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lecture commune

Mon avis : De mères en filles – Maria José Silveira

Publié le par Fanfan Do

Traduit du portugais (Brésil) par Diniz Galhos

 

Éditions Denoël

 

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Quatrième de couverture :

De mères en filles est une plongée dans l’histoire du Brésil à travers une lignée de femmes allant d’Inaia, fille d’un guerrier indien née en 1500, jusqu’à Amanda, jeune Carioca des années 2000.
Indigènes, Africaines, Portugaises, Espagnoles, Françaises et un métissage de tout cela, esclaves, libres, sorcières, guérisseuses, amoureuses, meurtrières ou artistes, toutes sont des femmes aux personnalités colorées, complexes et inoubliables. Il y a Guilhermina, chasseuse de fauves, Ana de Pádua, propriétaire d’esclaves et de bétail, Diva Felícia, photographe et voyageuse, ou encore Lígia, activiste politique sous la dictature.
À travers cet enchevêtrement de récits et de destins au féminin, Maria José Silveira fait revivre l’histoire de ce colosse aux pieds d’argile qu’est le Brésil.

 

 

Mon avis :
Maria José Silveira nous raconte le Brésil à travers des femmes, en partant de l'année 1500 jusqu'à nos jours. On commence avec Inaiá, indienne née en 1500, puis toute sa descendance au féminin pour nous raconter l'histoire de ce pays. Une femme par chapitre, parfois deux. Chacune a un destin particulier, qui nous fait découvrir l'histoire du pays, l'arrivée des hommes blancs, l'esclavage, le métissage, l'évangélisation. C'est quelquefois teinté d'humour, comme par exemple avec le cannibalisme. Pourtant, quel sujet épouvantable !

J'ai énormément aimé la façon dont l'histoire est traitée. le destin du Brésil raconté à travers la vie de vingt-deux femmes. L'autrice va à l'essentiel, toujours, sans se perdre dans des détails, d'Inaiá qui n'avait jamais vu d'homme blanc, ni de noir d'ailleurs, jusqu'à Amanda, multi-métissée.
On comprend l'incroyable métissage de ce pays, notamment à travers les moeurs des autochtones, totalement désinhibés, l'esclavage des indiens et des africains, les colons européens, tout ce monde qui se mélange allègrement et je dirais que ça c'est le bon côté des choses : des êtres humains s'accouplant avec d'autres êtres humains.

J'ai été effarée, à travers cette traversée des siècles, par la barbarie dont l'humanité est capable. C'est pas que je l'ignorais mais là, on assiste en accéléré à la construction d'un pays et à toute la souffrance qu'elle a engendré et ça se révèle d'une cruauté sans limite. Des descendants d'esclaves propriétaires d'esclaves, des brésiliens, donc avec du sang indien dans les veines qui pourtant méprisent les indiens avec qui ils pensent n'avoir aucun lien, une humanité aberrante…
Et que dire du mariage dans ces régions sauvages, où il n'était pas question d'amour mais d'un acte réfléchi par lequel il fallait passer pour avoir un projet de vie et une descendance ?!
Et des femmes, fortes, combatives, coriaces, libres, indépendantes souvent, mais aussi parfois futiles et stupides.
À travers cet éventail de vies de femmes, toutes descendantes d'Inaiá, et les pères de leurs enfants, on a un large panel de représentants de l'humanité, avec ce qu'elle comporte de beau ou de laid.

J'ai adoré ce roman qui m'a fait arpenter les siècles et l'histoire du Brésil, et m'a permis de comprendre cette page d'histoire dont j'ignorais tout.

Dès le départ ce livre avait tout pour me plaire ! de la couverture que je trouve superbe, au titre qui me laissait espérer quelque chose de très fort, jusqu'au résumé, moi qui adore l'histoire. Sans books_food_swing et son book trip brésilien sur Instagram, je n'aurais jamais eu la chance de découvrir ce roman qui m'a transportée !

 

Citations :

Page 17 : Le lendemain matin, la tribu était réunie presque au grand complet sur la grève pour voir les Caraibas, les prophètes venus de l’est, du côté du soleil.

 

Page 17 : Prémices d’un destin fatidique, ces hommes étranges armés de fer et de feu furent acceptés comme des amis et des frères.

On peut donc dire qu’Inaia avait bien assisté, sans pour autant rien en voir, à l’évènement qui devait changer pour toujours son existence et celle de son peuple.

 

Page 91 : Jeune fille soumise d’excellente constitution, la mère de Bento Diego dévoua sa vie à sa seule et unique mission, celle-là même que lui avait donnée la reine : procréer. Bento Diego fut le douzième de ses quatorze enfants.

 

Page 126 : De fait, on peut comprendre que beaucoup de personnes aient jugé inquiétantes ces trois femmes qui grimpaient et descendaient les sentes de la ville – Maria dans la plénitude de la quarantaine, Belmira dans la beauté éthérée de sa folie et Guilhermina dans l’impétuosité ardente de son enfance – en laissant derrière elle une traînée d’interrogations et de fascination.

 

Page 130 : La blancheur de la main de la jeune fille posée sur le bras noir et musclé du jeune homme semblait menacer la ville tout entière.

 

Page 216 : Du point de vue de Jacira, il était tout aussi évident que les indiens étaient plus proches de l’animal que d’eux. Deux siècles ne s’étaient pas encore écoulés, et cette génération de Brésiliens avait déjà complètement oublié de qui ils étaient les descendants.

 

Page 227 : Vous vous étonnez qu’une femme assume un tel pouvoir à cette époque ? Eh bien vous ne devriez pas. À toutes les époques, partout dans le monde, il y a toujours eu des femmes aussi puissantes que les hommes. Ces femmes ont toujours existé, et il faudrait beaucoup plus que les doigts des deux mains pour les compter. Et à ce moment du récit, tout le monde aura déjà compris que les femmes qui ont conquis ces terres durant les deux ou trois siècles ayant suivi leur découverte par les Européens, qui se sont enfoncées dans le Sertao, qui ont vécu dans la foret primaire de ce pays tout jeune, ne pouvaient se permettre le luxe d’être fragiles et soumises, ainsi que beaucoup aimeraient les dépeindre.

 

Page 255 : C’était dans sa nature, elle avait cette capacité à accepter tout ce que la vie lui réservait, le bien comme le mal. Ce don qui lui permettait de ne pas appréhender le passé comme un fardeau, mais comme un coffre où elle gardait sous clé son trésor, cette flamme qui jamais ne s’éteindrait.

 

Page 303 : Rio de Janeiro était alors le terminus négrier des Amériques, avec la plus forte concentration d’esclaves au monde depuis l’Empire romain. C’était une ville à moitié africaine, presque totalement noire.

 

Page 399 : Il a tout lu, il savait tout, et à quoi ça lui a servi ? Il est mort.

 

Page 464 : - Papa est resté silencieux un moment, et puis il a juste dit qu’il commençait à comprendre pourquoi nous autres millenials on ne sait que répondre des « j’en sais rien », des « peut-être bien ». Vu toutes les conneries qu’on fait, c’est normal qu’on sache jamais rien. Mais pour le coup, c’était lui qui avait l’air paumé.

 

 

 

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Mon avis : Texaco – Patrick Chamoiseau

Publié le par Fanfan Do

Éditions Gallimard - Folio

 

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Quatrième de couverture :

«Une vieille femme câpresse, très grande, très maigre, avec un visage grave, solennel, et des yeux immobiles. Je n'avais jamais perçu autant d'autorité profonde irradier de quelqu'un... Elle mélangeait le créole et le français, le mot vulgaire, le mot précieux, le mot oublié, le mot nouveau...» Et c'est ainsi que Marie-Sophie Laborieux raconte à l'auteur plus de cent cinquante ans d'histoire, d'épopée de la Martinique, depuis les sombres plantations esclavagistes jusqu'au drame contemporain de la conquête des villes.
D'abord, les amours d'Esternome, le «nègre-chien» affranchi, avec la volage Ninon qui périt grillée dans l'explosion de la Montagne Pelée, puis avec Idoménée l'aveugle aux larmes de lumière, qui sera la mère de Marie-Sophie. Dans les temps modernes, Marie-So erre d'un maître à l'autre, au gré de mille et un «djobs» qui l'initient à l'implacable univers urbain. Ses amours sont sans lendemain. Devenue l'âme du quartier Texaco, elle mène la révolte contre les mulâtres de la ville, contre les békés qui veulent s'approprier les terres, contre les programmes de développement qui font le temps-béton.
Patrick Chamoiseau a sans doute écrit, avec Texaco, le grand livre de l'espérance et de l'amertume du peuple antillais, depuis l'horreur des chaînes jusqu'au mensonge de la politique de développement moderne. Il brosse les scènes de la vie quotidienne, les moments historiques, les fables créoles, les poèmes incantatoires, les rêves, les récits satiriques. Monde en ébullition où la souffrance et la joie semblent naître au même instant.


 

 

Mon avis :
150 ans d'histoire de la Martinique racontée à 
Patrick Chamoiseau par Marie-Sophie Laborieux, descendante d'esclaves, fille d'Idoménée la mulâtresse, et d'Esternome Laborieux, esclave affranchi.

Texaco, quartier insalubre qui tient son nom d'une compagnie pétrolière qui a déserté les lieux depuis longtemps. Patrick Chamoiseau nous entraîne dans ce récit avec ce langage très imagé, plein de termes créoles de la Martinique. le dépaysement est là et il faut s'accrocher : "Un jour (je le suppose car nul n'a milané) il lui fit naître du doigt quinze frissons sur la nuque, puis une charge de douceries au mitan plein du ventre (mieux que celles d'un cul de pipe sucé en fin de soleil à l'écoute des crikettes)." Eh ben ça, je n'avais pas compris de quoi il s'agissait? MDR, tant le vocabulaire m'a échappé.
"Ce que mon Esternome entendait par Mentô, j'eus mauvais coeur à l'admettre. Il m'est toujours difficile d'imaginer la Force esclave sur une bitation ;"
Voilà donc le langage étrange auquel il a fallu que je m'habitue.
La langue est belle, mais le texte est difficile et j'ai rarement lu un livre aussi lentement. Ça a été pour moi comme de découvrir un idiome nouveau. Je l'ai néanmoins trouvé très imagé et incroyablement poétique quand il est question de désir charnel.

Békés, békés rouges, blancs-france, mulatres, nèg-de-terre, nèg-d'En-ville, nègres libres, nègres-marrons, nègres-kongo et tant d'autres encore… tous ceux qui vivent sur cette terre de Martinique appartiennent à des catégories différentes et nombreuses avec une sorte de mépris pour celles auxquelles ils n'appartiennent pas.

Alors j'ai mis environ 150 pages à m'habituer au parler de là-bas, mais même à partir de là, j'ai bien ramé pour ne pas perdre le fil. C'est très intéressant d'un point de vue historique et cette poésie à fleur de lignes, appuyée par le créole, est totalement enchanteresse. C'est beau et douloureux. La vie de douleur des martiniquais est racontée avec énormément de grâce et de gravité.
"Il me raconta tout, plusieurs fois, en créole, en français, en silences."
C'est aussi extrêmement révoltant, mais ça hélas, c'est le destin de l'humanité de devoir faire face à beaucoup trop d'injustices.

Les passages qui parlent des livres et de littérature, je les ai trouvés envoûtants, ils font tant de bien !
Et puis il y a des moments très drôles…


Texaco est un roman qui se mérite. Il faut s'accrocher pendant toute la première partie, en tout cas me concernant, mais ensuite j'ai trouvé que ça en valait la peine.
C'est intéressant et instructif de bout en bout, même si l'intérêt, dans mon cas, a souvent suivi une courbe sinusoïdale.
Ce que j'en retiendrai ? La beauté de ce qui est dit, la façon de le dire, plus tout ce que j'ai appris sur la Martinique et que trop souvent les femmes ont une croix bien lourde à porter.

 

Citations :

Page 32 : Ti-Cirique avait déclaré un jour qu’au vu du Larousse illustré, nous étions – en français – une communauté.

 

Page 112 : Husson disait aussi (et c’était dans les rues de Saint-Pierre, dans les hôtels, dans les cellules de l’orphelinat, les vérandas d’habitation, les bureaux sombres des négociants et les milliers de boutiques, un vent soufflant d’hystérie larmoyante) que la liberté des esclaves était décrétée de manière implicite ; que chacun, universellement, hormis l’engeance des femmes, pourrait toucher aux joies des votes électoraux.

 

Page 115 : Lui n’avait qu’une idée, la tenir, la purger, éplucher son corps, dégrapper ses poils, lui téter la langue et tenter de disparaître en elle comme un pêcheur de l’Anse Azérot dans le loup tourbillonnant d’une passe vers miquelon. Il vécut la nuit avec elle selon les lois de ses envies et le programme de son cœur amarré. Il la quitta bien avant l’appel d’un commandeur qui maniait le lambi comme on touche une trompette.

 

Page 137 : On avait retrouvé ma grand-mère aux côtés de la Dame. Morte mais sans aucune blessure. Son cœur simplement décroché de la vie était tombé plus bas, plus loin que ses paupières, bien au-delà des fonds profonds de nos destins.

 

Page 199 : Il perçut des hurlements que des morts n’avaient pas pu pousser, restés blottis en quelque part, et que sa propre douleur déclenchait brusquement.

 

Page 215 : Vieillesse, Marie-Sophie, est comme une lente surprise.

 

Page 242 : La guerre (dont je n’ai nul souvenir) fut départ-en-fanfare et retour-queue-coupée. On partit en chantant, on revint pieds gelés. On partit en riant, on revint sans poumons, gangrené par les gaz. On partit cœur vaillant, on revint lapidé par des bouts de shrapnel. On partit acclamé, on revint sur des quais désertiques, solitaire à boiter vers le silence de sa maison.

 

Page 249 : Pour l’instant, câpresse de boue, je considérais cette merveille : un nègre noir transfiguré mulâtre, transcendé jusqu’au blanc par l’incroyable pouvoir de la belle langue de France.

 

Page 251 : Il me raconta tout, plusieurs fois, en créole, en français, en silences.

 

Page 282 : Bientôt, il fut impossible de voir le monsieur Albéric, même quand Adélina, Sophélise et Thérésa-Marie-Rose y allèrent en personne et qu’elles pièterent devant les entrepôtd où de gros-nègres, les empêchant d’entrer, supportaient stoïquement mes injuriées sur leur manman.

 

Page 307 : Que de misères de femmes derrière les persiennes closes… et même, jusqu’au jour d’aujourd’hui, que de solitudes rêches autour d’un sang qui coule avec un peu de vie… Ô cette mort affrontée au cœur même de sa chair… que de misères de femmes…

 

Page 344 : Je ne sais pas d’où provenait son goût pour le partir, mais ce ne fut pas le seul bougre de Quartier que je rencontrai élu par cette envie – cette envie, cette envie de tout voir, d’éprouver l’impossible, de se sentir disséminé dans l’infini du monde, dans plusieurs langues, dans plusieurs peaux, dans plusieurs yeux, dans la Terre reliée.

 

Page 386 : La seconde fut Sérénus Léoza, une bonne personne, grosse comme une bombe, porteuse de cinq enfants et d’une viande à moitié inutile qui lui figurait l’homme.

 

Page, 396 : Nous échangeâmes durant un temps sans temps, des millions d’injuriades. Il me criait Bôbô, Kannaille, La-peau-sale, Chienne-dalot, Vagabonne, Coucoune-santi-fré, fourmis-cimetière, Bourrique, Femme-folle, Prêl-zombi, Solsouris, Calamité publique, Manawa, Capital-cochonnerie, Biberon de chaude-pisse, Crasse-dalot-sans-balai (il ignorait l’inaltérable barrière qu’instituait mon nom secret)… Moi, je le criais Mabouya-sans-soleil, Chemise-de-nuit mouillée, Isalope-sans-église, Cocosale, Patate-blême-six-semaines, La-peau-manioc-gragé, Alaba, Sauce-mapian, Ti-bouton-agaçant, Agoulou-grand-fale, Alabébétoum, Enfant-de-la-patrie, La crasse-farine… J’en avais autant sur sa manman, avec des dos-bol, des languettes, des patates, des siguines-siguines, des fils téléphone, des kounias, sur son espèce, sur son engeance et sur sa qualité.

 

Page 416 : Comment chercher Michel Eyquiem seigneur de Montaigne dans les halliers du Périgord ? Où rencontrer William Faulkner dans les plantées du sud, madame Marie-Sophie ? Hélas, la France réelle n’est ni Marcel Proust ni Paul Claudel, c’en est la gangue obscure. Et, excusez-moi : Aimé Césaire n’est pas la Martinique… Et pire : lumière et ombre s’entremêlent dans les corps, ainsi Louis-Ferdinand Céline une crapule lumineuse, Hemingway une furie alcoolique, Miller une névrose sexuelle, Pessoa une diffraction psychotique, Rimbaud nègre mais colonialiste dans ses lettres africaines, et… Certains jours, il me parlait des poètes dont la puissance pouvait briser la pierre.

 

Page 419 : De Gaulle lui-même, qui dans notre tête s’était taillé une place de nègre marron.

 

Page 441 : Les juges le voyaient arriver avec inquiétude et disparaissaient dans leur fauteuil qund (ayant épuisé les arcanes juridiques) notre avocatiste invoquait le code suprême des Droits de l’Homme, et les accablait de ses fureurs contre le colonialisme, l’esclavage, l’exploitation de l’homme par l’homme, dénonçait les génocides amérindiens, les complicités bienveillantes dont bénéficiait le Ku Klux Klan, la tuerie de Madagascar, les milliers de morts du chemin de fer du Congo-Océan, les saloperies indochinoises, les tortures algériennes, les tirs de leurs gendarmes dans les grèves agricoles, les frappant à coup de Marx, les effrayant avec Freud, citant Césaire, Damas, Rimbaud, Baudelaire et d’autres poètes que seul Ti-Cirique pouvait identifier.

 

 

 

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Mon avis : Rêves arctiques – Barry Lopez

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Dominique Letellier

 

Éditions Gallmeister

 

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Quatrième de couverture :

"C'est l'histoire d'une conversation sans âge, non seulement entre nous, sur ce que nous avons l'intention d'entreprendre ou ce que nous voulons réaliser, mais aussi avec cette terre - notre contemplation et notre admiration devant un orage sur la prairie, devant la crête découpée d'une jeune montagne où devant l'essor soudain des canards au-dessus d'un lac isolé. Nous nous sommes raconté l'histoire de ce que nous représentons sur cette terre depuis 40 000 ans. Je crois qu'au cœur de cette histoire repose une simple et durable certitude : il est possible de vivre avec sagesse sur la Terre, et d'y vivre bien."

Dans ce classique du nature writing, l'aventure et le goût de l'extrême se mêlent à l'approche intime, méditative et sensorielle de la beauté glacée du Grand Nord.

National Book Award 1986


 

 

Mon avis :
Comment parler de tant de beauté décrite dans ces pages sans risquer de l'amoindrir ? Et en même temps c'est douloureux de réaliser à quel point l'humanité s'évertue à détruire tout ça par cupidité. Dès le prologue j'ai oscillé entre émerveillement et chagrin mais aussi écœurement face à l'arrogance des blancs.

Par moments un peu trop didactique à mon goût, voire encyclopédique, ça demande beaucoup de concentration pour que l'esprit ne s'échappe pas. De la course du soleil en arctique à la description très détaillée des forages pétroliers et stations de pompage, en passant par le bœuf musqué, l'ours polaire ce seigneur du grand nord, le narval, la migration des bernaches cravant, des filigules milouinants, des tournepierres à collier, des océanites cul-blanc, des saumons chinook, des baleines du Groenland, des veaux marins, des phoques barbus mais aussi des humains entre 23 000 et 25 000 ans, des icebergs et des naufrages de baleiniers, des couleurs et des luminaristes, ces peintres de l'Arctique, des faux soleils, des aurores boréales avec parfois des envolées métaphysiques, de la sociologie esquimaude et la psychologie humaine, de l'histoire de l'exploration et des hommes qui les menèrent souvent dans des souffrances abominables… C'est passionnant mais parfois un peu long. Et puis c'est triste de voir à quel point l'humanité s'autorise à tuer, saccager, détruire, parfois juste pour le plaisir d'être stupide et cruel. D'ailleurs j'ai appris très récemment que les japonais, qui avaient arrêté la chasse à la baleine, sont en train de construire un navire-usine, en 2023, pour remettre ça, alors que la consommation de viande de baleine a diminué de 99%. Apprend-on jamais de ses erreurs ?

On découvre néanmoins que l'anéantissement des espèces n'est pas quelque chose de nouveau, ce n'est pas le fait que de l'homme blanc. Ça existe depuis très longtemps. C'est juste tristement humain.

Pourtant l'Arctique recèle tant de merveilles ! Qu'un endroit aussi inhospitalier soit peuplé d'êtres qui ont su s'adapter à ce climat d'une rudesse absolue est en soi totalement magique.

À chaque chapitre l'auteur commence par des descriptions sublimes qui donnent l'impression qu'il nous parle d'un Éden glacé inhospitalier, où les différentes espèces vivent dans un écosystème parfait, puis il nous raconte les comportements humains et le rêve s'arrête là car nous vandalisons tout ! À croire que nous n'aimons pas le beau, ni la vie.

605 pages d'extrême beauté puis d'ignominies, à se demander de quel droit une poignée d'hommes commet tant de destructions et de meurtres gratuits. Car oui, il y a pire que la cupidité. Trop souvent de nombreux animaux sont tués pour rien, juste pour le plaisir de faire un carton.

C'est passionnant de découvrir que cet endroit du monde, gelé la majeure partie de l'année, est foisonnant de vie mais malheureusement terriblement convoité et pillé depuis trop longtemps.

D'un bout à l'autre de ces descriptions exhaustives de l'Arctique dans son entièreté, j'ai eu l'impression de voyager à travers l'origine du monde. Pourtant, la vie arctique est très jeune, à peine 10 000 ans. Mais quelle tristesse de penser qu'elle est en train de mourir et que nous en sommes responsables, et plus aberrant encore, que nous allons à notre propre perte et que nous le savons.

Lecture longue mais captivante, mais longue… et qui demande une bonne dose d'opiniâtreté.

 

 

Citations :

Page 17 : Dans son ensemble, l’Arctique présente toutes les caractéristiques d’un paysage désertique, disponible, équilibré, vaste et calme.

 

Page 24 : Je crois qu’au cœur de cette histoire repose une simple et durable certitude : il est possible de vivre avec sagesse sur la Terre, et d’y vivre bien. Il est loisible d’imaginer que, si nous considérons avec respect tout ce que porte la terre, nous nous débarrasserons de l’ignorance qui nous paralyse.

 

Page 73 : Or, quand je marchais dans la toundra, quand je rencontrais le regard d’un lemming ou découvrais les traces d’un glouton, c’était la fragilité de notre sagesse qui m’atterrait. La façon dont nous exploitons l’Arctique, notre utilisation toujours plus grande de ses ressources naturelles, notre simple désir d’en tirer profit sont très clairs. Qu’est-ce qui nous manque, qu’avons-nous d’inachevé en nous, pour que je me sente si mal à l’aise quand je parcours cette région d’oiseaux qui gazouillent, de caribous distants et de farouches lemmings ? Ce qui nous fait défaut, c’est la retenue.

 

Page 120 : Mais le pire arriva quand les zoos commencèrent à s’intéresser aux bœufs musqués. Les pourvoyeurs des zoos trouvèrent que le seul moyen pratique pour s’emparer d’un petit était de tuer tous les adultes de la harde rassemblés en formation défensive. La capture du dernier animal, épuisé, au milieu de ses compagnons morts, devait être une des visions les plus pathétiques jamais inventées par des hommes civilisés.

 

Page 131 : Les très grands ours polaires peuvent peser 900 kilos et, dressés sur leurs pattes arrière, mesurer 3,5 mètres de haut. Les rapports faisant état d’ours de plus de 3,5 mètres et de plus d’une tonne relèvent de mauvaises mesures, de peaux allongées, ou d’exagérations dues à l’imagination, davantage que de la mesure scientifique d’ours réels.

 

Page 170 : À des milliers de kilomètres de tout lieu connu, authentiquement effrayés, sans doute atteints par les effroyables conditions de vie à bord, les Européens se mirent à tuer tous les ours polaires qu’ils voyaient. Ils les abattaient par mesquinerie et par esprit de justice. À force, tuer un ours polaire devint une sorte de divertissement auquel ceux qui voyageaient dans l’Arctique s’attendaient à prendre part. Certains les abattaient depuis le pont du bateau comme au stand de tir.

 

Page 226 : La nuit où je crus entendre la pluie, je me rendormis en écoutant les cris des oies des neiges. Mais j’écoutais également le son de leur vol nocturne, le martèlement de l’air, le bruissement sauvage des ailes, au-dessus de ma tête. Ces sonorités primitives font que le bassin de Klamath ressemble curieusement à un fief inhabité, tombé en déshérence, que ces animaux viendraient réclamer chaque année comme leur terre ancestrale. Pourtant, pendant quelques jours, à la périphérie des troupeaux d’oies, je n’eus pas l’impression d’être un intrus. Je ressentais le calme que les oiseaux apportent aux hommes ; apaisé, je percevais ici les contours des plus anciens mystères de la nature : l’étendue de l’espace, la lumière qui tombe des cieux, le passé coulant dans le présent comme une eau, et s’y accumulant.

 

Page 231 : Sur le terrain, on ne tarde pas à sentir que l’échelle du temps et de la distance, pour la plupart des animaux est différente de la nôtre. Leur taille, leurs méthodes de locomotion, la nature des obstacles auxquels il sont confrontés, les milieux où ils se meuvent, la longueur de leur vie, tout est différent.

 

Page 274 : Peter Schledermann, qui a fouillé des sites préhistoriques dans presque tout l’Arctique canadien, m’a dit un soir à Calgary : « Tout ce que nous sommes est dans notre esprit. Par l’archéologie, nous examinons le long cheminement qui nous a fait ce que nous sommes. »

 

Page 289 : Le but du chasseur, dans ces sociétés fondées sur la chasse, n’était pas de tuer des animaux mais de servir cette myriade de relations avec d’autres existences qui, il le savait, l’unissait au monde qu’il occupait avec elles. Il s’acquittait scrupuleusement de ces devoirs parce qu’il voyait en eux tout ce qu’il comprenait de la survie.

 

Page 344 : Mais en hiver, je réfléchis aussi à l’obscurité, à l’obscurité qui affecte par exemple les caribous de Kaminuriak, massacrés par les Esquimaux modernes. Tout le monde a peur d’en parler de crainte d’être traité de raciste. Il est plus facile de perdre les animaux que de faire front aux zones ténébreuses de notre être. L’obscurité de la politique, pendant les longues heures d’hiver, s’insinue dans l’obscurité de la terre. Dans la colère.

 

Page 432 : Marchant sur la grève, je m’arrêtais de temps à autre pour ramasser sur le sol durci par l’orage des fragments de vertèbres de baleines, des plumes, ou les éternels morceaux de plastique qui possèdent le pouvoir de bannir tout romantisme d’un lieu.

 

Page 437 : Il faut en fin de compte que chaque culture décide – qu’elle en débatte et qu’elle décide – quelle partie de tout ce qui l’entoure, tangible ou intangible, elle va détruire pour la transformer en richesse matérielle, et quelle partie de sa richesse culturelle – depuis la paix traditionnelle régnant sur une colline sauvage jusqu’à la maîtrise du financement d’une fusion entre deux entreprises – elle est résolue à préserver, en luttant pour y parvenir.

 

Page 468 : Entre 1769 et 1878, la Compagnie de la Baie d’Hudson vendit aux enchères à Londres, entre autres fourrures et peaux : 891 091 renards, 1 052 051 lynx, 68 694 gloutons, 288 096 ours, 467 549 loups, 1 507 240 visons, 94 326 cygnes, 275 032 blaireaux, 4 708 702 castors et 1 240 511 martres. À certains moments, dans la même période, deux autres compagnies, la Compagnie du Nord-Ouest et la Compagnie du Canada, pratiquaient également le commerce des fourrures sur une aussi grande échelle.

 

Page 560 : Je suis l’un des derniers à quitter la plage, retournant encore dans ma tête les images de la chasse. Quelle que soit la profondeur des réflexions que vous consacrez à un tel évènement, quelle que soit l’ampleur de votre compréhension anthropologique, quel que soit votre goût pour cette nourriture ou votre désir de participer, vous venez de voir tuer un animal. Dans ces grands moments de sang, de souffle violent, d’eau battue, avec l’odeur âcre de la poudre et l’odeur fétide de corral d’un morse hissé hors de l’eau, vous vous êtes trouvé confronté à des interrogations complexes : Qu’est-ce qu’un animal ? Qu’est-ce que la mort ? Ces moments sont ahurissants, assourdissants, et sereins. La vue des hommes qui laissent retomber des morceaux de viande dans les eaux vert sombre en murmurant des bénédictions est aussi forte dans ma mémoire que celle de l’énorme animal surpris qui écarquille soudain les yeux.

 

Page 563 : Je pense avec compassion aux Esquimaux, comme on pense aux hibakusha - « les personnes affectées par l’explosion », qui continuent à souffrir des effets d’Hiroshima et de Nagasaki. Les Esquimaux sont piégés dans une lente et longue explosion. Tout ce qu’ils savent d’une bonne façon de vivre se désintègre. La voix ironique et sophistiquée de la civilisation affirme que leur perspicacité est triviale, mais elle ne l’est pas.

 

 

 

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Mon avis : Les marches de l’Amérique – Lance Weller

Publié le par Fanfan Do

Traduit par François Happe

 

Éditions Gallmeister

 

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Quatrième de couverture :

Flora, jeune esclave noire à la beauté fascinante, est dotée d'un esprit fier qui seul lui permet de survivre à la brutalité de son maître. Quand ce dernier part pour la guerre et que son fils unique meurt, Flora se trouve libre. Elle conçoit alors une vengeance terrible : elle apportera à son ancien bourreau le corps de son enfant, conservé dans un cercueil empli de sel. Mais, en ce milieu du XIXe siècle, les territoires immenses qu'elle doit traverser, aux confins de l'Amérique, sont sauvages et sans loi, pleins de troubles et de sang. Flora engage donc deux voyous intrépides et fatalistes, Pigsmeat et Tom, pour l'escorter sur la route du Mexique, sans savoir ce qui l'attend.

 

 

Mon avis :
Une goutte de sang suffit, cette phrase ignoble justifiait le racisme ordinaire de cette époque.

J'ai pensé dès le début que le rêve américain prenait une grosse claque dans ces lignes. Une grosse gifle qui sent la sueur, la pisse, la merde, le vomi et le sang. C'est une époque où une certaine partie de ce monde ne veut pas des États-Unis, qui ne sont pas encore l'Amérique telle qu'on la connaît. C'est une époque qui ne fait pas rêver, où la majeure partie des gens sont crasseux, malodorants, primaires, dans la survie et où la violence extrême est omniprésente. C'est l'époque de la construction de ce pays aux étendues immenses, où la vie était d'une dureté effroyable, où on tue, on viole, on scalpe, on tabasse à mort. Il y a tant d'angoisses et de douleurs dans l'histoire de ces gens pour qui trop souvent la vie se résume à "marche ou crève", sans désirs, sans rêves ou alors envolés dans l'âpreté d'un quotidien terrible.

Trois personnages, Tom, Pigsmeat et Flora, trois écorchés qui vont cheminer ensemble, que j'ai infiniment aimés tous les trois.
Tom, bébé silencieux que sa mère brutalisait rien que pour entendre le son de sa voix.
Pigsmeat dont la mère est morte en le mettant au monde et dont le père inconsolable l'a toujours rendu responsable.
Flora, métisse d'une telle beauté qu'elle devint esclave sexuelle. Elle a un dessein, une vengeance à accomplir. Ils vont l'accompagner car ils n'ont aucun but dans la vie et tant besoin d'en avoir un et parce que d'une certaine manière ils se sont tous trois reconnus.

L'auteur nous fait faire des allers-retours entre passé, présent et les différents personnages et j'ai adoré parce que ça maintient la tension, la curiosité et le désir d'avancer dans la découverte des protagonistes et de leurs histoires respectives.

On est loin des clichés des westerns hollywoodiens et on se rend bien compte que la réalité, c'était ce que raconte ce roman et non pas des cowboys à la dentition parfaite et des paysans relativement propres sur eux. Cette nation qui se dit la plus grande du monde, s'est construite dans la fureur et le sang, l'éradication et le pillage, la destruction et l'anéantissement, la spoliation et la barbarie.
J'ai trouvé cette histoire incroyablement dure et pourtant extrêmement belle. La narration y est pour beaucoup tant elle est imagée et poétique. Décrire les turpitudes d'un monde si violent et d'une telle puanteur avec autant de lyrisme et d'inspiration confine à la perfection.

C'est un énorme coup de cœur. Je suis tombée en adoration pour la prose sublime de cet auteur.

 

Citations :

Page 88 : Tom le regarda. La vie, ça n’est que ça dit-il à Pigsmeat, une absence de but en dehors de la nourriture, d’un abri et d’un peu de chaleur.

 

Page 99 : J’ai entendu dire que la Mort est la Reine de toutes les Terreurs. Mais chacun de nous doit mourir. Tous autant que nous sommes. Même vous, païens de Peaux-rouges répugnants. Bon, alors, qu’est-ce que la Mort, sinon une vaste fraternité fourmillante où nous devons tous nous retrouver un jour ?

 

Page 122 : Cette première nuit, il lui prit tout ce qu’elle avait à donner ; tout ce qu’elle ignorait même qu’elle possédait, jusqu’au moment où il lui prit. Tout ce qui pour elle signifiait être une enfant lui fut pris sur ces draps frais.

 

Page 189 : Rachel Hawkins avait passé la semaine à essayer de s’occuper de son fils. Elle l’avait dorloté, ou plutôt elle avait essayé, quand il l’avait laissée faire, et s’il n’existait guère entre eux de cette intimité naturelle qui unit habituellement une mère à son fils, il y en avait tout de même un peu qui se glissait tant bien que mal au cœur des interstices du silence dans lequel ils passaient leurs journées.

 

Page 224 : Il parlait trop fort pour la pièce et sa bouche édentée s’ouvrait et se refermait comme un sphincter rose dans le cadre de sa barbe couleur de paille.

 

Page 235 : Des plis de sa veste de costume, Flora sentait s’élever une odeur de chair cuite et de terre chaude, ainsi que des relents âcres et graisseux d’ongles fondus. À son accent, elle le devinait autrichien ou allemand – un pays de l’Ancien Monde sous un ciel gris, avec des châteaux resplendissants et de sombres forêts – quand il lui dit qu’il s’appelait Wislizenus, elle en conclut qu’elle ne s’était pas trompée de beaucoup.

 

Page 240 : La grammaire de ceux qui l’avaient estimée et vendue, de ceux qui l’achetaient, ne fût-ce que pour un moment, était le langage de la race et du sang, du mélange et de l’enchaînement, un langage qui l’avait déchirée, fibre après fibre, tout au long de sa vie, avec des mots – exacts ou non – tels que mulâtre et métisse, quarteronne et octavonne.

 

Page 279 : L’homme secouait le journal et agitait le chapeau. De l’écume s’échappait de ses lèvres et il avait le visage rouge. Il disait que ce n’était pas au gouvernement national de décider de faire la guerre, car seul le peuple détenait ce pouvoir. Et aucun individu sain d’esprit ne choisirait les horreurs de la guerre plutôt qu’une pais bénie.

 

Page 306 : Il flottait une odeur de fumée, de sueur et de poussière, à quoi s’ajoutait la puanteur aigre et cuivrée qui accompagne la violence, et tout cela se mélangeait dans l’air pour donner une pestilence palpable, aussi visible, presque, que la poussière.

 

 

 

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Mon avis : My absolute darling – Gabriel Tallent

Publié le par Fanfan Do

Éditions Gallmeister

 

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Quatrième de couverture :

À quatorze ans, Turtle arpente les bois de la côte nord de la Californie avec un fusil et un pistolet pour seuls compagnons. Elle trouve refuge sur les plages et les îlots rocheux qu'elle parcourt sur des kilomètres. Mais si le monde extérieur s'ouvre à elle dans toute son immensité, son univers familial est étroit et menaçant : Turtle a grandi seule, sous la coupe d'un père charismatique et abusif. Sa vie sociale est confinée au collège, et elle repousse quiconque essaye de percer sa carapace. Jusqu'au jour où elle rencontre Jacob, un lycéen blagueur qu'elle intrigue et fascine à la fois. Poussée par cette amitié naissante, Turtle décide alors d'échapper à son père et plonge dans une aventure sans retour où elle mettra en jeu sa liberté et sa survie.

 

 

Mon avis :
Turtle et son père… une relation tout en ambiguïté, faite d'admiration et de mépris, d'amour et de haine. Elle a quatorze ans, il lui apprend tout ce qu'un survivaliste doit savoir. Dès le début on sent une violence sous-jacente, un danger indéfini, c'est très oppressant. Son niveau de misogynie est effarant pour une adolescente. Elle a un mépris total pour les femmes et on se rend bien compte que ça n'est que l'écho de ce que pense son père. Ce père qui a en permanence un langage ordurier et lui donne une éducation quasi-militaire, violente et pleine de hargne. Ils vivent dans une maison en bois, dans la forêt avec vue sur la mer, mais bien loin de la carte postale californienne. Sa mère est morte il y a longtemps.
Martin, père possessif qui vampirise sa fille adorée, son amour absolu, est un genre de fou furieux, sauvage et menaçant, tout autant que cultivé.

Un jour dans les bois, Turtle rencontre Jacob et Brett, deux lycéens, inséparables amis, drôles et fantasques. Ils deviennent amis avec elle.

Turtle est une guerrière, une survivante au plus profond d'elle-même.
Jacob est un poète dans l'âme, allumé et tellement drôle !
Hélas, entre Turtle et son père c'est une histoire d'emprise absolument terrifiante, monumentale, dévorante, gargantuesque… Ce roman est d'une violence psychologique parfois insupportable et physique souvent insoutenable. C'est une histoire dont on ne peut se détacher bien qu'elle fasse dresser les cheveux sur la tête. On ne peut pas s'empêcher d'espérer que Turtle va réussir à se délivrer de ce père ogresque et fuir très loin de lui.

Gabriel Tallent à une écriture superbe, qui décrit tellement bien le monde tout autour mais aussi les sensations, pensées et sentiments profonds.

J'ai beaucoup souffert à cette lecture sans pouvoir m'en abstraire, sans même en avoir envie. Peut-être un genre de syndrome de Stockholm littéraire ? Oui parce que ce roman, je l'ai adoré !

 

Citations :

Page 33 : Nous traversons une époque à la fois palpitante et terrible. Le monde est en guerre dans le Moyen-Orient. Le carbone dans l’atmosphère approche des quatre cents ppm. Nous sommes témoins de la sixième grande extinction des espèces. Au cours de la prochaine décennie, nous connaîtrons le pic de Hubbert. On l’a peut-être même déjà franchi. Nous semblons poursuivre l’utilisation d la fracturation hydraulique, ce qui représente un risque, certes différent, mais bien présent quant à nos ressources en eau potable. Et, malgré tous nos efforts, nos enfants pensent toujours que l’eau arrive par magie dans leurs robinets.

 

Page 118 : Turtle dévisage Caroline et pense, j’ai jamais connu de femmes que j’apprécie, et quand je grandirai, je ne serai jamais comme toi ni comme Anna ; quand je grandirai, je serai franche et dure et dangereuse, je ne serai jamais une sale petite connasse sournoise, souriante et menteuse comme vous toutes.

 

Page 197 : Si tu n’es pas convaincu que le monde va mal, papa, c’est que tu ne regardes pas autour de toi. Les cerfs, les grizzlys, les loups ont disparu. Les saumons aussi, presque. Les séquoias, c’est terminé. Des pins morts, on en trouve par bosquets entiers sur des kilomètres carrés. Tes abeilles sont mortes. Comment on a pu faire naître Julia dans un monde aussi merdique ? Dans cette dépouille putride de ce qui aurait dû être, dans ces restes à l’agonie, violés ? Comment tu veux élever une enfant en compagnie de tous ces connards égocentriques qui ont détruit et gâché le monde dans lequel elle aurait dû grandir ?

 

Page 290 : Turtle, ton père est un immense, un titanesque, un colossal enfoiré, un des pires qui aient jamais vogué sur les mers de verveine citron, un enfoiré de première dont les profondeurs et l’ampleur de l’enfoiritude dépassent l’entendement et défient l’imagination.

 

 

 

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Mon avis : 22/11/63 - Stephen King

Publié le par Fanfan Do

Édition Albin Michel

Traduit de l’anglais par Nadine Gassie

 

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Quatrième de couverture :

Imaginez que vous puissiez remonter le temps, changer le cours de l'Histoire. Le 22 novembre 1963, le président Kennedy était assassiné à Dallas.
À moins que... Jake Epping, professeur d'anglais à Lisbon Falls, n'a pu refuser la requête d'un ami mourant : empêcher l'assassinat de Kennedy. Une fissure dans le temps va l'entraîner dans un fascinant voyage dans le passé, en 1958, l'époque d'Elvis et de JFK, des Plymouth Fury et des Everly Brothers, d'un dégénéré solitaire nommé Lee Harvey Oswald et d'une jolie bibliothécaire qui deviendra le grand amour de Jake, un amour qui transgresse toutes les lois du temps.

Avec une extraordinaire énergie créatrice, King revisite au travers d’un suspense vertigineux l’Amérique du baby-boom, des « happy days » et du rock and roll.

 

 

Pourquoi j’ai voulu lire ce livre :

J’avais ce livre depuis des années parce que j’aime beaucoup Stephen King et que les voyages dans le temps me passionnent. Et puis on me l’a proposé en lecture commune, il n’y avait plus qu’à...

 

Mon avis :

Dès le prologue j'ai été accrochée par le style et la façon de raconter.
Stephen King fait partie de ces auteurs qui vous harponnent immédiatement pour ne vous lâcher qu'au mot fin.
Et là, Ô bonheur !.. ce Roman traite un de mes thèmes préférés, le voyage dans le temps.
L'idée qu'on pourrait réparer, ou ne serait-ce que voir le passé en immersion me fascine.

J'ai trouvé absolument passionnant cette visite qui commence en 1958 avec un état d'esprit de 2011, année à laquelle se situe de début de l'histoire. Les comparaisons sont impressionnantes. On dirait qu'une éternité est passée entre ces deux périodes, tant la technologie s'est accélérée à une vitesse folle, mais aussi les mentalités et quelle étrangeté de replonger là où la ségrégation était de rigueur.

Ce voyage dans les années 50-60 m'a paru totalement fascinant. le cheminement de Jake également dans une époque qui n'est pas la sienne, avec la mission qu'il s'est assigné et l'impossibilité d'en parler à quiconque, d'où les mensonges et dissimulations auxquels il est contraint, m'ont souvent mise en apnée.
Ce qui m'apparaissait comme une simple mission - tuer Oswald avant qu'il ne tue Kennedy - s'avère d'une totale complexité et requiert un don de soi absolu. La solitude de Jake/George est terrifiante. Sans parler des risques liés à l'effet papillon...

Stephen King nous raconte une histoire de l'Amérique et des américains. On apprend énormément sur Lee Harvey Oswald qui n'était pour moi qu'un nom, alors qu'il a changé l'histoire de l'Amérique de façon tragique avec les terribles répercussions de son geste. Il y a aussi tellement de douceur et de beauté qui côtoient la laideur dans cette histoire. Les personnages et leur histoire m'ont souvent fait chaud au cœur.
J'ai adoré ce roman, du début à la fin. Et quelle fin !!!
C'est pour moi un énorme coup de cœur !

 

Citations :

Page 24 : Sa prose était de l’art primitif, mais tout aussi puissante et vraie que n’importe quelle toile peinte par Grandma Moses.

 

Page 70 : Voilà bien l’une des grandes vérités de la condition humaine : quand vous avez besoin de Garnitures Géantes Stayfree pour absorber les expectorations sanglantes de votre corps outragé, c’est que vous êtes sérieusement mal barré.

 

Page 338 : « J’ai rien contre les nègres, me dit-il. Non, m’sieur. C’est Dieu qui les a maudits et les a abaissés dans leur position, pas moi. Vous le savez bien, n’est-ce pas ?

- J’ai dû rater cette partie de la Bible. »

 

Page 448 : La vie prend des virages à 180 degrés. Parfois elle tourne dans notre direction, mais le plus souvent elle nous nargue en s’éloignant sur les chapeaux de roues : Ciao, bébé, c’était bien le temps que ça a duré, pas vrai ?

 

Page 511 : Nous ne savons jamais quelles vies nous influençons ou non, ni quand ni pourquoi. Du moins, pas avant que l’avenir n’ait submergé le présent. Nous l’apprenons quand il est trop tard.

 

 

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Mon avis : Gagner la guerre – Jean-Philippe Jaworski

Publié le par Fanfan Do

Éditions Folio SF

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Quatrième de couverture :

"Gagner une guerre, c'est bien joli, mais quand il faut partager le butin entre les vainqueurs, et quand ces triomphateurs sont des nobles pourris d'orgueil et d'ambition, le coup de grâce infligé à l'ennemi n'est qu'un amuse-gueule. C'est la curée qui commence. On en vient à regretter les bonnes vieilles batailles rangées et les tueries codifiées selon l'art militaire. Désormais, pour rafler le pactole, c'est au sein de la famille qu'on sort les couteaux. Et il se trouve que les couteaux, justement, c'est plutôt mon rayon..."

Gagner la guerre est le premier roman de Jean-Philippe Jaworski. On y retrouve avec plaisir l'écriture inimitable de l'auteur des nouvelles de Janua vera et don Benvenuto, personnage aussi truculent que détestable. Le livre a obtenu en 2009 le prix du premier roman de la région Rhône-Alpes et le prix Imaginales du meilleur roman français de fantasy.

Jean-Philippe Jaworski, né en 1969, est l’auteur de deux jeux de rôle : Tiers Âge et Te Deum pour un massacre. Il conjugue une gouaille et un esprit de contes de fées à la Peter S. Beagle avec l’astuce et le sens de l’aventure d’un Alexandre Dumas.

 

Pourquoi j’ai voulu lire ce livre :

Ça faisait longtemps que ce livre me tentait, puis il a été proposé en lecture commune sur Instagram, c’est ce qui m’a décidée.

 

Mon avis :

Dès le premier chapitre je me suis demandé ce que j'étais venue faire dans cette galère !
C'est quasi-exclusivement narratif, du moins au début, et pour moi ce type de récit c'est l'enfer car j'aime quand il y a des dialogues. En gros je m'y suis ennuyée à mourir, surtout quand il n'est question que de combats sur mer (au début toujours). Et comme de surcroît il s'agissait là d'une Lecture Commune, et que je n'abandonne jamais une LC, et que le livre comporte 979 pages, je me suis dit que j'étais certainement complètement maso et née pour souffrir .
Ah oui, parce que le narratif a sur moi un effet soporifique qui m'empêche de retenir ce que je lis.

En fait, ma lecture a suivi une courbe sinusoïdale : des moments de grand intérêt alternés par des passages d'un ennui profond car très politiques, jusque la moitié du livre.

Don Benvenuto Gesufal est le narrateur et il s'adresse directement à moi, lectrice. C'est un sale type, un odieux salopard, espion et tueur à gage du Podestat Leonide Ducatore, et bien sur totalement sans cœur. Mais... il est parfois tellement drôle.
À sa décharge il faut reconnaître qu'il gravite dans un furieux panier de crabe, et lui au moins assume ce qu'il est, contrairement à d'autres qui avancent à visage couvert et n'en sont pas moins ignobles.

C'est une lecture instructive et d'un point de vue politique on se rend compte de toutes les magouilles dans ce domaine et ça nous fait comprendre, si besoin était, à quel point il faut être retors pour être une bête politique. Hélas de ce point de vue là j'y ai trouvé des longueurs infernales car la politique me rebute au plus haut point. Pourtant c'est un roman prenant qu'on n'a pas envie de lâcher.

L'histoire est incroyablement fouillée, hyper construite avec une multitude de personnages, d'événements, de lieux, et de descriptions de tous ordres.
L'écriture est magnifique, érudite, poétique parfois, même l'argot est savamment utilisé, et le tout est d'une fluidité absolue.

 

Citations :

Page 49 : La plupart avaient complètement abasourdis, écrasés par la défaite ; des pauvres types tellement sonnés par le malheur qu’ils ne pouvaient pas l’encaisser réellement, juste se demander ce qui était le plus dur, entre se tortiller sous de savants supplices pendant d’interminables heures ou ramer pendant d’interminables années sur un banc de nage, en patinant dans sa propre crotte.

 

Page 116 : Un ciel immense déployait ses champs d’étoiles au-dessus de ma tête branlante, et un quartier de lune blonde se mussait avec indolence dans une écharpe nuageuse. Parce que j’avais failli mourir, je percevais le monde avec une acuité fabuleuse. Comme si l’esprit désertait déjà l’intelligence et le sentiment, pour se réfugier dans la sensation pure.

 

Page 239 : C’était une imposture. Ce n’était pas moi qu’on honorait, mais l’argent et l’influence du Podestat.

 

Page 286 : Tuer et inhumer, c’est deux activités très différentes. Buter un quidam, pour un affranchi, c’est gratifiant. Ça demande un minimum de cœur au ventre, nécessite un vrai sens du contact, c’est un peu sale, c’est rapide, c’est payant : bref, c’est une réelle expérience humaine, directe et sans complications. Enterrer le même quidam, par contre, quelle corvée ! C’est codifié, grégaire, faux cul, interminable. Ça sublime toutes les vicissitudes du banquet de mariage, en noir et et sans le pince-fesse. La douleur sincère de quelques naïfs copule d’obscène manière avec les larmes obligées du plus grand nombre.

 

Page 549 : La nuit à la cambrousse, c’est toujours plein d’un raffut animalier à vous faire dresser les cheveux sur la tête. Ça jappe, ça glapit, ça hulule, ça miaule des cris d’écorché. Même le brame d’une chevrette ressemble au râle d’un poitrinaire égorgé.

 

Page 751 : L’intuition d’une catastrophe imminente. Tout le monde a vécu ça, chacun à sa manière. Certains, quand ils ont marché vers la femme qui les aimait à la folie pour lui dire que c’était fini ; d’autres, quand ils étaient traînés devant la cour de justice où les attendait une sentence ; et tous, tôt où tard, quand il a fallu affronter la chapelle ardente où reposait le corps d’un ami ou d’un parent. C’est la certitude de l’irréparable. C’est l’instant de suspens où tout tient encore en place, alors que tout doit crouler.

 

 

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Mon avis : Le grand Santini – Pat Conroy

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’américain par Eric Chédaille

Éditions Pocket

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Quatrième de couverture :

Au cœur des années 1960, le jeune Ben étouffe à Ravenel, petite ville de garnison de Caroline du Sud où règnent racisme, violence et sexisme. Dans un an, l'université le délivrera de cet enfer et de la tyrannie de son père, le terrible colonel Bull Meechan. C'est lui, le " Grand Santini ", pilote de chasse et héros de guerre qui rêve d'un fils à son image et traite sa famille comme il commande ses hommes. Mais peut-on élever ses enfants comme une section de Marines? Comme tous les Meechan, Ben se révolte contre les humiliations et le cynisme de cet énergumène. Mais il est trop intelligent et trop sensible pour ne pas deviner, derrière la cuirasse d'autorité, l'impuissance d'un père à exprimer sa tendresse et son amour...

 

 

Pourquoi j’ai voulu lire ce livre :

C’est le deuxième roman de Pat Conroy que je lis après Le prince des marées et j’adore son écriture sublime et poétique, bourrée d’humour même quand l’histoire est très dure.

 

Mon avis :

Les années 60. La famille Meecham vit au rythme des mutations de Bull, le père, pilote de chasse dans l'armée, héros de guerre. Tout le monde file droit face à cet homme autoritaire, véritable tyran domestique non dénué d'humour. Tous le craignent, pourtant ses deux aînés, Ben et Mary Anne pratiquent l'ironie mordante. Par ailleurs, Lillian, la mère sait mieux que quiconque désamorcer les sautes d'humeur de cet homme habitué à commander. Hélas, elle vit dans le déni, comme si refuser la réalité la faisait disparaître, nier la violence pour la rendre inexistante.


Pat Conroy est un génie. Son écriture est une symphonie pastorale, superbe et émouvante où la nature a une part importante. Il accroche le lecteur avec ses personnages et leur histoire, il parle de gens parfois affligeants et révoltants tout en nous provoquant des éclats de rire. Il nous invite dans cette famille et on vit ce qu'ils vivent. Il me rend attachant Bull, le grand Santini, alors que c'est typiquement le genre d'individus que j'exècre, un être raciste et brut de décoffrage, qui peut être arrogant et qui fait régner la terreur au sein de son foyer pour avoir toujours raison, car il veut être le chef suprême, celui que tout le monde craint et respecte. On se trouve sur une corde raide, oscillant entre colère et amusement, sans doute à cause de sa personnalité complexe. Cet homme est drôle autant qu'il peut être odieux.

Pat Conroy raconte les liens familiaux comme personne. Il nous dessine des personnages passionnants, surprenants, jamais fades ni insignifiants, de ceux qui mènent son romans jusqu'à ceux de moindre importance que l'on ne voit qu'à peine, tous ont leur place dans l'histoire et on est heureux de les avoir rencontrés.

J'ai adoré cette histoire familiale violente mais bourrée d'humour avec des dialogues ciselés et jubilatoires, qui sent les états du sud et l'amour à plein nez, qui nous raconte la difficulté de vivre et nous parle de pudeur des sentiments.

 

Citations :

Page 130 : Je suis Santini. Le Grand Santini. Le soldat de fortune. La bête de Ravenel. Le ministre de la Mort. Et le meilleur foutu pilote du Marine Corps.

 

Page 132 : Bull était incapable de se détendre. Il était de ces hommes dont le sang semble circuler trop vite, dont le cerveau semble luire dans la pénombre, dont les yeux sont sans cesse en mouvement, et le corps agité même lorsqu’ils sont assis ou quand ils dorment.

 

Page 173 : Dorénavant, ça va être une coupe de cheveux toutes les semaines par un coiffeur breveté marine. Si ça ne vous plait pas c’est pareil, parce que je ne vous demande pas votre avis. Je vous mets au courant, un point c’est tout.

 

Page 310 : Tu es l’aîné de mes enfants, celui que je connais depuis le plus longtemps.

 

Page 323 : Je veux que les gars deviennent de bons soldats, et les filles de jolis petits culs pour leur mari.

 

Page 408 : Recevoir l’enseignement d’écoles catholiques était, par certains côtés, comme grandir dans un pays étranger. Prêtres et religieuses y imposaient un absolutisme qui ne souffrait aucune opposition. Ben avait entendu plus de bruit dans le sous-sol d’un établissement de pompes funèbres que lors de certains cours de mathématiques prodigués par des créatures glaciales dont la robe, lorsqu’elles passaient dans les travées, vous envoyait des courants d’air antarctique.

 

Page 497 : La femme a une seule fonction. Être adorable. Tout le reste n’est que de l’enrobage. Bien s’habiller afin d’attirer le regard de l’homme est une des règles du jeu.

 

 

 

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Mon avis : La forêt sombre – Liu Cixin

Publié le par Fanfan Do

Traduit du chinois par Gwennaël Gaffric

 

Éditions Acte Sud

 

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Quatrième de couverture :

 

L'humanité le sait désormais : dans un peu plus de quatre siècles, la flotte trisolarienne envahira le système solaire. La Terre doit impérativement préparer la parade, mais tout progrès dans les sciences fondamentales est entravé par les intellectrons. Grâce à ces derniers, les Trisolariens peuvent espionner toutes les conversations et tous les ordinateurs, en revanche ils sont incapables de lire dans l'âme humaine. Parallèlement aux programmes de défense classiques visant à lever des armées spatiales nationales, le Conseil de défense planétaire imagine donc un nouveau projet : le programme Colmateur. Quatre individus seront chargés d'élaborer chacun de leur côté des stratégies pour contrer l'invasion ennemie, sans en révéler la nature. Ils auront à leur disposition un budget presque illimité et pourront agir comme bon leur semble, sans avoir besoin de se justifier. Livrés à eux-mêmes, ils devront penser seuls, et brouiller les pistes. Trois des hommes désignés sont des personnalités politiques de premier plan et des scientifiques éminents, mais le quatrième est un parfait anonyme. Astronome et professeur de sociologie sans envergure, le Chinois Luo Ji ignore totalement la raison pour laquelle on lui confie cette mission. Tout ce qu'il sait, c'est qu'il est désormais l'un des Colmateurs, et que les Trisolariens veulent sa mort.

 

Après Le Problème à trois corps, Liu Cixin revient avec une suite haletante et magistrale.

 

Né en 1963, Liu Cixin est une véritable légende de la SF en Chine. Sa trilogie romanesque inaugurée avec Le Problème à trois corps est en cours de publication dans le monde entier.

 

 

 

Mon avis :

 

L'humanité sait désormais que les Trisolariens seront là dans 400 ans pour nous mettre une énorme raclée et nous anéantir comme de la vermine.
Il y a trois catégories d'humains. Ceux qui se disent que dans 400 ils ne seront plus là depuis longtemps et donc qui s'en moquent ! Mais comment font-ils ? Puis il y a ceux, dont je fais partie, qui se sentent désespérés à l'idée que l'humanité va disparaître. Savoir que dans cinq milliards d'années le soleil va engloutir la Terre et que l'espèce dont je fais partie aura rejoint le néant depuis longtemps m'a toujours terrifiée. Et il y a ceux qui souhaitent voir l'humanité disparaître et qui veulent donc aider les Trisolariens à nous pulvériser.

J'ai plongé avec délice dans ce tome 2 et je me suis fait happer tout de suite.
La notion de temps prend dans ce deuxième tome un aspect héroïque et abstrait. En effet, travailler sur un projet si long qu'on n'en verra pas l'aboutissement, tient du don de soi absolu.
Certains auront néanmoins la possibilité d'opter pour l'hibernation et verrons un jour peut-être le résultat.

Parmi les plans mis en oeuvre pour sauver l'humanité, il y a le programme Colmateur que j'ai trouvé plutôt sidérant et déconcertant ! J'ai adoré l'idée qui m'a parue vraiment surréaliste.

J'ai trouvé qu'il y avait quelques longueurs dans le très long premier chapitre mais plus on avance dans ce roman foisonnant plus on veut y rester. 
Liu Cixin parvient à totalement harponner le lecteur pour l'embarquer dans cette histoire de l'humanité future qui lutte pour sa survie.
Il y a des moments vertigineux où subitement on se sent misérable petit vermisseau, insignifiante petite poussière cosmique face à l'infini de l'univers.


 

 

Citations :

 

Page 13 : - Premièrement : la survie est la nécessité première de toute civilisation ; deuxièmement : une civilisation ne cesse de croître et de s’étendre, tandis que la quantité totale de matière dans l’Univers reste constante.

 

Page 48 : Ceux qui seront alors à bord de ces vaisseaux appartiendrons à la dixième et quelque génération de nos petits-enfants.

 

Page 58 : - Oncle Zhang, réfléchissez à ce qu’était le monde il y a à peine cent vingt ans. La Chine était encore sous l’empire des Qing. Il fallait un bon mois pour relier Hangzhou depuis Pékin, l’empereur lui-même devait rester plusieurs jours le cul dans sa chaise à porteurs quand il voulait se rendre dans sa villégiature de montagne pour échapper aux chaleurs de l’été ! Aujourd’hui il, il faut à peine trois jours pour faire le trajet de la Terre à la Lune. La technologie se développe à une vitesse folle, exponentielle.

 

Page 112 : Ce que l’on aime, ce n’est pas l’homme ou la femme de la réalité, mais celui ou celle qui naît dans notre imaginaire. Les amants réels ne sont que des modèles permettant de créer ceux que l’on rêve. Tôt ou tard, on finit par se rendre compte du fossé qui existe entre l’amour rêvé et son modèle. Quand on parvient à s’habituer à cette différence, on peut continuer à être ensemble, mais quand on échoue, on se sépare, c’est aussi simple que cela.

 

Page 183 : Il savait que l’oisiveté de ces derniers temps n’avait été qu’un bref instant d’apesanteur avant une chute vers les abysses d’une solitude dont il avait maintenant atteint le fond.

 

Page 325 : - Amiral, pour la première fois, je regrette d’être athée. Sinon, j’aurais l’espoir que nous nous revoyions un jour.

 

Page 339 : - L’évolution du cerveau humain a besoin de vingt à deux cent mille ans avant que ne se produisent des changements visibles, et la civilisation humaine n’a derrière elle que cinq mille ans d’histoire. Ce dont nous nous servons par conséquent aujourd’hui est le cerveau d’un homme primitif…

 

Page 381 : Le plus grand obstacle à la survie de l’humanité, c’est l’humanité elle-même.

 

Page 561 : Il savait que si la Terre était propice à la vie humaine, ce n’était pas une coïncidence, encore moins un effet de quelque principe anthropique, mais davantage le résultat d’une longue interaction entre sa biosphère et son environnement, un résultat qui ne pourrait très probablement jamais être reproduit dur d’autres planètes dans des systèmes éloignés.

 

 

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Mon avis : Les révoltés de Cordoue - Ildefonso Falcones

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l'espagnol par Anne Plantagenet

Editions France Loisirs

 

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Quatrième de couverture :

L’auteur de La cathédrale de la mer est de retour pour explorer, avec le talent qu’on lui connaît, un nouveau pan de l’Histoire espagnole.

Dans la seconde moitié du XVIe siècle, soumis par l’Inquisition espagnole, les Maures se préparent à la révolte. À leur tête, Hernando, dit « le nazaréen »… Né d’une Mauresque violée par un prêtre catholique, il est entraîné dans ce combat qu’il fera sien. Méprisé par les uns, rejeté par les autres, il est confronté durant l’insurrection à la violence et à la cruauté des deux partis.

Hernando, porté par la superbe et courageuse Fatima, n’aura de cesse de lutter, au péril de sa vie, pour réconcilier les deux religions en guerre et rendre à sa culture la dignité et la place qu’elle mérite.

 

 

Pourquoi j'ai voulu lire ce livre :

J’ai acheté ce livre il y a des années parce que j’adore les romans historiques. Il a fallu qu’on me le propose en lecture commune pour que je me lance. Et alors, quelle découverte !

 

Mon avis :

Sud de l'Espagne, seconde moitié du XVIe siècle.
Terrible époque où on était obligé d'être chrétien, même pour les musulmans qui avaient l'obligation de se convertir, de connaître les prières, de manger du porc et d'assister à la messe.
Mais chacun des deux camps est convaincu d'aimer le seul vrai dieu.
Pendant deux cents ans, les musulmans d'Espagne ont subi le terrible joug des chrétiens.

Énormément de sentiments de colère m'ont assaillie à la lecture de ce roman.
La guerre de religion, au nom de croyances où ne pas tuer fait partie des préceptes, pourtant les chrétiens et les musulmans s'entre-tuent.
La religion domine tout et prend le pas sur le respect de la vie.
Cette époque fait l'apologie de la masculinité à outrance avec le désir de garçon à chaque naissance, où la soumission des femmes est totale.
La vente des prisonnières du camp adverse comme esclaves, avec l'humiliation et le viol quasi systématique comme mode de fonctionnement, y compris sur des fillettes, est la règle.

En lisant ce roman, mon cœur a fait du yoyo. Je suis passée par tous les sentiments, négatifs bien sûr puisqu'il se passe à une époque où le degré de civilisation n'était pas assez élevé pour empêcher la barbarie d'exister sans retenue.

L'auteur prend totalement parti pour les musulmans contre les "méchants" chrétiens. Et, bien que la répression et les exactions que les Maures ont subies soient une réalité, j'ai trouvé cette façon de présenter les choses un peu manichéenne par moments. Cela dit, la chrétienté a été d'une hypocrisie et d'une cruauté sans limite à l'égard de tous les peuples de la Terre pendant des siècles.

La fidélité à leur croyance leur permet de tout endurer, telle Fatima qui accepte, au nom de la religion, les épreuves terribles qu'elle a déjà subies, bien avant ses quinze ans, et Aïcha qui refuse qu'on la délivre de son époux totalement ignoble, car c'est le choix d'Allah et qu'elle se doit de le respecter.
Hernando, fruit du viol de Aïcha, la Mauresque musulmane, par un prêtre, tantôt détesté ou aimé, va traverser cette époque extrêmement violente dans la douleur et les tragédies, mais aussi l'amour d'une vie, que le destin s'acharne à malmener.

L'auteur nous entraîne dans un tourbillon de vies douloureuses et passionnées, où la foi domine ainsi que la bêtise et la perfidie trop souvent. C'est extrêmement bien documenté, foisonnant de descriptions, que ce soit sur la religion, l'histoire du pays, l'architecture, la géographie.
On suit l'histoire de personnages attachants ou haïssables avec des rebondissements du début à la fin dans cette époque où la monstrueuse Inquisition était toute-puissante.
Il y a quelque chose de déchirant dans cette superbe fresque historique, où l'on voit toute l'étendue de la violence, inhérente à la nature humaine.
J'aurais voulu pouvoir lire ce roman riche en émotions d'une seule traite tellement il m'a passionnée et appris beaucoup de choses sur le XVIe siècle Espagnol. 

 

 

Citations :

Page 77 : Ils nous ont obligés à devenir chrétiens sous peine d’exil, ce qui est une autre façon de mourir.

Page 162 : Allah vous a récompensés avec un fils. Moi, il m’a donné d’abord deux filles, insista Salah.

Page 623 : Quinze ans seulement s’étaient écoulés depuis que Philippe II en personne, instigateur de révoltes et protecteur de la cause catholique en France, avait réagi avec enthousiasme en apprenant le massacre de la Saint Barthélémy, au cours duquel les catholiques avaient assassiné plus de trente mille huguenots. Si, lors d’un conflit religieux entre chrétiens, argumentait le traducteur dans sa lettre, le roi Philippe n’avait pas hésité à afficher publiquement sa joie et sa satisfaction pour l’exécution de milliers de personnes – peut-être pas catholiques, mais chrétiennes tout de même -, quelle miséricorde pouvait-on attendre de lui puisque les condamnés n’étaient qu’un troupeau de Maures ?

Page 685 : Cette Église qui se considère si miséricordieuse prétend assassiner ou réduire en esclavage des milliers de personnes.

Page 830 : Quelle était donc cette miséricorde que les prêtres et les pieux chrétiens avaient sans cesse à la bouche ? Où était le pardon et la compassion qu’ils prêchaient à toute heure ?

 

 

 

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