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Mon avis : L'enfant de la prochaine aurore – Louise Erdrich

Publié le par Fanfan Do

Éditions Albin Michel -Terres d'Amérique

Traduit par Isabelle Reinharez

 

 

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Quatrième de couverture :

 

Notre monde touche à sa fin. Dans le sillage d'une apocalypse biologique, l'évolution des espèces s'est brutalement arrêtée, et les États-Unis sont désormais sous la coupe d'un gouvernement religieux et totalitaire qui impose aux femmes enceintes de se signaler. C'est dans ce contexte que Cedar Hawk Songmaker, une jeune Indienne adoptée à la naissance par un couple de Blancs de Minneapolis, apprend qu'elle attend un enfant. Déterminée à protéger son bébé coûte que coûte, elle se lance dans une fuite éperdue, espérant trouver un lieu sûr où se réfugier. Se sachant menacée, elle se lance dans une fuite éperdue, déterminée à protéger son bébé coûte que coûte.

Renouvelant de manière saisissante  l'univers de l'auteure de LaRose et Dans le silence du vent, le nouveau roman de Louise Erdrich nous entraîne bien au-delà de la fiction, dans un futur effrayant où les notions de liberté et de procréation sont des armes politiques. En écho à La Servante écarlate de Margaret Atwood, ce récit aux allures de fable orwellienne nous rappelle la puissance de l'imagination, clé d'interprétation d'un réel qui nous dépasse.

 

 

 

 

Pourquoi j'ai voulu lire ce livre :

 

J'ai plusieurs romans de Louise Erdrich, que je n'ai pas encore lus.

Je n'ai pas résisté à l'envie de tenter ma chance de gagner son tout dernier roman par tirage au sort lors d'un nouveau partenariat organisé par Léa TouchBook au sein du Picabo River Book Club sur Facebook avec les éditions Albin Michel – Terres d'Amérique.

Je les remercie de m'avoir permis de recevoir ce livre.

 

 

 

Mon avis :

 


On est dans l'ambiance dès les premières pages, avec un danger invisible, dont on ignore tout au début ; virus, bactérie, mutation ? En tout cas l'humanité est en danger. Il semblerait que les humains à venir aient une particularité. Pas que les humains d'ailleurs, mais tout ce qui naît et doit naître...

Cedar, la narratrice, jeune femme indienne adoptée par des blancs, s'adresse à l'enfant qu'elle attend via un journal intime, et nous entraîne par la même occasion dans ses pensées existentielles autant que dans les événements qui se profilent. Elle part à la rencontre de sa mère biologique et de son peuple d'origine, dans ce monde qui s'effondre.
Les personnages sont immédiatement attachants et intrigants. On a envie de les découvrir, de faire leur connaissance.

J'ai trouvé quelques longueurs, notamment quand Cedar entre dans de longues réflexions métaphysico-religieuses en relation avec le mystère de la vie qui se développe en elle. Le côté extrêmement introspectif et trop porté sur la foi, à mon goût, m'a paru long.
Par ailleurs j'ai toujours un pincement au cœur quand je lis que les amérindiens se sont convertis au christianisme, eux qui étaient les enfants de la nature, des forêts, du vent et vénéraient le Grand Esprit. Pourquoi ont-ils pris la religion des envahisseurs, des spoliateurs, de ceux qui ont détruit leur mode de vie et asservi leur peuple ?
Car Cedar qui a beaucoup fantasmé sur sa famille et ses origines ojibwées est néanmoins une chrétienne très pieuse.

Étrange histoire qui nous laisse languir dans l'ignorance de la catastrophe qui s'ébauche. On découvre au compte-gouttes les tenants et aboutissants du désastre inéluctable qui est en train de se produire et l'angoisse monte crescendo. On ignore jusqu'à la fin quel est réellement le problème concernant les bébés à naître et pourquoi les femmes enceintes sont traquées.
C'est un monde triste et déprimant qui est décrit là.

L'hypothèse selon laquelle ce serait les femmes qui paieraient le plus lourd tribut en cas de catastrophe écologique remettant en cause la pérennité de l'espèce humaine est très vraisemblable.

On prend conscience de la beauté de la vie et de sa fragilité quand tout est sur le point de disparaître, quand le monde tel qu'on le connaît est sur le point de changer irrémédiablement.
Ce roman m'est apparu comme une fuite en avant dans un monde devenu cauchemardesque, et le plus terrible c'est de penser que l'humanité est responsable de ça.




 

 

Citations :

 

Page 60 : C'est étrange de l'observer et de penser qu'elle a peut-être vécu l'épanouissement final de la culture et de la pensée humaines. Elle est perchée au sommet de la pyramide, Grand-mère Virginia : une gargouille minuscule, aux traits tirés, qui bat un paquet de cartes.

 

Page 75 : Il n'y a nulle part, tandis que je pianote sur tous les boutons de la télécommande, quelqu'un qui ait la peau foncée. Ni dans les films, ni dans les sitcoms, ni sur les chaînes de téléachat, ni sur les dizaines de chaînes évangéliques.

Quelque chose a fait irruption dans la vie telle qu'elle était avant. Tout a changé pendant que je ne regardais pas, changé sans un mot ni même un avertissement.

 

Page 81 : Tu es à mi-chemin entre le quatrième et le cinquième mois. Tu as traversé l'ère des miracles. Tu es passé de têtard à vaguement humanoïde et tu as perdu ta queue d'embryon. Tu as absorbé la palmature reliant tes orteils et tes doigts et développé des paupières, des oreilles, un squelette minuscule. Acquis un cerveau générant deux cent cinquante mille neurones par minute. Tu peux déjà loucher, froncer les sourcils, sourire, avoir le hoquet.

 

Page 161 : Je ferme ensuite les yeux et j'écoute le grondement et le fracas du monde qui passe en trombe. Nous aussi nous passons en trombe. Le vent cinglant nous double. Nous sommes si brefs. Un pissenlit d'un jour. L'enveloppe d'une graine ricochant sur la glace. Nous sommes un plume tombant de l'aile d'un oiseau. Je ne sais pas pourquoi il nous est donné d'être tellement mortels et d'éprouver tant de sentiments. C'est une blague cruelle, et magnifique.

 

 

 

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Mon avis : Ta mort à moi - David Goudreault

Publié le par Fanfan Do

Éditions Philippe Rey

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Quatrième de couverture :

 

Poète culte, Marie-Maude Pranesh-Lopez est une énigme, tant pour ses adorateurs que pour ses détracteurs. Pourquoi n’a-t-elle laissé qu’un unique recueil devenu best-seller partout dans le monde ? Et pourquoi sa biographie contient-elle tant de zones d’ombre ?

Fille ingrate, mère indigne, amoureuse revêche, trafiquante d’armes, mais aussi altruiste qui accueille les marginaux du Québec, Marie-Maude semble avant tout être en sempiternelle fuite, rongée de l’intérieur par un « trou blanc ». Mue par des passions féroces et une soif d’aimer, elle mène « une vie de funambule unijambiste progressant sur un fil barbelé », selon son biographe.

Dans ce roman polyphonique aux multiples rebondissements, David Goudreault entraîne le lecteur au cœur du mystère d’une femme. De son écriture forte, drôle et d’une constante tendresse pour ses personnages, il sème des textes épars, brillante constellation qui prendra son sens dans les dernières pages, révélant alors une bouleversante vérité.

 

«Enfant déjà, Marie-Maude souffrait d'une inextinguible soif d'absolu, une urgence d'enluminer la routine pour rendre le quotidien supportable. Le monde étant ce qu'il est, elle ne pouvait trouver l'extraordinaire qu'en elle-même. De feu de paille en feu de paille, à chercher des incendies, elle a tout enflammé autour d'elle. »

 

 

Pourquoi j'ai voulu lire ce livre :

 

En fait, ce livre est pour moi une sorte de baptême de David Goudreault. Dès que j'ai connu l'existence de sa Trilogie « La Bête », j'ai eu envie de la lire. Malheureusement le tome 3 n'étant pas encore sorti en France, il faut que je patiente, ce que j'ai fais en lisant ce roman.

 

 

 

Mon avis :

 

J'ai su dès les premières pages que j'avais affaire à un genre d'OVNI. En même temps c'est pour ça que je le voulais.

Marie-Maude vient au monde avec un frère jumeau, Victor-Hugo. Étrange de se prénommer Victor-Hugo !? Ah mais c'est que Dolores, leur mère, est totalement amoureuse de la langue française, elle s'y voue corps et âme.

On apprend rapidement que Marie-Maude est laide, égocentrique et fonctionne de façon totalement atypique. Elle est aussi extrêmement intelligente.

J'ai aimé cette drôle d'histoire durant laquelle j'avais l'impression d'entendre la voix du narrateur me conter l'étrange parcours de Marie-Maude, observée comme à travers un microscope, comme s'il s'agissait d'une étrange bestiole, presque étudiée sous le prisme d'une analyse scientifique.
La façon dont c'est raconté m'évoque le compte-rendu de l'étude d'un spécimen déconcertant, énigmatique et jamais vu.

On suit donc Marie-Maude et Victor-Hugo son frère jumeau, enfant souffreteux et sans intérêt selon elle. Les parents, Abhijat l'autosatisfait narcissique et Dolorès la douloureuse qui porte si bien son nom, couple en perdition, qui ont oublié de continuer à s'aimer.
Et elle grandit au sein de cette famille dysfonctionnelle avec une grande indifférence pour tout ce qui les concerne.

Marie-Maude n'a pas de sentiments, c'est l'impression qu'elle donne, d'être incapable d'aimer.

La chronologie décousue m'a beaucoup déroutée, l'histoire va d'avant en arrière sans vraiment que ça soit clair, je m'y suis un peu perdue.
Évidemment c'est voulu, mais pourquoi ?.. peut-être parce que la vie de Marie-Maude est elle-même décousue.
Néanmoins j'ai adoré l'état d'esprit ironique et séditieux qui règne tout le long de cette lecture.

À la toute fin, que j'ai trouvé bouleversante et déroutante, j'ai eu l'impression d'avoir fait une course de fond à travers la vie de Marie-Maude, du Québec au Laos. Je l'ai ressentie comme une étrange expérience.


 

 

Citations :

 

Page 15 : Le souffreteux de Nietzsche s'acharnait à répéter que tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort ; quelle connerie ! Ce qui ne nous tue pas nous estropie, nous traumatise ou nous humilie.

 

Page 19 : Dolorès envisageait leur avenir sans amour ni rupture ; statistiquement parlant, on recense davantage de gens en couple qu'on ne dénombre de personnes amoureuses.

 

Page 42 : Marie-Maude ne ressemblait à personne, et personne ne désirait s'y reconnaître.

 

Page 47 : Par définition, les génies sont rares, mais les maladies mentales sont communes, et les génies atteints de maladies mentales sont légion : Vincent Van Gogh, Rosalind Franklin et Edgar Allan Poe en sont des exemples éloquents.

 

Page 59 : Les yeux secs comme des marqueurs sans bouchons, les enfants goûtaient davantage le plaisir de la délation que celui de la justice. L'ordre du monde repose sur de petites choses, de toutes petites choses.

 

Page 77 : Le psychologue de l'école m'a encore fait passer des tests cette semaine. Il dit que je suis très intelligente. Moi je dis qu'il est très con. Si j'étais intelligente, je trouverais le moyen d'avoir ce que je veux. Je l'ai jamais ce que je veux !

 

Page 119 : Le risque d'avoir plusieurs enfants, c'est l'impossibilité de se suicider lorsqu'on en perd un. Faut ravaler, se relever, élever les autres.

 

Page 162 : Chaque soir, elle part faire des tours de voiture. Elle fait une Toyota-thérapie. Elle va encore à l'église, mais elle va surtout à l'autoroute.

 

Page 166 : Qu'est-ce qui se cache derrière la beauté, sinon un peu de viande sur un crâne ?

 

Page 187 : Ma mère dit que je devrais prier. Pour une atrophiée de la fantaisie, elle accorde beaucoup de crédit à l'incroyable mystère de la foi. De toute façon, on a davantage supprimé de vies au nom de Jésus qu'il a pu en sauver de son vivant.

 

Page 213 : On ignore le nombre d'assassins en état de stress post-traumatique au sein du crime organisé. Trop peu de données permettent d'étayer une réalité clinique incontestable. Kawaii avait tué une seule fois, une fois de trop.

 

 

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Mon avis : La laveuse de mort - Sara Omar

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Macha Dathi – Éditions Actes Sud

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Quatrième de couverture :

 

Kurdistan, 1986. Lorsque la frêle Frmesk vient au monde, elle n'est pas la bienvenue aux yeux de son père. Ce n'est qu'une fille. De plus, son crâne chauve de nourrisson porte une petite tache de cheveux blancs. Est-ce un signe d'Allah ? Est-elle bénie ou maudite ?
La mère de Frmesk craint pour la vie de sa fille. Quand son mari menace de l'enterrer vivante, elle ne voit d'autre solution que de la confier à ses propres parents.
Gawhar, la grand-mère maternelle de Frmesk, est laveuse de mort. Elle s'occupe du corps des femmes que personne ne réclame, ne veut toucher ni enterrer : des femmes assassinées dans le déshonneur et la honte. Son grand-père est un colonel à la retraite qui, contrairement à sa femme, ne lit pas uniquement le Coran mais possède une riche bibliothèque. Ce foyer bienveillant ne parviendra qu'un temps à protéger Frmesk des inexorables menaces physiques et psychologiques qui se resserrent sur elle, dans un pays frappé parla guerre, le génocide et la haine.

La Laveuse de mort est un roman violent sur la vie d'une enfant — puis d'une jeune femme — exposée à l'extrême.

 

 

 

Pourquoi j'ai voulu lire ce livre :

 

J'ai reçu ce livre à Noël, tout simplement.

 

 

 

Mon avis :

 

C'est un roman qui commence très fort, avec une scène totalement abominable et révoltante.

Il semble qu'il soit grandement autobiographique car Frmesk et Sara Omar sont nées toutes les deux le 21 août 1986 au Kurdistan, toutes les deux ont une mèche de cheveux blancs.

Dès les premières pages, une phrase de La Fontaine m'est venue à l'esprit : Selon que vous serez puissant ou misérable... sauf que là ça devient Selon que vous serez homme ou femme... et c'est là tout le problème. Il est des endroits du monde où il n'est pas bon de naître fille.
Je me demande souvent pourquoi les hommes détestent les femmes à tant d'endroits sur terre. Pourquoi ne veulent-ils pas partager ? Ils prennent tout le bon et laissent tout le mauvais aux femmes jusqu'à s'arroger le droit de vie et de mort sur elles.

Frmesk vient au monde en 1986 dans un village paumé du Kurdistan, un endroit du monde qui pue la haine et l'obscurantisme, où religion et superstition atteignent un paroxysme, où la condition des femmes confine au calvaire. Hélas pour Frmesk, elle n'est qu'une fille, c'est à dire rien.
Les femmes vivent dans une peur permanente des hommes tout-puissants et des démons mais aussi du vent et des tempêtes, de tout ce qu'elles interprètent comme des signes maléfiques. Elle prient en groupe pour tenter de faire barrage aux Djinns qui pourraient tenter de s'emparer des âmes des plus fragiles.

Encore une œuvre extrêmement forte sur la condition féminine, sur le patriarcat toxique, quand la religion est utilisée contre la moitié de l'humanité pour l'asservir et la mépriser.
C'est une histoire révoltante, où l'on se dit que l'autrice est en colère contre l'interprétation arriérée qui est faite du Coran... quoique, à l'énumération de certains versets, certaines sourates, il semble que la croyance prédomine sur la vie humaine, sur le respect de la femme. La religion est en tout cas omniprésente dans tous les instants de la vie, jusqu'à l'oppression.

Ce roman, qui se déroule sur deux époques et deux lieux - 1986 et 2016, Kurdistan et Danemark - est un coup de poing dans la gueule ! Il m'a révoltée, désespérée et fait détester particulièrement ces femmes, ces collabos , qui d'ailleurs se renient elles-mêmes et trahissent leurs filles en prenant fait et cause pour cette injustice instaurée par les hommes, qui considèrent que les femmes sont inférieures et sont leur propriété et que la naissance d'une fille est une malédiction. Ça m'a fait évidemment détester ces hommes qui méprisent les femmes, leurs femmes, et sont incapables d'aimer leurs filles parce qu'elles sont des filles, au point de pouvoir les mutiler pour sauver l'honneur (mais quel honneur, on se demande ‼) et même de les tuer, sans le moindre état d'âme.
J'ai eu une infinie compassion pour toutes ces femmes qui subissent le joug des hommes, sans possibilité de se révolter au risque de mourir, car celles qui n'adhèrent pas à ces idées de suprématie masculine mais n'ont pas d'autre choix que de se soumettre .

Et cette douleur d'être femme se passe en partie en pleine guerre au Kurdistan. Comme si l'horreur devait s'ajouter à l'abomination.

Bien qu'extrêmement dur, ce récit n'est pas manichéen pour autant. Il nous montre à quel point un mauvais usage de la religion peut amener à énormément de souffrances, mais il y a aussi des personnages tolérants, ouverts et bons. Notamment Darwésh le grand-père, esprit libre et érudit, et Muhammad, oncle de Frmesk et imam bienveillant, quoique ça reste à voir...

Je vais avoir du mal à me remettre de cette lecture où le malheur et l'injustice transpirent, où aucune mère ne peut plus rien pour sa fille sitôt qu'elle est mariée. J'ai souffert à l'énumération de ces violences faites aux femmes, moi qui ai grandi quand mes "grandes sœurs" du MLF se battait pour nos droits. Il y a tellement à faire que j'ai l'impression que le combat des femmes c'est le rocher de Sisyphe... ça ne finira jamais.

 



 

 

Citations :

 

Page 37 : Bahra n'avait pas complètement tort, car Askol avait elle-même une maison pleine d'hommes au ventre vide qui attendaient d'être nourris avant le lever du jour.

 

Page 41 : Rubar explosa. Baignant dans un épais nuage de larmes, de morve et de salive, elle sentit alors l'enfant s'extirper de son ventre dans les ultimes convulsions du miracle de la création.

 

Page 52 : - Oui, c'est comme si la Turquie avait fait deux pas en arrière depuis que l'islam a gagné en influence. En tout cas, c'est devenu difficile d'être un opposant politique, un homosexuel ou une femme dans ce pays, dit Frmesk.

 

Page 53 : Le Coran autorise les hommes à traiter les femmes comme bon leur semble. Et que pensez-vous du verset 223 de la deuxième sourate ? Vos épouses sont un champ de labour pour vous, alors allez à votre champ comme vous le souhaitez. On légalise ainsi la violence et le viol.

 

Page 96 : - La religion est bien trop souvent utilisée pour instaurer la peur, mais si nous devons redouter notre Dieu, comment pouvons-nous en même temps L'aimer ?

 

Page 189 : -Mécréant, ce n'est qu'un mot employé par ceux qui craignent les autres religions plus qu'ils n'ont foi en la leur, dit Darwésh.

 

Page 217 : - Dans un autre monde, on pourrait peut-être toutes sortir dans la rue avec les cheveux détachés et le ventre à l'air, mais pas ici. Non, plus une fille est couverte, plus elle a de chances de survivre.

 

Page 234 : - Ils sont en train de s'acharner sur le cadavre d'une femme, cria l'inconnue. - Ses yeux bruns clignèrent. - Elle vient d'être jetée d'une voiture à l'instant. Elle a reçu une balle et n'a plus de mains. Elle a dû déshonorer sa famille. Maintenant, elle a ce qu'elle mérite.

 

Page 288 : Elle lança un regard accusateur vers le ciel et cracha presque sur son Dieu, tant elle était en colère : - Yâ Allâh. Pourquoi laisses-Tu la mort pleuvoir sur nos femmes ? La guerre, l'oppression et la dévastation ne suffisent-elles pas ?

 

Page 306 : Plusieurs fois, elle s'était fait la réflexion que ce devait justement être cela, la plus grande faiblesse de l'homme. De croire aveuglément et de placer toute sa confiance en une puissance supérieure qui, au lieu d'améliorer les choses, ne faisait que les aggraver.

 

 

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Mon avis : Betty - Tiffany McDaniel

Publié le par Fanfan Do

Editions Gallmeister - Traduit par François Happe

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Quatrième de couverture :

 

"Ce livre est à la fois une danse, un chant et un éclat de lune, mais par-dessus tout, l’histoire qu’il raconte est, et restera à jamais, celle de la Petite Indienne."

La Petite Indienne, c’est Betty Carpenter, née dans une baignoire, sixième de huit enfants. Sa famille vit en marge de la société car, si sa mère est blanche, son père est cherokee. Lorsque les Carpenter s’installent dans la petite ville de Breathed, après des années d’errance, le paysage luxuriant de l’Ohio semble leur apporter la paix. Avec ses frères et sœurs, Betty grandit bercée par la magie immémoriale des histoires de son père. Mais les plus noirs secrets de la famille se dévoilent peu à peu. Pour affronter le monde des adultes, Betty puise son courage dans l’écriture : elle confie sa douleur à des pages qu’elle enfouit sous terre au fil des années. Pour qu’un jour, toutes ces histoires n’en forment plus qu’une, qu’elle pourra enfin révéler.

Betty raconte les mystères de l’enfance et la perte de l’innocence. À travers la voix de sa jeune narratrice, Tiffany McDaniel chante le pouvoir réparateur des mots et donne naissance à une héroïne universelle.

 

 

 

Pourquoi j'ai voulu lire ce livre :

 

Depuis sa sortie ce livre me faisait envie. Les thèmes tels que le racisme, le statut des femmes, le statut des indiens d'Amérique, tout dans ce livre me disait que j'avais une furieuse envie de le lire. Par chance, je l'ai reçu dans mon colis lors du swap organisé par le groupe facebook À l'assaut des pavés.

 

 

 

Mon avis :

 

Dès les prémices de cette histoire, Landon, le cherokee, paraît rayonner d'un feu intérieur, son indianité transpire de tous les pores de sa peau. Il semble former un grand tout avec l'univers. D'ailleurs il n'est pas simplement bon, il est la bonté même et a su préserver l'enfant en lui. Alka est dans l'ombre, insignifiante.

Il est rayonnant, elle est maussade.

Lui est un papa plein de poésie et de sagesse, un papa-poule, un guide.

Elle est une mère aigrie, blessante et bipolaire, qui vit avec ses démons.

 

Je suis passée par des moments d'intensité extrême en lisant l'histoire de la petite indienne comme l'appelle son père, des moments de colère mais aussi d'émotions très fortes.

Il y a de la laideur et de la beauté dans cette histoire.

La laideur du racisme et de ces américains qui traitent de voleurs ces natifs à qui ils ont volé la terre.

La laideur de certains hommes aussi et de cette société.

La beauté des sentiments, de ce père cherokee qui vit en harmonie avec la nature et l'apprend à ses enfants.

La beauté de l'amour qui uni Betty et son père.

 

Betty, née comme sa nombreuse fratrie de ce couple mixte, est pourtant la seule qui ressemble à une indienne, donc la seule qui souffrira du racisme.

Malgré les difficultés de la vie souvent, Betty a plein de poésie nichée dans son cœur, une imagination sans limites, des pensées tellement romanesques et des envolées lyriques.

J'ai été subjuguée par sa façon d'appréhender toute chose.

 

À travers l'histoire et les personnages on subodore les tragédies passées et présentes.

 

Ce roman raconte beaucoup de la société, notamment sur les rapports homme-femme et des abus de pouvoir ancestraux où la masculinité toxique était la règle, du regard collectif intrusif, du jugement général inadmissible, de la bêtise humaine et de sa méchanceté, de toutes ces choses qui perdurent malheureusement.

Ça dépeint la fureur des hommes et de la société en général envers les femmes, celle aussi des blancs envers tous ceux qui sont moins blancs.

Et au milieu de tout ça, Landon, touché par la grâce de n'être pas ce type d'homme à la virilité dominatrice parce qu'issu d'un peuple matriarcal, qui offre beaucoup de sa générosité et de sa grandeur d'âme à ses enfants pour les amener à l'âge adulte.

 

Du début à la fin j'ai été embarquée dans cette épopée familiale qui va de 1909 à 1973, ode à la fratrie et tellement à l'amour sororal, et qui par certains aspects m'a rappelé Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, bien que ça se passe à une époque plus proche de nous, et qui traite de sujets intemporels comme le racisme, l'homosexualité, l'inceste, le viol, le patriarcat abusif... mais aussi l'imaginaire et l'insouciance de l'enfance.

Ce livre que je voulais tant depuis sa sortie a été un coup de cœur absolu.

Il est de ces romans dont les personnages continuent de vous accompagner longtemps après l'avoir refermé.



 

 

Citations :

 

Page 17 : Mon cœur est en verre et, tu vois, Betty, si jamais je devais te perdre, il se briserait et la douleur serait si forte que l'éternité ne suffirait pas pour l'apaiser.

 

Page 26 : Avant le christianisme, les Cherokees étaient fiers de leur société matriarcale et matrilinéaire. Les femmes étaient à la tête de la famille, mais le christianisme a donné aux hommes un rôle prédominant. À la suite de ce bouleversement, les femmes ont été écartées de la terre qu'elles avaient possédée et cultivée. On leur a donné un tablier et on leur a signifié que leur place était à la cuisine. Aux hommes, qui avaient toujours été des chasseurs, on a dit qu'ils devaient maintenant travailler dans les champs.

 

Page 83 : Avec le temps, j'allais apprendre que, quelque part entre le paradis et l'enfer, Breathed était une parcelle de terre nichée au cœur d'une douleur lancinante, où les lézards se faisaient écraser sous les roues et où, quand les gens parlaient, on croyait entendre le tonnerre racler le tonnerre.

 

Page 112 : Pour les Cherokees, nous racontait-il, la terre est personnifiée au féminin.

 

Page 146 : La poussière se glisse dans ses oreilles et elle fait du vacarme dans sa tête. C'est une vacarme qu'on ne peut pas comprendre parce qu'on n'a pas à le supporter comme lui.

 

Page 299 : - Dieu nous hait.

- Nous, les Carpenter ?

- Nous, les femmes.

Elle a appliqué du rouge sur mes lèvres, se servant de son petit doigt pour l'égaliser dans les coins en poursuivant : - Dieu nous a créées à partir de la côte d'un homme. C'est notre malédiction. C'est à cause de ça que les hommes ont la bêche et nous avons la terre. Juste là, entre nos jambes. C'est là qu'ils peuvent enfouir leurs péchés. Ils les enfouissent si profondément que personne n'est au courant, à part eux et nous.

 

Page 305 : Que fait-on lorsque les deux personnes qui sont censées nous protéger le plus sont justement les monstres qui nous déchirent et nous mettent en pièces ?

 

Page 319 : Quand je lisais les livres que j'empruntais à la bibliothèque, je pensais que mon père – comme les histoires que ces livres racontaient – étaient nés de l'esprit de ces écrivains. Je croyais que Grand Créateur avait expédié ces écrivains sur la lune, portés par les ailes d'oiseaux-tonnerre, et leur avaient dit de m'écrire un père.

 

Page 337 : Ce serait tellement plus facile si l'on pouvait entreposer toutes les laideurs de notre vie dans notre peau – une peau dont on pourrait ensuite se débarrasser comme le font les serpents.

 

Page 393 : - Pourquoi faut saigner pour gagner le droit d'être une femme ? (Elle a donné des coups de poing sur son matelas.) Et qu'est-ce qui se passe quand on vieillit et que ça s'arrête ? Alors quoi ? On n'est plus une femme à ce moment là ?

 

Page 433 : Ma sœur était tout simplement une de ces filles condamnées par une idéologie et des textes ancestraux selon lesquels le destin d'une femme est d'être bien comme il faut, obéissante et sagement séduisante, mais invisible au besoin.

 

Page 479 : - Il y a des hommes qui ne valent pas la peine qu'on en parle, a-t-il poursuivi en levant le pantalon pour jauger son travail. Ce sont les bouche-trous. Voilà ce que je suis. Un bouche-trou. Une marche sur laquelle d'autres grimpent pour arriver au sommet.

 

Page 558 : Les filles n'étaient pas autorisées à porter un pantalon ou un short en classe. En tant que filles, nous n'étions pas jugées capables de faire nos propres choix. Comme si nous n'étions pas assez intelligentes ou compétentes pour décider de la manière d'habiller notre corps.

 

 

 

 

 

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Mon avis : L'amant - Margueritte Duras

Publié le par Fanfan Do

Les Éditions de Minuit

 

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Quatrième de couverture :

 

" Dans L'Amant, Marguerite Duras reprend sur le ton de la confidence les images et les thèmes qui hantent toute son oeuvre. Ses lecteurs vont pouvoir ensuite descendre ce grand fleuve aux lenteurs asiatiques et suivre la romancière dans tous les méandres du delta, dans la moiteur des rizières, dans les secrets ombreux où elle a développé l'incantation répétitive et obsédante de ses livres, de ses films, de son théâtre.
Au sens propre, Duras est ici remontée à ses sources, à sa "scène fondamentale" : ce moment où, vers 1930, sur un bac traversant un bras du Mékong, un Chinois richissime s'approche d'une petite Blanche de quinze ans qu'il va aimer. Il faut lire les plus beaux morceaux de L'Amant à haute voix. On percevra mieux ainsi le rythme, la scansion, la respiration intime de la prose, qui sont les subtils secrets de l'écrivain.
Dès les premières lignes du récit éclatent l'art et le savoir-faire de Duras, ses libertés, ses défis, les conquêtes de trente années pour parvenir à écrire cette langue allégée, neutre, rapide et lancinante à la fois, capable de saisir toutes les nuances, d'aller à la vitesse exacte de la pensée et des images. Un extrême réalisme (on voit le fleuve ; on entend les cris de Cholon derrière les persiennes dans la garçonnière du Chinois), et en même temps une sorte de rêve éveillé, de vie rêvée, un cauchemar de vie : cette prose à nulle autre pareille est d'une formidable efficacité.
A la fois la modernité, la vraie, et des singularités qui sont hors du temps, des styles, de la mode. "

(François Nourissier)

Marguerite Duras (1914-1996) a reçu le prix Goncourt en 1984 pour ce roman.

 

 

 

Pourquoi j'ai voulu lire ce livre :

 

Je n'aurais sûrement jamais lu Marguerite Duras sans ma fille. L'amant faisait partie de ses lectures obligatoires pour son DUT Communication-Métiers du livre. Je le lui ai donc acheté et comme cette autrice est un monument de la littérature française, je me suis dit que c'était l'occasion pour moi de la découvrir.

 

 

 

Mon avis :

 

Marguerite Duras... je ne l'avais jamais lue avant ça. Je crois savoir qu'elle est clivante ; on l'aime ou on la déteste.
Mes premières impressions en tout cas, ont été de me dire "Waouhhh mais quelle écriture !" Et puis c'est tellement descriptif ! Les paysages, les odeurs que je sentais presque. Et puis ces noms que l'on n'entend plus : Saïgon devenu Hô Chi Minh-Ville, Indochine, Cochinchine, qui ont toujours évoqué des endroits que je rêvais de découvrir quand j'étais petite alors qu'il s'agissait déjà d'une époque révolue.

Bien que j'ai trouvé l'écriture belle, j'ai trouvé qu'elle s'appesantissait beaucoup trop sur les détails auxquels elle voulait donner de l'importance, au point de les décliner sous différentes tournures.
Pourtant je comprends le but, et ça fonctionne... mais j'ai trouvé ça un peu lourd.
En fait tout est beaucoup ressassé, les impressions, les sentiments. J'ai eu souvent la sensation de stagner, de ne pas avancer dans cette histoire étrange qui flirte avec la pédophilie. Et puis cette étrange façon de raconter, quand elle parle d'elle, elle peut dire "je" comme "la fille". Elle parle de sa mère en disant "la mère" ou "la femme", comme une sorte de détachement, voire de mépris. Il y a une multitude de sentiments, tous tellement ambivalents, de l'amour à la haine, dans cette famille déconcertante.
En fait, tout le long j'ai eu l'impression de lire l'histoire d'une famille de dégénérés.
Et puis le racisme !.. inhérent à la colonisation je suppose.
Tout va à une vitesse folle, en avant en arrière, le passé le présent, ici ou là-bas. J'ai passé cette histoire dans une sorte de grand huit, c'était vertigineux.
C'est un livre qui m'a créé un malaise indéfinissable et m'a pourtant transportée dans une espèce de lyrisme onirique. Il y a tant de pensées profondes sur la vie, la mort...



 

 

Citations :

 

Page 21 : J'ai eu cette chance d'avoir une mère désespérée d'un désespoir si pur que même le bonheur de la vie, si vif soit-il, quelquefois, n'arrivait pas à l'en distraire tout à fait.

 

Page 62 : Mes frères dévorent et ne lui adressent jamais la parole. Ils ne le regardent pas non plus. Ils ne peuvent pas le regarder. Ils ne pourraient pas le faire. S'ils pouvaient faire ça, l'effort de le voir, ils seraient capables par ailleurs de faire des études, de se plier aux règles de la vie en société.

 

Page 114 : Tous les gens photographiés, j'en ai vus beaucoup, donnaient presque la même photo, leur ressemblance était hallucinante. Ce n'est pas seulement que la vieillesse se ressemble, c'est que les portraits étaient retouchés, toujours, et de telle façon que les particularités du visage, s'il en restait encore, étaient atténuées. Les visages étaient apprêtés de la même façon pour affronter l'éternité, ils étaient gommés, uniformément rajeunis.

 

 

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Mon avis :La tombe des lucioles – Les algues d'Amérique - Nosaka Akiyuki

Publié le par Fanfan Do

Éditions Philippe Picquier

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Quatrième de couverture :

 

Avant de devenir le célèbre dessin animé de Takahata Isao, La Tombe des lucioles est une œuvre magnifique et poignante de l'écrivain Nosaka Akiyuki. L'histoire d'un frère et d'une sœur qui s'aiment et qui vagabondent dans l'enfer des incendies tandis que la guerre fait rage ; une histoire qui est celle que Nosaka vécut lui-même, âgé de quatorze ans, en juin 1945. Mais Nosaka, c'est aussi un style inimitable, une écriture luxuriante que l'on reconnaît d'abord à son brassage de toutes sortes de voix et de langues. Une prose étonnante, ample, longue, qui réussit à contrer en une seule phrase des couleurs, odeurs et dialogues, secouée de mots d'argot, d'expressions crues, d'images quasi insoutenables, qui trouvent ici une beauté poétique et nouvelle.

 

 

 

Résumé éditeur sur Babélio :

 

C'est avec ces deux récits admirables et particulièrement bouleversants, couronnés en 1968 par le prix Naoki, l'une des plus hautes distinctions littéraires, que Nosaka conquit la notoriété. Peu de temps auparavant, Mishima avait applaudi à son premier roman : "Les Pornographes", roman scélérat enjoué comme un ciel de midi au-dessus d'un dépotoir. La Tombe des lucioles, visionnaire et poignant : l'histoire d'un frère et d'une soeur qui s'aiment et vagabondent dans l'enfer des incendies tandis que la guerre fait rage et que la faim tue. Voici une prose étonnante, ample, longue, proustienne dans le sens qu'elle réussit à concentrer en une seule phrase des couleurs, odeurs et dialogues, mais prose très violente, secouée de mots d'argot, d'expressions crues, qui trouvent ici une beauté poétique et nouvelle, d'images quasi insoutenables - prose parcourue d'éclairs.

 

 

Pourquoi j'ai voulu lire ce livre :

 

Il y a quelques années, j'ai regardé, avec mes enfants qui étaient petits, le magnifique film d'animation, Le tombeau des lucioles. Je ne m'attendais absolument pas à une histoire aussi tragique. J'ai été bouleversée, et mes enfants très tristes. Et puis j'ai découvert qu'il était tiré d'un roman, il me fallait donc le lire.

 

 

 

Mon avis :

 

C'est en le lisant que j'ai découvert que ce petit livre contenait deux histoires.

NOSAKA Akiyuki - Éditions Philippe Picquier - La tombe des lucioles - Traduit par Patrick De Vos

Le roman est court, les phrases très longues. On chemine auprès de Seita et de sa toute petite sœur Setsuko dans leur errance au sein d'un monde a feu et à sang, réduit en cendre par la guerre et les bombes.

On ressent tout de suite l'angoisse d'être petit au milieu du danger, d'être un enfant livré à lui-même au centre d'un champ de bataille, sans adulte protecteur auprès de soi. Car c'est extrêmement descriptif et immersif. Dans ce monde en guerre où la misère et la famine se sont répandues, c'est chacun pour soi et aucun regard ni compassion n'est accordé aux orphelins errants.

Cette histoire est une forme de catharsis pour l'auteur qui s'est inspiré de son passé avec sa culpabilité inaltérable envers sa petite sœur.
C'est terrible d'être malade de son enfance, doublement victime ; une première fois des adultes qui font des guerres ; une deuxième fois en s'autoflagellant ad vitam aeternam.

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Les algues d'Amérique - Traduit par Anne Gossot

Kyôko s'est mise à l'anglais et a rencontré des américains lors de son voyage à Hawaii. Elle les invite à séjourner chez elle et Toshio lors de leur prochain séjour au Japon.
Elle est ravie de leur visite mais Toshio pas du tout. Pour lui, ils restent les vainqueurs de la guerre, l'ennemi d'hier.

Contrairement au récit précédent, ici c'est léger. On voyage dans les souvenirs de Toshio, la découverte des américains en 1945, ces géants qui dépassent les japonais de vingt bons centimètres, ce qui explique qu'ils aient gagné la guerre selon lui. Il ne trouve que des bonnes raisons de ne pas bien accueillir les Higgins invités par son épouse.
Mais les choses ne vont pas forcément se passer comme il les avait envisagées.

Malgré une certaine légèreté apparente, la conclusion de cette histoire m'a serré le cœur.

 

 

 

 

 

 

 

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Mon avis : Les impatientes - Djaïli Amadou Amal

Publié le par Fanfan Do

Éditions Emmanuelle Colas

 

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Quatrième de couverture :

 

Trois femmes, trois histoires, trois destins liés. Ce roman polyphonique retrace le destin de la jeune Ramla, arrachée à son amour pour être mariée à l’époux de Safira, tandis que Hindou, sa sœur, est contrainte d’épouser son cousin. Patience !
C’est le seul et unique conseil qui leur est donné par leur entourage, puisqu’il est impensable d’aller contre la volonté d’Allah. Comme le dit le proverbe peul : « Au bout de la patience, il y a le ciel. » Mais le ciel peut devenir un enfer. Comment ces trois femmes impatientes parviendront-elles à se libérer ?

Mariage forcé, viol conjugal, consensus et polygamie : ce roman de Djaïli Amadou Amal brise les tabous en dénonçant la condition féminine au Sahel et nous livre un roman bouleversant sur la question universelle des violences faites aux femmes.

Née dans l’extrême nord du Cameroun, Djaïli Amadou Amal est peule et musulmane. Mariée à 17 ans, elle a connu tout ce qui fait la difficulté de la vie des femmes au Sahel. Conteuse hors pair, elle a été lauréate du Prix de la meilleure auteure africaine 2019 et du Prix Orange du livre en Afrique 2019. Publiée pour la première fois en France, c’est une des valeurs sûres de la littérature africaine.

 

 

 

Pourquoi j'ai voulu lire ce livre :

 

Cadeau de Noël de la part de ma fille ; histoire de femmes, de la conditions des femmes en Afrique, le genre de sujet qui me passionne et me révolte depuis toujours.

 

 

 

Mon avis :

 


Djaïli Amadou Amal nous prend par la main pour nous emmener dans les vies sans joie de Ramla, Hindou et Safira à travers leurs propres voix, au Sahel.

Dans cette société totalement patriarcale, les femmes doivent s'accommoder d'une vie faite de compromis. S'écraser pour rester, pour ne pas être répudiée de ces foyers polygames. Être patientes ; quel euphémisme en regard du sacrifice qu'on leur impose !
Elles ont des vies terribles, faites de soumission, et pourtant c'est ce que souhaitent la plupart d'entre elles, car c'est le poids de la tradition.

On suit l'histoire et le désespoir de Ramla, la narratrice, qui rêvait d'un autre destin que le mariage forcé comme les femmes de son peuple, notamment faire des études pour être pharmacienne et épouser Aminou qu'elle avait choisi et qui l'avait choisie, mais aussi l'histoire de Hindou sa demi-sœur, narratrice à son tour de son propre malheur. Puis Safira nous raconte sa vie de douleur.
Elles n'ont pas voie au chapitre dans ce monde où les hommes décident de tout. Ils soumettent les femmes par l'intimidation, le chantage, la culpabilité, la religion.

C'est un roman dur, pour les femmes mais peut-être aussi pour tout homme qui se respecte, tout homme qui aime et respecte sa mère, sa sœur, sa femme, sa fille.

Je compatis tellement avec ces femmes, moi qui ai grandi dans une famille majoritairement masculine dans laquelle il n'y a jamais eu de machisme, de sexisme ou d'injustice. J'avais les mêmes droits que mes frères et droit aux mêmes rêves, ma mère était l'égale de mon père.
Dans cette société là, les femmes ne comptent pas. Pire, elles se détestent. Au sein des foyers polygames, les femmes sont dans des luttes de pouvoirs. Arnaquées jusqu'au bout par cette société faite par les hommes et pour les hommes. Mais qu'elle doit être triste et vide la vie de ces hommes aussi, sans sentiments, sans amour, sans empathie.
Quel en est le sens finalement ?

Un livre qui se dévore et vous prend à la gorge du début à la fin, pour ces femmes, petites sœurs de misère, victimes des hommes et qui pourtant s'entre-déchirent.

 

 

Citations :

 

Page 17 : « Craignez votre Dieu.

« Soyez soumises à votre époux.

« Épargnez vos esprits de la diversion.

« Soyez pour lui une esclave et il vous sera captif.

 

Page 50 : Le mariage n'est pas qu'une question de sentiment. Au contraire. C'est d'abord, et avant tout, l'alliance de deux familles. C'est aussi une question d'honneur, de responsabilité, de religion – et j'en passe.

 

Page 73 : Ô mon père ! Tu dis connaître l'islam sur le bout des doigts. Tu nous obliges à être voilées, à accomplir nos prières, à respecter nos traditions, alors pourquoi ignores-tu délibérément ce précepte du Prophète qui stipule que le consentement d'une fille à son mariage est obligatoire ?

 

Page 75 : Ô ma mère ! Que c'est dur d'être une fille, de toujours donner le bon exemple, de toujours obéir, de toujours se maîtriser, de toujours patienter !

 

Page 121 : J'ai piétiné mes rêves pour mieux embrasser mes devoirs.

 

Page 172 : Ouvre les yeux, Safira ! M'a-t-il dit. La polygamie est normale et même indispensable pour le bon équilibre du foyer conjugal. Tous les hommes importants ont plusieurs épouses. Même les plus pauvres en ont.

 

 

 

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Mon avis : L'homme feu - Joe Hill

Publié le par Fanfan Do

Éditions Jean-Claude Lattès – Traduit par Antoine Chainas

 

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Quatrième de couverture :

 

Personne ne sait exactement quand et où cela a commencé. Sur le corps des hommes et des femmes de magnifiques tatouages apparaissent et brûlent plus ou moins violemment les individus qui les portent... Boston, Détroit, Seattle... sont frappés.

Il n'existe pas d'antidote. Harper est une infirmière merveilleusement bienveillante. Le même jour, elle découvre qu'elle est enceinte et qu'elle est touchée par le virus. Paniqué son mari fuit. Et dans ce monde en ruines où des micros sociétés se créent et des milices d'exterminations traquent les malades, Harper va rencontrer l'Homme-feu capable de contrôler le feu intérieur qui consume les humains.

Ensemble, ils vont tenter de sauver une société terrorisée où chacun est prêt au pire pour tenter de survivre. Une fresque aussi profonde que fascinante sur l'homme face à ses peurs vertigineuses et à sa puissance de vie.

 

 

 

Pourquoi j'ai voulu lire ce livre :

 

J'ai ce roman depuis des années, parce que j'aime l'écriture de Joe Hill et aussi son inspiration. J'ai finalement trouvé le bon moment pour le lire car il rentrait dans le thème de décembre du groupe fb À L'assaut des pavés.

 

 

Mon avis :

 

C'est impressionnant comme dès le départ j'ai eu l'impression que c'était ce qui nous arrive en pire. Une pandémie assez terrifiante, et tout le monde y va de sa théorie, et ça ressemble à du grand n'importe quoi. C'est comme ça, il y a toujours des gens qui ont des théories plus débiles les unes que les autres sur l'origine des catastrophes qui nous tombent dessus, et que souvent les médias propagent un peu trop vite.

Dès les premières lignes on est dans l'histoire, plongés dans les événements.
Une étrange épidémie apparaît, transmise par des spores et se manifestant par l'apparition de tatouages mordorés qui s'embrasent de temps à autre et provoquent semble-t'il une mort inéluctable par combustion.

Harper, infirmière, découvre qu'elle a été contaminée et qu'elle est enceinte, et par la même occasion la vraie nature de son mari.
D'ailleurs, n'est-ce pas au moment des drames ou des séparations qu'on découvre la véritable personnalité de ceux qu'on aimait ?

Rapidement elle va découvrir une colonie d'infectés, qui se cachent pour échapper à "l'abattage" qu'organisent des milices de non-infectés, soi-disant pour lutter contre la propagation du mal. Mais quelle charmante humanité...

Car oui, cette humanité au bord du gouffre va devoir reconstruire une société à l'écart des autres. On pourrait croire qu'ils ont appris de leurs douleurs. Eh bien même pas, ils vont laisser la noirceur de leurs âmes prendre le dessus. Il y a là une galerie de personnages effarants ou attachants, mais tous passionnants.

J'ai adoré ce roman qui nous parle de beaucoup de choses ; d'espoir avec l'énergie du désespoir, d'instinct grégaire, de la bêtise et de l'égoïsme, de religion et d'obscurantisme, du déni climatosceptique, d'écologie, et du fait qu'on semble n'apprendre jamais rien de nos erreurs ; comme si nous-mêmes n'étions rien d'autre qu'une saloperie de virus qui détruit l'écosystème dont il a besoin pour vivre, comme un Ebola qui à peine installé dans son hôte, le détruit irrémédiablement sans aucune logique pour sa propre survie...
alors que l'ensemble de la nature, de la faune et de la flore, va dans le sens de sa propre pérennité, l'humain semble ne voir qu'à très court terme.

D'ailleurs, l'hypothèse avancée là est très réaliste quant à l'origine du mal, puisque les scientifiques en parlent. C'est terrifiant de penser que rien n'est fait pour empêcher cela, et qu'on pourrait bien se prendre ce genre de réalité terrible comme un mur en pleine face ?.

Ce roman, comme d'autres avant lui mais c'est pas si souvent, m'a provoqué par moments des réactions physiques douloureuses, des angoisses au point d'en avoir des palpitations en lien avec la bassesse et la duplicité que certains recèlent dans leur âme, bien plus que par la dangerosité du virus.

Pendant cette lecture j'ai tremblé, d'inquiétude mais aussi de colère, j'ai eu peur et j'ai espéré, parfois mes yeux se sont embués... j'ai adoré cette histoire !
C'était le deuxième roman de Joe Hill que je lisais après Nosfera2. Je les ai aimés autant l'un que l'autre.

En digne héritier de son illustre père, qui n'est autre que Stephen King, la plume de Joe Hill est redoutablement efficace. J'en suis totalement fan.

 

 

Citations :

 

Page 36 : La plupart des gens ont envie d'avoir un livre qu'ils auront le temps de finir. Inutile d'entamer Le Trône de fer quand vous pouvez brûler à tout instant.

 

Page 60 : Une pensée traversa mollement l'esprit d'Harper : il avait fallu qu'elle tombe malade pour comprendre que le mariage était une notion viciée.

 

Page 115 : Jakob lui avait appris à considérer ceux qui n'avaient que la foi et la vénération à la bouche avec la méfiance qu'on accorde aux débiles légers.

 

Page 271 : Tu sais qu'il y a des bactéries qui prospèrent au cœur des volcans, perchées sur des amas de roches en fusion ? Ces bactéries, c'est nous. L'homme est un germe qui ne se développe jamais aussi bien que sur le terreau de la catastrophe.

 

Page 406 : Peut-être qu'on a salopé la planète, siphonné le pétrole, fait disparaître la banquise et permis au ska de prospérer, mais on a aussi inventé le Coca-Cola, alors on n'est pas si mauvais que ça.

 

Page 429 : Mourir à cause de l'épidémie n'était pas un châtiment divin. Les hommes et les femmes n'étaient que du combustible et, en ces temps de contagion, les vertueux comme les pécheurs nourrissaient le brasier.

 

Page 512 : Il y avait tant d'étoiles qu'elle éprouvait un amour infini pour l'univers.

 

Page 527 : Il s'avérait au final que le monde ressemblait davantage aux morceaux des Stones : aucune satisfaction, des coups durs à la pelle. Si vous étiez une femme, votre seule perspective se résumait à être une nana à la botte d'un mec.

 

 

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