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Mon avis : L’île des âmes – Piergiorgio Pulixi

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’italien par Anatole Pons-Reumaux

 

Éditions Gallmeister

 

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Quatrième de couverture :

Depuis plusieurs décennies, la Sardaigne est le théâtre de meurtres rituels sauvages. Enveloppés de silence, les corps de jeunes filles retrouvés sur les sites ancestraux de l’île n’ont jamais été réclamés. Lorsque les inspectrices Mara Rais et Eva Croce se trouvent mutées au département des “crimes non élucidés” de la police de Cagliari, l’ombre des disparues s’immisce dans leur quotidien. Bientôt, la découverte d’une nouvelle victime les place au centre d’une enquête qui a tout d’une malédiction. De fausses pistes en révélations, Eva et Mara sont confrontées aux pires atrocités, tandis que dans les montagnes de Barbagia, une étrange famille de paysans semble détenir la clé de l’énigme.
La première enquête de Mara Rais et Eva Croce nous plonge dans les somptueux décors de la Sardaigne, au cœur de ténèbres venues du fond des âges.

 


Mon avis :
1961. le corps d'une femme suppliciée, est trouvé par Angheleddu, le chien, que son instinct empêche d'approcher. L'enfant l'a vue mais n'en parlera jamais, par peur de l'ogre...
2016. L'inspectrice en chef Mara Rais, forte tête et grande gueule est mutée à l'unité des crimes non élucidés, ce qui est pour elle une punition. Elle va avoir comme binôme Eva Croce, au look de métalleuse, dont on ne connaît pas les raisons de la mutation sur cette île, la Sardaigne, où personne ne veut aller. Cerise sur le gâteau, elles vont devoir s'intéresser aux enquêtes jamais résolues de l'inspecteur Moreno Barrali devenu la risée de la section homicides à force de vouloir faire rouvrir des dossiers. L'homme est en phase terminale d'un cancer et ses supérieurs ne supportent pas de le laisser mourir avec ses regrets sans avoir tenté de l'aider encore une fois à résoudre des vieilles affaires de meurtres rituels barbares restées sans réponse. Dans un premier temps, la rencontre entre les deux femmes va être assez agressive, bien loin de la sororité qu'on pourrait espérer.

En Barbagia, il y a le clan Ladu, que beaucoup disent consanguin. Il vivent à l'écart, avec leurs règles et un mode de vie plus ou moins ancestral, des traditions millénaires. Et nous voilà plongé dans quelque chose de fascinant, où le temps semble suspendu à la volonté primale de la nature. Car il y a quelque chose hors du temps dans ce lieu qui semble être resté partiellement à l'abri du monde moderne, de la civilisation. de rites et sacrifices obscures accompagnés de masques de carnaval sarde, en puits nuragiques, sources sacrées et autres sites archéologiques, l'auteur nous emmène chez lui, dans sa Sardaigne natale, sur la piste d'un tueur en série : [...] masques zoomorphes, femmes nues devant des autels nuragiques et des menhirs, figures bestiales, cirques mégalithiques...
On est immergé dans ces lieux où une porte sur le lointain passé semble restée ouverte.

Deux victimes jamais réclamées, recouvertes d'une peau de mouton et d'un masque de taureau, une jeune femme disparue...
Ce roman, c'est une ambiance ésotérique, sépulcrale, toute une atmosphère de mystère, et l'histoire d'une terre qui n'a pas coupé les liens avec son lointain passé.

Des chapitres courts qui donnent un rythme alerte, un belle écriture, des personnalités intéressantes, ou exaspérantes, des flics obsessionnels hantés par les victimes, une enquête étalée sur des décennies, ce roman vous attrape et ne vous lâche plus. Un récit humainement très puissant par certains aspects. Captivant, enrichissant, instructif, ce fut une très belle découverte à travers ce noir périple historico-touristique d'un genre très spécial car le thème est extrêmement macabre, et 
Piergiorgio Pulixi nous emmène sur plusieurs pistes. Eh oui, c'est un polar !... qui se dévore !

 

Citations :

Page 24 : Partout règne un silence pénétrant. L’homme ne cherche pas à dominer la nature car il la craint. C’est une peur inscrite dans son sang, fille d’époques révolues. Il sait d’instinct que la nature gouverne le destin des hommes et des animaux, et il apprend vite à connaître et à traduire tous les faits naturels qui l’entourent, car, aussi étrange que cela puisse paraître, ce silence parle. Il instruit et met en garde. Il conseille et dissuade. Et malheur à celui qui ne témoigne pas la déférence attendue.

 

Page 48 : Le lien qui se tisse entre l’enquêteur et la victime d’un homicide est sacré. Il transcende la simple bureaucratie, les comptes rendus d’enquête, les rapports d’autopsie, les pièces à fournir au magistrat. Il devient quelque chose de beaucoup plus intime. Dans l’éventualité où l’affaire n’est pas résolue et où le bourreau reste en liberté, ce lien sacré, indissoluble, peut se muer en une obsession éreintante, impossible à fuir.

 

Page 194 : « On ne surmonte pas la douleur en l’éludant, mais en la traversant », lui avait répété son psy jusqu’à l’écœurement.

 

Page 260 : — Pauvre petite. Tes anciens collègues, ils sont comment ? C’est des gens sérieux ?

C’est une bande de têtes de nœuds machistes, gonflés de testostérone et pétris de préjugés.

 

Page 427 : Toutes les affaires d’homicides ne sont pas identiques. Certaines te collent à la peau pour toujours. Tu les portes en toi comme des cicatrices. Au bout de quelques années, elles cessent de te faire mal et tu n’y prêtes plus attention. Elles deviennent une partie de toi. Le tissu cicatriciel s’atténue au point que tu finis par ignorer sa présence. Mais il suffit d’un détail, d’une odeur, d’un regard ou d’un mot pour réinfecter la plaie, pour rouvrir la boite de Pandore que tous les enquêteurs ou presque gardent en eux, laissant libre cours à des souvenirs corrosifs et à une culpabilité aussi sournoise que des parasites intestinaux.

 

 

 

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Mon avis : Loɴɢ Iѕlαɴd - Colм Tóιвίɴ

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’anglais (Irlande) par Anna Gibson

 

Éditions Grasset

 

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Quatrième de couverture :

Une inoubliable passion amoureuse, après le chef-d’œuvre du Magicien, par un des maîtres de la fiction contemporaine.  Tout bascule lorsqu’un inconnu à l’accent irlandais frappe à la porte d’Eilis Lacey. Après vingt ans de mariage, Tony et elle profitent du confort offert par les années 1970 aux familles américaines. Installés à Long Island, ils ont deux enfants, bientôt adultes, et mènent une vie tranquille où les seuls tracas proviennent de l’oppressante belle-famille italienne d’Eilis. Mais en apprenant au seuil de sa maison que Tony l’a trompée et qu’une autre femme attend un enfant de lui, ce bonheur patiemment construit vole en éclats.  Sans promesse de retour, elle part en Irlande, à Enniscorthy. Rien n’a changé dans sa ville natale, ce monde clos où, de générations en générations, tout se sait sur tout le monde. Alors qu’il a repris le pub familial, même Jim Farrell est resté tel qu’il était vingt ans plus tôt, pendant l’été qu’Eilis et lui avaient passé ensemble, bien qu’elle fût déjà secrètement fiancée à Tony. La blessure du départ d’Eilis est toujours vive mais son retour ravive cet amour de jeunesse – et l’Amérique s’éloigne plus que jamais…  Situé à l’interstice entre deux mondes, Long Island offre des retrouvailles bouleversantes avec Eilis Lacey dont les lecteurs de Brooklyn se souviennent encore. Quinze après la publication de ce best-seller, Colm Tóibín fait la démonstration magistrale de ses talents de romancier avec un inoubliable portrait de femme.

 


Mon avis :
Aussitôt après avoir refermé 
Brooklyn, roman où on fait la connaissance d'Eilis, j'ai enchaîné avec celui-ci. Alors que pour moi le précédent s'était fini avec angoisse, le début de Long Island m'a fait l'effet d'une grosse claque. On est vingt ans après.
Un homme veut absolument parler à Eilis et ce qu'il va lui dire pourrait bien changer le cours de sa vie. Eilis a épousé Tony, cet italien avec qui elle a eu deux enfants, mais alors elle a épousé aussi toute sa famille. Tout le monde se mêle de tout. Tous les dimanches c'est repas familial chez ses beaux-parents qui habitent juste en face, des heures à table avec tous ces italiens au verbe haut, qui parlent en même temps, coupent la parole et considèrent que les femmes ne doivent pas contredire les hommes. le patriarche est 
le Maître absolu. Une épouse doit écouter son mari. Un mari doit tenir sa femme.

Parce que Tony a dérapé et ébranlé les bases de la famille, Eilis part en Irlande voir sa mère qu'elle n'a pas vue depuis vingt ans. Quand la vie vacille, on a envie de retourner chez soi, auprès de sa mère. Ses enfants décident de la rejoindre un mois plus tard pour enfin rencontrer leur grand-mère. Mais vingt ans plus tard, est-on encore chez soi ou est-on devenue une étrangère ? Sa mère est tellement distante avec elle.

C'est une histoire qui nous parle du déracinement, du temps qui passe, très vite, trop vite, des choix qu'on a faits, et des renoncements, peut-être aussi des regrets et des remords qu'on peut avoir. Parce qu'un jour elle a dû partir, contrainte et forcée, c'est comme si elle était pour toujours l'irlandaise en Amérique et l'américaine en Irlande. Plus jamais vraiment à sa place. Ce roman nous parle aussi des non-dits, de l'incapacité de communiquer, des souhaits ou besoins discordants au sein d'un couple, des ultimatums qu'on craint de lancer par peur de tout perdre.
J'ai senti beaucoup de nostalgie. À peine le temps de se retourner et tout est devenu différent. Rien n'a changé à Enniscorthy, pourtant plus rien n'est pareil.
Et puis, loin des yeux, loin du coeur. Non ?
J'ai trouvé Eilis très magnanime. À sa place, aurais-je souhaité sauver mon couple ? Absolument pas. J'aurais explosé l'indélicat.

Un certain nombre d'éléments de ce roman m'ont parlé, comme l'exil, le fait de se demander où est sa place, le bon endroit, où est-on réellement chez soi, la mère refuge, les retrouvailles avec ses amies d'enfance longtemps après... cependant, à part la claque du début, aucune émotion au rendez-vous. Les personnages sont tièdes, ils ont tous l'air stoïques, indifférents. Car la grosse déflagration du début aurait dû occasionner des cris, de la colère, et cela chez plusieurs personnages. Or rien, on a l'impression d'être face à un non évènement. C'est comme si l'auteur était passé à côté de son sujet. D'ailleurs, quel est ce sujet finalement ? le couple ? L'amour au long cours ? La trahison ? La famille ? Les racines ? L'amitié ? La loyauté ?

Malgré mes quelques réticences, c'est un roman qui se lit bien, mais ne provoque pas réellement d'émotions.

 

Citations :

Page 219 : À l’époque où elle avait été son amie et où Nancy la voyait tous les jours, Eilis n’avait rien de particulier. À présent, elle se distinguait. On aurait cru une autre femme. Il lui était arrivé quelque chose en Amérique, conclut Nancy. Elle aurait voulu savoir quoi.

 

 

 

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Mon avis : Brooĸlιɴ - Colм Tóιвίɴ

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’anglais (Irlande) par Anna Gibson

 

Éditions Le Livre de Poche

 

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Quatrième de couverture :

Enniscorthy, Irlande, années 1950. Comme de nombreuses jeunes femmes de son âge, Ellis Lacey ne parvient pas à trouver du travail. Par l'entremise d'un prêtre, on lui propose un emploi en Amérique, à Brooklyn. Poussée par sa famille, Ellis s'exile à contrecœur. D'abord submergée par le mal du pays, elle goûte ensuite, loin du regard de ceux qui la connaissent depuis toujours, une sensation de liberté proche du bonheur.

Puis un drame familial l'oblige à retraverser l'Atlantique. Une fois de retour au pays, Brooklyn se voile de l'irréalité des rêves. Eilis ne sait plus à quel monde elle appartient, quel homme elle aime, quelle vie elle souhaite. Elle voudrait ne pas devoir choisir, ne pas devoir trahir.

 


Mon avis :
J'aime beaucoup le dépaysement dans mes lectures et c'est ce que m'a occasionné ce livre, tant pour le lieu que pour l'époque, qui commence en Irlande dans les années 50. Eilis vit avec sa mère et sa sœur à Enniscorthy, petite ville irlandaise où il n'y a pas de travail. Alors que beaucoup partent travailler en Angleterre comme ses trois frères, Ellis va avoir l'opportunité de partir à 
Brooklyn et d'y avoir un emploi. Mais c'est loin l'Amérique ! Mais on peut s'y enrichir ! Et que c'est dur de partir si loin quand on a toujours cru qu'on passerait toute sa vie au même endroit. Eilis s'imaginait plus tard, mariée avec quelqu'un de chez elle, en Irlande, mère au foyer... le plus dur, c'est pour la maman qui voit partir ses enfants, loin, trop loin. En réalité, Eilis n'a pas choisi de partir si loin, les autres ont décidé pour elle. Elle voudrait pourtant tellement rester. Et moi toute cette partie m'a exaltée autant qu'effrayée. L'Amérique ! Brooklyn !! Oui mais tout quitter...

Alors qu'Eilis s'adapte tranquillement à sa nouvelle vie dans cette ville si peuplée, dans son travail qu'elle accomplit avec conscience, elle est assaillie par le mal du pays. L'endroit où elle est née, où elle connaissait tout le monde et où tout le monde la connaissait lui manque terriblement, au milieu de cette fourmilière où elle a la sensation de n'être personne. Un énorme sentiment de perte la submerge, de vacuité de cette nouvelle vie, d'inutilité.
Mais en Amérique, les migrants forment des communautés, presque des fraternités. On est seule sans l'être tout à fait, tout en souffrant énormément de solitude. Heureusement, le père Flood, qui est à l'origine de son départ à 
Brooklyn, est là quand il le faut. Un vrai prêtre, altruiste et généreux.

Ce qui m'a vraiment frappée dans un premier temps, c'est la solitude du migrant, au milieu d'une multitude de gens.
Ça a été le dépaysement assuré pour moi, avec cette Amérique telle que je la vois dans mon imagination, peut-être à tort, cette terre accueillante, formant des communautés solidaires, la main tendue vers leurs semblables, tous ceux qui viennent d'ailleurs.
J'ai aimé cette histoire simple qui parle de gens simples qui construisent leur vie, avec les joies et les drames qui la traversent.
Il y a aussi beaucoup d'humour, ça a été un vrai plaisir. Et surtout, ça raconte cette Amérique terre d'accueil, bien avant celle de maintenant en train de devenir terre de rejet.
J'ai vraiment beaucoup aimé ce roman qui parle d'ambivalence, de désirs contradictoires, de déchirement entre deux pays, deux cultures, entre le nouveau monde et ses racines bien ancrées, deux histoires, deux possibilités, qui nous interpelle nous, lecteurs, et qui m'a fait bondir et espérer une chose plutôt qu'une autre et m'a fait arriver au bout avec une sourde angoisse.

 

Citations :

Page 46 : Eilis avait toujours cru qu’elle vivrait toute sa vie, comme sa mère avant elle, dans cette ville où elle était connue de tous ; elle avait cru qu’elle garderait toute sa vie les mêmes amis, les mêmes voisins, les mêmes habitudes, les mêmes itinéraires. Elle avait imaginé qu’elle trouverait un emploi en ville et que, par la suite, elle épouserait quelqu’un et laisserait son travail pour élever ses enfants.

 

Page 53 : Elle laissait filer ces images le plus vite possible, en s’arrêtant dès que celles-ci effleuraient la vraie peur, le véritable effroi ou, pire encore, la notion qu’elle s’apprêtait à perdre ce monde à jamais, qu’elle ne vivrait plus jamais une journée ordinaire dans ce lieu ordinaire, que le reste de sa vie serait désormais une lutte contre l’inconnu.

 

Page 105 : Elle commença à réfléchir, pour tenter de comprendre ce qui avait bien pu causer cette sensibilité nouvelle qui ressemblait à du désespoir, qui ressemblait à ce qu’elle avait éprouvé à la mort de son père, quand elle les avait vus fermer le cercueil, ce sentiment qu’il ne reverrait jamais le monde et qu’elle, de son côté, ne pourrait plus jamais lui parler.

Elle n’était personne à Brooklyn. Ce n’était pas juste le fait qu’elle n’y avait ni famille ni amis ; c’était bien plus que cela. Elle était un fantôme dans cette chambre de pension, dans ces rues où elle marchait pour aller au travail. Rien n’avait de sens.

 

Page 123 : Et j’ai bien mis les choses au point avec le père Flood : vu que je me suis déjà organisée de mon côté pour être sûre de toucher ma récompense au ciel, il me doit une faveur que j’aimerais bien qu’il me retourne dans ce monde-ci, et pas trop tard, si possible.

 

 

 

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Mon avis : Frapppabord – Mireille Gagné

Publié le par Fanfan Do

Éditions La Peuplade

 

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Quatrième de couverture :

Province du Québec, 1942. Sur Grosse-Île, dans le fleuve Saint-Laurent qu’arpentent les sous-marins allemands, les gouvernements américain, britannique et canadien mettent en place un projet top secret. Des dizaines de scientifiques y sont réunis dans la plus grande discrétion, afin de mettre au point une arme bactériologique nouvelle. Des décennies plus tard, à l’occasion d’un épisode de canicule d’une ampleur inédite, des accès de rage bousculent la petite ville de Montmagny et ses alentours. Elle semble se propager comme une épidémie à mesure que les frappabords se multiplient. Mireille Gagné fait preuve d’invention dans ce deuxième roman, un livre écologique, subtil et haletant, qui nous recommande d’écouter ce que le vivant essaie de dire : l’équilibre est un état à retrouver.

Vous auriez probablement ressenti de la nausée en nous voyant surgir sur les berges du Saint Laurent : une nuée de frappabords, en une seule main sombre et vorace, caressant les herbes hautes au lever du soleil.

 


Mon avis :
L'histoire commence par le point de vue de l'insecte piqueur, qui nous explique comment il va opérer pour nous sucer le sang, en arrachant parfois un morceau de chair. C'est un 
frappabord, un taon à cheval, une mouche à cheval, une mouche noire, une mouche à chevreuil, une sale bestiole.

Cette histoire se déroule sur deux époques. de nos jours ou dans un futur proche avec Théodore, ouvrier dans une usine, et en 1942 avec Thomas, entomologiste réquisitionné par l'armée pour mettre au point une arme létale, dans un laboratoire secret situé sur une île du fleuve Saint-Laurent. le grand-père de Théodore vit dans un hospice où on l'attache souvent à son lit pour contenir ses colères. Il a élevé Théodore qui sait très peu de choses sur lui ainsi que sur ses parents, morts quand il était enfant.

On se rend compte dès le début qu'on va vivre un sale moment avec les insectes, créatures indispensables et pourtant insupportables, voire douloureuses et même parfois naturellement dangereuses. le fait que ce soit le 
frappabord qui nous parle de lui, comment il nait, comment il grandit, se reproduit, repère ses proie, leur suce le sang et arrache de la chair, rend les choses vraiment flippantes : "Je vous repère d'abord de loin, attirée par vos mouvements, même infimes, et surtout par la chaleur et le dioxyde de carbone que vous dégagez."
"Délicatement, je dépose ma bouche sur votre peau suave, telle une langue chaude, initiant juste assez de succion pour en goûter la saveur."
"J'ai goûté toutes vos peaux, vos sangs, vos sueurs, hommes, femmes, enfants, malades, stressés, propres, sales. J'ai digéré toutes vos chairs dans l'objectif ultime de me reproduire un jour."
Un vampire en somme, qui nous scrute et nous jauge pour mieux nous saigner. Il y a dans ce que nous dit le 
frappabord une espèce de sensualité ambiguë : "Me déposer sur ta peau humide. Goûteuse. Salée. Chaude. Y marcher à ton insu la langue sortie. Me délecter de chacune de tes parties les plus intimes." Un prédateur absolu. Après ça, je ne regarderai plus les moustiques de la même façon. Ah oui parce que ce sont LES bestioles infernale ici. Les frappabords, appelés taons en France, je n'en ai rencontré pratiquement qu'en montagne.

Cette lecture renforce le sentiment que la folie des hommes d'hier et d'aujourd'hui à ne penser qu'à l'instant présent et à leurs intérêts personnels, détruit le monde de demain, celui de leur descendance, de leurs enfants et petits-enfants.
J'ai adoré avoir le point de vue de l'insecte, la façon dont il nous voit, comme un mets succulent mais aussi comme un nuisible, une erreur à éradiquer.

C'est terrible comme les dystopies rejoignent tout doucement notre présent. Depuis quelques années, les moustiques tigres ont fait leur apparition en France. D'abord dans le sud, il gagnent du terrain en envahissant tout doucement toutes les régions et gagnent aussi en dangerosité puisqu'on recense quelques cas de malaria et de dengue, maladies transmises par ces petites bêtes infernales qui ne nous laissent pas un instant de tranquillité dès qu'on s'installe dehors. La prochaine étapes c'est quoi ? Des moustiques géants ?

La fin est glaçante tant elle semble plausible. Car moi je vois la Terre comme une grosse bombe dont la mèche a commencé à brûler lorsque nous sommes entrés dans l'aire industrielle 💣.
Si seulement ceux qui peuvent cessaient de traiter d'écoterroristes ceux qui essaient ...

 

Citations :

Page 29 : Je doute que vous vous rappeliez votre naissance. Très peu d’espèces le peuvent en effet. Pour ma part, je me souviens de tout, de chaque microseconde. Peut-être est-ce dû au fait que ma vie sera de courte durée, quelques semaines, tout au plus.

 

Page 48 : Avant son arrivée ici, il n’avait jamais été directement témoin de toute la violence, l’intensité, la beauté, la douceur, l’aridité, l’intelligence que la nature pouvait déployer pour survivre. Dans cet environnement sauvage, Thomas se sentait appartenir davantage au clan des proies qu’à celui des prédateurs. Une variété en particulier s’acharnait avec férocité sur lui depuis le début : les frappabords.

 

Page 152 : Vous avez déréglé le mécanisme à un point tel qu’il n’y aura pas de retour en arrière possible. Ce n’est qu’une question de temps avant que vous soyez éjectés. La Terre ne pourra pas vous endurer encore bien longtemps. Je rêve qu’elle vous expulse de son immense gosier, à la manière d’une bouchée avariée.

 

Page 178 : Sa peau est parsemée de plaques brunes, qui rappellent que le chemin qui reste est beaucoup plus court que celui parcouru.

 

Page 194 : Il avait raison. Il y a des chemins que les hommes ne devraient pas emprunter.

 

 

 

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Mon avis : L’énigme Modigliani – Eric Mercier

Publié le par Fanfan Do

Éditions de la Martinière

 

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Quatrième de couverture :

Maudit, Modigliani ?
Derrière les tableaux les plus célèbres se cachent parfois les intentions les plus meurtrières.

Un faussaire de renom tout juste sorti de prison est retrouvé pendu dans une décharge en périphérie parisienne. Quelques jours plus tard, c’est le corps d’une spécialiste du peintre Modigliani qui est repêché dans la Marne. Rien n’unit les victimes, si ce n’est leur passion pour l’art. Coïncidence ou sombre machination ? S’engage alors pour le commandant Frédéric Vicaux, de la Brigade criminelle, et Anne, sa compagne historienne de l’art, une enquête qui les plongera près d’un siècle plus tôt. Quand un certain Amedeo Modigliani écumait les bistrots parisiens dans une quête furieuse du modèle parfait…

Après Le Secret de Van GoghÉric Mercier, docteur en Histoire de l’art et romancier, offre une nouvelle enquête haletante et érudite.

"Bienvenue dans le monde impitoyable de marché de l'art"

Gérard Collard, Librairie La Griffe Noire

 


Mon avis :
Le prologue nous emmène à Paris en 1918, aux obsèques de 
Guillaume Apollinaire, faire connaissance avec Aliza Lodève une jeune journaliste qui aurait eu une liaison avec Amedeo Modigliani. C'est une période et un univers que j'adore, mais au deuxième chapitre nous voilà à notre époque, avec un homicide dans le Val-de-Marne. Dès le début on se demande quel est le rapport entre ces deux périodes.

La victime, un faussaire qui peignait des toiles de maître a été ébouillanté, comme c'était la pratique dès le XIIe siècle dans plusieurs pays d'Europe. L'affaire de ce meurtre est confiée au commandant Frédéric Vicaux de la Brigade criminelle, qui n'est autre que le narrateur.
Parallèlement, Anne Naudin, historienne de l'art, compagne du commandant Vicaux, fait des recherches depuis des années dans le but se restituer des œuvres d'art volées à des Juifs pendant la guerre. C'est ainsi qu'elle s'intéresse à une toile d'
Amedeo Modigliani et sa peinture d'une certaine Aliza.

Assez rapidement on se prend d'intérêt pour cette double enquête qui semble receler bien des mystères. J'ai d'ailleurs beaucoup aimé la partie artistique où on apprend nombre de choses sur Modigliani, mais aussi sur cette sombre période de notre histoire, la deuxième guerre mondiale où la police collaborait avec l'ennemi et où tant de juifs ont été spoliés de leurs biens avant d'être envoyés dans les camps de la mort. Et puis on retourne en 1918, régulièrement.

J'ai beaucoup aimé les incursions dans ce début de XXe siècle, dans le Paris des artistes qui crevaient de faim et de froid alors qu'à présent leurs œuvres valent des fortunes. Modigliani, Matisse, Soutine, des noms qui résonnent jusqu'à nous et éveillent tout un imaginaire romanesque auprès de ces peintres qui ne vivaient que pour leur art et se noyaient bien souvent dans l'alcool et autres substances destructrices.

Quelques expressions désuètes m'ont surprise comme "Il attrape des bouffées de chaleur dès qu'il croise un jupon affriolant." Mein Gott quelle antiquité cette expression !!!
Cependant l'histoire est plaisante et, moi qui ne connaissais pas cet auteur, j'apprends qu'il est docteur en histoire de l'art et qu'il s'agit là du cinquième tome avec ses personnages récurrents, toujours à propos d'artistes tels que Buffet, 
Van Gogh mais aussi les fauves comme Matisse, Vlaminck ou Dufy, et l'hôtel des ventes de Drouot.

Merci à Babelio pour cette Masse Critique privilégiée ainsi qu'aux Éditions 
De La Martinière.

 

Citations :

Page 49 : La pratique de l’ébouillantage est attestée depuis le XIIe siècle par un règlement royal qui stipule que les faux-monnayeurs devront être « suffoqués et bouillis en eau et huile ».

 

Page 157 : Madame Planturat se tient debout devant l’une des fenêtres du salon. Son visage est buriné et parsemé de taches de vieillesses. Son mari, à ses côtés, paraît beaucoup plus jeune. Ils sont comme une paire de chaussettes dépareillées.

 

Page 254 : Peu après son installation aux affaires, le gouvernement de Vichy édicte plusieurs lois relatives au statut des juifs, qui font d’eux une catégorie à part de la population. Ainsi, le 3 octobre 1940, ils sont exclus de la fonction publique et des fonctions commerciales et industrielles. Le début de la descente aux enfers.

 

 

 

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Mon avis : Cadavre exquis – Agustina Bazterrica

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’espagnol (Argentine) par Margot Nguyen Béraud

 

Éditions Flammarion

 

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Quatrième de couverture :

Un virus a fait disparaître la quasi-totalité des animaux de la surface de la Terre. Pour pallier la pénurie de viande, des scientifiques ont créé une nouvelle race, à partir de génomes humains, qui servira de bétail pour la consommation.
Ce roman est l'histoire d’un homme qui travaille dans un abattoir et ressent un beau jour un trouble pour une femelle de "première génération". Or, tout contact inapproprié avec ce qui est considéré comme un animal d'élevage est passible de la peine de mort. À l'insu de tous, il va peu à peu la traiter comme un être humain.

Le tour de force d’Agustina Bazterrica est de nous faire accepter ce postulat de départ en nous précipitant dans un suspense insoutenable. Roman d'une brûlante actualité, tout à la fois allégorique et réaliste, Cadavre exquis utilise tous les ressorts de la fiction pour venir bouleverser notre conception des relations humaines et animales.

Agustina Bazterrica est née à Buenos Aires en 1974. Cadavre exquis, son premier roman, a remporté le prestigieux prix Clarin en 2017.

 


Mon avis :
Et si l'horreur des abattoirs nous était contée en substituant des humains aux animaux !? Car des animaux, il n'y en a plus dans ce futur indéterminé mais les humains ne veulent pas renoncer à la viande. Alors des humains sont élevés et génétiquement modifiés pour être des animaux comestibles. Mais ont-ils une conscience animale ? Ou humaine ?? L'humanité pratique désormais le cannibalisme. Mais c'est un mot interdit. Il y a des mots convenables, hygiéniques, légaux, et ceux qu'il est interdit de prononcer sous peine de finir en steak. Voilà ce qu'est devenu le monde suite à la Grande Guerre Bactériologique qui a rendu les animaux impropres à la consommation et mené à leur extermination. D'ailleurs, dans ce monde affreux, est-ce qu'on ne mange que de la viande élevée pour ça ? Ou bien en mange-t-on parfois qui avait un nom et un prénom ?

Il n'y a pas que la viande, il y a aussi la peau, le cuir, que monsieur Urami détaille et j'ai trouvé ça presque plus glaçant que l'abattoir. Sans doute parce qu'il y a des antécédents dans l'histoire du XXe siècle, où de la peau humaine à servi à fabriquer des objets.
On est, avec cette histoire, instantanément dans un monde terrifiant. Que dis-je terrifiant !? Ce monde est absolument cauchemardesque !!!

Le fait que ce soient des humains qui sont débités en morceaux alimentaires dans les abattoirs met en évidence l'ignominie que cela représente, l'irrecevabilité de ce qu'on fait, pourtant on le fait, à très grande échelle, sur des êtres sentients.
Marcos Tejo occupe un poste à responsabilités à l'abattoir, avec une sorte de résignation et du dégoût car beaucoup de questions le taraudent. Dans cette société abjecte et hypocrite, les "humains" de boucheries sont appelés des "têtes", car personne ne voudrait manger ses semblables... non, non ! Donc on leur donne une appellation spécifique. Certains achètent des têtes pour chez eux, d'autres, chasseurs depuis toujours, n'ont pas renoncé à leur "distraction", il leur en faut pour faire des lâchers, et mettre des beaux trophées aux murs. Tout ce que notre époque fait de dégueulasse aux animaux, ce futur le fait à des humains déshumanisés destinés à l'abattage.
Et puis ce monde sans animaux est triste à mourir. Plus de chiens qui aboient, plus de crottes sur les trottoirs, plus d'animaux sauvages dans le zoo désaffecté. le monde tel qu'il était depuis des millénaires n'existe plus. Un triste monde sans animaux, sans chiens, sans chats à nos côtés.

Par moments l'autrice pousse le bouchon très très loin, il me semble, et pourtant je n'ai pas pu m'empêcher de me demander si c'était vraiment délirant d'imaginer ce qu'elle nous raconte. Car je pense que certains sont capables de démesure, que l'argent peut monter à la tête et laisser croire à ceux qui en ont trop que tout leur est permis. Des "maîtres du monde" qui disent et font n'importe quoi et nous amènent au bord du vide.

Ce roman m'en a évoqué deux autres sur ce thème, que j'avais beaucoup aimés aussi : 
Défaite des maîtres et possesseurs de Vincent Message, et Macha ou le IVe reich de Jaroslav Melnik, qui avaient la même puissance horrifique et m'avaient donné un terrible sentiment d'extrême vulnérabilité face à la férocité de mes semblables ou au fait d'être devenus des proies. J'ai trouvé l'angle choisi par Agustina Bazterrica vraiment très malin. C'est un gros coup de cœur pour moi même s'il m'a fait dresser les cheveux sur la tête. Un livre impossible à lâcher, jusqu'à la fin. J'aurais aimé qu'il dure beaucoup plus longtemps. Pourquoi ? Parce qu'en le lisant j'ai eu vraiment le sentiment que notre monde est encore beau, pour le moment, je me suis rendu compte de tout ce qu'on a à perdre et je l'ai trouvé encore plus beau. Hélas de moins en moins, et surtout, pas pour les animaux en général.

 

Citations :

Page 15 : Il se réveille le corps couvert de sueur car il sait que demain encore il devra abattre des humains.

Personne ne les appelle comme ça, pense-t-il, en s’allumant une cigarette. Lui non plus ne les appelle pas comme ça quand il explique le cycle de la viande à un nouvel employé. On pourrait l’arrêter à ce seul motif, et même l’envoyer aux Abattoirs Municipaux pour se faire transformer. « Assassiner » serait le mot exact, mais ce mot-là n’est pas autorisé.

 

Page 48 : Avant, ses chiens se précipitaient sur les voitures en aboyant. L’absence des animaux a fait place à un silence oppressant, mutique.

 

Page 76 : Il n’appelle jamais les vieux « papi » ou « mamie ».

Tous ne sont pas, ni ne seront, des grands-parents. Ce sont juste des vieux, des gens qui ont vécu longtemps, et dont ce sera, peut-être, la seule victoire.

 

Page 108 : Lui, il se demande toujours ce que ça doit faire de passer ses journées à mettre des cœurs humains dans des caisses. À quoi peuvent bien penser ces ouvriers ? Ont-ils conscience que ce qu’ils tiennent dans leurs mains étaient jusqu’à présent en train de battre ? Cela leur fait-il quelque chose ? Puis il pense que lui aussi passe ses journées à superviser un groupe de gens qui, sous ses ordres, égorgent, éviscèrent et découpent des femmes et des hommes sans y voir le moindre problème.

 

 

 

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Mon avis : Braconnages – Reinhard Kaiser-Mühlecker

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’allemand (Autriche) par Olivier Le Lay

 

Éditions Gallimard – DU MONDE ENTIER

 

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Quatrième de couverture :

Jakob est un jeune agriculteur qui exploite la ferme familiale en Haute-Autriche. Dépassant ses premières réticences, il accueille Katja, une artiste qui se découvre une passion pour son métier ; peu à peu, ils vont s’apprivoiser et fonder une famille.
Mais cette union et cette apparente stabilité ne résolvent pas les sombres questions qui traversent Jakob de longue date : celle de la difficulté quotidienne de la vie rurale, celle du pesant héritage de l’histoire de son pays, celle du silence et de l’incommunicabilité. La violence enfouie en Jakob menace sans cesse de ressurgir en s’abattant sur ses terres, sur les autres, et sur lui-même.
Découvert en France avec les somptueux Lilas rouge et Lilas noir, Reinhard Kaiser-Mühlecker nous offre ici un puissant roman sur la condition agricole aujourd’hui et l’inconvénient d’être né. Porté par une langue limpide, Braconnages nous invite à parcourir les plaines de l’Autriche comme celles de l’âme déchirée de ses personnages.

 

 

Mon avis :
Le rythme de vie de Jakob et lent et laborieux, comme la nature avec laquelle il vit. Il est agriculteur et éleveur. Il vit dans l'exploitation avec ses parents, et sa grand-mère à qui tout appartient. Ses journées sont rythmées par les différentes taches qu'il accomplit jour après jour. S'il n'y avait ses parents, il vivrait solitaire avec seulement sa chienne. Alors pour meubler sa solitude, il va sur Tinder, discuter avec des femmes... qui au fond pour la plupart ne l'intéressent pas. C'est un homme pragmatique, qui va à l'essentiel, pour qui un chien est juste un chien, où peut-être un accessoire indispensable à la ferme. de prime abord il semble être un homme torturé car taciturne avec une attirance redoutable pour la roulette russe.

On sent un homme humilié, sans qu'on sache précisément par quoi, à part son sentiment obsédant d'être un raté. Il semble enfermé à l'intérieur de lui-même, seul avec sa méfiance, trouvant systématiquement les marques de sympathie suspectes. Pourtant l'auteur nous dit que dans le monde paysan, la règle c'est le "Nous" car les biens appartiennent à tous les membres de la famille. Mais Jakob est un homme étrange, sans doute que son pire ennemi c'est lui-même. Il semble très défaitiste au point que lorsqu'il rencontre Katja, son raisonnement n'est autre que "[...] ils vivaient dans des mondes différents, sans qu'il fût possible de bâtir une passerelle de l'un à l'autre." C'est comme s'il fermait toute porte qui pourrait lui apporter un peu de lumière. Quant à ses parents, son père et sa mère, ils ont peut-être une part dans son mal-être. le père a l'air d'un doux dingue et la mère est froide est peu loquace. Et puis la grand-mère, cette invisible, vieillissant à n'en plus finir, détentrice de tout, confinée dans sa chambre. Tous ses biens auraient une origine honteuse, une exhalaison de génocide. Car là, force est de constater que la Shoah, vue de l'Autriche, c'est un tout autre point de vue que le nôtre, teintée de la honte de la spoliation.

À mesure que l'on avance dans le roman on découvre de plus en plus la personnalité fascinante de Jakob. Il est déchiré entre ce qu'il est et qu'il n'aime pas, et ce qu'il voudrait être et qu'il s'efforce de devenir. Et toujours avec un sentiment d'imposture, et toujours la pensée que les gens le voient tel qu'il n'est pas mais tel qu'il se montre, et donc ne le connaissent pas, et l'apprécient ou le détestent pour de mauvaises raisons. Il est tellement ambivalent et insaisissable !

Arrivée à la moitié du roman, je me suis demandé s'il y avait de l'amour dans cette histoire. Tous les personnages sont tellement étranges et réservés. Ou peut-être, en guise d'amour n'y a-t-il que de la résignation, ou alors simplement de la raison, comme dans les mariages arrangés... quand on y est, on y reste !?

C'est un récit très lent, comme le rythme des saisons, bruissant de la présence animale, de l'autoroute aussi qui passe à proximité, mais peu de la parole. C'est toute une ambiance, faite de silences, de regards et de colères contenues, c'est très étrange.
Alors, si ce livre n'avait pas été dans la sélection pour le prix Bookstagram du roman étranger 2024, je ne l'aurais sûrement jamais lu et ça aurait été dommage, mais j'ignorais jusqu'à l'existence de 
Reinhard Kaiser-Mühlecker. Pourtant il m'a emportée dans ce monde qui est le sien, que je ne connais pas, fait de labeur, de non-dits et de froideur et j'ai vraiment aimé ça. Cette histoire m'a captivée... jusqu'à la fin, qui m'a glacée. Toile impressionniste du calme avant la tempête.

 

Citations :

Page 22 : L’élevage de plein air n’était pas nécessairement la règle, il fallait ne pas être économe de son temps, mais Jakob tenait à ce que les bêtes, pour la courte vie qui leur était prêtée, eussent un confort suffisant. Il se souciait de leur bien-être.

 

Page 82 : Elle lui plaisait, la cause était entendue, mais ils vivaient dans des mondes différents, sans qu’il fût possible de bâtir une passerelle de l’un à l’autre.

 

Page 130 : C’est que chacun avait gardé d’Alexander un souvenir tout différent : l’allure fringante, le pas vainqueur, il avait été, surtout, un jeune homme au corps assez musclé. Et voilà qu’il fendait maintenant la foule au bras de sa femme avec une componction de prélat, sanglé dans un complet qui le boudinait et laissait une impression de déguisement.

 

Page 184 : C’est vrai qu’ils étaient rarement en désaccord pour ce qui touchait à l’enfant ; chacun respectait l’avis de l’autre, et ils ne se préoccupaient aucunement de ce que pouvait dire sa mère ou, pis encore, la mère de Katja — sans même parler des pères, qui, en dépit de leur ignorance totale du sujet, ne manquaient jamais de donner leur opinion.

 

Page 274 : L’épidémie. C’était peu dire que ça lui tapait sur les nerfs. Ces discussions à n’en plus finir parce qu’il avait refusé de se faire vacciner. Il n’était aucunement un tenant de la théorie du complot, et ne sympathisait en aucune façon avec les crétins qu’on avait vu déferler à grand tapage dans les rues, mais il avait été toujours hostile au port du masque et s’était insurgé contre la fermeture des bars et des restaurants ; non, il jugeait que ces personnes qui protestaient contre des décisions auxquelles on ne pouvait rien changer étaient ridicules, mais, comme bien d’autres que lui, il restait persuadé qu’il y avait derrière tout cela quelque chose de plus trouble que le seul désir de préserver la santé de chacun.

 

 

 

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Mon avis : L’affaire Alzheimer – Jacques Timmermans

Publié le par Fanfan Do

Autoéditions

 

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Quatrième de couverture :

Avec ce roman, Jacques Timmermans nous plonge au cœur de l’industrie des soins de santé, milieu professionnel qu’il connaît bien, tant pour ses belles façades que ses sombres coulisses. Le résultat est à la fois instructif et édifiant, à travers une intrigue où s’entremêlent la science omniprésente et une fiction à ce point réaliste qu’elle en devient crédible. Un récit captivant servi par une écriture fluide, intelligente et teintée d’un humour grinçant, faisant la part belle à la psychologie profonde de personnages parfois attachants, parfois carrément odieux. Un régal !
Le pitch
Quinze ans déjà que Fred travaille comme chercheur dans une grosse multinationale pharmaceutique. Et tandis que sa motivation professionnelle est au plus bas depuis un bon moment, voilà que lui tombe dessus une nouvelle tuile. Les résultats de sa dernière étude sur souris transgéniques sont totalement aberrants, et son patron, au paroxysme d’une fureur incompréhensible, en exige la raison. Fred n’a désormais pas d’autre issue que de trouver au plus vite une explication à cette bizarre énigme.
En spectateur désabusé et souvent impuissant face à l’adversité sournoise de ce milieu professionnel aux pratiques glaçantes, notre brave héros se lance alors dans une pénible enquête, semée d’obstacles et de rebondissements inattendus. Qu’a-t-il donc bien pu se passer ?
Et s’il détenait en fin de compte le remède miracle contre la maladie d’Alzheimer… ?

 

 

Mon avis :
Fred, qui travaille dans une grosse multinationale pharmaceutique, assiste à une des (trop) nombreuses et inutiles réunions où il se fait hurler dessus par son supérieur hiérarchique devant le nouveau directeur. Il exècre ces séances où chacun se fait mousser, ce "fichu management meeting mensuel" où le cynisme lié au gros profits s'étale à travers les propos de Laurence, docteure et directrice de la recherche clinique au sein de l'entreprise.
Il a fallu que je m'adapte dès le départ à un langage (de bureau je suppose) qui m'est totalement étranger : laptop, sharp, CEO², annual review, smart casual, il n'y a que dress code qui ne m'a pas posé de problème. Ça m'a rappelé un sketch des Inconnus... Cela dit, l'auteur se moque aussi "L'envie me vient soudain de lui répondre n'importe quoi, avec un terme anglais tous les trois mots, mais il ne va pas comprendre."
Néanmoins, merci internet qui vous dit tout ce que vous avez besoin de savoir, j'ai trouvé tous les termes.

Mais voilà que Fred nous explique tout depuis le début, le fameux projet G181256 sur lequel il a travaillé dans cette entreprise pharmaceutique dès la fin de son doctorat. Ses recherches étaient en lien avec la maladie d'Alzheimer, épée de Damoclès au-dessus de nos têtes de potentiels futurs grands vieillards. Or, ses expériences sur deux groupes de souris semblent présenter une grosse erreur, voire une énorme aberration, une impossibilité.

Un chef de service caractériel et une mémoire qui semble défaillir depuis peu vont donner des sueurs froides à Fred. de réunions en formations, il traîne son inquiétude et ses questionnements à propos de ses souris Alzheimer, ou pas... et cherche la raison de cette étrangeté.

Ce livre pointe du doigt les méthodes et le manque d'éthique des multinationales qui n'ont comme objectifs que de faire du fric, pressurer leurs salariés comme des citrons et ignorer les dangers de leurs produits. Sans oublier toutes les absurdités administratives et règlements qui se contredisent, qui peut-être cachent autre chose. Et puis la souffrance au travail, devenue courante dans les grandes entreprises, des supérieurs hiérarchiques aux ambitions démesurées qui n'hésitent pas à piétiner leurs collègues, des jeunes loups aux dents longues... Mais aussi l'arrêt de certains médicaments, sans raisons apparentes, laissant des tas de gens dans la détresse, peu importe leur bien-être, seul compte le profit.

Cependant que Fred s'ingénie à tenter de comprendre ce qui est arrivé à ses souris de laboratoire, il semble que ses journées se transforment en parcours du combattant ou en saut d'obstacles, au choix. Il est dans ces moments où tout se combine pour vous pourrir la vie.
Alors je dois dire que je me suis retrouvée, avec cette histoire, dans un univers qui m'est totalement étranger. le milieu de la recherche, et des multinationales, je ne connais pas et j'ai envie de dire tant mieux. Un chouette panier de crabes !
Dans cette foire d'empoigne où tout le monde se fait des courbettes et des sourires hypocrites, Fred est un électron libre, solitaire à l'esprit facétieux, pratiquant l'ironie en son for intérieur.

J'ai appris au passage qu'il y a des entreprises qui fournissent des souris transgéniques Alzheimer (et peut-être pas que...) et ça me laisse sans voix. Nous les humains sommes persuadés d'être au sommet de tout et nous permettons toutes les cruautés, mais plus dure sera la chute.
Ce que Fred va découvrir va violemment l'ébranler...
C'est un roman édifiant sur l'industrie pharmaceutique, mais aussi sur le monde des grosses entreprises en général, où les ambitions personnelles peuvent écraser du monde, sans état d'âme car trop souvent il s'y pratique un management toxique.

C'est le troisième livre de 
Jacques Timmermans, et le troisième que je lis. Ils sont tous différents mais leur point commun c'est l'humour disséminé çà et là, et c'est à chaque fois un plaisir.

 

Citations :

Page 14 : — Et qu’y aurait-il d’ailleurs d’illégal à commanditer une étude clinique auprès d’un expert ? Mais qu’est-ce que vous croyez, les bisounours de l’administration ? Vous êtes nouveaux dans le business, ou quoi ? Toutes les boîtes pharma font pareil, et si nous jouons les puritains, l’essentiel du marché sera rapidement passé à la concurrence, dès demain.

 

Page 124 : — On ne va pas se mentir, Fred, on connaît toi et moi la devise de leur modèle économique de base, qu’« un patient guéri est un client de perdu. » Suffit de voir comment sont habituellement conçues au sein de l’industrie pharma les stratégies de traitement des maladies chroniques.

 

Page 128 : Le scientifique est d’abord obligé de s’inventer de nouveaux mots pour construire son interprétation du monde, en oubliant presque aussitôt que sa démarche ultérieure ne servira qu’à expliquer les mots et certainement pas ce qu’il y a derrière. Le mot n’est alors qu’un obstacle supplémentaire entre lui et la chose. Et le mystère ne se dévoile aucunement.

 

Page 221 : Mais retiens donc que le seul et unique objectif d’une boîte pharma est de faire du pognon, avant tout pour satisfaire ses actionnaires.

 

 

 

 

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Mon avis : On m’appelle Demon Copperhead – Barbara Kingsolver

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’américain par Martine Aubert

 

Éditions Albin Michel – Terres d’Amérique

 

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Quatrième de couverture :

Né à même le sol d'un mobil-home au fin fond des Appalaches d'une jeune toxicomane et d'un père trop tôt disparu, Demon Copperhead est le digne héritier d'un célèbre personnage de Charles Dickens. De services sociaux défaillants en familles d'accueil véreuses, de tribunaux pour mineurs au cercle infernal de l'addiction, le garçon va être confronté aux pires épreuves et au mépris de la société à l'égard des plus démunis. Pourtant, à chacune des étapes de sa tragique épopée, c'est son instinct de survie qui triomphe. Demon saura-t-il devenir le héros de sa propre existence ?
Comment ne pas être attendri, secoué, bouleversé par la gouaille, lucide et désespérée, de ce David Copperfield des temps modernes ? S'il raconte sans fard une Amérique ravagée par les inégalités, l'ignorance, et les opioïdes - dont les premières victimes sont les enfants -, le roman de Barbara Kingsolver lui redonne toute son humanité. L'auteur de L'Arbre aux haricots et des Yeux dans les arbres signe là un de ses romans les plus forts, couronné par le prestigieux prix Pulitzer et le Women's prize for fiction.

 


Mon avis :
Demon Copperhead nous raconte sa vie, qui a plutôt très mal commencé : "Ce gamin, s'il voulait avoir une chance de goûter aux belles choses, il aurait dû se faire livrer chez une mère riche ou intelligente ou chrétienne, en bref une mère clean."
J'ai tout de suite aimé la narration, ce côté copain qui nous fait entrer dans le petit monde de Demon. Il a deux rêves : voir l'océan, et la tombe de son père, mort avant sa naissance.

Demon commence par le tout début, sa naissance avec une mère junkie, défoncée quand il voit le jour, son enfance avec son copain Maggot le petit-fils Peggot, son enfance pauvre mais qui respire la complicité enfantine, l'enfance qui se satisfait de bonheurs simples. Sauf que Demon a une maman qui fait toujours des mauvais choix et que ça impacte fortement sa vie à lui. Un jour, elle se marie et c'est pas une bonne chose, ni pour lui, ni pour elle.

Alors que le début sentait la misère heureuse si je puis dire, avec l'arrivée de Stoner "le connard", la vie de Demon et de sa mère vire au cauchemar. Car il est de ces hommes qui s'autorisent tout, se comportent en seigneur. et maître. C'est terriblement angoissant d'assister à ça de façon passive. Car oui, j'étais totalement avec Demon sans pouvoir le protéger. Dès le début de l'histoire Demon est devenu mon petit pote.
Il va se retrouver dans le circuit des familles d'accueil assez sordides, ou au mieux lamentables, où il a affaire à des exploiteurs d'enfants dénués de philanthropie, où il en vient à baver sur la gamelle du chien tellement il a faim. On est face à la difficulté d'être un enfant, à la douleur de ne pas avoir son libre arbitre, d'être à la merci des adultes défaillants et d'une société qui ne se préoccupe que très peu des exclus.

Le peu de confiance que Demon met dans les adultes est à l'image de ce qu'il a vécu, lamentable. Il n'espère rien et s'attend toujours au pire. Pourtant, de bonnes choses arrivent parfois. Hélas, il ne semble pas apte au bonheur simple, car il a fini par penser que tout se paie dans la vie, le bon comme le mauvais. Et il craint de gâcher même les bonnes choses, par manque de confiance en l'humanité. Il a un tel besoin d'amour et de reconnaissance qu'il en vient facilement à se sentir rejeté.

Mais tout orphelin qu'il soit, Demon fait partie d'une communauté, d'un lieu, et d'un clan, la famille Peggot qui l'a vu grandir et l'a aimé depuis toujours. Il n'est pas seul, il a des souvenirs avec tous ces gens là. de plus il est fort, animé par la rage de vivre, l'envie de croquer la vie à pleines dents.
Un héros très attachant, résilient, avec un regard lucide sur les adultes, et l'humour qui affleure en permanence ont fait de cette lecture un plaisir jubilatoire.

Malgré l'adversité, c'est beau, d'une beauté triste parfois, mais tellement puissante qu'on a envie d'en reprendre, pas envie que ça s'arrête, comme le jour d'un enterrement, où on voudrait figer cet instant pour toujours, pour pouvoir reprendre un peu de cette douleur indispensable dans les moments où elle semble s'atténuer et s'enfuir dans les limbes des souvenirs. C'est tellement profond, la puissance des mots illumine l'histoire. C'est souvent drôle aussi. Car Demon ne s'apitoie pas sur lui-même et nous raconte ses péripéties avec énormément de dérision.

Il y a aussi un regard amer sur cette société qui donne des rêves trop grands, hors de portée, stupides parfois, distribue des drogues dures en pharmacie, case les enfants placés n'importe où, histoire de s'en débarrasser et se donner l'illusion du devoir accompli. Dans le comté 
De Lee en Virginie, ils sont considérés comme les ploucs de l'Amérique, des Rednecks. Cette histoire nous rappelle également que la vie est faite d'occasions et qu'il faut savoir les saisir quand elles passent. Toute notre vie on a des choix à faire... pour ces enfants nés au mauvais endroit, la vie est un Everest à gravir.

Oui, ce roman est un coup de cœur ! 
Barbara Kingsolver nous parle d'adversité mais aussi de générosité, avec certains personnages absolument magnifiques et je me demande avec désenchantement si on peut vraiment en croiser autant dans la vraie vie ou si c'est juste le pouvoir des livres. Car de toutes ces personnes que Demon croisera dans sa vie, certaines lui permettront de croire qu'un avenir autre est possible.
Ah oui, qu'est-ce que je l'ai aimée cette histoire !
Évidemment, cette "réincarnation" version comté 
De Lee en Virginie du David Copperfield de Charles Dickens donne envie de lire l'original, dont je ne garde qu'un vague souvenir de l'adaptation télé vue dans ma lointaine enfance.

 

Citations :

Page 48 : Je me suis demandé ce que Stoner penserait de se prendre du vomi dans la tronche en guise de réponse, parce que c’était à deux doigts. Mais il s’en foutait, et il s’est tourné pour lui hurler dessus. Je commençais à être à cours de Pauvre maman à ce stade. C’était pas mon idée d’épouser ce connard.

 

Page 79 : Tommy parlait tendrement aux bêtes quand il les nourrissait, même si ce n’étaient que des monstres géants complètement débiles. Il faisait pareil avec moi, comme s’il essayait de compenser toutes les mauvaises choses de notre vie. Au moins j’allais pas être castré et être transformé en viande hachée, ça j’en étais à peu près sûr.

 

Page 96 : Bref, les placements étaient faits par des agences et nous, comme aurait dit Stoner, on était du produit. Faire tourner et commercialiser les enfants placés sur plus de cinquante comptes clients.

 

Page 129 : Je sens toujours au fond de moi qu’être en colère était alors la seule chose qui me faisait tenir. En colère contre tout le monde mais surtout contre elle, d’avoir épousé Stoner et de nous avoir laissés tomber, d’avoir fui vers un paradis où elle pourrait foutre la merde comme elle voudrait, et où personne ne lèverait plus jamais la main sur elle.

 

Page 169 : Y avait une chose que Miss Barks ne connaissait pas : la famille d’accueil. Elle avait pas idée qu’il existait des gens qui vivaient juste au bord de ce qui est faisable.

 

Page 243 : Je voulais rentrer à la maison. C’est à dire nulle part, mais c’est un réflexe qu’on garde, même quand y a plus aucun endroit où aller.

 

Page 267 : Si t’as déjà rencontré une fille au collège, tu sais comment elles sont : de la connerie en éruption permanente. Une urgence toutes les deux minutes, ta meilleure amie qui se transforme en ennemie. Un gars qui flirtait avec toi hier et qui parle aujourd’hui à une autre fille. Chaque partie de ton corps trop grosse ou trop petite et oh je déteste cette robe et oh mon Dieu j’ai peur d’être enceinte.

 

Page 353 : Oui, la vie ça craint, la faim qui te tenaille la nuit, les gens qui te font du mal, mais comparé à être enterré dans une boite, à flotter dans un univers de rien et de jamais ? Le choix est vite fait.

 

Page 440 : Avril, le mois où ce pauvre monde attend la délivrance de toutes ses forces. Les cornouillers et les gainiers rouges sont là, pimpants au bord des routes, et des feuilles vertes toutes neuves illuminent les montagnes. Alors arrive une gelée tardive qui noircit tout, les fruits de l’année tués dans l’œuf. C’est un bon moment pour mourir, j’imagine. Si on ne croit plus à la délivrance.

 

 

 

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