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Mon avis : La dernière maison avant les bois – Catriona Ward

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Pierre Szczeciner

 

Éditions Sonatine

 

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Quatrième de couverture :

Dans l'impasse de Needless Street se dresse une maison. Isolée et solitaire, à l'image de Ted Bannerman, un étrange personnage.
Dee, qui vient d'emménager dans la maison voisine, est persuadée qu'un terrible secret pèse sur les lieux. Aurait-il quelque chose à voir avec cette disparition d'enfant onze ans plutôt dans les environs ? Que se passe-t-il vraiment derrière la porte de la dernière maison avant les bois ?

 

Quelque chose est bien enterré dans la forêt. Mais ce n’est pas ce que vous pensez… La Dernière Maison avant les bois est en effet l’un des romans les plus attendus qu’on ait lus depuis longtemps – et certainement celui dont vous aurez le plus envie de parler cette année.


 

 

Mon avis :
Une petite fille disparue onze ans plus tôt est le top départ de cet étrange roman choral qui donne la parole à trois protagonistes : Ted, Olivia sa chatte, et Dee sa voisine nouvellement installée. Et comme j'aime ce qui paraît bizarre, je me suis tout de suite sentie embarquée dans une histoire qui allait me plaire. Je considère extrêmement intéressant de donner la parole à une représentante de la gent féline car je trouve que l'on ne tient, bien souvent, pas assez compte de leur avis alors que les chats voient tout et ressentent tout. Et puis les humains sont parfois tellement incohérents !

 

Ce que je dis vous semble fantasque ? C'est parce que vous ne connaissez pas Ted, personnage foutrement bizarre. On ne sait pas la part de réel dans tout ce qu'il décrit tant ça semble surréaliste et complètement azimuté. Est-ce que tout est vrai dans ce qu'il raconte ? Pas du tout ? Partiellement ? Est-ce que lui-même le sait ? En tout cas il insuffle un malaise sournois alors même qu'on ne sait rien, que rien n'est vraiment dit.

 

Olivia, la chatte de Ted, nous éclaire un peu, sur lui, sur Lauren sa fille. Elle raconte, et ce qu'elle dit est beau et nous entrouvre doucement les portes, bien que beaucoup de choses lui échappent. Mais ce n'est pas grave car elle sait que Dieu détient toutes les réponses.

 

Dee se souvient et ça lui fait mal, rongée par les remords depuis que sa petite sœur, Lulu, a disparu onze plus tôt.

 

L'autrice sème des indices assez flous, savamment distillés, qu'on suit comme des petits cailloux, qui donnent des idées mais posent des questions plutôt inquiétantes et mettent le lecteur dans un brouillard opaque et oppressant.

L'angoisse monte crescendo. C'est délicieusement terrifiant.

 

J'ai tout aimé dans ce roman. L'écriture ciselée, poétique, qui m'a entraînée dans cette ambiance étrange et feutrée, le mystère et l'angoisse qui en découlent. Catriona Ward joue avec nos nerfs tant ce qu'elle nous raconte nous fait marcher sur une corde raide entre chimères et réalité sans qu'on sache ce qui est quoi et où se trouve la vérité.

 

Quand ce livre m'a été proposé il était précisé que c'était une lecture relativement ardue. J'en ai déduit qu'il fallait une grande concentration pour ne pas perdre le fil. Or, cette histoire m'a avalée et ne m'a pas demandé d'effort puisqu'elle ne m'a pas laissé m'échapper, même si, à mesure qu'on avance c'est de plus en plus touffu. J'ai été fascinée par l'intrigue et les personnages, dans une totale addiction du début à la fin car c'est une plongée profonde dans la psyché. Catriona Ward se joue de nous avec brio.

 

Cette histoire est démente. Je l'ai adorée !

Un grand merci à Sonatine Editions et à Babelio Masse Critique pour cette découverte.

 

 

Citations :

Page 15 : Après quoi, je récupère les oiseaux encore vivants. Ils forment une masse frémissante qui me colle aux mains. On dirait un monstre de cauchemar, avec des pattes et des yeux partout, et des becs grands ouverts qui cherchent désespérément à avaler de l’air. Quand j’essaie de les séparer, leurs plumes se détachent de leur chair. Et pendant tout ce temps, ils ne font pas le moindre bruit. C’est sûrement le pire, d’ailleurs. Les oiseaux ne sont pas comme les gens. La douleur les fait taire.

 

Page 27 : Les enfants nous mettent une laisse autour du cœur, puis ils tirent sans cesse dans toutes les directions.

 

Page 70 : Je grossis tellement vite que je n’arrive pas à suivre. Je renverse les choses, je me cogne contre les encadrements de porte. Je ne suis pas habitué à la place que je prends dans le monde.

 

Page 76 : C’est le jour où j’ai découvert ma raison d’être. Tous les chats en ont une, de la même manière que tous les chats peuvent devenir invisibles ou lire dans les pensées. (Sur ce dernier point, on est vraiment très forts.)

 

 

 

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Mon avis : Rêves arctiques – Barry Lopez

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Dominique Letellier

 

Éditions Gallmeister

 

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Quatrième de couverture :

"C'est l'histoire d'une conversation sans âge, non seulement entre nous, sur ce que nous avons l'intention d'entreprendre ou ce que nous voulons réaliser, mais aussi avec cette terre - notre contemplation et notre admiration devant un orage sur la prairie, devant la crête découpée d'une jeune montagne où devant l'essor soudain des canards au-dessus d'un lac isolé. Nous nous sommes raconté l'histoire de ce que nous représentons sur cette terre depuis 40 000 ans. Je crois qu'au cœur de cette histoire repose une simple et durable certitude : il est possible de vivre avec sagesse sur la Terre, et d'y vivre bien."

Dans ce classique du nature writing, l'aventure et le goût de l'extrême se mêlent à l'approche intime, méditative et sensorielle de la beauté glacée du Grand Nord.

National Book Award 1986


 

 

Mon avis :
Comment parler de tant de beauté décrite dans ces pages sans risquer de l'amoindrir ? Et en même temps c'est douloureux de réaliser à quel point l'humanité s'évertue à détruire tout ça par cupidité. Dès le prologue j'ai oscillé entre émerveillement et chagrin mais aussi écœurement face à l'arrogance des blancs.

Par moments un peu trop didactique à mon goût, voire encyclopédique, ça demande beaucoup de concentration pour que l'esprit ne s'échappe pas. De la course du soleil en arctique à la description très détaillée des forages pétroliers et stations de pompage, en passant par le bœuf musqué, l'ours polaire ce seigneur du grand nord, le narval, la migration des bernaches cravant, des filigules milouinants, des tournepierres à collier, des océanites cul-blanc, des saumons chinook, des baleines du Groenland, des veaux marins, des phoques barbus mais aussi des humains entre 23 000 et 25 000 ans, des icebergs et des naufrages de baleiniers, des couleurs et des luminaristes, ces peintres de l'Arctique, des faux soleils, des aurores boréales avec parfois des envolées métaphysiques, de la sociologie esquimaude et la psychologie humaine, de l'histoire de l'exploration et des hommes qui les menèrent souvent dans des souffrances abominables… C'est passionnant mais parfois un peu long. Et puis c'est triste de voir à quel point l'humanité s'autorise à tuer, saccager, détruire, parfois juste pour le plaisir d'être stupide et cruel. D'ailleurs j'ai appris très récemment que les japonais, qui avaient arrêté la chasse à la baleine, sont en train de construire un navire-usine, en 2023, pour remettre ça, alors que la consommation de viande de baleine a diminué de 99%. Apprend-on jamais de ses erreurs ?

On découvre néanmoins que l'anéantissement des espèces n'est pas quelque chose de nouveau, ce n'est pas le fait que de l'homme blanc. Ça existe depuis très longtemps. C'est juste tristement humain.

Pourtant l'Arctique recèle tant de merveilles ! Qu'un endroit aussi inhospitalier soit peuplé d'êtres qui ont su s'adapter à ce climat d'une rudesse absolue est en soi totalement magique.

À chaque chapitre l'auteur commence par des descriptions sublimes qui donnent l'impression qu'il nous parle d'un Éden glacé inhospitalier, où les différentes espèces vivent dans un écosystème parfait, puis il nous raconte les comportements humains et le rêve s'arrête là car nous vandalisons tout ! À croire que nous n'aimons pas le beau, ni la vie.

605 pages d'extrême beauté puis d'ignominies, à se demander de quel droit une poignée d'hommes commet tant de destructions et de meurtres gratuits. Car oui, il y a pire que la cupidité. Trop souvent de nombreux animaux sont tués pour rien, juste pour le plaisir de faire un carton.

C'est passionnant de découvrir que cet endroit du monde, gelé la majeure partie de l'année, est foisonnant de vie mais malheureusement terriblement convoité et pillé depuis trop longtemps.

D'un bout à l'autre de ces descriptions exhaustives de l'Arctique dans son entièreté, j'ai eu l'impression de voyager à travers l'origine du monde. Pourtant, la vie arctique est très jeune, à peine 10 000 ans. Mais quelle tristesse de penser qu'elle est en train de mourir et que nous en sommes responsables, et plus aberrant encore, que nous allons à notre propre perte et que nous le savons.

Lecture longue mais captivante, mais longue… et qui demande une bonne dose d'opiniâtreté.

 

 

Citations :

Page 17 : Dans son ensemble, l’Arctique présente toutes les caractéristiques d’un paysage désertique, disponible, équilibré, vaste et calme.

 

Page 24 : Je crois qu’au cœur de cette histoire repose une simple et durable certitude : il est possible de vivre avec sagesse sur la Terre, et d’y vivre bien. Il est loisible d’imaginer que, si nous considérons avec respect tout ce que porte la terre, nous nous débarrasserons de l’ignorance qui nous paralyse.

 

Page 73 : Or, quand je marchais dans la toundra, quand je rencontrais le regard d’un lemming ou découvrais les traces d’un glouton, c’était la fragilité de notre sagesse qui m’atterrait. La façon dont nous exploitons l’Arctique, notre utilisation toujours plus grande de ses ressources naturelles, notre simple désir d’en tirer profit sont très clairs. Qu’est-ce qui nous manque, qu’avons-nous d’inachevé en nous, pour que je me sente si mal à l’aise quand je parcours cette région d’oiseaux qui gazouillent, de caribous distants et de farouches lemmings ? Ce qui nous fait défaut, c’est la retenue.

 

Page 120 : Mais le pire arriva quand les zoos commencèrent à s’intéresser aux bœufs musqués. Les pourvoyeurs des zoos trouvèrent que le seul moyen pratique pour s’emparer d’un petit était de tuer tous les adultes de la harde rassemblés en formation défensive. La capture du dernier animal, épuisé, au milieu de ses compagnons morts, devait être une des visions les plus pathétiques jamais inventées par des hommes civilisés.

 

Page 131 : Les très grands ours polaires peuvent peser 900 kilos et, dressés sur leurs pattes arrière, mesurer 3,5 mètres de haut. Les rapports faisant état d’ours de plus de 3,5 mètres et de plus d’une tonne relèvent de mauvaises mesures, de peaux allongées, ou d’exagérations dues à l’imagination, davantage que de la mesure scientifique d’ours réels.

 

Page 170 : À des milliers de kilomètres de tout lieu connu, authentiquement effrayés, sans doute atteints par les effroyables conditions de vie à bord, les Européens se mirent à tuer tous les ours polaires qu’ils voyaient. Ils les abattaient par mesquinerie et par esprit de justice. À force, tuer un ours polaire devint une sorte de divertissement auquel ceux qui voyageaient dans l’Arctique s’attendaient à prendre part. Certains les abattaient depuis le pont du bateau comme au stand de tir.

 

Page 226 : La nuit où je crus entendre la pluie, je me rendormis en écoutant les cris des oies des neiges. Mais j’écoutais également le son de leur vol nocturne, le martèlement de l’air, le bruissement sauvage des ailes, au-dessus de ma tête. Ces sonorités primitives font que le bassin de Klamath ressemble curieusement à un fief inhabité, tombé en déshérence, que ces animaux viendraient réclamer chaque année comme leur terre ancestrale. Pourtant, pendant quelques jours, à la périphérie des troupeaux d’oies, je n’eus pas l’impression d’être un intrus. Je ressentais le calme que les oiseaux apportent aux hommes ; apaisé, je percevais ici les contours des plus anciens mystères de la nature : l’étendue de l’espace, la lumière qui tombe des cieux, le passé coulant dans le présent comme une eau, et s’y accumulant.

 

Page 231 : Sur le terrain, on ne tarde pas à sentir que l’échelle du temps et de la distance, pour la plupart des animaux est différente de la nôtre. Leur taille, leurs méthodes de locomotion, la nature des obstacles auxquels il sont confrontés, les milieux où ils se meuvent, la longueur de leur vie, tout est différent.

 

Page 274 : Peter Schledermann, qui a fouillé des sites préhistoriques dans presque tout l’Arctique canadien, m’a dit un soir à Calgary : « Tout ce que nous sommes est dans notre esprit. Par l’archéologie, nous examinons le long cheminement qui nous a fait ce que nous sommes. »

 

Page 289 : Le but du chasseur, dans ces sociétés fondées sur la chasse, n’était pas de tuer des animaux mais de servir cette myriade de relations avec d’autres existences qui, il le savait, l’unissait au monde qu’il occupait avec elles. Il s’acquittait scrupuleusement de ces devoirs parce qu’il voyait en eux tout ce qu’il comprenait de la survie.

 

Page 344 : Mais en hiver, je réfléchis aussi à l’obscurité, à l’obscurité qui affecte par exemple les caribous de Kaminuriak, massacrés par les Esquimaux modernes. Tout le monde a peur d’en parler de crainte d’être traité de raciste. Il est plus facile de perdre les animaux que de faire front aux zones ténébreuses de notre être. L’obscurité de la politique, pendant les longues heures d’hiver, s’insinue dans l’obscurité de la terre. Dans la colère.

 

Page 432 : Marchant sur la grève, je m’arrêtais de temps à autre pour ramasser sur le sol durci par l’orage des fragments de vertèbres de baleines, des plumes, ou les éternels morceaux de plastique qui possèdent le pouvoir de bannir tout romantisme d’un lieu.

 

Page 437 : Il faut en fin de compte que chaque culture décide – qu’elle en débatte et qu’elle décide – quelle partie de tout ce qui l’entoure, tangible ou intangible, elle va détruire pour la transformer en richesse matérielle, et quelle partie de sa richesse culturelle – depuis la paix traditionnelle régnant sur une colline sauvage jusqu’à la maîtrise du financement d’une fusion entre deux entreprises – elle est résolue à préserver, en luttant pour y parvenir.

 

Page 468 : Entre 1769 et 1878, la Compagnie de la Baie d’Hudson vendit aux enchères à Londres, entre autres fourrures et peaux : 891 091 renards, 1 052 051 lynx, 68 694 gloutons, 288 096 ours, 467 549 loups, 1 507 240 visons, 94 326 cygnes, 275 032 blaireaux, 4 708 702 castors et 1 240 511 martres. À certains moments, dans la même période, deux autres compagnies, la Compagnie du Nord-Ouest et la Compagnie du Canada, pratiquaient également le commerce des fourrures sur une aussi grande échelle.

 

Page 560 : Je suis l’un des derniers à quitter la plage, retournant encore dans ma tête les images de la chasse. Quelle que soit la profondeur des réflexions que vous consacrez à un tel évènement, quelle que soit l’ampleur de votre compréhension anthropologique, quel que soit votre goût pour cette nourriture ou votre désir de participer, vous venez de voir tuer un animal. Dans ces grands moments de sang, de souffle violent, d’eau battue, avec l’odeur âcre de la poudre et l’odeur fétide de corral d’un morse hissé hors de l’eau, vous vous êtes trouvé confronté à des interrogations complexes : Qu’est-ce qu’un animal ? Qu’est-ce que la mort ? Ces moments sont ahurissants, assourdissants, et sereins. La vue des hommes qui laissent retomber des morceaux de viande dans les eaux vert sombre en murmurant des bénédictions est aussi forte dans ma mémoire que celle de l’énorme animal surpris qui écarquille soudain les yeux.

 

Page 563 : Je pense avec compassion aux Esquimaux, comme on pense aux hibakusha - « les personnes affectées par l’explosion », qui continuent à souffrir des effets d’Hiroshima et de Nagasaki. Les Esquimaux sont piégés dans une lente et longue explosion. Tout ce qu’ils savent d’une bonne façon de vivre se désintègre. La voix ironique et sophistiquée de la civilisation affirme que leur perspicacité est triviale, mais elle ne l’est pas.

 

 

 

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Mon avis : Azincourt par temps de pluie – Jean Teulé

Publié le par Fanfan Do

Éditions Mialet-Barrault

 

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Quatrième de couverture :

Azincourt, un joli nom de village, le vague souvenir d'une bataille perdue.
Ce 25 octobre 1415, il pleut dru sur l'Artois. Quelques milliers de soldats anglais qui ne songent qu'à rentrer chez eux se retrouvent pris au piège par des Français en surnombre. Bottés, casqués, cuirassés, armés jusqu'aux dents, brandissant fièrement leurs étendards, tous les aristocrates de la cour de France se précipitent pour participer à la curée. Ils ont bien l'intention de se couvrir de gloire, dans la grande tradition de la chevalerie française.
Aucun n'en reviendra vivant. Toutes les armées du monde ont, un jour ou l'autre, pris la pâtée, mais pour un désastre de cette ampleur, un seul mot s'impose : grandiose !
Avec la verve qu'on lui connaît et son sens du détail qui tue, Jean Teulé nous raconte ces trois jours dantesques où, sous une pluie battante, des milliers d'hommes se sont massacrés dans un affrontement sanglant d'autant plus désastreux que cette bataille était parfaitement inutile.


 

 

Mon avis :
Jean Teulé n'avait pas son pareil pour nous narrer le passé, avec une verve et un humour qu'on ne trouve jamais dans les livres qui nous racontent l'Histoire de France. J'ai toujours beaucoup aimé ses talents de conteur, qui donne un côté anachronique à ses récits tant il se sert du langage actuel pour raconter le temps jadis.

Dans ce livre il revient sur un épisode du Moyen-âge, la bataille 
D'Azincourt en 1415, une aberration totale due à l'arrogance et à l'inconséquence de la noblesse française. du crétinisme à l'état pur qui a mené à une boucherie, à une victoire qui ne fut pas celle qui était prévue.

Trois chapitres, trois jours : avant, pendant et après la bataille.
On est alternativement avec les français pleins de leur confiance en la victoire, persuadés de se couvrir de gloire en écrasant les anglais dès le lendemain tellement ils sont supérieurs en nombre, et qui ripaillent tant et plus en attendant l'heure de la bataille alors que du côté anglais on attend dans la sobriété l'heure de mourir dans un combat sauvage et rapide, sûrs qu'ils ne reverront jamais leur Angleterre natale.

Côté français, la séance de montage des armures sur les chevaliers m'a sidérée. Mais comment arrivaient-ils à se mouvoir et à se battre avec quarante kilos de ferraille rivetée sur le corps ?? Et toujours l'humour de 
Jean Teulé, quand les chevaliers parlent "chiffon" en comparant leur cotte de maille.

Il nous démontre au fil des pages comment l'incroyable suffisance doublée d'une fatuité sans limite de la noblesse française les a amenés à la catastrophe.
Certains passages deviennent drôles tellement est pathétique un tel niveau d'ostentation qui mène à sa propre perte. On a envie de dire "Ah ben ils l'ont bien cherché ces cons !"

Les descriptions de la boucherie qui s'ensuit ont un côté risible à travers la plume de l'auteur qui sait si bien se moquer de la bêtise humaine.
Mais que le Moyen-âge était sanglant ! Quoique, les autres époques aussi, car l'homme est un loup pour l'homme... et je trouve vraiment cette expression injuste pour les loups.

Eh bien, mortecouille, j'ai passé un excellent moment de lecture, comme à chaque fois avec 
Jean Teulé !
Hélas, c'était son dernier livre, il n'y en aura plus d'autre.

 

Citations :

Page 20 : Suite à la victoire nous avons tué aussi les prostituées des Flamands ou des Liégeois… mais après leur avoir fait l’amour ! Eh, chevalerie tout de même !

 

Page 127 : Trop bloquée en ses immuables principes ancestraux, la fantastique chevalerie française paie cash sa vanité et son incapacité à s’adapter aux temps nouveaux.

 

Page 191 : D’autres villageois des environs viennent également en masse déshabiller les morts, glaner les chemises de drap ou en soie, tricots de peau, caleçons des punis à outrance pour leur outrecuidance, afin de les laisser nus.

 

 

 

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Mon avis : L’archiviste – Alexandra Koszelyk

Publié le par Fanfan Do

Éditions Aux Forges de Vulcain

 

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Quatrième de couverture :

K. est archiviste dans une ville détruite par la guerre, en Ukraine. Le jour, elle veille sur sa mère mourante. La nuit, elle veille sur les œuvres d'art que, lors de l'évacuation, on a entassées dans la bibliothèque dont elle a la charge. Un soir, elle reçoit la visite d'un des envahisseurs, qui lui demande d'aider les vainqueurs à détruire ce qu'il reste de son pays : ses romans, ses poèmes et ses chansons.
Il lui demande de falsifier les œuvres sur lesquelles elle doit veiller. En échange, sa famille aura la vie sauve. Commence alors un jeu de dupes entre le bourreau et sa victime, dont l'enjeu est l'espoir, espoir d'un peuple à survivre toujours, malgré la barbarie.


 

 

Mon avis :
Quelle étrange chose que de lire une histoire qui se situe dans une guerre se déroulant en ce moment même, à nos portes, en Europe… au XXIÈME siècle.

Je me suis laissé porter comme une plume dans le vent par ces lignes pleines de poésie qui étrangement, parlent avec une infinie beauté d'une chose aussi laide que la guerre et les destructions qu'elle charrie.

K est archiviste, amoureuse des arts et des lettres, de ce qui fait la mémoire de l'humanité et de son pays, l'Ukraine, qu'elle aime profondément.
Un jour un homme vient vers K. Il lui dit que les ukrainiens sont des rêveurs et qu'ils ont déjà perdu la guerre, que personne ne leur viendra en aide. Il sait qu'elle a caché des œuvres d'art afin de les protéger de l'envahisseur. C'était sa façon à elle de combattre, sa contribution à l'effort de guerre. Il exige d'elle qu'elle profane des œuvres existantes, qu'elle devienne une faussaire dans le but de servir la propagande russe, quelle participe activement à l'élimination de la culture ukrainienne. Comment lutter quand on n'est qu'une petite archiviste face à la Russie ? Face à un homme qui a de terribles moyens de rétorsion. L'impuissance dans toute son horreur, voilà face à quoi on se trouve et c'est glaçant.

À chaque œuvre que K doit dénaturer, elle se retrouve comme par enchantement au cœur même de sa création, dans un passé plus ou moins lointain, dans les méandres de l'histoire ukrainienne.
On suit, à travers ces événements, le chemin que tous les peuples opprimés ont subi, la négation de leur histoire, le sacrifice de leur identité par la destruction et l'interdiction de parler leur langue, de perpétuer leur culture. À vouloir falsifier le passé, l'ennemi pense duper le monde et s'absoudre de ses fautes en les faisant endosser à ses victimes.

J'ai traversé cette histoire comme dans une torpeur, quelque chose d'irréel et cotonneux, rempli de sons feutrés et de solitude. Les événements, qui semblent hors du temps car on avait entendu dire un jour "plus jamais ça", donnent un aspect fantomatique à ce qui ressemble à un mauvais rêve.

Encore une fois, à travers un roman, Alexandra Koszelyk célèbre ses origines ukrainiennes en nous racontant le pays de ses aïeux et nous emmène visiter l'histoire de l'art de ce pays ainsi que quelques-unes de ses tragédies.

 

Citations :

Page 11 : Le soldat envoya l’ourson dans les airs, l’autre le rattrapa du pied et se mit à jongler avec, d’un pied à l’autre. Les deux hommes étaient hilares, ils s’amusaient ainsi, sans honneur, d’un débris d’enfance.

 

Page 12 : Croire en l’avenir, et c’est tout l’enjeu d’une vie humaine, passe d’abord par la préservation du passé, face à une destruction imminente et sans visage.

 

Page 17 : L’écrit est ce chant silencieux qui conserve les productions de l’esprit au long des siècles : qu’est-ce qu’une langue, si ce n’est une musique au secours d’une idée, une harmonie et un rythme portés par les trouvailles de l’imaginaire ?

 

Page 72 : Pour avancer, il faut tenir entre ses mains la lampe de son passé. Sinon, aucun génie ne pourra en sortir.

 

Page 125 : Des hommes en arme étaient entrés sous le toit de paille d’une mazanka. Il aurait fallu partir vite, mais personne n’était en mesure d’imaginer que ça irait plus loin. Les hommes avaient attendu que ça hurle, que l’explication tourne mal, alors ils avaient sorti toute la famille, sauf les femmes et les filles. D’elles, on s’en arrangerait avec un autre genre d’appétit.

 

Page 165 : C’était l’artiste préférée de ma mère. Elle racontait souvent l’histoire de cette peintre : atteinte de poliomyélite quand elle était encore une enfant, Maria Primatchenko avait grandi en marge de la vie, dans l’ombre des jeunes filles qui jouaient à la marelle. Tandis que les autres étaient dans l’action, projetées vers un avenir qui se traçait sous leurs pas, sans la menace d’une épée au-dessus de l’échine, Maria, elle, avait reçu cette épée, cohabitait avec ses piques et les souffrances qu’elle provoque. La maladie lui avait appris l’immobilité et l’attente de ce qui ne vient pas.

 

 

 

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Mon avis : Erectus Tome 3 – Le dernier hiver – Xavier Müller

Publié le par Fanfan Do

XO Éditions

 

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Quatrième de couverture :

Et si le passé, le présent et le futur n'étaient qu'illusion ?
Vous êtes là, deux amoureux à admirer l'extraordinaire météorite qui illumine le ciel, lançant autour d'elle des pépites dorées. Puis la personne que vous aimez, tout à coup, s'endort. Et quand elle se réveille, elle n'est plus la même. Elle vous considère comme son ennemi. Pire : comme sa proie !
Paris, Rome, New York, Tahiti... le cataclysme foudroie la planète, inversant le temps, remontant aux origines, effaçant l'évolution. C'est la superrégression. Un cauchemar. Et le spectre du dernier hiver pour l'humanité.
Seul espoir : un ADN hors norme repéré par une équipe de scientifiques. Petit problème : il se trouve dans le corps d'un enfant de dix ans né au XIVe siècle...
Pour Anna Meunier, la paléontologue, et Wuan, son conjoint transformé en erectus, le temps est venu d'enfreindre un puissant tabou : celui qui sépare les vivants des morts et interdit de modifier le passé.


 

 

Mon avis :
Troisième et dernier opus pour cette histoire qui m'a passionnée.
De nouvelles étrangetés apparaissent en plus du virus qui a fait régresser le monde, tout aussi effrayantes quant aux conséquences qu'elles pourraient avoir alors qu'à priori cela ne semble pas si terrible. Pourtant, l'histoire prend un virage impensable et terrifiant.

Nouveau tournant pour cette épidémie, nouveaux territoires de recherches, genre pas ici et pas maintenant. J'ai autant été emportée dans ce tome que dans les précédents. Une angoisse sourde m'a accompagnée avec plein d'interrogations comme qui est qui et qui fait quoi, à qui peut-on se fier et de qui doit-on se méfier comme de la peste, et que va devenir l'humanité ?

L'auteur a su se renouveler et ce troisième tome se dévore autant que les deux précédents. Il nous embarque dans un imaginaire encore plus fou avec quelque chose qui ressemble à un mélange des genres… de SF. Mais motus ! Pas de spoil ! Non non non je ne dirai rien !
Et puis bien sûr je suis encore pas mal allée sur internet voir à quoi ressemblaient les éléments scientifiques énumérés, comme par exemple l'hélicoprion ou encore le tubercule de Darwin et tant d'autres choses encore et j'ai appris, un peu, sur l'immensité du passé de la Terre et de ce qui la peuplait.

Avec ce roman on apprend beaucoup sur nos ancêtres très lointains et sur notre évolution. C'est fascinant. C'est palpitant, rythmé, foisonnant. 
Xavier Müller a encore une fois réussi à m'emmener dans la nuit des temps et au delà, dans une tension qui ne faiblit pas tout au long du récit car le suspense est là jusqu'à la toute fin.

 

Citations :

Page 45 : Juan Pablo Sanchez – c’était son nom – semblait défier le temps. Seules quelques rides creusaient son visage et de rares fils argentés étincelaient dans ses cheveux. Hormis ces signes de vieillesse, il pétait une forme déconcertante à 125 ans.

 

Page 51 : Le darkweb s’était mué en un supermarché du gène, cupide et cynique, sans égard pour les malades.

 

Page 120 : Il s’était toujours méfié de la générosité des personnes puissantes. Un jour ou l’autre, elles vous présentaient la note.

 

Page 163 : Tout à coup, Anna voulut faire demi-tour. Il y avait quelque chose d’obscène à débarquer dans cette époque soumise à des règles absurdes et… moyenâgeuses.

 

 

 

 

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Mon avis : Les Futurs de Liu Cixin – La Terre transpercée – Wu Qingsong

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Nicolas Giovanetti

 

Éditions Delcourt

 

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Quatrième de couverture :

Un physicien est tiré de force d'un sommeil cryogénique par un tribunal populaire qui le condamne à mort ! Stupéfait, Shen Huabei enfile combinaison et scaphandre, comme ses ravisseurs le lui intiment, et saute dans le vide d'un gouffre souterrain. Durant son interminable chute, ses juges instruisent le procès et lui révèlent l'ampleur de la catastrophe qui met également son fils en cause...


 

 

Mon avis :
Grâce à Babelio Masse Critique Privilégiée j'ai eu la chance de lire cette BD, alors que je connaissais 
Liu Cixin pour avoir lu sa trilogie le problème à trois corps plus d'un an avant et que j'avais aimé, bien que ça fasse surchauffer les neurones.

Une BD inspirée d'une nouvelle de Liu Cixin, mais quel bonheur !

C'est un voyage au centre de la Terre auquel nous sommes conviés, avec une expérience qui, 39 ans plus tôt, a abouti à la découverte d'un nouveau matériaux plus dur que tout ce qui existe et qui doit soi-disant révolutionner la vie sur Terre.

Des scientifiques sont en passe de réaliser le projet "Jardin Antarctique" qui doit exalter les rêves et les désirs de l'humanité. Comme souvent, les projets mégalo partent d'un sentiment humaniste, pour déraper par la suite dans quelque chose d'effroyable, un cauchemar pour les humains. Shen Huabei était à l'origine de ce projet fou par sa découverte d'un matériau d'une solidité à toute épreuve. Sorti d'un sommeil cryogénique après plusieurs années, il découvre qu'il n'est pas considéré comme LE bienfaiteur de l'humanité, bien au contraire et qu'il va être jugé et savoir par la même occasion ce qui est arrivé de si terrible pendant son hibernation, dont il est responsable à priori.

Il y a des moments assez vertigineux dans cette histoire, qui moi, m'ont fait froid dans le dos. Tout est propice à cela, le thème traité et les graphismes. C'est une plongée totale dans ce futur.

Ce que cette histoire dit de nous est totalement glaçant car tristement perspicace.

Alors, j'ai beaucoup aimé, énormément même, autant l'histoire que les graphismes, il y a même un triptyque avec une page qui se déplie et j'ai trouvé ça vraiment sympa… Mais pourquoi, alors que la nouvelle originale a été écrite par un chinois, que la bd est réalisée par un chinois et que l'action se passe en Chine, les personnages ont-ils tous des têtes d'occidentaux ? J'avoue que, même si ce n'est pas nouveau, ça continue de me surprendre.

Par ailleurs les allers-retours entre le passé et le présent requièrent de la concentration pour ne pas perdre pied, ainsi que les noms chinois, entre le père, le fils, la fille…

Arrivée au bout, avec cette fin qui ma désarçonnée, quand j'ai refermé ce livre, je me suis sentie oppressée. Mais au fond, je crois que c'est l'espèce humaine qui me fait ça. Je nous trouve tellement inquiétants et dangereux.

Et donc je pense que la fin de l'histoire nous parlera différemment selon qu'on croie en l'humanité ou pas plus que ça. Certains y verront peut-être de l'optimisme, d'autres comme moi auront les cheveux dressés sur la tête.

En tout cas, ça m'a furieusement donné envie de me replonger dans la science-fiction tous azimuts ! Et surtout de découvrir les nouvelles de Liu Cixin !!!

 

 

Citations :

Page 6 : La boule de feu d’une bombe atomique ressemble à un bébé enterré, qui hurle et pleure, pour qu’on le laisse sortir. Il a creusé ce gouffre en battant des pieds de toutes ses forces… C’est vraiment fascinant !

 

Page 75 : L’humanité nageait béatement dans l’illusion d’être entrée dans une nouvelle ère.

 

 

 

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Mon avis : Les lutteurs immobiles – Serge Brussolo

Publié le par Fanfan Do

Éditions Denoël – Présence du futur

 

Mon avis sur Insta c'est ici

 

Quatrième de couverture :

Halte au scandale du gaspillage ! Désormais la Société Protectrice des Objets veille... Que diriez-vous d'être couplé à une tasse de façon que la moindre fêlure de la porcelaine se répercute sur votre propre squelette en une superbe fracture ouverte ? Imaginez le cauchemar, imaginez d'autres associations/répercussions, avec des vêtements, des disques, une maison... Attaque en règle de la société de consommation ou fable ambiguë, Les Lutteurs immobiles est une réussite de plus à porter au crédit de Serge Brussolo.


 

 

Mon avis :
Rooooo ! Un roman qui fustige le gaspillage, l'hyperconsumérisme, la "poubelisation" de la planète par négligence ou (et) futilité, mais qu'elle joie pour moi ! J'adore les solutions proposées, certes un peu radicales, mais puisque personne ne veut comprendre…

La planète étouffe sous les déchets, donc on n'a plus le droit de jeter quoi que ce soit tant que les objets sont utilisables. Ils ont d'ailleurs une durée de vie minimum obligatoire en deçà de laquelle on risque la prison ou l'obligation d'effectuer des travaux gratuits le week-end. Il y a des capteurs dans tout, de la tasse ou du couteau jusqu'aux vêtements, pour contrôler le gaspillage et exercer une répression terrible sur le peuple, générant une angoisse et un mal-être profond.

Le passé que décrit Serge Brussolo dans son roman, c'est notre société actuelle, celle du jetable, de l'éphémère, du gaspillage.

Mais dans ce monde futuriste répressif, chacun est obsédé par ses objets et la terreur de les abîmer au risque de voir débarquer instantanément les vigiles de la Société Protectrice des Objets. C'est un monde sans plaisirs ni joies. En revanche les décharges sont quasiment vides.

Bien évidemment dans ce genre de société il existe toujours des rebelles refusant de vivre à genoux qui ont tôt fait de passer dans la clandestinité pour échapper à la dictature et retrouver des valeurs saines.

Mais avec des idées tordues et une technologie de pointe, on peut faire bien pire comme sanction que la prison ou les travaux gratuits…

J'ai adoré cette fable sur notre façon de gérer le progrès, de manière totalement irresponsable et égoïste et la manière effroyable de régler ça des dirigeants. Cette histoire m'a embarquée immédiatement, j'ai dévoré ce livre (pas comme une vilaine souris Hi Hi) sans pouvoir ni vouloir m'arrêter.

C'était mon premier Brussolo, mais d'autres suivront !

 

Citations :

Page 25 : Dans un monde régi par la SPO, les enfants représentaient une menace constante pour leurs parents. « tout enfant est un vandale en puissance ! Répétaient souvent les psychologues d’État. Il appartient au cadre familiale de corriger ce travers. Ce n’est que dans cette optique de rigueur que nous pourrons bâtir une société nouvelle tournant résolument le dos au gâchis. »

 

Page 30 : Le travail obligatoire non rémunéré avait peu à peu remplacé le système des amendes jugé « sans valeur pédagogique ». On payait et on oubliait aussitôt !

 

Page 141 : Les sanctuaires de l’ustensile seront détruits ! Nous raserons les lieux de l’accumulation, nous ferons renaître les temps du dénuement salvateur !

 

 

 

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