poursuivi… Non, en réalité c'est qu'à chaque fois que ma douleur est réactivée pour eux, ça les fait revenir plus près…
Xavier de Moulins le dit tellement bien le néant dans lequel on tombe quand notre amour de chat meurt.

Pourtant il n'aimait pas les chats, ou il croyait ne pas les aimer. le petit chat est entré dans sa vie pour lui prouver qu'il se trompait.
Tête de prince et démarche de gangster, ces mots d'amour de Xavier de Moulins pour son petit tigre, il nous les partage, avec son petit chasseur de spleen, attrape-coeur délicieux, masseur de l'âme, bête à chagrin. Au contact de son chat il a tout compris, notamment qu'un chat n'est pas qu'un chat, contrairement à ce que pense les boiteux, les lacuneux, ceux qui n'ont pas la chance de savoir, ceux qui ne savent pas ce qu'ils ratent, ceux qui ignorent qu'un animal n'est pas qu'un animal et qui osent dire "Ça va, c'est qu'un chat". Ces idiots du cœur qui font que souvent on n'ose pas dire qu'on pleure son petit poilus qui vient de mourir.

Aimer un animal, lui faire une place dans la famille, ça n'enlève rien à personne. C'est un plus. Plus d'amour, de sagesse, de tendresse, de joie, de rires, de partage. Alors définitivement non, un animal n'est pas qu'un animal.
Et ce pauvre petit chat là est mort à un an et demi à cause d'un cœur trop gros. Trop tôt, trop jeune, toute une vie tronquée, d'autant plus insupportable.

C'est émouvant, jamais gnangnan, c'est un bel hommage que 
Xavier de Moulins rend à son chat mais aussi à tous les chats et au fond à tous les quadrupèdes qui partagent notre quotidien et le rendent plus beau.
"Un animal qui s'en va, ça parle à l'âme des hommes autant que la mort des hommes."
"Mieux vaut ne pas parler de la mort d'un chat avec tout le monde. On risque une autre blessure et la septicémie du chagrin."

Merci.

Scipion, Brembo, Poopy, Cacao, Nirvana, Diabolo, Night, Tigresse, Roublard, Gavroche, Finger, Méphisto, Granite, Filou, Féline, pour toujours dans mon cœur ❤️

 

Citations :

Page 11 : En pyjama, pieds nus sur le carrelage de la cuisine, dans le matin qui s’étire, elles ont reçu la déflagration sans broncher.

Je le sais, elles se sont d’abord fendues à l’intérieur, là où la neige est la plus friable, sur les sommets invisibles de notre âme.

 

Page 12 : Le petit chat est mort.

Le matin fait brusquement place au soir.

Au fond de la crevasse, le drap noir du chagrin nous recouvre, il nous tient chaud et nous donne froid, tout devient gris.

 

Page 39 : Je ne veux pas connaître les détails de ton agonie.

Je ne pige pas.

Je tourne le dos à cette histoire.

Pourtant, ce matin tu allais bien.

Je t’ai quitté sans trop te prêter attention, j’avais des choses plus urgentes à régler que de m’inquiéter pour mon petit chat pépère.

C’est logique : la jeunesse, c’est le début, pas le point final. La jeunesse, c’est la vie plus fort que la mort, l’enfance est l’éternité.

 

Page 61 : Peut-être que les hommes naissent chats, puis pour mille et une raison deviennent des hommes après l’âge de sept ans avant de réactiver ou non leur dimension féline plus tard, et, pour une poignée, redevenir des « hommes-chats ».

 

Page 68 : Elle a beaucoup de qualités mais pas de chat à la maison, elle n’a jamais fait de place à cette expérience-là, à cette joie merveilleuse d’avoir contre ses jambes un chasseur de spleen, un attrape-cœur délicieux, un masseur de l’âme, une bête à chagrin.

 

Page 81 : Je ne suis pas devin, juste heureux de conjuguer ma mère au présent.

Lorsque je suis rentré, tu as avancé en ma direction, je me suis accroupi pour te saluer.

« Merci du tuyau, petit chat. »

C’est inutile d’anticiper nos chagrins, on a toute la vie pour la peine.

 

Page 100 : Un chat n’est pas une vitre de téléphone que l’on remplace en quelques minutes en tendant sa carte bancaire.

Un animal qui s’en va, ça parle à l’âme des hommes autant que la mort des hommes.

 

 

 

 

 

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Mon avis : Danser dans la mosquée – Homeira Qaderi

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Cécile Dutheil de La Rochère

 

Éditions Julliard - 10-18

 

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Quatrième de couverture :

Homeira naît en 1980 à Hérat, en Afghanistan, dans une maison où se côtoient trois générations qui tentent de survivre tour à tour à l'occupation soviétique, à la guerre civile puis à la première prise de pouvoir des talibans. Au sein de ce foyer aimant, l'enfant chérit les livres et la liberté, se révolte contre les privilèges accordés aux hommes et les interdits visant les filles. Adolescente, elle va jusqu'à animer une école clandestine dans une mosquée.
Mais plus Homeira grandit, plus la vie s'assombrit. Elle accepte le mariage avec un inconnu, puis finit par fuir son pays. Elle fera de son existence un combat pour l'instruction et pour le droit des femmes.
Portrait d'un peuple qui vit sous la férule des talibans, Danser dans la mosquée est aussi un message au fils dont Homeira Qaderi a été séparée, auquel elle adresse des lettres poignantes.

" Danser dans la mosquée se lit vite, sans répit. Homeira Qaderi est une formidable conteuse. " Karen Huard, ELLE

 

 

Mon avis :
Merci a Babelio Masse Critique pour l'envoi de ce livre 😘


Homeira Qaderi nous prévient en préambule que tout est vrai dans ce livre à part certains noms, pour des raisons évidentes.
De son exil en Californie, ce livre raconte sa vie en Afghanistan depuis l'enfance, parsemé de lettres à son fils, qu'on lui a retiré quand il avait dix-neuf mois.

"𝙻𝚎𝚜 𝚚𝚞𝚊𝚝𝚛𝚎 𝚜𝚊𝚒𝚜𝚘𝚗𝚜 𝚊𝚕𝚕𝚊𝚒𝚎𝚗𝚝 𝚎𝚝 𝚟𝚎𝚗𝚊𝚒𝚎𝚗𝚝, 𝚖𝚊𝚒𝚜 𝚕𝚊 𝚜𝚊𝚒𝚜𝚘𝚗 𝚍𝚎 𝚕𝚊 𝚐𝚞𝚎𝚛𝚛𝚎 é𝚝𝚊𝚒𝚝 𝚜𝚊𝚗𝚜 𝚏𝚒𝚗."
Il y a eu l'occupation russe, puis, après, l'arrivée des talibans. Les filles étaient déjà au départ moins bien traitées que les garçons, jouissant de beaucoup moins de privilèges qu'eux à tous les niveaux, moins de viande à table, pas le droit de courir, encore moins de grimper aux arbres, de rire bruyamment. Mais à l'arrivée des talibans la nuit s'est refermée sur elles. Elles ont cessé d'exister. Ces obscurantistes, à vouloir écraser les femmes, ont réveillé chez certaines un fort esprit de résistance.

Homeira était une rebelle née. Une petite fille curieuse et pleine de vie, refusant l'injustice, rien que ça. Elle voulait juste avoir les droits des garçons.

Tout au long de ce récit j'ai ressenti une angoisse diffuse. le désir de résistance des filles, car plutôt mourir que d'être enterrée vivante mais aussi la peur des garçons qui refusent d'aller contre les talibans. Car il faut du courage pour refuser le destin imposé par ces espèces de zombies, ces hommes armés, vêtus de noir, dépenaillés, maigres, sales, aux longues barbes, longs cheveux et turban, maquillés d'un trait de khôl, au regard glacé comme la mort.
Tout est devenu interdit : rire, chanter, danser, écouter de la musique, avoir une télé, lire, à part le coran. Être heureux tout simplement et avoir des rêves est interdit.

Un jour Homeira a accepté, pour épargner l'opprobre à sa famille, d'être mariée à un inconnu, ou plutôt vendue car dans cette culture là, le prix d'une fille est négocié, elle n'a pas son mot à dire. Néanmoins elle vivra une parenthèse enchantée en Iran où les femmes à ce moment là avaient le droit d'étudier, de rire, de travailler, avant de rentrer en Afghanistan, de […] 𝚛𝚎𝚝𝚘𝚞𝚛𝚗𝚎𝚛 𝚍𝚊𝚗𝚜 𝚞𝚗𝚎 𝚟𝚒𝚕𝚕𝚎 𝚚𝚞𝚒 𝚜𝚎 𝚗𝚘𝚞𝚛𝚛𝚒𝚜𝚜𝚊𝚒𝚝 𝚍𝚞 𝚜𝚊𝚗𝚐 𝚍𝚎𝚜 𝚏𝚒𝚕𝚕𝚎𝚜.

Ce livre est un cri, de révolte, de ralliement, de solidarité, pour toutes les femmes du monde écrasées par des pouvoirs misogynes et totalitaires, mais aussi pour des hommes qui savent qu'une société non égalitaire est une société bancale, injuste et souvent cruelle.

 

Citations :

Page 13 : Elle était persuadée que la plus difficile des missions que le Tout-Puissant pouvait confier à quiconque était d’être une fille en Afghanistan.

 

Page 34 : Le lendemain de ta naissance, un vent glaçant a pénétré par le fenêtre ouverte de ma chambre. Dans la rue, les gens devaient être en train de rassembler les membres éparpillés des corps de leurs proches morts. Un camion-citerne jaune orangé était venu prêter main-forte à la neige pour effacer les entailles rougeoyantes, fruit de la cruauté des hommes.

 

Page 63 : Je sais que l’islam a été manipulé et transformé en instrument de châtiment. En pierre à lapider les gens, surtout les femmes.

 

Page 108 : Nous étions condamnées à vivre dans une obscurité étouffante, claquemurées derrière les fenêtres et les rideaux. Les filles ne voyaient la lumière que lorsqu’elles les écartaient pour faire passer le fil dans leur aiguille.

 

Page 127 : Nous vivions une époque terrifiante. Les talibans obligeaient de nombreuses jeunes filles à les épouser et personne n’osait s’opposer à ces hommes armés et féroces. Certains étaient arabes, pakistanais ou tchétchènes, si bien que les filles disparaissaient comme de la fumée. Telle était la face hideuse de la religion et de la politique.

 

Page 137 : Nanah-jan a toujours pensé qu’une femme afghane devait d’abord avoir un fils, pour faire plaisir à son mari, puis une fille, pour son plaisir à elle. « Une femme sans fille meurt avec un sacré lot de peine et de souffrance », disait-elle.

 

Page 142 : Dans les livres que nous avions remontés de la cantine, il n’y avait pas de burqa. Pas de filles que l’on fouettait avec des branches de grenadier ou que l’on échangeait contre des chiens de combat. Pas de filles que l’on offrait au vieillard le plus pieux de la cité. Pas de filles battues qui préféraient se jeter dans un puits plutôt que d’être lapidées à mort. Il n’y avait pas non plus de fillettes que leur père obligeait à porter des vêtements de garçon et à jouer le rôle du fils de la famille. Dans ces livres-là, les femmes n’allaient pas confier leurs histoires à l’eau du fleuve ni parler aux morts des cimetières pour fuir la solitude.

 

Page 194 : Avec le temps, je me suis fait deux amies, Sara et Elaheh, avec qui je pouvais parler plus longuement de mon enfance en Afghanistan. Je me souviens de leurs regards ébahis quand elles refermaient leurs livres pour m’écouter. À l’époque, personne n’avait rien écrit sur la vie des femmes sous le régime des talibans. Elles n’imaginaient pas qu’un tel endroit puisse exister ; inversement, je ne savais pas qu’en dehors de l’Afghanistan, le monde était un paradis, relatif, pour les femmes.

 

 

 

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Mon avis : L’oiseau perdu de Wounded Knee – L’esprit des Lakotas – Renée Sansom Flood

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Mona de Pracontal

 

Éditions Le Grand Livre du Mois

 

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Quatrième de couverture :

Le 29 décembre 1890, sous le drapeau blanc de la trêve, des Sioux minniconjous sont massacrés par le septième régiment de cavalerie des États-Unis. Quatre jours plus tard, après qu'un blizzard a balayé la région, le corps expéditionnaire chargé d'enterrer les victimes entend les pleurs d'un bébé. Sous le corps d'une femme tuée, et qui a gelé à terre dans son propre sang, les hommes trouvent une petite fille miraculeusement vivante, bien emmitouflée et coiffée d'un bonnet en daim brodé des deux côtés de drapeaux américains perlés. Enfreignant les ordres militaires, le général de brigade Leonard W. Colby adopte la petite Indienne, baptisée Lost Bird, et se sert d'elle pour convaincre les grandes tribus de le prendre comme avocat. Mais bientôt ses parents adoptifs divorcent, et commence alors pour la petite fille une quête incessante pour retrouver ses racines, quête vaine qu'elle poursuivra pourtant jusqu'à sa mort, en 1920, à l'âge de vingt-neuf ans. En 1991, plus d'un demi-siècle après le massacre de Wounded Knee, des descendants des victimes parvinrent à localiser la tombe de Lost Bird. Ils rapatrièrent sa dépouille et la réensevelirent au Mémorial de Wounded Knee, lors d'une cérémonie en présence d'Arvol Looking Horse, à côté de la fosse commune où reposent les siens. Lost Bird est devenue un symbole pour des milliers d'enfants séparés de leur tribu par l'adoption, ainsi que pour tous ceux qui ont été privés de leur héritage culturel par l'injustice, l'ignorance et la guerre.

 

Renée Sansom Flood, historienne, est mariée à Leonard R. Bruguier, Sioux yankton. Ils vivent dans les Black Hills, dans le Dakota du Sud.

 

 

Mon avis :
Renée Sansom Flood, historienne, a été travailleuse sociale. Elle a côtoyé ces enfants indiens qu'on confiait à des familles blanches. Mariée à un indien Dakota yankton elle a subi le racisme. Un jour par hasard elle tombe sur la photo de Lost Bird, ce bébé indien qui a survécu au massacre de Wounded Knee le 29 décembre 1890, qui a été élevée par des blancs, qui a toujours cherché qui elle était, et elle se met à faire des recherches sur cette petite fille.

La mémoire du peuple indien dans cette fin de XIXème et début du XXème siècle, tel est le thème de cette histoire, la dignité qu'on leur a volée, le besoin de restaurer le souvenir et ramener Lost Bird, morte à vingt-neuf ans en 1920, dans la terre de ses ancêtres à Wounded Knee.
Dès le départ j'ai été assaillie par l'émotion. La cérémonie d'exhumation en 1991 est extrêmement émouvante tant les indiens sont capables d'osmose avec tout leur peuple, les vivants et les morts, la terre et le ciel, les éléments, l'univers.

Le massacre de Wounded Knee a été un mensonge d'état et un secret bien gardé pendant des décennies. Ce que le septième régiment de cavalerie des États-Unis a fait aux indiens lakotas en 1890 est absolument monstrueux. Après la spoliation, le génocide. le plus grand pays du monde s'est construit sur le vol et le meurtre, sur la honte et l'ignominie.
Le récit de cette tragédie commence ponctué de témoignages de survivants et j'ai trouvé que ça donnait énormément de force et de douleur au récit. Sans oublier les nombreux renvois en bas de page qui étayent les références historiques.
Je les ai pourtant rapidement trouvés trop nombreux et trop longs parfois. Il arrive qu'ils fassent presque toute la page et même plusieurs pages. On reconnaît bien là la patte de l'historienne mais ça rend tout très pesant et rébarbatif. de même que la chronologie de l'histoire m'a parfois semblée aléatoire, faisant des bonds en avant, en arrière.

L'histoire et l'origine du couple Colby, qui a adopté Lost Bird, nous est racontée ainsi que les États-Unis tels qu'ils étaient. La religion prépondérante mais c'est toujours le cas de nos jours. le patriarcat et les violences faites aux femmes en toute légitimité, quelles soient physiques ou psychologiques. L'iniquité absolue envers les indiens en cas de conflit avec eux. L'adoption de Lost Bird par les Colby fut un coup politique, pavée de bonnes intentions surtout de la part de Clara Colby qui fut mise devant le fait accompli par son mari. Elle était une femme pieuse, très ouverte et militante avec de hautes responsabilités pour le suffrage des femmes bien que conservatrice. En revanche, son mari, Leonard Colby était ambitieux et manipulateur, bien qu'il ait semble-t-il pris le parti des indiens avec sincérité. Mais sans doute était-ce intéressé et donc totalement cynique car tout chez cet homme était calculé. Hélas, le désir d'élever des enfants indiens comme s'ils étaient des petits blancs fut une erreur tragique, autant pour leur psychisme que pour leur santé.

Pendant de très longs chapitres il est énormément question des époux Colby, de leurs actions politiques, de leurs amis ou adversaires, plutôt que de Lost Bird et du peuple Lakota. Cependant, c'est un couple étonnant, toujours en mouvement, mais elle surtout, a eu une vie extrêmement indépendante et active pour l'époque, elle était altruiste et généreuse. C'était une femme de convictions, sa personnalité m'a impressionnée ainsi que sa magnanimité. de plus elle aimait sincèrement sa "fille indienne" comme elle l'appelait même si elle l'a toujours fait passer après ses combats féministes et donc beaucoup délaissée.

C'est un livre passionnant mais aussi révoltant et affligeant. L'humanité a décidément un pouvoir de nuisance illimité. Hélas j'ai parfois trouvé le temps long car trop de détails qui ne concernent pas directement les lakotas et Lost Bird mais nécessaires au contexte historique.
Quant à Zintkala Nuni, Lost Bird en lakota, "𝑛𝑜𝑛-𝑏𝑙𝑎𝑛𝑐ℎ𝑒 𝑝ℎ𝑦𝑠𝑖𝑞𝑢𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑚𝑎𝑖𝑠 𝑛𝑜𝑛-𝑖𝑛𝑑𝑖𝑒𝑛𝑛𝑒 𝑠𝑜𝑐𝑖𝑎𝑙𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡", elle se sentit toute sa courte vie écartelée, cherchant désespérément à se rapprocher de ses origines.
L'histoire des pays et des peuples m'ont toujours intéressée et ce livre est extrêmement bien documenté. Tout y est relaté, jusqu'aux atroces pensionnats pour indiens, tenus par des sadiques pervers de la pire espèce. J'ai été révoltée par ce que Lost Bird à vécu, toujours sur le fil, réussissant à ne pas tomber dans le sordide le plus vil. Une vie de solitude et d'errance psychologique, que l'amour d'une mère absente n'a pas pas suffi à empêcher. Je préfère pourtant quand c'est traité sous forme de roman, ça rend tout plus vivant, plus prenant. J'ai eu parfois envie d'abandonner… heureusement que je ne le fais plus car ce livre vaut la peine d'être lu.

 

Citations :

Page 13 : Si tu prends un pâté de maisons dans un quartier blanc et que tu le compares à un pâté de maisons dans une réserve, tu trouveras des maisons propres et des maisons sales, mais dans le quartier blanc, il y aura sans doute cinquante fois plus d’enfants victimes d’abus sexuels.

 

Page 31 : Les militaires n’exigeaient pas seulement de l’obéissance de la part des Indiens, ils n’exigeaient pas seulement de la complaisance, mais également une soumission servile.

 

Page 47 : Le soir de Noël, des femmes enceintes, des bébés et des personnes âgées se virent refuser la chaleur d’un feu de cheminée. Chassée de la « maison de Dieu », la longue caravane s’enfonça silencieusement dans l’obscurité. Entre eux, les Indiens discutèrent de ce rejet inhumain, exemple terrible de l’étrange religion des hommes blancs.

 

Page 54 : Bien sûr, au camp, on se targua d’un fameux tableau de chasse, mais on n’a pas su qui avait abattu les femmes, en tout cas personne ne s’en est vanté.

 

Page 79 : Tous deux installèrent un stand de reliques indiennes dans l’allée centrale. Principale attraction de leur exposition : un bébé indien séché. Cette macabre relique attirait des hordes de curieux qui défilaient devant le malheureux enfant, lové dans une vitrine. Par milliers, les gens pressaient les mains et le nez contre le verre rayé, et les parents portaient leurs enfants pour leur permettre d’apercevoir ce que l’affiche appelait le « Papoose indien momifié, la plus grande curiosité jamais exposée ».

 

Page 106 : Dans son rapport, largement diffusé, Colby parle de la tuerie qui aboutit, dit-il, « au meurtre gratuit et au cruel massacre de centaines de gens inoffensifs, [qui] resteront dans l’histoire comme une tache à l’honneur national des États-Unis. » Pour Colby, la véritable bravoure au combat se manifestait dans l’affrontement de soldats et d’ennemis, les uns et les autres armés, en un combat déclaré. Lorsqu’il vit qu’il n’y avait pas eu de guerre, il critiqua violemment l’armée. Quoi qu’on ait pu dire d’autre sur Wounded Knee, il n’en demeure pas moins que cinq cents soldats américains fortement armés ont tué une bande d’hommes, de femmes et d’enfants fatigués, ainsi qu’un vieux chef qui était en train de mourir de pneumonie sur le sol gelé, devant sa tente.

 

Page 137 : Leonard Colby n’avait pas encore informé sa femme qu’à l’âge de quarante-quatre ans, elle était brusquement devenue la mère d’un wakan heja de pure race lakota, un enfant sacré de Wonded Knee.

 

Page 144 : À la différence des Indiens qui vivaient en harmonie avec la nature depuis des milliers d’années en laissant peu de traces de leur habitation ininterrompue, les pionniers se sentaient obligés de lutter contre la nature, de combattre les plantes rampantes qui affluaient de la foret et les bêtes aux yeux luisants tapies dans l’ombre, sauvages et menaçantes.

 

Page 155 : À la maison, on répétait constamment aux frères que « La femme est ainsi faite qu’elle doit dépendre de l’homme. La femme qu’on considère avoir le plus de chance dans la vie n’a jamais été indépendante, étant passée de la garde et de l’autorité des parents à celles d’un mari. »

 

Page 173 : Mais il y avait des effusions de sang quand les Blancs abattaient des bisons pour leur langue et laissaient pourrir les carcasses, ou quand les conditions de vie devenaient trop intolérables pour les Indiens – en général après de fortes provocations de la part des colons, des mineurs ou des militaires. Des atrocités étaient commises des deux côtés, mais les actes de barbarie des Blancs étaient passées sous silence tandis que la moindre menace émanant d’un Indien faisait la une des journaux.

 

Page 181 : En 1883, un convoi d’orphelins avait fait halte en gare de Beatrice, chargé d’enfants sans foyer ramassés dans les rues de New York — des sauvageons de tous les âges qui, grâce à la bienveillance de sociétés humanitaires de l’Est, allaient trouver de l’air pur et de meilleurs foyers à l’Ouest. Certains se retrouveraient à travailler comme des esclaves aux champs et dans les cuisines jusqu’au moment où ils pourraient s’enfuir ; des filles étaient prises comme « filles adoptives » pour fournir des prestations sexuelles aux hommes qui les avaient « sauvées » ; d’autres enfants, enfin, trouveraient d’excellents foyers dans des familles de pionniers.

 

Page 218 : La profonde pitié qu’il éprouvait pour cette enfant qui s’accrochait à lui, ainsi que le souvenir des membres de sa famille massacrés à Wounded Knee plongeait Kicking Bear dans une vive angoisse, et il ne pouvait relever la tête. Des larmes de douleur impuissante coulaient le long de ses joues et tombaient sur sa chemise à franges et sur le tapis persan à ses pieds. Comment pouvait-il enlever la fillette lakota et espérer s’enfuir vivant de Washington, si loin de son peuple ? Au moins savait-il où elle se trouvait. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était prier pour elle et espérer que malgré son environnement bizarre et ses maladies incessantes, elle puisse un jour retrouver le chemin de sa force vitale traditionnelle, l’héritage de ses ancêtres, avant de subir des traumatismes irréversibles.

 

Page 290 : Zintka détestait l’école parce que les autres la regardaient, se moquaient d’elle ou lui posaient des questions grossières. Elle était trop exotique pour être acceptée comme un être humain. Ils n’arrivaient pas à dépasser le fait qu’elle était Indienne ; pour eux, elle était plus une pièce de musée qu’une personne.

 

Page 336 : Le fait d’avoir été enlevée aux Lakotas lui coûtait plus que la perte de sa langue, de sa musique, de sa nourriture, de sa parenté ; il lui en coûtait la perte de son identité d’être humain, la perte de son esprit.

 

 

 

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Mon avis : Chroniques de l’asphalte 1 – Samuel Benchetrit

Publié le par Fanfan Do

Éditions Pocket

 

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Quatrième de couverture :

Qu'en est-il du jeune auteur dont on a dit, à la sortie de son premier roman, Récit d'un branleur, qu'il " était à la littérature ce que les Sex Pistols ont été au rock "?
Samuel Benchetrit ne s'est pas calmé. Après des aventures au cinéma (lacis et John) et au théâtre (Moins deux), il revient aujourd'hui en librairie avec un projet tout à fait déraisonnable : raconter, en cinq livres, les trente premières années de sa vie.
Il aurait pu attendre d'avoir soixante ans pour faire le point. Il n'avait pas envie. Voici donc le premier volume : son enfance.

 


Mon avis :
J'ai découvert l'existence de ce livre via France inter en écoutant La bande originale. L'enthousiasme était tel, tout le monde disait que c'était super drôle… Je n'ai pas été déçue !! Merci la radio !!!


Samuel Benchetrit raconte son adolescence avec ses potes, par bribes, au gré des étages de sa tour.
Alors, c'est vraiment sympa ces petites tranches de vie dans cette cité. Ça m'a fait penser à un mélange entre le petit Nicolas version zone et 
Ricky banlieue de Frank Margerin, aussi drôle et percutant. Des histoires d'adolescents à l'esprit assez pragmatique au milieu du monde des adultes parfois un peu déjantés. Et par moment des remarques tellement percutantes que le fou rire arrive sans prévenir d'autant que tout est extrêmement visuel.

Un peu délinquants pour certains, leurs magouilles animent la cité pour le plus grand plaisir du lecteur. C'est une espèce de récréation pleine de saveur. Des moments de deal ou de défonce, m'ont tiré des éclats de rire, mais aussi des dialogues entre potes, comme par exemple avec Doudou…
Et puis des chapitres d'une infinie douceur comme dans 6ème étage. Une véritable déclaration d'amour… de 
Samuel Benchetrit à ses parents, à ses amis, à ses jeunes années.
Mais aussi des moments violents. Et l'amitié. Et les filles. Une cité quoi… L'adolescence en fait.

 

Citations :

Page 28 : Dédé, c’était le type le plus gentil de la Terre. Il était serviable, généreux, disait toujours des trucs agréables aux gens, ne parlait jamais mal aux filles et faisait tout pour bien travailler en cours, bien qu’il était le plus mauvais de l’école. Et s’il était un peu plus con que les autres, c’était pas de sa faute. Fallait plutôt aller regarder du côté des mélanges dans sa famille. Parce que la mère et le père de Dédé, ils se ressemblaient comme deux gouttes d’eau, et la légende disait qu’ils étaient deux frère et sœur débiles qui n’avaient pas trouvé mieux qu’eux pour se marier.

 

Page 95 : Non vraiment, Nathalie Lafine était pas jolie. Le truc, c’est qu’aucun d’entre nous n’osait vraiment se foutre de sa gueule, du fait que quelques années plus tôt, elle nous avait roulé une galoche à chacun.

 

Page 111 : Les pires carnets de notes. Où les profs écrivaient des machins comme : Fantôme… Benchetrit élève inconnu… Touriste… Ouais. J’étais un touriste et je vous emmerde. Vous m’avez ennuyé. Je me suis fait chier à l’école. Vous ne m’intéressiez pas. Et je ne vous intéressais pas.

 

 

 

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Mon avis : Rêves arctiques – Barry Lopez

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Dominique Letellier

 

Éditions Gallmeister

 

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Quatrième de couverture :

"C'est l'histoire d'une conversation sans âge, non seulement entre nous, sur ce que nous avons l'intention d'entreprendre ou ce que nous voulons réaliser, mais aussi avec cette terre - notre contemplation et notre admiration devant un orage sur la prairie, devant la crête découpée d'une jeune montagne où devant l'essor soudain des canards au-dessus d'un lac isolé. Nous nous sommes raconté l'histoire de ce que nous représentons sur cette terre depuis 40 000 ans. Je crois qu'au cœur de cette histoire repose une simple et durable certitude : il est possible de vivre avec sagesse sur la Terre, et d'y vivre bien."

Dans ce classique du nature writing, l'aventure et le goût de l'extrême se mêlent à l'approche intime, méditative et sensorielle de la beauté glacée du Grand Nord.

National Book Award 1986


 

 

Mon avis :
Comment parler de tant de beauté décrite dans ces pages sans risquer de l'amoindrir ? Et en même temps c'est douloureux de réaliser à quel point l'humanité s'évertue à détruire tout ça par cupidité. Dès le prologue j'ai oscillé entre émerveillement et chagrin mais aussi écœurement face à l'arrogance des blancs.

Par moments un peu trop didactique à mon goût, voire encyclopédique, ça demande beaucoup de concentration pour que l'esprit ne s'échappe pas. De la course du soleil en arctique à la description très détaillée des forages pétroliers et stations de pompage, en passant par le bœuf musqué, l'ours polaire ce seigneur du grand nord, le narval, la migration des bernaches cravant, des filigules milouinants, des tournepierres à collier, des océanites cul-blanc, des saumons chinook, des baleines du Groenland, des veaux marins, des phoques barbus mais aussi des humains entre 23 000 et 25 000 ans, des icebergs et des naufrages de baleiniers, des couleurs et des luminaristes, ces peintres de l'Arctique, des faux soleils, des aurores boréales avec parfois des envolées métaphysiques, de la sociologie esquimaude et la psychologie humaine, de l'histoire de l'exploration et des hommes qui les menèrent souvent dans des souffrances abominables… C'est passionnant mais parfois un peu long. Et puis c'est triste de voir à quel point l'humanité s'autorise à tuer, saccager, détruire, parfois juste pour le plaisir d'être stupide et cruel. D'ailleurs j'ai appris très récemment que les japonais, qui avaient arrêté la chasse à la baleine, sont en train de construire un navire-usine, en 2023, pour remettre ça, alors que la consommation de viande de baleine a diminué de 99%. Apprend-on jamais de ses erreurs ?

On découvre néanmoins que l'anéantissement des espèces n'est pas quelque chose de nouveau, ce n'est pas le fait que de l'homme blanc. Ça existe depuis très longtemps. C'est juste tristement humain.

Pourtant l'Arctique recèle tant de merveilles ! Qu'un endroit aussi inhospitalier soit peuplé d'êtres qui ont su s'adapter à ce climat d'une rudesse absolue est en soi totalement magique.

À chaque chapitre l'auteur commence par des descriptions sublimes qui donnent l'impression qu'il nous parle d'un Éden glacé inhospitalier, où les différentes espèces vivent dans un écosystème parfait, puis il nous raconte les comportements humains et le rêve s'arrête là car nous vandalisons tout ! À croire que nous n'aimons pas le beau, ni la vie.

605 pages d'extrême beauté puis d'ignominies, à se demander de quel droit une poignée d'hommes commet tant de destructions et de meurtres gratuits. Car oui, il y a pire que la cupidité. Trop souvent de nombreux animaux sont tués pour rien, juste pour le plaisir de faire un carton.

C'est passionnant de découvrir que cet endroit du monde, gelé la majeure partie de l'année, est foisonnant de vie mais malheureusement terriblement convoité et pillé depuis trop longtemps.

D'un bout à l'autre de ces descriptions exhaustives de l'Arctique dans son entièreté, j'ai eu l'impression de voyager à travers l'origine du monde. Pourtant, la vie arctique est très jeune, à peine 10 000 ans. Mais quelle tristesse de penser qu'elle est en train de mourir et que nous en sommes responsables, et plus aberrant encore, que nous allons à notre propre perte et que nous le savons.

Lecture longue mais captivante, mais longue… et qui demande une bonne dose d'opiniâtreté.

 

 

Citations :

Page 17 : Dans son ensemble, l’Arctique présente toutes les caractéristiques d’un paysage désertique, disponible, équilibré, vaste et calme.

 

Page 24 : Je crois qu’au cœur de cette histoire repose une simple et durable certitude : il est possible de vivre avec sagesse sur la Terre, et d’y vivre bien. Il est loisible d’imaginer que, si nous considérons avec respect tout ce que porte la terre, nous nous débarrasserons de l’ignorance qui nous paralyse.

 

Page 73 : Or, quand je marchais dans la toundra, quand je rencontrais le regard d’un lemming ou découvrais les traces d’un glouton, c’était la fragilité de notre sagesse qui m’atterrait. La façon dont nous exploitons l’Arctique, notre utilisation toujours plus grande de ses ressources naturelles, notre simple désir d’en tirer profit sont très clairs. Qu’est-ce qui nous manque, qu’avons-nous d’inachevé en nous, pour que je me sente si mal à l’aise quand je parcours cette région d’oiseaux qui gazouillent, de caribous distants et de farouches lemmings ? Ce qui nous fait défaut, c’est la retenue.

 

Page 120 : Mais le pire arriva quand les zoos commencèrent à s’intéresser aux bœufs musqués. Les pourvoyeurs des zoos trouvèrent que le seul moyen pratique pour s’emparer d’un petit était de tuer tous les adultes de la harde rassemblés en formation défensive. La capture du dernier animal, épuisé, au milieu de ses compagnons morts, devait être une des visions les plus pathétiques jamais inventées par des hommes civilisés.

 

Page 131 : Les très grands ours polaires peuvent peser 900 kilos et, dressés sur leurs pattes arrière, mesurer 3,5 mètres de haut. Les rapports faisant état d’ours de plus de 3,5 mètres et de plus d’une tonne relèvent de mauvaises mesures, de peaux allongées, ou d’exagérations dues à l’imagination, davantage que de la mesure scientifique d’ours réels.

 

Page 170 : À des milliers de kilomètres de tout lieu connu, authentiquement effrayés, sans doute atteints par les effroyables conditions de vie à bord, les Européens se mirent à tuer tous les ours polaires qu’ils voyaient. Ils les abattaient par mesquinerie et par esprit de justice. À force, tuer un ours polaire devint une sorte de divertissement auquel ceux qui voyageaient dans l’Arctique s’attendaient à prendre part. Certains les abattaient depuis le pont du bateau comme au stand de tir.

 

Page 226 : La nuit où je crus entendre la pluie, je me rendormis en écoutant les cris des oies des neiges. Mais j’écoutais également le son de leur vol nocturne, le martèlement de l’air, le bruissement sauvage des ailes, au-dessus de ma tête. Ces sonorités primitives font que le bassin de Klamath ressemble curieusement à un fief inhabité, tombé en déshérence, que ces animaux viendraient réclamer chaque année comme leur terre ancestrale. Pourtant, pendant quelques jours, à la périphérie des troupeaux d’oies, je n’eus pas l’impression d’être un intrus. Je ressentais le calme que les oiseaux apportent aux hommes ; apaisé, je percevais ici les contours des plus anciens mystères de la nature : l’étendue de l’espace, la lumière qui tombe des cieux, le passé coulant dans le présent comme une eau, et s’y accumulant.

 

Page 231 : Sur le terrain, on ne tarde pas à sentir que l’échelle du temps et de la distance, pour la plupart des animaux est différente de la nôtre. Leur taille, leurs méthodes de locomotion, la nature des obstacles auxquels il sont confrontés, les milieux où ils se meuvent, la longueur de leur vie, tout est différent.

 

Page 274 : Peter Schledermann, qui a fouillé des sites préhistoriques dans presque tout l’Arctique canadien, m’a dit un soir à Calgary : « Tout ce que nous sommes est dans notre esprit. Par l’archéologie, nous examinons le long cheminement qui nous a fait ce que nous sommes. »

 

Page 289 : Le but du chasseur, dans ces sociétés fondées sur la chasse, n’était pas de tuer des animaux mais de servir cette myriade de relations avec d’autres existences qui, il le savait, l’unissait au monde qu’il occupait avec elles. Il s’acquittait scrupuleusement de ces devoirs parce qu’il voyait en eux tout ce qu’il comprenait de la survie.

 

Page 344 : Mais en hiver, je réfléchis aussi à l’obscurité, à l’obscurité qui affecte par exemple les caribous de Kaminuriak, massacrés par les Esquimaux modernes. Tout le monde a peur d’en parler de crainte d’être traité de raciste. Il est plus facile de perdre les animaux que de faire front aux zones ténébreuses de notre être. L’obscurité de la politique, pendant les longues heures d’hiver, s’insinue dans l’obscurité de la terre. Dans la colère.

 

Page 432 : Marchant sur la grève, je m’arrêtais de temps à autre pour ramasser sur le sol durci par l’orage des fragments de vertèbres de baleines, des plumes, ou les éternels morceaux de plastique qui possèdent le pouvoir de bannir tout romantisme d’un lieu.

 

Page 437 : Il faut en fin de compte que chaque culture décide – qu’elle en débatte et qu’elle décide – quelle partie de tout ce qui l’entoure, tangible ou intangible, elle va détruire pour la transformer en richesse matérielle, et quelle partie de sa richesse culturelle – depuis la paix traditionnelle régnant sur une colline sauvage jusqu’à la maîtrise du financement d’une fusion entre deux entreprises – elle est résolue à préserver, en luttant pour y parvenir.

 

Page 468 : Entre 1769 et 1878, la Compagnie de la Baie d’Hudson vendit aux enchères à Londres, entre autres fourrures et peaux : 891 091 renards, 1 052 051 lynx, 68 694 gloutons, 288 096 ours, 467 549 loups, 1 507 240 visons, 94 326 cygnes, 275 032 blaireaux, 4 708 702 castors et 1 240 511 martres. À certains moments, dans la même période, deux autres compagnies, la Compagnie du Nord-Ouest et la Compagnie du Canada, pratiquaient également le commerce des fourrures sur une aussi grande échelle.

 

Page 560 : Je suis l’un des derniers à quitter la plage, retournant encore dans ma tête les images de la chasse. Quelle que soit la profondeur des réflexions que vous consacrez à un tel évènement, quelle que soit l’ampleur de votre compréhension anthropologique, quel que soit votre goût pour cette nourriture ou votre désir de participer, vous venez de voir tuer un animal. Dans ces grands moments de sang, de souffle violent, d’eau battue, avec l’odeur âcre de la poudre et l’odeur fétide de corral d’un morse hissé hors de l’eau, vous vous êtes trouvé confronté à des interrogations complexes : Qu’est-ce qu’un animal ? Qu’est-ce que la mort ? Ces moments sont ahurissants, assourdissants, et sereins. La vue des hommes qui laissent retomber des morceaux de viande dans les eaux vert sombre en murmurant des bénédictions est aussi forte dans ma mémoire que celle de l’énorme animal surpris qui écarquille soudain les yeux.

 

Page 563 : Je pense avec compassion aux Esquimaux, comme on pense aux hibakusha - « les personnes affectées par l’explosion », qui continuent à souffrir des effets d’Hiroshima et de Nagasaki. Les Esquimaux sont piégés dans une lente et longue explosion. Tout ce qu’ils savent d’une bonne façon de vivre se désintègre. La voix ironique et sophistiquée de la civilisation affirme que leur perspicacité est triviale, mais elle ne l’est pas.

 

 

 

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Mon avis : Gobi et moi – Dion Leonard

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Z. Papillon

 

Éditions Harper Collins Poche

 

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Quatrième de couverture :

Un homme, un chien, des kilomètres à parcourir : une incroyable histoire vraie…
Coureur marathonien de l’extrême, Dion Leonard s’apprête à participer à une course d’endurance de 250 kilomètres au cœur des terres sauvages du désert de Gobi, en Chine. Une course redoutable, éprouvante. Le deuxième jour de l’épreuve, un petit chien se mêle aux coureurs sur la ligne de départ. Il semble avoir jeté son dévolu sur Dion, bien décidé à le suivre à chaque étape de la course…
Dion n’a pas du tout l’intention de courir ce marathon en binôme. Et pourtant, comment résister à cette petite boule de poils, endurante et courageuse, et qui ne le lâche pas d’une semelle ? Bio : Coureur de l’extrême, Dion Leonard, Australien, réside en Écosse avec son épouse, Lucja. Il a couru parmi les marathons les plus exigeants au monde, le plus souvent dans des territoires inhospitaliers. La rencontre avec Gobi a marqué un tournant dans sa vie sportive.

 

 

Mon avis :
La magie de l'amour, une petite chienne du bout du monde qui jette son dévolu sur un inconnu, cette histoire ne pouvait que me plaire… Je pense depuis toujours que les chiens sont les animaux les plus gentils de l'univers, les plus généreux, ils aiment de manière inconditionnelle et ils pardonnent tout. Et puis la petite boule de poils sur la couverture est tellement craquante !

Dès le prologue j'ai senti que l'émotion allait me submerger pendant cette lecture. Les petits poilus savent me retourner comme personne.


Dion Leonard commence par le commencement puis alterne entre passé et présent et nous raconte son enfance difficile, son esprit de compétition, sa soif de vaincre, son obsession de la performance… et moi, je suis restée sidérée par ce masochisme qui consiste à s'infliger de telles souffrances pour la gloire et le dépassement de soi. Car il court pour gagner, dans des endroits inhospitaliers, des déserts brûlants jusqu'à cinquante-cinq degrés le jour et très froids la nuits. de plus il dépense énormément d'argent pour participer à ces ultra-trails. Mais sans cela, il n'aurait jamais rencontré Gobi, cette petite chienne qui l'a reconnu lui entre tous, elle son âme soeur toutoune, arrivée de nulle part et qui a couru avec lui sur des distances folles pour ses petites pattes. Parce que vraiment, il arrive parfois dans la vie des choses incroyables, et celle-ci en est une.

Pendant toute la première partie, avant la rencontre avec Gobi, j'étais très impatiente de la voir arriver, car c'est elle qui m'a donné envie de lire ce livre. Néanmoins l'histoire de la vie de 
Dion Leonard m'a captivée. On comprend ce qui le pousse dans cet esprit de compétition extrême et la richesse intérieure qu'il en retire à la fin. Mais l'histoire d'amour avec Gobi, Waouhhh ‼️

Quand Dion rentre seul à Edimbourg il n'a qu'un but, faire venir Gobi de Chine. Lui et sa femme vont découvrir le parcours du combattant que peut représenter un tel projet… C'est tellement difficile de faire traverser les frontières à un chien, et tellement cher ! Ils vont découvrir aussi la solidarité lorsque l'histoire de Gobi devient médiatique. Et que c'est dur de lire quand on a les larmes aux yeux, émue que j'étais par le manque de cette incroyable petite toutounette , mais aussi de constater qu'il y a énormément de bonté, partout.

Force est de constater que l'effort collectif déplace les montagnes.
L'amour instantané de Gobi pour Dion m'évoque 
Montaigne : "Parce que c'était lui, parce que c'était moi". Car pourquoi s'est-elle prise de passion pour cet homme banane habillé en jaune qui court, qui court..?
Il y a parfois des chose inexplicables dans la vie, mais tellement belles !
L'amour aussi déplace les montagnes, et Gobi, riquiqui boule de poils a suscité un attachement incommensurable qui lui a permis de traverser la moitié de la planète pour passer le reste de sa vie auprès de son âme sœur.

Gobi et moi, une histoire folle, un livre qui se dévore !

 

Citations :

Page 114 : Gobi m’avait choisi. J’ignorais pourquoi, mais je ne doutais pas que ce fût la vérité. Elle aurait pu élire n’importe lequel des cent autres coureurs, ou n’importe lequel des douzaines de bénévoles et organisateurs, mais, dès la toute première fois où je l’ai vue et où elle avait commencé à mordiller mes guêtres, elle ne m’avait presque jamais quitté.

 

Page 140 : Il y avait tant de choses que j’ignorais sur le passé de Gobi, et tant d’autres que j’ignorais sur notre avenir commun. J’imagine que c’est ce qui rend toute relation qui débute si excitante – même s’il s’agit d’une relation avec un chien perdu de race indéterminée.

 

Page 238 : Un proverbe dit qu’il faut tout un village pour élever une enfant. Je pense qu’il faut la moitié d’une planète pour sauver un chien.

 

Page 265 : Le jour où Gobi s’était plantée à mes pieds, avait levé le regard de mes guêtres jusqu’au fond de mes yeux, elle affichait une expression que je n’avais jamais vue – du moins pas à mon égard. Elle me fit d’emblée confiance, elle remit même sa vie entre mes mains. Qu’un être vivant totalement inconnu vous offre ça – même s’il s’agit d’un vagabond à quatre pattes -, c’est un cadeau inestimable.

 

 

 

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Mon avis : À quelques milles du reste du monde – Pat Conroy

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Marie Bisseriex

 

Éditions Le Nouveau Pont

 

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Quatrième de couverture :

"Je devais écrire ce livre pour expliquer ce qui s'était passé et à quel point cela m'avait affecté." Par le célèbre auteur du Prince des marées, d'après une histoire vraie.

1969. Dans une Amérique agitée par le mouvement pour les droits civiques, Pat Conroy accepte un poste d'enseignant sur une petite ile isolée. L'endroit est envoûtant, presque désert et séparé du reste de la Caroline du Sud par un bras de mer. On ne peut s'y rendre qu'en bateau. Une poignée de familles afro-américaines vit ici mais l'île n'a plus d'avenir à offrir à ses enfants. Or le jeune professeur idéaliste découvre avec stupeur que ses élèves sont des laissés-pour-compte du système scolaire, que le niveau est dramatiquement bas et que les châtiments corporels ont toujours cours dans cette école.
Pat s'acharne alors à faire rimer apprentissage avec plaisir et à donner à ces enfants une véritable ouverture sur le monde. Mais dans un Sud qui n'en a pas fini avec le racisme, il se heurte sans arrêt à l'immobilisme et au déni d'une administration qui fera tout pour le renvoyer. Dans son style enlevé et plein d'humour, Pat Conroy nous raconte son coup de cœur pour cette île à la beauté sauvage et pour dix-sept enfants qui avaient soif d'apprendre. L'année qui a changé sa vie.

 

 

Pourquoi j’ai voulu lire ce livre :

J'aime Pat Conroy. Tellement ! Il me bouleverse, m'amuse, et me transporte par son écriture virtuose. Et voilà qu'il a écrit un livre où il parle de lui, nous raconte ses jeunes années, et je me suis dit que c'était sans doute une clé pour comprendre un peu mieux le bonhomme…
 

Mon avis :
À 24 ans, Pat conroy jeune professeur demande à aller enseigner à Yamacraw, une petite île isolée de Caroline du Sud. Tellement isolée que le vingtième siècle a oublié sa présence. Des familles de noirs y vivent, abandonnées du reste de l'Amérique, dans un confort plus que sommaire, une ignorance quasi-totale et un alcoolisme endémique.

On découvre, au début de son récit, qu'il a été un jeune crétin, avec des comportements racistes dans sa bande de copains : "Le mot nègre possédait le mystère et l'attrait du fruit défendu et je l'utilisais abusivement au sein de la bande d'amis blancs et abrutis qui contribua à mon éducation."
Pourtant, par idéalisme, il ira enseigner à des enfants noirs totalement incultes. Et les méthodes d'enseignement du jeune professeur "Conrack" ou "Patroy" selon qui le nomme, s'évertuent à casser les codes et leur apprendre des tas de choses dans un joyeux bordel. Pourtant ses méthodes dérangent. Mrs Brown, la directrice, considère que les noirs ne comprennent que le fouet, alors qu'elle est elle-même afro-américaine.

Il y a énormément d'humour dans ce récit et on se rend compte que 
Pat Conroy ne s'est jamais pris au sérieux et pratiquait l'autodérision, même en compagnie de tous ces petits noirs, ces sauvageons, ces petits gremlins remuants, ignorants et moqueurs, lui qui se sentait, au milieu d'eux, si ridiculement blanc.

Dans cette Amérique des hippies, de la guerre au Vietnam, de la marche sur Washington, 
Pat Conroy nous raconte la vie des afro-américains laissés sur le bord de la route et de ces patriotes blancs et racistes qui rêvaient de buter toute cette engeance chevelue, droguée, colorée pour rendre à l'Amérique sa grandeur.

C'est un plaisir absolu, une délectation totale de découvrir la vie et la grande générosité d'un auteur qu'on aime passionnément, par son talent d'écriture et les histoires qu'il raconte. Cet électron libre, totalement anticonformiste, nous offre un regard amusé et moqueur sur ses contemporains, cette Amérique raciste, puritaine, et bien-pensante.
C'est tout un pan de l'histoire des États-Unis que 
Pat Conroy nous offre là, avec l'ironie, la drôlerie et la bienveillance qui le caractérisent.

Côtoyer ces enfants, isolés du monde et analphabètes à fait grandir ce jeune 
Pat Conroy qui pouvait avoir des idées abruptes sur certains sujets, tant il ignorait la profondeur de certaines croyances et superstitions.
J'aurais adoré avoir un prof comme lui, idéaliste, humaniste, anticonformiste, humble et pourtant moralisateur et inflexible parfois, qui a offert à ces enfants un peu du monde dont ils ignoraient presque tout, et l'altérité grâce à des intervenants extérieurs. Ce livre est aussi un regard sur l'Amérique post-ségrégation.

 

Citations :

Page 13 : Quelque chose d’éternel et d’indestructible habite ces rivages sculptés par la marée et les sombres silences menaçants des marécages du cœur de l’île. Yamacraw est belle car l’homme n’a pas encore eu le temps de détruire sa beauté.

 

Page 19 : En Allemagne, je visitais le camps de concentration de Dachau. Je vis les photographies des corps faméliques et anonymes empilés, se faire pousser par les bulldozers dans la fosse commune. Je contemplais les fours dans lesquels les juifs avaient été réduits en tas de cendres juives et j’eus l’impression de fouler une terre sainte, monument à l’inhumanité infinie de l’homme et à une société devenue folle, terre inondée de milliers de litres de sang, une terre peuplée par les souvenirs et par les fantômes des juifs et des allemands pris au piège d’un drame tellement abominable et irréel que le monde ne pourrait plus jamais connaître la même pureté. L’empreinte de Dachau me marqua à l’encre indélébile et provoqua l’avortement de ma philosophie de l’espoir.

 

Page 22 : Je devenais convaincu que le monde était un sac de pioche rempli de bâtards de toutes les couleurs.

 

Page 32 : Les enfants me toisaient discrètement, échangeaient des regards puis gloussaient avant de me regarder à nouveau. Je me sentais ridiculement blanc.

 

Page 49 : Je ne savais pas pourquoi j’avais laissé la situation m’échapper. J’avais été tellement intéressé par le classement gastronomique à l’envers des fins gourmets de l’île que je n’avais pas vu arriver le plongeon final dans la fosse à purin.

 

Page 66 : Madame Brown m’avait dit qu’ils étaient attardés et de ne pas perdre mon temps avec eux. De toute évidence, il y avait quelqu’un qui n’avait pas perdu beaucoup de son temps à essayer de les instruire.

 

Page 80 : J’en vins à aimer dévotement les Skimberry car sans raison aucune, ils m’accueillaient chez eux, me racontaient leurs rêves et leurs déceptions et partageaient avec moi leurs secrets intimes et les compromis de leurs vies. Ils mirent leur âme à nue devant moi car leur honnêteté élémentaire ne connaissait ni la ruse ni les faux-semblants. Je faisais partie de leur vie et ils devinrent un élément important de mon histoire à Yamacraw quand les évènements s’enchaînèrent et que les circonstances évoluèrent. Combien de matins ou d’après-midis entendis-je la voix rauque d’Ida me crier, alors que j’entrais : « Pat, vieux fils de pute, sers-toi donc du café. »

 

Page 82 : « Cette histoire est sacrément horrible Zeke.

- C’est juste pour te montrer comment les gens peuvent chier sur un Nègre et ne plus jamais y penser. Les gens d’ici sont pleins de préjugés sur les Nègres. Ils les voudraient tous morts. Tous les réexpédier en Afrique. Et ce sont tous de bons chrétiens. »

 

Page 148 : Je savais que le moment de vérité entre madame Brown et moi était proche. Le vieux démon de la culpabilité du Blanc pouvait me contrôler un moment mais l’une des facettes de la personnalité de madame Brown commençait à devenir de plus en plus claire dans mon esprit et plus cela s’éclaircissait, plus je m’approchais d’une importante et libératoire vérité universelle : qu’une personne soit noire ne signifie pas qu’elle pense noir ou qu’elle soit fière d’être noire. Elle aurait aimé être blanche, ce qui en disait peut-être long sur notre société.

 

Page 152 : « Ils ne connaissent rien de mieux. Ils sont heureux comme cela. » Et pourtant, tout autour de moi, dans les sourires de mes élèves, je voyais un crime si abominable qu’il pouvait être interprété comme la condamnation d’une société toute entière, comme la damnation d’une nation et comme une histoire de la perversité – ces enfants assis devant moi n’avaient pas la moindre fichue chance de goûter à l’incroyable richesse et à l’opulence du pays qui était le leur, un pays qui les avait déçus, un pays qui avait besoin d’être libéré mais qui ne le méritait pas.

 

Page 176 : J’hésitais même à m’aventurer vers des pensées plus profondes, sur le temps et l’infini, le présent et l’éternité, sur ma propre impermanence, comparée à celle des marécages, de la rivière et des marées. Dans cinquante ans, j’aurais soixante-quatorze ans, je serais un vieux grincheux chauve et édenté ; rejeton gériatrique des années quarante, au sang desséché, à la jeunesse fanée et aux rêves aussi morts que des herbes lessivées par une marée de printemps.

 

Page 245 : Les jeunes gens savent que de vrais fils de pute se cachent sous les costumes et les cravates.

 

Page 253 : Mais j’étais jeune. Je sous-estimais alors le côté obscur de l’humanité, celui que l’on perçoit rarement à la lumière du jour. Je n’avais pas compté sur les bêtes secrètes qui résidaient dans les forêts ténébreuses de l’âme des hommes.

 

 

 

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Mon avis : La supplication : Tchernobyl, chronique du monde après l’apocalypse – Svetlana Alexievitch

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Galia Ackerman et Pierre Lorrain

 

Éditions J’ai lu

 

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Quatrième de couverture :

"Des bribes de conversations me reviennent en mémoire... Quelqu'un m'exhorte :

- Vous ne devez pas oublier que ce n'est plus votre mari, l'homme aimé qui se trouve devant vous, mais un objet radioactif avec un fort coefficient de contamination. Vous n'êtes pas suicidaire. Prenez-vous en main ! "

Tchernobyl. Ce mot évoque dorénavant une catastrophe écologique majeure. Mais que savons-nous du drame humain, quotidien, qui a suivi l'explosion de la centrale ?

Svetlana Alexievitch nous fait entrevoir un monde bouleversant : celui des survivants, à qui elle cède la parole. L'événement prend alors une tout autre dimension.
Pour la première fois, écoutons les voix suppliciées de Tchernobyl.

 

Écrivaine et journaliste biélorusse, dissidente soutenue par le Pen Club et la fondation Soros, Svetlana Alexievitch est aussi l’auteure des Cercueils de zinc et de La guerre n’a pas un visage de femme. En 2013, elle obtient le prix Médicis Essai pour La fin de l’homme rouge et, en 2015, le prix Nobel de littérature pour l’ensemble de son œuvre.

 

 

Pourquoi j’ai voulu lire ce livre :

Tout ce qui parle de la catastrophe de Tchernobyl m’intéresse.

 

Mon avis :
La première chose qui m'est venue à l'esprit en commençant ma lecture : qu'est-ce que c'est dur de lire ça ! le nez qui pique et les yeux qui s'embuent… car là ce n'est pas un roman mais la réalité, la sinistre réalité d'un monde qui crée un monstre létal et en perd le contrôle, faisant ainsi d'innombrables victimes, des gens à qui on a volé leurs vies, certains qui avaient tout l'avenir devant eux.
Ce sont les nombreux témoignages de ces victimes que 
Svetlana Alexievitch nous donne à lire.
Des villageois, des conjoints, des soldats, des liquidateurs, des parents d'enfants souffrant de malformations liées aux radiations, des enfants, tous racontent leur douleur.

Cette catastrophe industrielle située en Biélorussie à projeté des substances gazeuses à grande altitude : "En moins d'une semaine, Tchernobyl devint un problème pour le monde entier…"
Partout les radiations, cette mort invisible. Pourtant j'ai l'impression que le reste du monde tend à penser que c'est juste une catastrophe qui n'a touché que la Russie.

J'ai toujours trouvé fascinante l'abnégation des liquidateurs. Ces hommes qui ont sacrifié leur vie pour protéger le reste de l'humanité, sachant qu'ils ne seraient pas là pour voir la suite. Oui, sauf qu'ils ne savaient pas grand-chose des risques encourus. C'est terrible ce qu'on leur fait.

Il y a des passages très durs, en tout cas pour moi, quand les soldats obéissent à l'ordre cruel d'exterminer tous les chats et tous les chiens restés dans les villages parce que leurs maîtres ont eu l'interdiction de les emmener. Ça aussi a été d'une barbarie sans nom.

Il y avait des gens qui vivaient à proximité de Tchernobyl, dans des maisons sommaires, dans une autre époque où le modernisme n'était pas arrivé, et c'était toute leur vie, leur quotidien, leurs rituels immuables, et on les a arrachés à ça.

Tous ces témoignages sont glaçants par l'incompréhension au départ de ce qui arrivait -"Comment croire une chose inconcevable? On a beau essayer de comprendre, on n'y parvient pas."-, mais aussi par le cynisme et le manque d'humanité des autorités qui ont été sans limites. Mais je me rappelle un jour avoir entendu 
Vladimir Fédorovski à la radio dire que L'URSS c'était la négation et le non-respect de la vie humaine.
C'est exactement ce qu'on lit dans ces lignes, le témoignage de ces morts en sursis à qui on dit qu'il n'est rien arrivé.
"L'état bénéficie d'une priorité absolue. Et la valeur de la vie humaine est réduite à zéro."

Le comble du cynisme, comme il est dit dans le livre, c'est que si à l'époque L'URSS n'avait pas commencé à s'ouvrir à l'occident, nous n'aurions pas su ce qui s'était réellement passé.

Citations :

Page 22 : - Vous ne devez pas oublier que ce n'est plus votre mari, l'homme aimé qui se trouve devant vous, mais un objet radioactif avec un fort coefficient de contamination. Vous n'êtes pas suicidaire. Prenez-vous en main ! "

 

Page 32 : Un évènement raconté par une seule personne est son destin. Raconté par plusieurs, il devient l’Histoire. Voilà le plus difficile : concilier les deux vérités, la personnelle et la générale.

 

Page 74 : « Notre régiment fut réveillé par le signal d’alarme. On ne nous annonça notre destination qu’à la gare de Biélorussie, à Moscou. Un gars protesta – je crois qu’il venait de Leningrad. On le menaça de cour martiale. Le commandant lui dit, devant les compagnies rassemblées : « Tu iras en prison ou seras fusillé. » Mes sentiments étaient tout autres. À l’opposé. Je voulais faire quelque chose d’héroïque. Comme poussé par une sorte d’élan enfantin, la plupart des gars pensaient comme moi. Des Russes, des Ukrainiens, des Kazakhs, des Arméniens… Nous étions inquiets, bien sur, mais gais en même temps, allez savoir pourquoi !

 

Page 76 : Sur la porte il y avait un mot : « Cher homme, ne cherche pas des objets de valeur, nous n’en avions pas. Utilise ce dont tu as besoin, mais sans marauder. Nous reviendrons. »

 

Page 96 : J’ai vu un homme dont on enterrait la maison devant ses yeux… (Il s’arrête.) On enterrait des maisons, des puits, des arbres… On enterrait la terre… On la découpait, on en enroulait des couches… Je vous ai prévenue… Rien d’héroïque.

 

Page 105 : - On prétend que les animaux n’ont pas de conscience, qu’ils ne pensent pas. Mais ce n’est pas vrai. Un chevreuil blessé… Il a envie qu’on ait pitié de lui, mais tu l’achèves. À la dernière minute, il a un regard tout à fait conscient, presque humain. Il te hait. Ou il te supplie : Je veux vivre, moi aussi ! Vivre !

 

Page 111 : J’ai peur… J’ai peur d’aimer. J’ai un fiancé. Nous avons déjà déposé notre demande de mariage à la mairie. Avez-vous entendu parler des hibakushi de Hiroshima ? Les survivants de l’explosion… Ils ne peuvent se marier qu’entre eux. On n’en parle pas, chez nous. On n’écrit rien à ce sujet. Mais nous existons, nous autres, les Hibakushi de Tchernobyl.

 

Page 118 : Les journaux ont écrit que le vent, heureusement, soufflait dans l’autre sens. Pas sur la ville… Pas sur Kiev… Mais personne ne soupçonnait qu’il soufflait sur la Biélorussie. Sur mon petit Iouri, sur moi.

 

Page 121 : « Pourquoi ne pouvait-on pas sauver les animaux qui sont restés là-bas ? » Je n’ai pas pu lui répondre… Nos livres, nos films parlent seulement de la pitié et de l’amour pour l’homme ! Pas pour tout ce qui est vivant. Pas pour les animaux ou les plantes. Cet autre monde… Mais avec Tchernobyl, l’homme a levé la main sur tout…

 

Page 172 : Je crains la pluie… Voilà ce que c’est, Tchernobyl. Je crains la neige… Et la forêt. Ce n’est pas une abstraction, une déduction, mais un sentiment qui gît au plus profond de moi-même. Tchernobyl se trouve dans ma propre maison. Il est dans l’être le plus cher pour moi, dans mon fils qui est né au printemps 1987… Il est malade. Les animaux, même les cafards, savent à quel moment il convient d’enfanter. Les hommes ne le peuvent pas. Dieu ne leur a pas donné le sens du pressentiment.

 

Page 175 : De plus, nous avons été élevés dans un paganisme soviétique très particulier : l’homme était considéré comme le maître, la couronne de la création. Et il avait le droit de faire ce qu’il voulait de la planète. Comme dans la célèbre formule de Mitchourine : « Nous ne pouvons pas attendre que la nature nous accorde ses faveurs, notre tâche est de les lui arracher. » C’était une tentative d’inoculer au peuple des qualités qu’il n’avait pas. De lui donner la psychologie d’un violeur. Un défi à l’Histoire et à la nature.

 

Page 191 : Le Soviétique est incapable de penser exclusivement à lui-même, à sa propre vie, de vivre en vase clos. Nos hommes politiques sont incapables de penser à la valeur de la vie humaine, mais nous non plus. Vous comprenez ? Nous sommes organisés d’une manière particulière. Nous sommes d’une étoffe particulière.

 

 

 

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