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lecture commune

Mon avis : Les révoltés de Cordoue - Ildefonso Falcones

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l'espagnol par Anne Plantagenet

Editions France Loisirs

 

Mon avis sur Insta c'est ici

 

Quatrième de couverture :

L’auteur de La cathédrale de la mer est de retour pour explorer, avec le talent qu’on lui connaît, un nouveau pan de l’Histoire espagnole.

Dans la seconde moitié du XVIe siècle, soumis par l’Inquisition espagnole, les Maures se préparent à la révolte. À leur tête, Hernando, dit « le nazaréen »… Né d’une Mauresque violée par un prêtre catholique, il est entraîné dans ce combat qu’il fera sien. Méprisé par les uns, rejeté par les autres, il est confronté durant l’insurrection à la violence et à la cruauté des deux partis.

Hernando, porté par la superbe et courageuse Fatima, n’aura de cesse de lutter, au péril de sa vie, pour réconcilier les deux religions en guerre et rendre à sa culture la dignité et la place qu’elle mérite.

 

 

Pourquoi j'ai voulu lire ce livre :

J’ai acheté ce livre il y a des années parce que j’adore les romans historiques. Il a fallu qu’on me le propose en lecture commune pour que je me lance. Et alors, quelle découverte !

 

Mon avis :

Sud de l'Espagne, seconde moitié du XVIe siècle.
Terrible époque où on était obligé d'être chrétien, même pour les musulmans qui avaient l'obligation de se convertir, de connaître les prières, de manger du porc et d'assister à la messe.
Mais chacun des deux camps est convaincu d'aimer le seul vrai dieu.
Pendant deux cents ans, les musulmans d'Espagne ont subi le terrible joug des chrétiens.

Énormément de sentiments de colère m'ont assaillie à la lecture de ce roman.
La guerre de religion, au nom de croyances où ne pas tuer fait partie des préceptes, pourtant les chrétiens et les musulmans s'entre-tuent.
La religion domine tout et prend le pas sur le respect de la vie.
Cette époque fait l'apologie de la masculinité à outrance avec le désir de garçon à chaque naissance, où la soumission des femmes est totale.
La vente des prisonnières du camp adverse comme esclaves, avec l'humiliation et le viol quasi systématique comme mode de fonctionnement, y compris sur des fillettes, est la règle.

En lisant ce roman, mon cœur a fait du yoyo. Je suis passée par tous les sentiments, négatifs bien sûr puisqu'il se passe à une époque où le degré de civilisation n'était pas assez élevé pour empêcher la barbarie d'exister sans retenue.

L'auteur prend totalement parti pour les musulmans contre les "méchants" chrétiens. Et, bien que la répression et les exactions que les Maures ont subies soient une réalité, j'ai trouvé cette façon de présenter les choses un peu manichéenne par moments. Cela dit, la chrétienté a été d'une hypocrisie et d'une cruauté sans limite à l'égard de tous les peuples de la Terre pendant des siècles.

La fidélité à leur croyance leur permet de tout endurer, telle Fatima qui accepte, au nom de la religion, les épreuves terribles qu'elle a déjà subies, bien avant ses quinze ans, et Aïcha qui refuse qu'on la délivre de son époux totalement ignoble, car c'est le choix d'Allah et qu'elle se doit de le respecter.
Hernando, fruit du viol de Aïcha, la Mauresque musulmane, par un prêtre, tantôt détesté ou aimé, va traverser cette époque extrêmement violente dans la douleur et les tragédies, mais aussi l'amour d'une vie, que le destin s'acharne à malmener.

L'auteur nous entraîne dans un tourbillon de vies douloureuses et passionnées, où la foi domine ainsi que la bêtise et la perfidie trop souvent. C'est extrêmement bien documenté, foisonnant de descriptions, que ce soit sur la religion, l'histoire du pays, l'architecture, la géographie.
On suit l'histoire de personnages attachants ou haïssables avec des rebondissements du début à la fin dans cette époque où la monstrueuse Inquisition était toute-puissante.
Il y a quelque chose de déchirant dans cette superbe fresque historique, où l'on voit toute l'étendue de la violence, inhérente à la nature humaine.
J'aurais voulu pouvoir lire ce roman riche en émotions d'une seule traite tellement il m'a passionnée et appris beaucoup de choses sur le XVIe siècle Espagnol. 

 

 

Citations :

Page 77 : Ils nous ont obligés à devenir chrétiens sous peine d’exil, ce qui est une autre façon de mourir.

Page 162 : Allah vous a récompensés avec un fils. Moi, il m’a donné d’abord deux filles, insista Salah.

Page 623 : Quinze ans seulement s’étaient écoulés depuis que Philippe II en personne, instigateur de révoltes et protecteur de la cause catholique en France, avait réagi avec enthousiasme en apprenant le massacre de la Saint Barthélémy, au cours duquel les catholiques avaient assassiné plus de trente mille huguenots. Si, lors d’un conflit religieux entre chrétiens, argumentait le traducteur dans sa lettre, le roi Philippe n’avait pas hésité à afficher publiquement sa joie et sa satisfaction pour l’exécution de milliers de personnes – peut-être pas catholiques, mais chrétiennes tout de même -, quelle miséricorde pouvait-on attendre de lui puisque les condamnés n’étaient qu’un troupeau de Maures ?

Page 685 : Cette Église qui se considère si miséricordieuse prétend assassiner ou réduire en esclavage des milliers de personnes.

Page 830 : Quelle était donc cette miséricorde que les prêtres et les pieux chrétiens avaient sans cesse à la bouche ? Où était le pardon et la compassion qu’ils prêchaient à toute heure ?

 

 

 

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Mon avis : Le problème à trois corps - Liu Cixin

Publié le par Fanfan Do

Éditions Actes Sud

 

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Quatrième de couverture :

 

En pleine Révolution Culturelle, le pouvoir chinois construit une base militaire secrète destinée à abriter un programme de recherche de potentielles civilisations extra-terrestres. Ye Wenjie, une jeune astrophysicienne en cours de “rééducation” parvient à envoyer dans l’espace lointain un message contenant des informations sur la civilisation humaine.

Premier volume d'une trilogie culte, récompensé par le Hugo du meilleur roman en 2015, Le Problème à trois corps signale l’arrivée d’un auteur majeur sur la scène de la hard SF.


[AVERTISSEMENT]
Le texte de présentation de l'éditeur dévoile entièrement l'intrigue du roman. Le texte est laissé ci-dessous mais il est fortement déconseillé de le lire.
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Ce signal est intercepté par les Trisolariens, qui s’apprêtent à abandonner leur planète-mère, située à quatre années-lumière de la Terre et menacée d’un effondrement gravitationnel provoqué par les mouvements chaotiques des trois soleils de son système. Ye Wenjie reçoit près de huit ans plus tard la réponse des Trisolariens. Choquée par les horreurs dont elle a été témoin durant la Révolution culturelle et ayant perdu toute foi dans l’homme, elle fournit secrètement aux Trisolariens les coordonnées du système solaire, dans l’espoir que ceux-ci viennent conquérir la Terre et réformer l’humanité. Dans quatre siècles, ils seront là...

 

 

 

Mon avis :

 

1967, Ye Wenjie, 20 ans, voit son père, grand érudit, humilié publiquement puis lynché. Par la suite, un événement l'amènera à devoir choisir entre une fin prématurée ou l'enfermement à vie à faire de la recherche et écouter les sons qui proviennent de l'univers.

Ça commence en 1967 par la Révolution culturelle qui n'a de culturel que le nom. Des abrutis obscurantistes font taire les voix de la connaissance par la violence et les humiliations.
Dans les bois de la chaîne de montagnes du Grand Khingan, en pleine déforestation, on abat des géants des forêts tricentenaires au pied d'une antenne immense.
Et tout ça est très douloureux à lire. Sans doute parce que c'est extrêmement bien écrit et décrit.
Voilà pour la partie facile, à portée de tout le monde.

La suite m'a parue pas mal métaphysique par moment car cela allait au delà de ma capacité de compréhension. En effet, on est face à des théories scientifiques, astronomiques, des pensées philosophiques, voire même des passages oniriques par certains aspects, c'est à dire étranges et éthérés de mon point de vue.
Quand il a vraiment été question de mathématiques, géométrie et algorithmes, j'ai vraiment dû m'accrocher car mon cerveau n'est pas programmé pour comprendre ça. J'ai dans la tête des petits pare-feu anti maths.
Moi qui n'ai absolument pas l'esprit scientifique j'ai dû faire d'énormes efforts de concentration, mais !.. j'ai beaucoup aimé !! Je me suis laissé emporter dans l'histoire... et en même temps j'ai eu beaucoup de mal par moments. C'est qu'il faut vraiment être à fond dedans, hyper concentré dans cette lecture exigeante qui fourmille d'explications assez pointues.

Il y a dans ce roman quelque chose de totalement vertigineux, voire exaltant, à essayer de se figurer l'infini de l'univers, à imaginer des sons venants d'outre-espace, à essayer d'appréhender ce que peuvent représenter des années-lumière.
J'ai été très surprise par les derniers chapitres et j'ai adoré, totalement bluffée par la tournure que prennent les choses. Ça m'a bien évidemment donné envie de connaître la suite, puisqu'il y a deux autres tomes plus un hors série.

C'était la première fois que je lisais de la SF chinoise, et j'ai trouvé ça très différents de tout ce que j'ai lu jusqu'ici, les personnages, le récit, les théories, les descriptions, c'était très dépaysant. D'ailleurs, en Chine la SF n'a été tolérée pendant longtemps que si elle servait la propagande communiste, c'est dire si elle était sous contrôle. Heureusement les choses ont changé, la SF est devenue libre d'exister et c'est tant mieux car ça ouvre de nouveaux horizons.
Ce roman raconte en filigrane une page d'histoire de la Chine, de la révolution culturelle à nos jours.


 

 

Citations :

 

Page 10 : En secouant ce drapeau de guerre, c’était son adolescence passionnée qu’elle agitait. L’ennemi serait bientôt consumé par les flammes et demain, un monde idéal jaillirait de son sang bouillonnant…

 

Page 17 : « En Chine, toutes les pensées libres et contestataires, après avoir pris leur envol, finissent toutes un jour ou l’autre par s’écraser sur le sol, car la gravité de la réalité est trop lourde. »

 

Page 87 : Il considérait que la révolution technologique était une maladie des sociétés humaines. Il comparait la prolifération des technologies à une propagation rapide de cellules cancéreuses causant l’extinction de tout nutriment organique, la destruction des organes, et en définitive la mort des organismes hôtes.

 

Page 190 : La nuit, lorsque tout était calme, on pouvait entendre dans nos casques les bruits sans vie de l’univers. Ils étaient faibles, mais paraissaient plus immuables et plus éternels que les étoiles.

 

Page 331 : La Révolution française date d’il y a deux siècles, et nous en sommes toujours au même point. On reconnaît bien là l’égoïsme et l’hypocrisie de l’espèce humaine.

 

Page 389 : Voilà quels sont les faits : les humains ont mis quelques dizaines de milliers d’années terrestres pour passer de l’âge des chasseurs-cueilleurs à l’âge de l’agriculture ; quelques milliers d’années, de l’âge de l’agriculture à celui de l’industrie ; et seulement deux cents années terrestres pour passer de l’âge industriel à l’âge de l’atome. Enfin, ils ont atteint l’âge de l’information en seulement quelques dizaines d’années terrestres. Cette civilisation possède le terrifiant pouvoir d’accélérer son évolution !

 

 

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Mon avis : Aqua TM - Jean-Marc Ligny

Publié le par Fanfan Do

Éditions Folio SF

 

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Quatrième de couverture :

2030. Alors qu'en Europe des dizaines de milliers de personnes meurent noyées sous les flots lâchés par une digue qu'un groupuscule terroriste a fait sauter aux Pays-Bas, en Afrique, la pénurie d'eau décime les populations. L'eau, enjeu de toutes les convoitises. L'eau, qui existerait en grande quantité à deux cent cinquante mètres de profondeur au coeur du Burkina Faso, peut-être le plus pauvre des pays les plus pauvres. L'eau, qu'Anthony Fuller, patron d'un consortium américain, va tenter de s'approprier au mépris de toutes les lois internationales.
 

Thriller d'anticipation mêlé de fantastique, charge sans concessions contre une société qui court à sa perte, Aqua™ a marqué le grand retour de Jean-Marc Ligny à la littérature pour adultes. Retour en fanfare, puisque le roman a fort logiquement reçu de nombreuses récompenses : prix Bob Morane, prix Julia Verlanger, prix Une autre Terre et prix Rosny aîné.
 

Jean-Marc Ligny naît en 1956. Il publie sa première nouvelle en 1978. Suivront de nombreuses autres ainsi qu'une quarantaine de romans, certains écrits pour la jeunesse. Il a reçu la quasi-totalité des prix dédiés à l'imaginaire.

 

 

 

Mon avis :

Dès le prologue j'ai senti que j'allais aimer cette histoire.

Pourtant c'est effrayant, c'est le monde de demain, si on ne fait rien. Ce monde dont ne veut pas mais qu'on fabrique consciencieusement depuis le début de l'ère industrielle. L'air pollué, l'eau potable qui pourrait manquer un jour, des gens qu'on laisse crever pendant que d'autres sont bien à l'abri dans des "ghettos de riches" protégés comme des forteresses.

Ce roman dénonce le cynisme des pays riches, qui spéculent sur des denrées de première nécessité et pillent les richesses naturelles des pays pauvres. Alors que le monde court à la catastrophe, le profit reste roi et certains ne pensent qu'à amasser des fortunes comme s'ils devaient vivre éternellement, sans se préoccuper de ceux qui meurent de faim, de soif, du manque de tout, dont ils sont largement responsables.

Des personnages passionnants, Anthony Fuller, riche, caractériel et égocentrique, son fils Anthony junior, lourdement handicapé et totalement flippant, Rudy et Laurie qui ont tout perdu et qui se rencontrent à l'occasion d'une mission humanitaire au Burkina Faso, Abou et sa grand-mère Hadé, tous deux initiés au bangré qui permet de voir dans l'invisible, rencontrer les esprits des morts, connaître les choses de l'autre monde.

Les outers, hordes sauvages hors des enclaves, une secte, des fous de Dieu extrémistes qui s'adonnent au terrorisme, de la magie africaine, tout est là pour nous plonger dans une ambiance étrange et électrisante.

Ce roman d'anticipation qui vire au fantastique m'a embarquée tout au long de ses 955 pages. J'ai aimé les nombreux personnages qui, pour certains, sont assez ambigus, j'ai aimé l'histoire et les interrogations qui la jalonnent, j'ai aimé ce voyage périlleux et quasi héroïque de l'Europe jusqu'au Burkina Faso, j'ai aimé les rencontres qui jalonnent ce périple et j'ai aimé les chapitres courts qui donnent du rythme. Lors de la traversée du désert je me suis dit que, soit l'auteur connaissait très bien l'Afrique, soit il s'était extrêmement bien documenté.

Au vu de la bibliographie à la fin, il s'agit de la deuxième option. J'ai été bluffée !

 

En tout cas, ça a été un vrai plaisir de lecture pour moi, d'autant plus que c'était une LC, ce qui apporte toujours un plus grâce aux échanges qu'on peut avoir avec ses co-lectrices.

 

Citations :

Page 85 : Comme beaucoup d’Européens de son époque, Rudy est un être individualiste et solitaire, aux amitiés superficielles et éphémères, préférant le cocon douillet de son foyer domotisé aux agressions du monde extérieur.

 

Page 666 : - Mais ce truc, là, ce forum, c’est un club de riches, non ? S’étonne Rudy. Un séminaire de P.D.G. worldwilde et de gros pontes de la finance, qui planifient comment baiser les gogos en pétant dans leurs piscines climatisées…

 

Page 757 : Laurie lutte contre la misère indigne, moi contre la richesse prédatrice. Dans les deux cas, c’est un combat sans fin.

 

Page 887 : Notre mère la Terre est en colère, elle se venge, elle secoue le joug que l’homme blanc lui impose depuis des siècles. Le Visage pâle a tout saccagé, a déréglé les cycles naturels, , a détruit l’harmonie du monde.

 

 

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Mon avis : 4321 - Paul Auster

Publié le par Fanfan Do

Ma chronique sur Insta c'est ici

 

Traduit par Gérard Meudal – 1019 pages - Actes sud

 

 

 

Le point de vue des éditeurs :

 

À en croire la légende familiale, le grand-père nommé Isaac Reznikoff quitta un jour à pied sa ville natale de Minsk avec cent roubles cousus dans la doublure de sa veste, passa Varsovie puis Berlin, atteignit Ham- bourg et s’embarqua sur l’Impératrice de Chine qui franchit l’Atlantique en essuyant plusieurs tempêtes, puis jeta l’ancre dans le port de New York au tout premier jour du XXe siècle. À Ellis Island, par une de ces bifurcations du destin chères à l’auteur, le nouvel arrivant fut rebaptisé Ferguson. Dès lors, en quatre variations biographiques qui se conjuguent, Paul Auster décline les parcours des quatre possibilités du petit-fils de l’immigrant. Quatre trajectoires pour un seul personnage, quatre répliques de Ferguson qui traversent d’un même mouvement l’histoire américaine des fifties et des sixties. Quatre contemporains de Paul Auster lui-même, dont le “maître de Brooklyn” arpente les existences avec l’irrésistible plaisir de raconter qui fait de lui l’un des plus fameux romanciers de notre temps.
 

 

 

 

Pourquoi j'ai voulu lire ce livre :

 

J'ai lu il y a des années Le livre des illusions et je l'avais trouvé passionnant.

Dans ce roman ci, il y a un paramètre qui m'attirait énormément, c'est la déclinaison de quatre destins possibles pour une même personne.

 

 

 

Mon avis :

 

Il y a un sortilège caché dans les premières lignes de ce roman de plus de mille pages, il vous tombe dessus dès le début de la lecture pour ne plus vous lâcher. On se fait avaler tout cru dans l'histoire de la famille Ferguson.

La façon dont les personnages sont racontés est passionnante. Ce roman est un véritable page-turner.

 

Mais alors, c'est un roman très étrange ; la chronologie est étonnante et il faut un certain temps pour comprendre comment ça fonctionne.

Les phrases sont extrêmement longues, parfois une page entière, et pourtant ça ne gêne absolument pas.

 

Il y a ce que j'aime dans ce roman, un "Et si"... la possibilité d'un autre destin, plusieurs fois, plusieurs alternatives pour une même vie.

Il y a un socle, une base de départ toujours la même : le grand-père arrivé à Ellis Island au début du XXème siècle, puis un de ses fils, Stanley, qui épouse Rose Adler avec qui il aura Archibald (Archie) Ferguson, le héros de l'histoire. Ensuite, quatre déclinaisons de ce qu'aurait pu être leur vie, mais essentiellement axées sur celle d'Archie, nommé Ferguson par l'auteur.

 

J'ai adoré l'idée du roman, j'ai toujours aimé ce genre d'histoire, que ce soit au cinéma ou en littérature, parce que moi-même je me demande souvent ce que serait ma vie si d'autres choix avaient été faits. Si mon père avait choisi d'aller travailler au Zaïre (comme je l'espérais) plutôt qu'au Havre. Je n'aurais jamais rencontré le père de mes enfants, qui donc n'existeraient pas et ça aurait une incidence sur une multitude de vies. Des amitiés jamais nouées, des histoires d'amour jamais vécues.

Je trouve ce genre d'extrapolation absolument fascinante.

Et c'est construit d'une façon totalement inattendue, avec maestria.

 

Au fil des chapitres on parcourt l'histoire de l'Amérique de façon très diversifiée en fonction des différentes vies, des choix et des centres d'intérêt du héros, et ça aussi c'est passionnant. C'est dense et foisonnant.

Il est par ailleurs énormément question de littérature tout au long du roman, un vrai bonheur... qui donne envie de découvrir nombre d'auteurs cités.

 

Ce livre m'a tenue pendant 18 jours ... j'aurais bien aimé en venir à bout plus vite que ça !

Mais quel talent Paul Auster !

Sans aller jusqu'au coup de cœur, je suis admirative de l'œuvre qui m'apparaît comme une véritable prouesse littéraire.



 

 

Citations :

 

Page 40 : Ainsi Ferguson était né, et pendant les quelques secondes qui suivirent son expulsion du ventre maternel, il fut le plus jeune être humain à la surface de la terre.

 

Page 80 : Dieu est cruel, Archie. Il devrait protéger les braves gens dans ce monde mais il ne le fait pas. Il les fait souffrir tout autant que les méchants.

 

Page 119 : Quel drôle de couple ils formaient tous les deux, un garçon blessé hurlant son amour dans chaque acte d'hostilité envers son père et un père blessé exprimant son amour en refusant de le gifler, en se laissant bourrer de coups.

 

Page 184 : L'attrait des journaux était radicalement différent de celui des livres. Les livres étaient solides et durables alors que les journaux étaient des prospectus fragiles et éphémères que l'on jetait dès qu'on les avait lus, en attendant qu'ils soient remplacés le lendemain par le numéro suivant, tous les matins une édition nouvelle pour un nouveau jour.

 

Page 216 : Je ne crois plus en Dieu, écrivait-il dans l'une d'elles. Du moins pas dans le Dieu du judaïsme, des chrétiens ou des autres religions. La Bible dit que Dieu a créé l'homme à son image. Mais ce sont des hommes qui ont écrit la Bible, non ? Ce qui veut dire que l'homme a créé Dieu à son image. Ce qui veut également dire que Dieu ne s'occupe pas de nous, et qu'il se moque très certainement de ce que les hommes peuvent penser ou éprouver. S'il se souciait un tant soit peu de nous il n'aurait pas créé un monde empli de réalités si terribles. Les hommes ne se feraient pas la guerre, ne s'entretueraient pas, ne construiraient pas de camps de concentration. Ils ne mentiraient pas, ne tricheraient pas, ne voleraient pas.

 

Page 284 : Angie entra dans la salle à manger en apportant le dessert et Ferguson contempla sa part de pudding au chocolat en se demandant pourquoi il n'existait pas une loi qui permettrait aux enfants de divorcer de leurs parents.

 

Page «312 : Mais ce que Hank et Frank n'ont pas compris c'est que le mariage change tout. Il ,n'est pas seulement question de deux personnes qui décident de vivre ensemble, c'est le début d'une longue lutte qui oppose la volonté d'un partenaire à celle de l'autre, et même si le mari semble souvent avoir le dessus, c'est la femme qui choisit à la fin.

 

Page 721 : Depuis qu'il était petit, depuis que son moi de petit garçon avait compris qu'il était une créature de transition, destinée à grandir et à devenir un homme, il s'était dit qu'il deviendrait père un jour, qu'il finirait par engendrer des petits Ferguson qui grandiraient et deviendraient à leur tour des hommes ou des femmes, c'était un rêve éveillé qu'il avait toujours tenu pour acquis comme un avenir certain parce que c'était ainsi que marchait le monde, les petits devenaient grands puis à leur tour mettaient au monde d'autres petits et quand on avait l'âge de le faire c'est ce qu'on faisait. Même aujourd'hui pour ce philosophe de dix-neuf ans désabusé et partisan de livres obscurs, c'était une chose qu'il continuait à attendre avec un grand plaisir.

 

 

 

 

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Mon avis : Le Prince des marées – Pat Conroy

Publié le par Fanfan Do

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Quatrième de couverture :

 

Dans le sillage des grands noms de la littérature du Sud des États-Unis, Pat Conroy s'est imposé en 1986 avec un chef-d’œuvre, Le Prince des marées, aujourd'hui réédité dans une traduction révisée.

Au cœur des somptueux paysages maritimes de la Caroline du Sud, cette « histoire d'eau salée, de bateaux et de crevettes, de larmes et de tempêtes » fouille la mémoire d'une famille troublée, dans un Deep South encore marqué par la ségrégation raciale.
Tom, Luke et Savannah Wingo ont été élevés à la dure, entre joies et tragédies, par un père pêcheur de crevettes, alcoolique et violent, et une mère fantasque et mythomane. C'est cette vie-là que va raconter Tom à la psychiatre Susan Lowenstein après la énième tentative de suicide de sa sœur, désormais installée à New York. Pour aider la thérapeute à sauver Savannah, Tom accepte de se replonger dans les souvenirs d'une enfance marquée par un terrible secret.
Ses confessions, empreintes d'humour et d'émotion, vont faire revivre la bouleversante saga du clan Wingo. Et peut-être leur offrir à tous une chance de rédemption.

 

 

 

Pourquoi j'ai voulu lire ce livre :

 

J'ai lu tellement souvent dans des groupes de lecteurs sur Facebook que ce livre était sublime, que j'ai fini par l'acheter.

 

 

 

Mon avis :

 

C'est la première fois que je lis Pat Conroy, et alors mais quelle écriture ! C'est beau, mais beau !! Tellement que au bout de douze pages à peine je rêvais de partir voir les paysages de Caroline du sud qu'il décrit si bien.

Je viens de vivre des heures sublimes et douloureuses avec cette lecture.

 

Il y a tout le long un humour assez caustique que j'adore.

Et il y a l'amour entre les trois membres de cette fratrie, qui semble plus fort que tout.

Mais rapidement on a le sentiment d'une tragédie à venir, c'est terrifiant. Il y a un effroi sous-jacent, le sentiment du passé saccagé qui va saccager l'avenir. Comme si tout partait de tellement loin que ça en devenait inéluctable.

 

Dès le début j'ai eu le sentiment que Tom, le narrateur, se servait de l'ironie comme d'une carapace. C'est très étrange de se faire ainsi passer pour un je-m'en-foutiste afin de lutter contre les vicissitudes de la vie. C'est une façon de dire à ses douleurs "vous ne m'aurez pas", hélas c'est souvent mal accepté, perçu comme du cynisme.

En fait Tom est un être bourré de contradictions. Ce qu'il décrit nous laisse penser le contraire de ce qu'il ressent, quand il parle de sa mère par exemple. Il a l'air de la mépriser, pourtant il m'a fait ressentir une certaine empathie envers elle, ou peut-être était-ce de la pitié.

 

Luke, Savannah et Tom sont les enfants meurtris d'un couple toxique, mais n'est-ce pas hélas trop souvent la terrible condition quand deux personnes se rencontrent sur un malentendu et fondent une famille ?

Leurs parents leur mènent une vie dure bien qu'à l'époque, la règle était une éducation très stricte voire très dure. Mais là, c'est au-delà de ça.

Entre un père rustre et imprévisible, et une mère qui rêvait d'élévation sociale et imprévisible aussi, ils grandissent tant bien que mal, faisant toujours corps tous les trois.

 

Pat Conroy fait avec talent des allers-retours entre passé et présent. Il distille savamment au goutte à goutte tout ce qu'on doit savoir sur la destinée de la famille Wingo.

Je suis passée par toutes sortes d'émotions durant ces quelques décennies passées auprès d'eux, de l'incompréhension à la surprise, du rire à l'effroi. Qu'est-ce que je les ai aimés Luke, Savannah et Tom ! Ce roman est une ode, la plus belle qui soit, à la fratrie.

C'est en même temps tout un pan de l'histoire américaine qui nous est offert là.

 

Ce roman n'est que montagnes russes d'émotions et de révoltes, nous faisant parfois aller du rire aux larmes.

C'est un énorme coup de cœur que je viens d'avoir pour cette histoire, ces personnages, et je suis littéralement tombée en amour pour l'écriture de Pat Conroy



 

 

Citations :

 

Page 10 : Mon père n'autorisait pas les crimes contre la terre.

 

Page 24 : - Je vous ai mises en garde à propos des garçons, les filles. Tous des petits vicieux à l'esprit mal tourné, des êtres répugnants et brutaux qui font des choses sales, comme pisser sur les plates-bandes et se fourrer les doigts dans le nez.

 

Page 44 : Si j'arrivais à meurtrir mon corps, je ne verrais pas mon âme se briser en mille morceaux.

 

Page 175 : Elle était de ces femmes qui savent d'instinct qu'un extrême bonheur ne se répète pas ; elle sut fermer la porte comme il convenait sur le passé.

 

Page 222 : Le rire est la seule stratégie qui ait jamais marché pour moi quand mon univers se brise en mille morceaux.

 

Page 235 : - Oubliez les kilos que vous risquez de prendre, Lowenstein. Une fois l'addition réglée, on se débrouille pour dégoter un voyou qui vous course jusqu'à Central Park. C'est une excellente méthode pour brûler ses calories après un bon repas.

 

Page 296 : Les Français je les hais. Tu as déjà entendu leur façon de parler ? Doux Jésus, Lila, on croirait qu'ils ont dix kilos de fromage coincés dans le trou de balle.

 

Page 320 : Ces livres me faisaient honneur ; ils me transformaient. J'étais seul, et pourtant les plus grands écrivains me tenaient compagnie ; de leur voix à eux, ils me racontaient tout ce qu'il y avait à connaître du monde.

 

Page 331 : Enfants de pêcheur, nous n'étions finalement qu'une forme de plus de la vie marine des basses terres.

 

Page 549 : Le viol est un crime contre le sommeil et contre la mémoire ; l'image qui en reste s'imprime en négatif irréversible dans la chambre noire de nos rêves.

 

Page 592 : J'étais un petit gars de la cambrousse et je n'étais pas encore passé maître dans l'art de flairer les connards à des kilomètres.

 

Page 643 : Ce n'était pas le spectacle du chagrin que j'avais sous les yeux, mais le supplice d'un homme sachant qu'il allait devoir payer au prix fort les arriérés d'une tyrannie sans faille.

 

Page 646 : Ma mère alluma dix bougies sur chaque gâteau, et Savannah se mit à applaudir de bonheur en disant : «  On est dans les nombres à deux chiffres, maintenant, Tom. Et on va le rester pour toujours jusqu'à nos cent ans.

 

Page 728 : Le même Dieu qui m'avait affligé de parents bizarres et meurtris m'avait également fait cadeau du frère et de la sœur les plus merveilleux qui soient pour équilibrer la balance. Sans eux, je n'aurais pas fait le voyage. Pas plus que je n'aurais choisi de le faire.

 

 

 

 

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Mon avis : Le chœur des femmes - Martin Winckler

Publié le par Fanfan Do

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Quatrième de couverture :

 

Résumé Babelio : Jean Atwood, interne des hôpitaux et quatre fois major de promotion, vise un poste de chef de clinique en chirurgie gynécologique. Mais au lieu de lui attribuer le poste convoité, on l'envoie passer son dernier semestre d'internat dans un service de médecine consacré à la médecine des femmes - avortement, contraception, violences conjugales, maternité des adolescentes, accompagnement des cancers gynécologiques en phase terminale.
Le Docteur Atwood veut faire de la chirurgie, et non passer son temps à écouter des femmes parler d'elles-mêmes à longueur de journée. Ni servir un chef de service à la personnalité controversée. Car le mystérieux Docteur Karma - surnommé «Barbe-Bleue» - séduit sans vergogne, paraît-il, patientes et infirmières et maltraite sans pitié, dit-on, les internes placés sous ses ordres. Pour Jean Atwood, interne à la forte personnalité et qui brûle d'exercer son métier dans un environnement prestigieux, le conflit ouvert avec ce chef de service autoritaire semble inévitable.
Mais la réalité n'est jamais ce que l'on anticipe, et la rencontre entre les deux médecins ne va pas se dérouler comme l'interne l'imagine.
Le Chœur des femmes est un roman de formation : il raconte l'histoire d'un jeune médecin déjà modelé par la faculté et par sa spécialité d'élection et qui doit brusquement réviser ses préjugés devant une réalité qui lui avait échappé jusqu'ici : ce ne sont pas ses maîtres qui lui apprendront son métier, mais les patientes.
C'est un roman documentaire qui décrit la médecine des femmes, ses gestes, ses particularités, ses écueils, ses interrogations éthiques, comme aucun roman, ne l'a fait à ce jour, du moins en langue française.
C'est un roman choral (comme son nom l'indique) dont la structure s'inspire de celle de la comédie musicale : au fil de son itinéraire (un récitatif à la première personne) dans ce microcosme qu'est l'unité 77, le Docteur Atwood croise des femmes qui racontent (et parfois chantent) leur vie.

 

Résumé France Loisirs : Je m'appelle Jean Atwood. Je suis interne des hôpitaux et major de ma promo. Je me destine à la chirurgie gynécologique. Je vise un poste de chef de clinique dans le meilleur service de France. Mais on m'oblige, au préalable, à passer six mois dans une minuscule unité de " Médecine de La Femme ", dirigée par un barbu mal dégrossi qui n'est même pas gynécologue, mais généraliste! S'il s'imagine que je vais passer six mois à son service, il se trompe lourdement. Qu'est-ce qu'il croit? Qu'il va m'enseigner mon métier? J'ai reçu une formation hors pair, je sais tout ce que doit savoir un gynécologue chirurgien pour opérer, réparer et reconstruire le corps féminin. Alors, je ne peux pas - et je ne veux pas - perdre mon temps à écouter des bonnes femmes épancher leur cœur et raconter leur vie. Je ne vois vraiment pas ce qu'elles pourraient m'apprendre.

 

 

 

Pourquoi j'ai voulu lire ce livre :

 

J'ai trouvé ce livre il y a quelques années à Emmaüs. Le titre et la quatrième de couverture m'ont donné envie. Il dormait depuis ce temps sur une de mes étagères quand quelqu'un dans le groupe FB A l'assaut des pavés m'en a proposé une lecture commune. Et voilà donc comment je l'ai enfin lu !

 

 

 

Mon avis :

 

 

On peut dire que ça commence fort !.. avec les propos sexistes et méprisants d'un gros connard d'interne arrogant et imbus de sa personne ! Une vraie caricature de macho doublé d'un misanthrope. 

Et là, je me suis aussitôt dit "j'espère que ça n'existe pas des médecins comme ça !", même si je sais bien que les abrutis se trouvent dans toutes les strates de la société . C'est bien dommage d'en trouver en gynécologie.

Heureusement il y a Karma ! Kar-ma ‼ 

Mais rapidement, c'est le choc  !!! Une révélation à vous provoquer un gros bug de cerveau !

 

Mais comment faire pour parler d'un livre dont on ne peut rien dire pratiquement dès le départ, au risque de divulguer des choses qu'on doit taire ???

 

En fait c'est bizarre. Dès les premières pages on constate qu'il y a chez Jean un mépris et une haine terrible envers les femmes. Et je me suis dit que ça venait forcément de quelque part, qu'il y avait une blessure derrière tout ça et j'ai eu hâte d'en savoir plus. Par ailleurs j'ai trouvé passionnant tous ces chapitres qui abordent les différents éléments de la gynécologie et la façon dont souvent les femmes sont considérées et traitées, assez mal parfois il faut bien le dire. C'est vrai qu'avec certains médecins c'est limite... il existe d'ailleurs des comptes Instagram qui témoignent de choses qui ont choqué et ou blessé des femmes lors de consultations, entre autre les violences gynécologiques.

Et donc j'ai trouvé ça très intéressant de suivre les pensées - toxiques - de Jean au fil des consultations en opposition à la bienveillance du docteur Karma.

 

Au fond ce roman traite de tellement de choses ! De psychologie entre autre, du déni, de ce qu'on laisse paraître, de ce qu'on veut bien dire plutôt qu'avouer ses vraies raisons et motivations, de la façon détournée bien souvent d'arriver là où on veut aller, de toutes les pudeurs du langage parce qu'on n'ose pas, et surtout ces façons de ne pas dire les choses...

 

J'ai envie de dire merci à l'auteur d'avoir écrit ce livre parce qu'il ouvre des portes. Il parle des femmes, de toutes les femmes. Il parle des bébés femmes, en devenir à qui parfois certains médecins, par bêtise ou arrogance, cassent les pattes, brisent les ailes, piétinent leur dignité, les humilient.

Mais il nous montre que les médecins empathiques sont aussi le réceptacle de nos douleurs morales, et que ça doit être pesant pour eux à la longue. Mais par bonheur ils existent !

 

Heureusement qu'il y a des médecins bienveillants et humbles. 

Dans ce roman, différents cas de figure sont recensés, et sans doute que la plupart des femmes, en lisant ça, vont revivre certaines choses pas agréables. 

 

Les personnages hauts en couleur sont tous plus passionnants les uns que les autres et on n'a pas d'autres choix que de s'impliquer et de s'y attacher, ou d'en détester certains parfois.

 

Ce livre devrait être lu par tout le monde !

Par les femmes qui se sentiraient enfin comprises et pas forcément jugées.

Par les hommes qui auraient peut-être parfois un peu plus d'empathie et de compréhension envers nous. 

Par les médecins, les désagréables bien sûr, qui arrêteraient de nous prendre pour des bout de barbaque geignards et sans sensibilité... et qui oublient parfois qu'à chaque fois qu'une femme se retrouve avec une grossesse non désirée, il y a un homme qui a sa part de responsabilité, mais qui hélas, de temps à autre, s'en lave les mains.

C'est à se demander si tous les médecins ont bien compris le serment d'Hippocrate.

Ce livre ouvre les yeux, il devrait être remboursé par la sécu, parce qu'il fait du bien, d'autant qu'il est écrit par un homme !

 

En refermant ce livre, je le suis dit "waouhhh quelle histoire et que d'émotions !"

J'aurais voulu rester avec tous ces personnages, et comme j'ai découvert qu'il y a une suite, j'ai eu envie de m'y plonger tout de suite ! Hélas je ne l'ai pas... pas encore !




 

 

Citations :

 

Page 38 : Quand la consultation tourne aux préliminaires, l'examen gynécologique est un viol.

 

Page 41 : Alors elle déballe tout, sa vie sexuelle, les règles qui viennent ou pas, la pilule qui lui donne des vergetures aux seins, l'implant qui l'a fait grossir, les enfants qui lui pompent l'air, sa mère qui la tanne pour qu'elle cesse de travailler, son mari qui veut toujours quand elle n'en a pas envie – de toute manière ça lui fait mal et elle est toujours trop crevée pour penser à ça.

 

Page 116 : - Oui, je sais que c'est plus confortable de se dire qu'aujourd'hui, en France, les femmes ne meurent plus d'avortement clandestin. Ou même dans une grande partie de l'Europe. Mais ailleurs... Et puis, il n'y a pas que l'avortement. Ça c'est la partie visible de l'iceberg, le sommet apparent du malheur dans la vie des femmes. Mais il y a tout le reste.

 

Page 164 : Seulement des trucs comme ça tu peux le dire à ta voisine ou aux étrangers, pas à un docteur qui en te voyant enceinte pour la troisième fois à dix-neuf ans te fait le même regard que si t'avais volé une banque ou collé des coups de ceinture à tes mômes.

 

Page 202 : - Tout le monde ment. Les patients mentent pour se protéger ; les médecins mentent pour garder le pouvoir.

 

Page 253 : - Quand une nana tente d'en finir, c'est soit à cause d'un mec, soit à cause de sa mère, soit parce qu'elle a l'impression d'être une merde.

 

Page 280 : Elles sont enceinte et elles ne voulaient pas l'être et elles ne veulent pas le rester, et elles ne veulent pas de cet enfant. Pour certaines, c'est – enfin, ce serait – leur premier enfant, et pour certaines c'est un enfant de plus. Pour toutes, c'est un enfant de trop.

 

Page 466 : Les gynécos femmes, quand on leur dit qu'on ne veut pas d'enfant, c'est comme si on leur arrachait personnellement les ovaires. Est-ce qu'elles ne pourraient pas s'occuper de leurs fesses, au lieu de venir foutre leur nez dans ce que je fais des miennes ?

 

Page 470 : La médecine française est, purement et simplement, une médecine de classe. Un trop grand nombre de « professionnels » méprisent souverainement tous les patients et les traitent comme des enfants – et plus encore les femmes, parce que ce sont des femmes.

 

Page 597 : Pendant des milliers d'années, les femmes ont subi la domination des hommes, et se sont fait soigner par des hommes. Aujourd'hui, elles préfèrent de plus en plus souvent se faire soigner par des femmes, car elles pensent que des médecins du même sexe comprendront mieux leurs problèmes.

 

Page 631 : - Tu n'as aucun moyen de vérifier qu'un secret est réel. Si c'est un secret, c'est que personne ne le sait, par définition. Donc, ça peut être vrai ou non. Et ça n'a pas d'importance. Ce qui importe, c'est l'émotion qui accompagne le secret.

 

Page 693 : Bordel de merde, la prochaine fois que je tombe amoureuse, il faut que je choisisse un type plus con, pour avoir raison au moins une fois de temps en temps quand je pète les plombs.

 

 

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Mon avis : La fabrique des salauds – Chris Kraus

Publié le par Fanfan Do

Ma chronique sur Insta c'est ici

 

Quatrième de couverture :

 

Une poignée de douleur et de chagrin suffit pour trahir, et une seule étoile scintillant dans la nuit pour qu'un peu de lumière brille par intermittence dans toute cette horreur.

Dans la lignée des Bienveillantes de Jonathan Littell ou de Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Márquez, un roman hors normes, une fresque exuberante et tragique, pleine de passion, de sang et de larmes, qui retrace tout un pan du XXe siècle, de Riga a Tel Aviv en passant par Auschwitz et Paris.

A travers l'histoire de Koja, Hubert et Ev Solm, deux frères et leur soeur, sorte de ménage à trois électrique, Chris Kraus nous entraîne dans des zones d'ombre où morale et droiture sont violemment bafouees, et dresse en creux le portrait d'une Europe a l'agonie, soumise à de nouvelles règles du jeu.

Une oeuvre impressionnante, magnum opus sur le déclin d'une époque et la naissance d'une nouvelle ère.

 

 

 

Pourquoi j'ai voulu lire ce livre :

 

Alors que j'avais trouvé ce roman à Emmaüs il y a peu de temps, on m'a proposé une lecture commune sur un groupe facebook. J'ai accepté parce que c'était l'occasion et parce que j'adore les lectures communes. C'est l'occasion d'échanges passionnants.

 

 

 

Mon avis :

 

Le début de cette histoire est un peu surprenant. On ne sait pas très bien où ça se passe, à quelle époque ni vraiment qui raconte.
On comprend toutefois assez vite qu'on est dans un hôpital et ça attise la curiosité car on se demande qui sont les personnes dont il est question, pourquoi ces gens sont là, et quelle a été leur vie.

J'ai adoré l'ironie sous-jacente tout au long de la narration, subtile comme une brise légère.
Et j'ai trouvé qu'il y avait un souffle épique dans l'histoire des aïeux.

J'ai aimé cette histoire tout de suite et pourtant j'ai dû m'accrocher dans les premiers chapitres, j'en ignore la raison. Et puis j'ai été emportée subitement, complètement absorbée dans ce récit que je ne voulais plus quitter.
D'ailleurs j'ai trouvé passionnante l'histoire allemande vue de l'intérieur. C'est tellement inhabituel.
On apprend beaucoup, notamment sur la géopolitique germano-balte avant et pendant l'accession de Hitler au pouvoir, mais aussi sur l'après-guerre qui à été une lutte de pouvoirs entre les différents pays.

C'est instructif et effarant de voir les mécanismes de la montée du nazisme. Ça m'a fait penser à l'histoire de la grenouille qu'on met dans l'eau qu'on chauffe peu à peu et qui finit ébouillantée sans avoir eu le réflexe de fuir.

À cette lecture je n'ai pu m'empêcher de penser que le IIIème Reich a été une sorte de catharsis pour nombres de tarés sadiques et mégalo qui sous couvert d'une soi-disant mission noble ont pu laisser libre cours à leurs plus monstrueux instincts. Et ce mépris des nazis pour le reste de l'humanité, leurs classifications raciales, mais quelle horreur !
Depuis toujours je me demande comment on a pu laisser faire ça, autant de la part des allemands que du reste du monde.

Les différents personnages, leurs personnalités, tout est passionnant, mais j'ai particulièrement adoré Koja, le narrateur qui, bien qu'ancien nazi m'a laissée dans l'incapacité de le détester. D'abord parce qu'il est drôle mais aussi parce qu'il a un regard lucide sur ce qu'il s'est passé. De plus c'est en quelque sorte presque un "malgré nous" - du moins pendant un certain temps - sauf que lui est plutôt un faible, énormément sous l'emprise de son frère. Il se laisse porter sans jamais vraiment bien comprendre où il met les pieds - du moins au départ - dans une sorte d'engrenage dont on ne peut pas sortir vivant. Donc il n'en sort pas, par instinct de conservation.
Hélas j'ai trouvé qu'il devenait horriblement cynique à la longue, mais pas que... Sans doute parce que la guerre est abjecte et qu'elle pervertit tout.
D'ailleurs l'auteur souligne bien l'ignoble connerie incommensurable qu'est la guerre.

Ce roman nous parle de la guerre, avant-pendant-après, et du monde mais aussi de toutes les vies qui passent, plutôt dans la douleur, période sombre oblige... il y a là une incroyable galerie de personnages !
J'ai énormément appris sur l'après-guerre, hélas j'ai envie de dire, car mon opinion sur l'humanité frôle désormais le zéro absolu. Que de manipulations et de cynisme alors que l'Europe sortait d'un bain de sang doublé d'un crime contre l'humanité !

Mais alors, quelle écriture ! Je l'ai trouvée tellement belle, d'une intelligence rare, jubilatoire même, avec des pensées et une réflexion sur la vie tellement profondes !
Par contre, il y a des mots allemands tellement longs, avec tellement de consonnes que c'est un véritable casse-tête d'essayer de les lire à voix haute .
En tout cas, ce roman - qui raconte plusieurs décennies dont les années les plus terribles de l'Histoire et qui nous fait voyager de Lettonie jusqu'en Israël - a été un vrai coup de cœur même si certains passages étaient trop imprégnés de politique pour moi et bien qu'il y ait une sordide accumulation de duplicité qui va crescendo jusqu'au point final.
Par ailleurs il est foisonnant de détails et d'enseignements. Ce que raconte ce livre est énorme !!!


 

 

Citations :

 

Page 17 : Selon lui, il vaudrait mieux que chacun soit nommé en fonction de ses traits de caractère prédominants, comme en Papouasie-Nouvelle-Guinée où, au cours d'une vie, on prend trois ou quatre noms – voire plus – qui peuvent être contradictoires.

 

Page 23 : Un manchot et un homme avec une balle dans la tête. À nous deux, nous comptons plus de cent trente ans, nous avons quatre jambes, trois bras et une femme.

 

Page 79 : Encore aujourd'hui je ne comprends pas. Jusqu'à cette année dix-neuf trente et un, aucun de nous n'avait jamais entendu le nom d'Adolf Hitler. Mais Erhard nous parlait de lui comme si c'était le roi Arthur et, par la suite, je fus quelque peu étonné de découvrir que, loin d'être une altesse royale, le Führer était un mélange de King Kong et de Charlot, qui sont par ailleurs tous deux interprétés par des acteurs que j'apprécie beaucoup.

 

Page 86 : C'est une femme, et jolie avec ça. Elle n'a pas besoin de faire des études.

 

Page 129 : Notre travail au service de sécurité du Mouvement portait donc ses fruits. Loin d'être goûteux, ces derniers avaient souvent l’âcreté de la strychnine, car ce n'était pas une partie de plaisir que d'amputer les gens, de les espionner, de surveiller leurs habitudes et de lister leurs animosités, surtout quand c'était après nous qu'ils en avaient.

 

Page 143 : Ev éclata de rire, son cœur était d'une telle blancheur. Entre ce blanc et l'arc-en-ciel de Mary-Lou, je voulais rester à jamais le bon à rien, le fainéant, l'incapable pour lequel mon frère me prenait. C'était un paradis chimérique, des couleurs qui s'autocélébraient en silence, que je voulais retenir à tout prix mais qui, devant le chevalet, me filaient entre les doigts comme ma propre vie.

 

Page 209 : Rien n'était assez absurde pour être impossible. Tout visiteur était un assassin potentiel. Toute amitié était intéressée. Un comportement sans arrière-pensées était considéré comme saugrenu. Un rapport sexuel sans arrière-pensées comme du pur gâchis.

 

Page 235 : Tous les SS-Führer que je fréquentais à l'époque vivaient dans des intérieurs pillés avec amour. On possédait des chambres complètes en chêne galiléen et y dormait à poings fermés – un vrai bonheur. Certains Sturmbannfürer affirmaient qu'après ces expériences revigorantes ils ne pourraient plus jamais vivre au milieu de meubles leur appartenant.

 

Page 318 : Une vie humaine ne comptait pas pour grand-chose, et la vie humaine d'un Russe était une vie russe, autant dire rien.

 

Page 356 : Pourquoi l'homme aime-t-il ? Pourquoi l'homme aime-t-il alors que tout amour est voué à dépérir ? Pourquoi le désert qu'est notre âme est-il égayé par de petits oliviers verts qui succombent aux tempêtes de sable mais finissent toujours par croître de nouveau ? Oui, pourquoi l'homme aime-t-il ?

 

Page 624 : Pourquoi tout le monde (à part les agents secrets, évidemment) croit-il que l'honnêteté est toujours récompensée ? L'honnêteté ne rapporte jamais rien, à moins qu'il ne s'agisse d'une ruse.

 

Page 636 : Et pourtant, sous ce manteau de temps était encore cachée la jolie petite fille qui jadis avait joyeusement fait son trou dans ma vie, et je n'aurais pas été étonné de la voir le jeter dans les airs, ce manteau, avec l'aplomb qui était le sien, tadam !

 

Page 755 : - Felfe ! Cracha Gelhen. Quel dommage qu'on ne puisse pas l'arroser d'essence et lui mettre le feu. C'est un inconvénient majeur du système démocratique.

 

Page 787 : L'homme est faible, un bouchon de liège dans le courant. Au bout du compte, il ne s'agit que de tomber sur la bonne vague.

 

 

 

 

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Mon avis : Les fantômes du vieux pays – Nathan Hill

Publié le par Fanfan Do

Quatrième de couverture :

 

Scandale aux Etats-Unis : le gouverneur Packer, candidat à la présidentielle, a été agressé en public. Son assaillante est une femme d'âge mûr : Faye Andresen-Anderson.

Les médias s'emparent de son histoire et la surnomment Calamity Packer. Seul Samuel Anderson, professeur d'anglais à l'Université de Chicago, passe à côté du fait divers, tout occupé qu'il est à jouer en ligne au Monde d'Elfscape.

Pourtant, Calamity Packer n'est autre que sa mère, qui l'a abandonné à l'âge de onze ans.Et voilà que l'éditeur de Samuel, qui lui avait versé une avance rondelette pour un roman qu'il n'a jamais écrit, menace de le poursuivre en justice.

En désespoir de cause, le jeune homme lui propose un nouveau projet : un livre révélation sur sa mère qui la réduira en miettes. Samuel ne sait presque rien d'elle ; il se lance donc dans la reconstitution minutieuse de sa vie, qui dévoilera bien des surprises et réveillera son lot de fantômes.

Des émeutes de Chicago en 1968 au New York post-11-Septembre en passant par la Norvège des années quarante et le Midwest des années soixante, Nathan Hill s'empare de l'Amérique d'aujourd'hui et de ses démons et compose avec beaucoup d'humour une fresque aussi ambitieuse que captivante.

 

 

 

Pourquoi j'ai voulu lire ce livre :

 

A sa sortie en 2017, Antoine De Caunes en avait parlé sur France Inter et disait qu'il avait adoré ce roman. Il venait tout simplement de me donner envie de le lire.

Et puis récemment, dans le groupe facebook « A l'assaut des pavés » quelqu'un l'a proposé en lecture commune et c'était la bonne occasion pour le lire enfin.

J'adore les lectures communes, c'est passionnant et enrichissant de pouvoir échanger ses impressions avec les autres lecteurs. Nous étions six pour cette lecture !

 

 

 

Mon avis :

 

Ce roman m'a emportée telle une déferlante, sans que je m'en rende compte, au milieu d'une histoire à priori très ordinaire, avec des personnages tous plus azimutés les uns que les autres. Ça donne assez rapidement des situations et des dialogues délirants mais aussi des bons gros fous rires...
En tout cas pour la première partie.

La deuxième partie nous raconte les jeunes années de Samuel le personnage principal. Ça a le goût sucré de l'enfance, de l'amitié et des jeux auxquels on se donne à fond quand on est petit. L'auteur a réussi à me faire croire que l'âge tendre est un chouette moment de la vie...

En fait, les différentes parties - dix au total - alternent entre présent et passé des différents personnages et personnellement j'adore car je trouve que ça donne un attrait particulier à l'histoire.
Samuel veut comprendre pourquoi sa mère est partie un jour pour toujours et il part en quête de son histoire familiale.

Chapitre après chapitre on voit apparaître un panorama de l'Amérique sur plusieurs décennies.
C'est fascinant de voir comme le monde a évolué... pas toujours dans le bon sens d'ailleurs.
Les filles à qui on disait dans les années 60 de bien choisir sa voie pour trouver un mari qui gagnerait bien sa vie, et surtout d'être une bonne épouse attentive au bien-être de son époux. Oui, parce qu'à l'époque, l'ambition des femmes semblait passer forcément par la réussite du mari, donc pas d'autre issue que le mariage. Mais quelle sinistre perspective !
On en apprend plus sur les étudiants chevelus anti guerre du Vietnam, pour la libération sexuelle et les droits des femmes, qui manifestait pacifiquement mais était réprimée dans la violence. Ce vieux monde que les jeunes tentaient de déboulonner se défendait en faisant couler le sang...
Ah les violences policières !!!
Et cette Amérique devenue hyper sécuritaire après le 11 septembre.
Ce roman est fait d'avants et d'après.
Ça nous fait aussi comprendre que les personnages sont beaucoup plus profonds qu'ils ne paraissent au premier abord. C'est tout simplement passionnant.

J'ai adoré et dévoré cette histoire, sorte de road trip à travers le temps. Un grand beau roman américain !!!
Coup d'essai ? Non ! Un coup de maître pour Nathan Hill dont c'est pourtant le premier roman, qu'il a mis dix ans à écrire !


 

 

Citations :

 

Page 69 : - Nous utiliserons des termes moins connotés, si vous le voulez bien. Nous n'employons pas le mot « agressé ». Nous préférons dire qu'elle a exercé ses droits, comme le Premier Amendement l'y autorise, par le biais symbolique d'un jet de gravillons.

 

Page 77 : Quelqu'un qui te dit qu'il travaille dans l'édition, c'est comme un vigneron qui te dirait qu'il fabrique des bouteilles. Ce qu'on crée en réalité, c'est de la valeur. Le livre, c'est juste l'une des formes sous lesquelles se présente cette valeur, une échelle, un emprunt. 

 

Page 133 : Le trop-plein était là pour se substituer à votre imagination. Arrêtez de songer à ce que vous désirez, le centre commercial a déjà réalisé tous vos rêves.

 

Page 151 : Il était d'une franchise et d'une impudeur totales sur les détails de son état. Il parlait comme les gens atteints d'une maladie terrible, de cette manière qu'a la maladie d'éclipser toute notion de pudeur et d'intimité. Racontant par exemple son désarroi en matière de priorités quand il avait la diarrhée et la nausée en même temps.

 

Page 285 : Leur professeur, Mme Olga Schwingle, la femme du pharmacien, s'efforce d'apprendre les bonnes manières et l'étiquette aux jeunes filles de cette petite ville. Elle leur montre comment devenir des dames, comment adopter les us nécessaires à l'accession à un monde plus sophistiqué. Cent coups de brosse dans les cheveux chaque soir. Cinquante passages de brosse à dents en haut et en bas. Mâcher chaque bouchée au moins trente-quatre fois avant de l'avaler. Se tenir droite, ne pas se pencher en avant, ne pas se tenir voûtée, ne pas regarder dans les yeux, sourire quand on s'adresse à vous.

 

Page 287 : « Ce que j'essaie de vous dire jeunes filles, c'est de vous fixer de grands objectifs. Vous installer avec un plombier ou un fermier n'est pas une fatalité. Vous n'arriverez peut-être pas à épouser quelqu'un dans le milieu médical, comme moi, mais ne vous interdisez pas d'envisager quelqu'un dans la comptabilité. Ou bien dans les affaires, la banque ou la finance. Trouvez avec quel genre d'homme vous voulez vous marier, et organisez-vous pour que cela se produise. »

 

Page 454 : Le viol apporte aux hommes la confirmation indirecte de leur puissance et de leur supériorité masculines, ils ne feront donc jamais rien pour que ça s'arrête. A moins que nous les y forcions.

 

Page 482 : « Tu voudrais bien venir mettre ta bouche là en bas ? » Qu'il ne soit même pas fichu de lui demander correctement, même pas fichu de prononcer le mot, lui avait semblé le comble du pathétique. Il avait eu l'air surpris quand elle avait dit non. « Je croyais que tu étais libérée », avait-il dit, ce qui signifiait qu'elle était censée lui accorder toutes les faveurs qu'il voulait et aimer ça.

 

Page 593 : Qui a eu l'idée saugrenue d'organiser une convention à côté d'un abattoir ?

Il sent leur présence, leur odeur, il les entend, ces pauvres animaux entassés et mourant à la chaîne pour nourrir une nation prospère. Amenés là comme des troupeaux d'enfants, repartant dans les mêmes camions, en morceaux. Il reconnaît l'odeur des porcs apeurés, des porcs suspendus à des crocs de boucher, éventrés, leurs entrailles cascadant dans le sang et les glaires. L'odeur de l'ammoniaque pure déversée sur les sols souillés. Ces créatures lâchant leur ultime cri face à la mort, libérant une puanteur de glandes, une terreur à la fois sonore et olfactive. L'haleine chimique d'un million de cris d'animaux avortés, dilués et diffus dans l'atmosphère, dans des vapeurs de viande amères.

 

Page 595 : C'est mieux, pense-t-elle, de savoir qu'on est en train de rêver. Parce que alors on est libre d'agir sans se soucier des conséquences.

 

Page 682 : L'idéalisme est le pire des fardeaux. Tout ce que tu feras après te semblera toujours fade.

 

Page 702 : Il arrive qu'on soit tellement enfermé dans sa propre histoire qu'on ne voit pas le second rôle qu'on occupe dans celle des autres.

 

 

 

 

 

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Mon avis : Le jeu de l'ange – Carlos Ruiz Zafon

Publié le par Fanfan Do

Ma chronique sur Insta c'est ici

 

Quatrième de couverture :

 

Dans la turbulente Barcelone des années 1920, David, un jeune écrivain hanté par un amour impossible, reçoit l'offre inespérée d'un mystérieux éditeur : écrire un livre comme il n'en a jamais existé, "une histoire pour laquelle les hommes seraient capables de vivre et de mourir, de tuer et d'être tués", en échange d'une fortune et, peut-être, de beaucoup plus.

Du jour où il accepte ce contrat, une étrange mécanique de destruction se met en place autour de lui, menaçant les êtres qu'il aime le plus au monde. En moyennant son talent d'écrivain, David aurait-il vendu son âme au diable ?

 

 

 

Pourquoi j'ai voulu lire ce livre :

 

Parce que c'est un tome 2 !!! Parce que j'ai adoré le tome 1 !!

 

 

 

 

Mon avis :

 

En commençant ce tome deux du Cimetière des livres oubliés, je me suis demandée si j'allais retrouver les personnages du premier opus.
Car la suite de L'ombre du vent, est en fait un préquel qui se situe dans les années vingt. Cette suite est tout aussi addictive immédiatement, j'ai été capturée dès les premières lignes.

Carlos Ruiz Zafón m'a emportée dans ses visions oniriques de tourbillons de mots, de pages et de livres et tout ce qui se cache derrière.
L'histoire m'a donné l'impression de naviguer entre rêve et réalité.

Il n'y a pas dans ce tome ci de personnage hyper attachant et drôle comme Fermín dans le tome 1.
Mais il y a toujours une aura de mystère, une atmosphère envoûtante et fantasmagorique qui nous emporte au fil des pages.
On a sans cesse l'impression de naviguer à vue dans la brume et le froid de l'aube naissante.
Tout est mystérieux, que ce soit les personnages ou les événements, et toujours Barcelone tel une sorte d'ogre, personnage à part entière.

C'est impossible de parler de cette histoire sans risquer de dévoiler ce qui ne doit pas l'être. Mais on est emporté dans une quête dont on ignore la finalité et qui ne nous laisse aucun répit.
Je l'ai trouvé d'une beauté incroyable malgré sa noirceur.
La fin m'a totalement envoûtée.

 


 

 

Citations :

 

Page 24 : Ma bonne et incompréhensible fortune était mise sur le compte de Pedro Vidal, de l'ignorance et de la stupidité de nos abonnés, et de cette constante nationale largement répandue qui voulait à tout coup qu'atteindre un certain niveau de succès dans un quelconque milieu professionnel soit une preuve irréfutable d'incompétence et d'absence de mérite.

 

Page 51 : Tout ce qu'il avait appris de la guerre était de tuer d'autres hommes comme lui avant que ceux-ci ne le tuent, toujours au nom de causes grandioses et creuses, dont chaque nouvelle bataille soulignait davantage le caractère absurde et vil.

 

Page 262 : - Un intellectuel est ordinairement quelqu'un qui ne se distingue pas précisément par son intelligence, affirma-t-il. Il s'attribue lui-même ce qualificatif pour compenser l'impuissance naturelle dont il sent bien que ses capacités sont affectées.

 

Page 275 : Mon père, que Dieu ait son âme, le disait déjà : le jour où on permettra aux femmes d'apprendre à lire et à écrire, le monde deviendra ingouvernable.

 

Page 304 : Tous les exemplaires de l'Ancien et du Nouveau Testament dont je disposais chez moi étaient imprimés en caractères microscopiques sur du papier pelure à demi transparent, et leur lecture conduisait moins à la ferveur et à l'inspiration divine qu'à la migraine.

 

Page 321 : Toute religion organisée, à de rares exceptions près, a pour pilier essentiel à sa sujétion, la répression et la négation de la femme dans le groupe. La femme doit accepter le rôle de présence éthérée, passive et maternelle, jamais celui de l'autorité et de l'indépendance, ou alors elle en paye les conséquences.

 

Page 419 : Sur une rangée de derrière, dans la bibliothèque, j'ai repéré un tas de bouquins, y compris un manuel d'hygiène matrimoniale du docteur Pérez-Aguado avec illustrations des plus suggestives et des phrases du genre « la femme, par dessein du Créateur, ne connaît pas le désir charnel, et sa réalisation spirituelle et sentimentale se sublime dans l'exercice naturel de la maternité et les travaux du foyer ».

 

Page 653 : Chaque livre, chaque tome que tu vois a une âme. L'âme de celui qui l'a écrit et l'âme de ceux qui l'ont lu, ont vécu et ont rêvé avec lui.

 

 

 

 

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Mon avis : L'ombre du vent – Carlos Ruiz Zafon

Publié le par Fanfan Do

 

Ma chronique sur Babelio c'est

 

Quatrième de couverture :

 

Dans la Barcelone de l'après-guerre civile, " ville des prodiges " marquée par la défaite, la vie difficile, les haines qui rôdent toujours. Par un matin brumeux de 1945, un homme emmène son petit garçon - Daniel Sempere, le narrateur - dans un lieu mystérieux du quartier gothique : le Cimetière des Livres Oubliés. L'enfant, qui rêve toujours de sa mère morte, est ainsi convié par son père, modeste boutiquier de livres d'occasion, à un étrange rituel qui se transmet de génération en génération : il doit y " adopter " un volume parmi des centaines de milliers. Là, il rencontre le livre qui va changer le cours de sa vie, le marquer à jamais et l'entraîner dans un labyrinthe d'aventures et de secrets " enterrés dans l'âme de la ville " : L'Ombre du vent.

Avec ce tableau historique, roman d'apprentissage évoquant les émois de l'adolescence, récit fantastique où les mystères s'emboîtent comme des poupées russes, Carlos Ruiz Zafon mêle inextricablement la littérature et la vie.

 

 

 

 

Pourquoi j'ai voulu lire ce livre :

 

Un jour à Emmaüs je suis tombée sur ce livre de Carlos Ruiz Zafon et quelque chose en moi me disait que je devais l'acheter parce qu'il était sublime. Il y a des choses comme ça qu'on ne s'explique pas, on sent qu'il faut et c'est tout.

Et vraiment, bien m'en a pris car j'ai adoré cette histoire, comme si pour moi aussi ça pouvait être le livre de ma vie, comme dans ce roman.

Mais il dormait dans mes étagères depuis un certain temps quand Béa O'Nougat l'a proposé en lecture commune dans le groupe FB « A l'assaut des pavés ». Ça a été l'occasion de le lire enfin, et j'ai été littéralement subjuguée !

 

 

 

 

Mon avis :

 

Daniel, le narrateur a grandi à Barcelone dans la boutique de livres rares et d'occasion de son père, et ça, ça me laisse rêveuse .

Un jour son père l'emmène au cimetière des livres oubliés, choisir "le livre de sa vie", celui qui vous marque pour toujours, celui que l'on n'oublie jamais.

Ça sera pour Daniel le début d'une longue quête, à la recherche des autres romans de Julian Carax, qui a écrit L'ombre du vent, Le livre de sa vie.

 

Ce qui m'a sauté aux yeux tout de suite, c'est la beauté absolue qui sort de ces lignes, et la passion inconditionnelle des livres qui transpire de partout.

Cette histoire est une sublime célébration des livres, de la passion des livres.

 

Barcelone semble être le personnage principal de cette histoire, mais les différents protagonistes sont tous plus passionnants les uns que les autres, avec leurs failles, leurs démons et leur originalité. Et puis il y a Fermìn Romero de Torres, petit homme au passé douloureux, cabotin et attachant, que j'ai tellement aimé !

 

Au fil des pages j'ai eu la sensation de voyager sur un vaporeux nuage de féerie, d'érudition, d'étrangeté, où l'humour s'invitait joyeusement...

 

C'est en même temps une page d'histoire de l'Espagne qui nous est contée et une magnifique balade dans la Barcelone des années 40-60 où on côtoie les fantômes du passé dans une aura de mystère.

 

C'est mon premier roman de Carlos Ruiz Zafón, j'ai été éblouie par la beauté de son écriture. Je crois que je viens d'ouvrir la porte à une addiction nouvelle, un auteur dont je veux lire tout, absolument tout !

 

 


 

 

Citations :

 

Page 16 : Un jour, j'ai entendu un habitué de la librairie de mon père dire que rien ne marque autant un lecteur que le premier livre qui s'ouvre vraiment un chemin jusqu'à son cœur.

 

Page 31 : Je ravalais ma salive, tandis que mon cœur battait la chamade, et je remerciai la divine providence qu'il n'y eût pas de témoins pour me voir rougir si fort que j'aurais pu allumer un havane à un mètre de distance.

 

Page 32 : L'avocat était un bon lecteur de l'Histoire et savait que l'avenir se déchiffre plus clairement dans les rues, les usines et les casernes que dans la presse du matin.

 

Page 104 : Les cadeaux sont donnés pour le plaisir de celui qui les offre, pas pour les mérites de celui qui les reçoit, répondit-il.

 

Page 111 : Or aucune de mes sept sœurs n'a réussi à entrer dans la Maréchaussée, malgré la pilosité faciale exubérante qui a toujours affecté les femmes de ma famille du côté de ma mère.

 

Page 177 : Il y a des rustres qui s'imaginent que s'ils mettent la main au cul d'une femme et qu'elle ne proteste pas, l'affaire est dans le sac. Ce sont des ignares. Le cœur de la femme est un labyrinthe de subtilités qui défie l'esprit grossier du mâle à l’affût. Si vous voulez vraiment posséder une femme, il faut d'abord penser comme elle, et la première chose à faire est de conquérir son âme.

 

Page 300 : Le destin attend toujours au coin de la rue. Comme un voyou, une pute ou un vendeur de loterie : ses trois incarnations favorites. Mais il ne vient pas vous démarcher à domicile. Il faut aller à sa rencontre.

 

Page 573 : Le roman, c'est mort et enterré. Un ami qui revient de New York me le disait justement l'autre jour. Les Américains ont inventé un machin qu'ils appellent la télévision et qui sera comme le cinéma, mais chez soi. On n'aura plus besoin de livres, ni de messe, ni de rien...

 

Page 633 : J'ai conscience que la vie nous sépare de nos amis d'enfance, qu'on n'y peut rien, mais je n'y crois jamais tout à fait.

 

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