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Mon avis : La nuit des béguines – Aline Kiner

Publié le par Fanfan Do

Éditions Liana Levi

 

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Quatrième de couverture :

Paris, 1310, quartier du Marais. Au grand béguinage royal, elles sont des centaines de femmes à vivre, étudier ou travailler comme bon leur semble. Refusant le mariage comme le cloître, libérées de l’autorité des hommes, les béguines forment une communauté inclassable, mi-religieuse mi-laïque. La vieille Ysabel, qui connaît tous les secrets des plantes et des âmes, veille sur les lieux. Mais l’arrivée d’une jeune inconnue trouble leur quiétude. Mutique, rebelle, Maheut la Rousse fuit des noces imposées et la traque d’un inquiétant franciscain... Alors que le spectre de l’hérésie hante le royaume, qu’on s’acharne contre les Templiers et qu’en place de Grève on brûle l’une des leurs pour un manuscrit interdit, les béguines de Paris vont devoir se battre. Pour protéger Maheut, mais aussi leur indépendance et leur liberté. Tressant les temps forts du règne de Philippe le Bel et les destins de personnages réels ou fictifs, Aline Kiner nous entraîne dans un Moyen Âge méconnu. Ses héroïnes, solidaires, subversives et féministes avant l’heure, animent une fresque palpitante, résolument moderne.
 

 

Mon avis :
Paris 1310 dans le quartier du Marais. Les béguines, des femmes libres d'étudier ou travailler et de disposer de leur argent, mi-religieuses, mi-laïques, libérées de l'autorité des hommes, refusant le mariage comme le cloître, dont un grand nombre vivaient au grand béguinage royal, parfois après une vie, des enfants et le veuvage. Il y avait de nombreuses communautés de béguines reparties dans la partie nord du pays, ce mouvement étant né à Liège en 1173. Forcément, un tel fait historique ne pouvait que m'intriguer et m'intéresser, d'autant que le Moyen-âge me fascine.

C'est ahurissant l'importance qu'avait la religion au Moyen-âge. Tout tournait autour de Dieu, des messes, des prières et gare à l'inquisition qui traquait les hérétiques ! On est à l'époque de Philippe le Bel, roi pieux, petit-fils de Louis IX (Saint Louis), hanté par la peur de l'hérésie, maître d'œuvre de la disgrâce des Templiers, ce puissant Ordre des moines-soldats. Des tortures "artistiques" ou comment broyer, briser, étirer sans jamais faire saigner pour ne pas souiller les terres de l'Église… Sacrée ambiance le Moyen-âge !!
C'est aussi le temps où les roux étaient honnis, "Roux, couleur maudite. Couleur du traître. le poil roux de Judas et Caïn, d'Esaü qui vendit son frère pour un plat de lentilles, de Ganelon qui envoya au massacre Roland et ses compagnons." Et justement, une enfant rousse a été trouvée dans le froid, prostrée et mutique. Ysabel, entrée au béguinage après son veuvage, va vouloir la protéger de l'extérieur où le danger est partout pour les femmes. Car en réalité, cette enfant, Maheut, est une jeune femme qui, semble-t-il, a été violentée. Maheut la Rousse, jeune femme rebelle et intrépide, victime des hommes, est recherchée par un moine.

Certaines femmes parfois complices du pouvoir abusif des hommes, stupides au point de croire les mensonges qu'on leur assène - "La bêtise des moutons qui hurlent avec les loups !" Néanmoins, c'est une belle histoire de sororité, de femmes entre elles, qui se soutiennent et se protègent des dangers du monde extérieur, essentiellement les hommes.

Ce roman passionnant et enrichissant met en exergue le statut des femmes de tout temps, béguine ou pas, toujours accusées de potentielle perfidie, de faiblesse, d'inconstance, et d'incapacité à penser par elles-mêmes. Mais pourquoi les hommes ont-ils à ce point peur des femmes, qu'ils essaient depuis toujours de faire taire, les traitent en sous-humains, tentent de les effacer, de se rendre maîtres d'elles ? Les béguines elles, sont accusées par beaucoup d'un double refus d'obéissance, au prêtre et à l'époux.
Femmes sur une corde raide, elles qui dérangeaient le clergé car elles ne lui étaient pas soumises. Leur statut devenu fragile sous Philippe le Bel où il était question de remettre en cause leur mode de vie. Une des leurs, 
Marguerite Porete, accusées d'hérésie et brûlée sur le bûcher pour avoir écrit un livre sur son amour de Dieu en dehors de tout dogme. Peut-être a-t-elle été le grain de sable qui a fait voler en éclat le statut des béguines, ou peut-être pas... car toute foi non contrôlée par l'Église semble insupportable. Et l'Église détruisait ce qu'elle ne parvenait pas à soumettre.

J'ai adoré cette très belle incursion, très immersive, dans le Moyen-âge, époque étrange et lointaine où religion et superstitions font bon ménage, où Dieu ne peut pas être bon, puisque tout le monde le craint. Les méchants n'inspirent pas l'amour, seulement la peur. J'ai aimé la balade dans ce Paris si lointain, sale, malodorant, et si plein de vie mais aussi hélas si plein des morts de l'inquisition. J'ai aimé la plupart de ces femmes, la charitable Ysabelle, l'impénétrable Ade, la bienveillante Jeanne, Juliotte la muette, Maheut la Rousse, généreuses, érudites et solidaires, beaucoup moins les hommes, autoritaires et brutaux.
C'est un véritable coup de cœur que ce roman qui m'a appris beaucoup sur cette courte période du Moyen-âge et le triste sort réservé aux femmes, qui a vu la fin des Templiers et la fin annoncée des béguines.

 

Citations :

Page 28 : Roux, couleur maudite. Couleur du traître. le poil roux de Judas et Caïn, d'Esaü qui vendit son frère pour un plat de lentilles, de Ganelon qui envoya au massacre Roland et ses compagnons. Couleur des flammes de l’enfer qui brûlent sans éclairer. De Satan et ses maléfices. Des enfants engendrés durant les règles de leur mère. Il y a quelques jours, l’abbé de Sainte-Geneviève a expulsé de la ville une fillette, Emmelote, qui avait pour seul tort d’être née avec des cheveux flamboyants.

 

Page 40 : Certains se sont moqués du souverain et de sa piété démonstrative ! Après l’échec humiliant de la première croisade, on l’a vu, il est vrai, se complaire dans une existence de privation, abandonnant l’hermine et le vair, l’habit écarlate, les étriers et les éperons d’or, pour se vêtir d’habits incolores, manger des plats simples et allonger son vin d’eau. Aujourd’hui pourtant, chacun est bien obligé de reconnaître que, durant sa vie, Louis a tenté d’approcher, autant qu’il est possible à un homme dans son incomplétude, l’exemple du Christ. Il a apporté son soutien aux ordres mendiants, fondé des hôpitaux pour les pauvres, un couvent pour les prostituées repenties de Paris, protégé les aspirations des femmes qui voulaient pratiquer leur religion sans subir le joug des autorités ecclésiastiques. Sous sa protection, des petites communautés de béguines se sont établies un peu partout à travers le royaume, à Senlis, à Tours, Orléans, Rouen, Caen, Verneuil… Et dans la capitale, il s’est investi personnellement dans la construction du clos, conçu sur le modèle de Sainte-Elisabeth à Gand qu’il avait eu l’occasion de visiter.

 

Page 49 : « Ils ont été soumis à la question avec beaucoup d’efficacité. Selon l’inquisiteur général, c’est une méthode fiable pour emporter la vérité. Je ne me permettrais pas de le contredire. Mais la vérité qu’on obtient est souvent celle que l’on cherche. »

 

Page 54 : Afin que le sang ne se répande pas sur les terres de l’Église, on y applique la question non pas avec retenue mais avec art, brisant, broyant, étirant sans que jamais la moindre goutte de sang perle sur la peau. Et lorsqu’il s’agit de couper des oreilles, on mène les condamnés à quelques quartiers de là, à l’extrémité de la rue de l’Arbre-Sec.

 

Page 276 : Elle savait que jamais elle n’offrirait d’enfant à son mari, le médecin l’avait dit. Il avait assouvi ses désirs avec d’autres femmes, des servantes du château… cette brune qui riait dans la chambre voisine. Un bâtard était né. Tous les hommes faisaient ainsi.

 

Page 299 : Quant à moi, j’ai toujours été réticent à l’égard du béguinage, vous le savez, Agnès. Le roi nous a fait l’honneur de nous en confier le contrôle, mais trop longtemps vos maîtresses et vos compagnes ont agi à leur guise. Je ne pense pas qu’il soit bon que les femmes administrent seules leur destin. Ni qu’elles prétendent à l’instruction, bien que ce soit une tendance de notre temps.

 

 

 

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Mon avis : Hurlements – Alma Katsu

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’anglais ( États-Unis) par Nadège DULOT

 

Éditions Sonatine

 

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Quatrième de couverture :

Trop tard pour faire demi-tour. Juin 1846.

Un convoi de pionniers traverse l’Utah en direction de la Californie, malgré les nombreuses mises en garde sur les dangers d’un tel périple. À sa tête, George Donner et James Reed, représentants des familles les plus éminentes du groupe, se disputent la gestion des ressources et du bétail. Tandis que le convoi s’enfonce dans un territoire de plus en plus sauvage, les personnalités s’affirment, les alliances se créent et le passé que les uns et les autres ont cherché à fuir ne cesse de revenir les hanter. Une nuit, un des enfants du convoi disparaît. On ne retrouve de lui que ses ossements, parfaitement nettoyés. Est-ce l’œuvre des Indiens ? Une meute de loups est-elle sur leurs traces ? À moins que cette mort brutale soit l’œuvre de l’un d’entre eux... Dans ce cas, comment expliquer cette sensation d’’être observés constamment, et les murmures qu’ils entendent sur leur passage ? À mesure que les réservent s’amenuisent, la tension monte au sein du convoi. C’est alors qu’une deuxième attaque a lieu. Pour les pionniers, il est désormais impossible de nier que quelque chose est bien à leurs trousses. Et que cette chose a visiblement encore plus faim qu’eux.

Connaissez-vous l’expédition Donner ? C’est le nom donné aux 87 pionniers américains qui ont réellement traversé la Sierra Nevada pendant la fièvre de l’Ouest. À leur arrivée, ils n’étaient plus que 47. Comment la moitié du groupe a-t-elle été décimée ? Plus important encore, comment la moitié restante a-t-elle survécu ? En s’emparant de cette histoire vraie, Alma Katsu délivre un récit d’horreur jubilatoire, où l’appréhension infuse peu à peu le réel jusqu’à basculer dans l’angoisse la plus parfaite.

 

 

Mon avis :
1846, le convoi Donner, 87 pionniers au total, partis de Springfield dans l'Illinois en passant par Independance dans le Missouri pour rejoindre la Californie, n'étaient plus que 47 à l'arrivée. de ce fait réel, 
Alma Katsu à écrit une histoire horrifique. Pourtant, est-ce que les voyages que s'infligeaient les pionniers n'étaient pas déjà terrifiants par la longueur, la difficulté, le danger et l'incertitude ? Des chariots chargés au maximum, des familles entières, des chevaux, des bœufs, des moutons, des chiens, embarqués dans la traversée d'une grande partie de ce pays gigantesque et dangereux.

Le convoi, d'une longueur interminable, composé de gens qui ne se connaissaient pas peu de temps avant, qui ignoraient pratiquement tout les uns des autres et qui allaient risquer leurs vies tous ensemble pour un rêve d'ailleurs, d'une nouvelle vie.

On se rend compte que dès le départ ils ont fait des mauvais choix, comme s'ils ne se rendaient pas compte qu'ils allaient traverser un continent, et cela par tous les temps, avec des chariots monstrueusement encombrants et une quantité de nourriture non renouvelable comme s'ils ignoraient à quel point la vie peut être fragile. Mais alors que la solidarité était de mise dans ces convois, peu à peu les pionniers vont se fermer, exit la cohésion, ça devient chacun pour soi et pour son clan. La violence et les menaces s'installent à mesure que le danger devient palpable et terrifiant, et des rumeurs perfides se mettent à circuler. Car ces bons chrétiens sont bourrés de peurs irrationnelles, de superstitions, de malveillance et prêts à toutes les calomnies. Certains pensent que ce qui leur arrive est le prix de leurs péchés alors que la plupart sont prêts à rejeter les fautes sur les autres car ils veulent un(e) responsable. C'est ainsi que peu à peu l'angoisse prend corps et enfle laissant la porte ouverte au danger qui guette.

Le destin de certains personnages est déchirant tandis que la simple existence de certains autres est révoltante tant ils peuvent être ignobles. Car l'autrice fait des retours en arrière, bien avant cette expédition mortifère, afin qu'on comprenne les vies de chacun. le récit alterne les points de vue au gré des chapitres, on en apprend donc plus sur les pensées, le passé et les souvenirs honteux ou peu glorieux de chacun et ce qui les a poussés à tout quitter mais aussi sur les particularités de certaines...

L'écriture de 
Alma Katsu nous fait intensément ressentir l'immensité de ce pays, "cet espace sans limites" qui donne le vertige. Un plan de l'expédition Donner, d'est en ouest, au début du livre permet de suivre la progression et d'appréhender l'ampleur de ce qu'ils étaient censés accomplir. Et alors que c'est un fait réel que parfois les humains devenaient fous lors de traversées de ces contrées sauvages, Alma Katsu y a mis une pincée de surnaturel pour ajouter à l'angoisse existante en faisant monter crescendo le malaise, revisitant un mythe, ou peut-être plusieurs... Pourtant, les humains font souvent bien plus peur que les démons. Et que dire de la toute puissance masculine ? Une histoire qui se dévore, avec des personnages fictifs ajoutés à des personnages ayant existé, ainsi que beaucoup d'éléments historiques réels, ce qui implique un gros travail de documentation.
Petit bémol, j'aurais bien aimé en début de livre avoir le détail des personnages pour pouvoir m'y référer car j'ai souvent été un peu perdue avec tous ces noms.

 

Citations :

Page 19 : La beauté est un don du diable, mon petit, pour tenter les autres et les pousser au péché.

 

Page 26 : Un petit garçon pouvait facilement être englouti dans cette immensité, cet espace sans limite qui irradiait dans toutes les directions, vers des horizons qui mettaient même le soleil au pas.

 

Page 156 : Étrange comme les hommes cherchaient les aventures brèves avec des femmes expérimentées — des catins à leurs yeux —, mais se mariaient avec une gamine qui se soumettrait comme un jeune bovin sous le joug.

 

Page 179 : Même s’ils prétendaient que ce pays pouvait accueillir tous ceux qui voulaient tracer leur propre route, ce n’était pas vrai. Ils traitaient différemment ceux qui ne partageaient pas leurs croyances. Le même Dieu, mais un autre livre. Ils vous regardaient de travers ; ils n’avaient pas confiance en vous.

 

Page 258 : Ses yeux brillaient fiévreusement. Les enfants s’étaient changés en insectes étranges, tout en longueur, en yeux, en aspérités et en spasmes avides.

 

 

 

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Mon avis : La cabane aux confins du monde – Paul Tremblay

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’américain par Laure Manceau

 

Éditions Gallmeister - Totem

 

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Quatrième de couverture :

Wen, sept ans, est en vacances avec ses parents Eric et Andrew au bord d'un lac isolé. Un après-midi, tandis qu'elle s'amuse à attraper des sauterelles, un jeune homme apparaît dans l'allée. Bien qu'imposant, elle le trouve tout de suite sympathique. Après avoir un peu joué et discuté avec l'enfant, l'étranger déclare brusquement : "Rien de ce qui va se passer n'est de ta faute." Trois inconnus surgissent alors, munis d'armes étranges. Eric et Andrew se barricadent avec Wen, mais les nouveaux venus insistent pour leur proposer un marché : ils ont besoin d'eux pour sauver le monde.

 

 

Mon avis :
Wen, sept ans, passe ses vacances dans les bois au bord d'un lac avec ses deux papas Eric et Andrew. Wenling est une petite fille, née en Chine, qui aime les animaux et qui voudrait les étudier quand elle sera grande afin de pouvoir les aider. Alors que ses pères lui ont toujours dit de ne pas faire confiance aux inconnus, elle sympathise avec Leonard, un homme sorti de la forêt, une espèce de colosse, très doux, qui lui parle gentiment et l'aide à attraper des sauterelles. Tandis qu'ils discutent, une tension s'installe, comme si Leonard cachait ou craignait quelque chose. Quand trois autres personnes se dirigent vers la Cabane, Wen prend peur.

Ces quatre inconnus, deux hommes, deux femmes, prétendent vouloir sauver le monde, pourtant ils semblent dangereux car armés jusqu'aux dents. Et que veulent-ils dire réellement ? Leur but est-il écologique ou humaniste ? Ou sont-ils juste des illuminés ? Voire complètement cinglés !? Car ce qu'ils proposent est totalement glaçant. Eric et Andrew soupçonnent des désirs de nuire animés par l'homophobie. Seuls au milieu de la nature à la merci de ces quatre étrangers au discours hallucinant, Wen et ses deux papas semblent n'avoir aucune échappatoire.

Ce huis clos oppressant nous emporte au bout de la folie. J'ai aimé, cependant j'ai trouvé que le genre d'ambiance qui met au bord du malaise a été longue à venir. Heureusement, on finit par être pris dans un étau de stress, un déluge de démence. Il y a réellement un contraste inquiétant entre la gentillesse de ces inconnus venus pour sauver le monde et leurs actes totalement barbares. Je me suis demandé si je lisais un roman de science-fiction ou un thriller. Si quelque chose qu'on ne s'explique pas était en train de se produire ou bien si ces quatre-là étaient des psychopathes, une espèce de secte de l'apocalypse ? Car si certains sont croyants, d'autres sont agnostiques. Pourtant ils semblent tous mus par une sorte de force spirituelle qui vire par moments au fanatisme le plus débridé car ils prétendent avoir été appelés par quelque chose de supérieur.

Au cœur de cette noirceur il y a la famille unie que forment Andrew l'agnostique, Eric le très pieux, et Wen à qui ils ont décidé de laisser le choix, l'amour et la confiance qu'ils se portent. Pourtant, les trois auront des moments d'incompréhension les uns envers les autres, voire de peur et de doutes.
Et puis cet étrange quatuor de forcenés qui, pour faire le bien, sont près à faire le mal le plus absolu.

J'ai aimé les personnages, le couple de pères qui s'aiment profondément mais surtout la petite Wen qui, quand elle a très peur, ferme ses petits poings avec les pouces à l'intérieur et les tient contre son visage, comme si ça l'aidait à supporter ou peut-être se protéger du mal. J'ai même souvent aimé Leonard, ce titan si doux, mi monstrueux mi bienveillant qui semble mener un terrible combat intérieur.
Les chapitres donnent la paroles aux personnages à tours de rôle, nous partageant leurs pensées et leurs souvenirs ce qui attise la peur des événements à venir. Pourtant, des questions resteront sans réponses, ce qui m'a un peu frustrée. Et si le pourquoi de l'ultimatum était sans réelle importance. Et s'il fallait essentiellement voir dans cette histoire le côté humain avant tout, avec ses failles et ses forces !? Peut-être juste réfléchir sur la tolérance, l'altérité, l'ouverture d'esprit, le don de soi, la préservation de notre habitat dont nous devrions vraiment nous soucier. Peut-être est-ce simplement un hymne à l'amour... l'amour de l'humain, l'amour de la Terre.
En tout cas, ce roman m'a avalée dès le début, je dois bien avouer que je ne l'ai pas lâché.

 

Citations :

Page 25 : Wen soupire.

J’ai deux pères. (Elle garde les bras croisés.) Je rajoute leur prénom pour qu’ils sachent à qui je m’adresse.

Un de ses copains d’école, Rodney, a deux papas lui aussi, mais il déménage à Brookline à la fin de l’été. Sasha a deux mamans, mais Wen ne l’aime pas trop, elle veut toujours commander. D’autres camarades du quartier ou de l’école ont juste une mère ou un père, certains ont ce qu’ils appellent un beau-père ou une belle-mère, ou alors le compagnon de leur mère ou la compagne de leur père, ou encore quelqu’un à qui ils ne donnent pas de nom spécial. La plupart des enfants qu’elle connaît ont un père et une mère, cela dit.

 

Page 177 : Elle passe un marché avec le dieu-tueur de Leonard, un dieu en lequel elle ne croit pas, mais qui lui fait très peur. L’image qu’elle a de ce dieu c’est tout le néant noir qui existe entre les étoiles quand on regarde le ciel la nuit, et ce dieu du vide infini est assez grand pour avaler la Lune, la Terre, le Soleil, la Voie lactée, si grand qu’il ne peut s’occuper de rien ni personne.

 

Page 197 : Il avait prévu de lui dire la vérité à propos de cette cicatrice quand elle serait plus grande, quand elle aurait l’âge de comprendre. Il entretenait cet espoir irrationnel de sans cesse remettre à plus tard le jour où elle s’apercevrait que la cruauté, l’ignorance et l’injustice étaient les piliers de l’ordre social, aussi inéluctables que le temps qu’il fait.

 

 

 

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Mon avis : Le banquet des Empouses – Roman d’épouvante naturopathique – Olga Tokarczuk Prix Nobel de littérature

Publié le par Fanfan Do

Traduit du polonais par Maryla Laurent

 

Éditions Noir sur Blanc

 

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Quatrième de couverture :

En septembre 1912, lorsqu’il arrive au sanatorium de Görbersdorf, dans les montagnes de Basse-Silésie, le jeune Wojnicz espère que le traitement et l’air pur stopperont la maladie funeste qu’on vient de lui diagnostiquer : tuberculosis. À la Pension pour Messieurs, Wojnicz intègre une société exclusivement masculine, des malades venus de toute l’Europe qui, jour après jour, discutent de la marche du monde et, surtout, de la « question de la femme ». Mais en arrière-plan de ce symposium des misogynies, voici que s’élève une voix primordiale, faite de toutes les voix des femmes tant redoutées…
Hypersensible, malmené par un père autoritaire, Wojnicz veut à toute force étouffer son ambiguïté et dissimuler aux autres ce qu’il est ou redoute de devenir. Pourtant, une mort violente, puis le récit d’autres événements terribles survenus dans la région, vont le conduire à sortir de lui-même. Alors qu’il est question de meurtres rituels et de sorcières ayant trouvé refuge dans les forêts, notre héros va marcher au-devant de forces obscures dont il ne sait pas qu’elles s’intéressent déjà à lui.

 

Prix Nobel de littérature, Olga Tokarczuk a reçu le Man Booker Prize 2018 pour Les Pérégrins (Noir sur Blanc, 2010, puis le prix Niké pour son monumental Les livres de Jakob (Noir sur Blanc, 2018). Née en 1962, Olga Tokarczuk a étudié la psychologie à l’université de Varsovie. Elle est la romancière polonaise la plus traduite à travers le monde. Chez Noir sur Blanc ont récemment paru Maison de jour, maison de nuit (2021) et Jeu sur tambours et tambourins (2022).

 


Mon avis :
Septembre 1912, Mieczyslaw Wojnicz, étudiant de l'école polytechnique de Lwów, atteint de tuberculose, arrive au sanatorium de Görbersdorf dans les montagnes de Basse-Silésie. Jeune homme extrêmement sensible, élevé par un père qui a toujours craint d'être observé à la dérobée, il a lui-même développé une obsession sur le sujet et de fait souffre d'une pudeur exacerbée. Il est convaincu que les gens vous épient et adorent ça. Ah s'il savait qu'il y en a certaines qu'aucune obturation de trous de serrures ni d'interstices dans les parois ne peuvent empêcher de tout voir ! On comprend très vite que la ou les narratrices sont partout, tout autour, éthérées, invisibles.

Dès le premier chapitre tout paraît lointain dans le temps, comme si on avait oublié que ça avait existé un jour : la tuberculose mais aussi l'air pur et l'eau pure, des endroits du monde exempts de pollution. D'autres choses paraissent lointaines comme cette pension pour hommes et sa tablée d'hommes, virils et vaniteux, imbus d'eux-mêmes, pleins de mépris envers les femmes sur lesquelles ils énoncent des inepties à la pelle, leurs vérités fallacieuses basées sur la haute idée qu'ils ont de leur statut d'homme dont ils se gargarisent tant et plus.

L'ambiance de ce livre est vraiment très particulière. Il n'y a quasiment pas de femmes, ou seulement dans les souvenirs de Mieczyslaw, ou mortes. Donc tous ces "génies" sont des hommes, entre eux, à beaucoup parler des femmes car ils trouvent l'essence même de leur grandeur en les rabaissant : "La femme représente une étape passée et inférieure de l'évolution, selon ce qu'écrit monsieur Darwin, et il a son mot à dire sur le sujet. La femme est comme [...], comme une attardée de l'évolution. Tandis que l'homme allait de l'avant, qu'il développait de nouvelles capacités, la femme a fait du surplace, elle a stagné. Telle est la raison pour laquelle les femmes sont souvent socialement infirmes, elles ne savent pas se débrouiller seules et doivent toujours s'appuyer sur un homme. Elles doivent donc lui faire de l'effet. le séduire et le manipuler."
"Peu importe le sujet initial de leurs débats, ils finissent par parler... des femmes." Et par leurs dénigrements permanents ils en viennent à justifier les actes les plus abjects. le passage où il est question de l'utérus m'a plongée dans des abîmes de sidération. Ça explique bien des choses qui perdurent à notre époque, dont on parle beaucoup en ce moment, comme par exemple la culture du viol. C'est qu'ils aiment discourir tous ces messieurs, s'écouter parler tout en buvant du Schwärmerei, cette boisson étrange à la composition douteuse qui vous laisse un peu flou...

La mort semble roder, discrète mais omniprésente et oppressante. Car certains guériront, peut-être, tandis que d'autres...
Et puis il y a des secrets... qu'on pressent. La forêt, partout autour du village, belle et inquiétante, cette nature avec laquelle les humain ont un lien très fort. Et les Empouses, démons femelles qui appartiennent au monde des enfers, discrètes mais partout, tout le temps, qui surveillent ce microcosme de mâles phallocentriques et narcissiques.
Mais c'est lent, lent, lent. D'une lenteur "sanatoriale" pour reprendre une expression du roman. Beaucoup trop lent à mon goût. Et pourtant, quelle écriture !!! Magnifique, parfaite, où chaque mot est le bon pour définir les éléments, les décors, les ambiances, les événements et les pensées. Oui, j'ai trouvé ce roman superbement écrit, qui nous fait ressentir tous les sentiments, sensations ou répulsions des personnages. Mais mon ennui a été à la hauteur de mon admiration.

Roman féministe tout en subtilité, avec un héros fragile qui ferait presque honte à son père mais qui détonne autant que Thilo, l'autre jeune homme de la pension, au milieu de cette assemblée de vieux boucs, où sont disséminés çà et là des détails sur ce que les hommes ont effacé des femmes. Cependant, avec ces misogynes à deux sous, fiers d'énoncer à tout bout de champ des réalités soi disant scientifiques sur l'infériorité psychique et physiologique des femmes, j'ai eu l'impression d'observer des amibes dans leur milieu naturel. Des imbéciles heureux. Une belle galerie d'andouilles, pontifiants et fiers d'eux-mêmes. Et pourtant c'est intéressant d'apprendre comment les femmes étaient considérées par ceux qui ne voulaient pas partager le monde. Hélas, ce genre d'arriérés existent encore à notre époque. On a l'impression que l'autrice s'est beaucoup amusée à citer leurs envolées phallocrates au cours desquelles ils se ridiculisent eux-mêmes. Néanmoins, lorsqu'ils ne dénigrent pas les femmes, ils ont de nombreuses conversations philosophiques, spirituelles et intellectuelles... ah oui vraiment, ils aiment parler ces messieurs !

Donc mon avis est mitigé, subjuguée que j'ai été par la plume de l'autrice et sa façon si habile d'écrire un roman féministe, mais où j'ai dû m'accrocher tant l'inaction m'a pesé. le tout m'a semblé très onirique et brumeux. Pourtant, c'est toute une ambiance qui est décrite et dans laquelle on se trouve immergé pour nous amener tout doucement vers le dénouement. Et quel dénouement !... Je ne suis cependant pas sûre de l'avoir bien compris, je crois qu'il va continuer de mûrir dans ma tête un certain temps.

À la toute fin, petite cerise dans le Schwärmerei, dans les notes de l'autrice sont énumérés les noms des "grands hommes" qui ont un jour proféré les énormités sexistes attribuées à nos protagonistes, c'est consternant... il y a même le célèbre compagnon d'une féministe notoire. Où est l'imposture ??

 

Citations :

Page 16 : Mieczyslaw Wojnicz est affecté de singularités qu’il n’ignore pas, mais c’est surtout son père qui, depuis l’enfance, en mesure l’incidence sur sa vie. January Wojnicz, fonctionnaire à la retraite et propriétaire terrien, a ainsi toujours géré ses particularités avec un immense savoir-faire, avec sérieux et tact, traitant le bien qui lui a été confié en la personne de son fils avec beaucoup de responsabilité et, de toute évidence, avec amour — un amour certes dénué de toute sentimentalité, de ces « minauderies de bonnes femmes » qu’il déteste particulièrement.

 

Page 36 : Il aurait aisément pu se remarier. Mais l’ingénieur senior January Wojnicz a perdu tout intérêt pour les femmes, comme si la disparition de son épouse lui avait fait perdre confiance dans le sexe faible, comme s’il s’était senti trompé, ou même déshonoré par elle. Sa femme avait mis un enfant au monde et elle était morte ! Quelle impudence !

 

Page 82 : La femme représente une étape passée et inférieure de l'évolution, selon ce qu'écrit monsieur Darwin, et il a son mot à dire sur le sujet. La femme est comme… — Longin Lukas voudrait être précis —, comme une attardée de l'évolution. Tandis que l'homme allait de l'avant, qu'il développait de nouvelles capacités, la femme a fait du surplace, elle a stagné. Telle est la raison pour laquelle les femmes sont souvent socialement infirmes, elles ne savent pas se débrouiller seules et doivent toujours s'appuyer sur un homme. Elles doivent donc lui faire de l'effet. le séduire et le manipuler.

 

Page 118 : C’est simple, se disait alors Miecio Wojnicz en ravalant ses larmes qui se mêlaient au sang de l’animal dans son corps frêle et enfantin. Être un homme, c’est apprendre à devenir hermétique à ce qui vous dérange. Voilà tout le secret !

 

Page 218 : Wilhelm Opitz aiguise ses couteaux, Frau Weber et Frau Brecht n’écossent plus les haricots ou les fèves, mais cousent des taies de coussins à remplir de duvet.

Les belles et fières oies vont se transformer prochainement en pots de graisse, en conserves de viande, en ragoûts et en pâtés. Quand elles sortent fières et dignes devant les curistes endimanchés, elles ignorent à quel point elles sont vulnérables et à quel point leur sort est scellé. La supériorité humaine sur les oiseaux condamnés à mort vient de ce que les hommes connaissent leurs intentions meurtrières à leur égard. Voilà pourquoi, les gens rient sous cape quand ils voient le cortège d’oies traverser le village, avec la solennité et l’assurance que seuls peuvent avoir des être immortels.

 

 

 

 

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Mon avis : La Révolution Française – Splendeurs, Drames et Liberté – Mathilde Montségur – Kévin Monfils

Publié le par Fanfan Do

Éditions Le Héron d’Argent

 

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Quatrième de couverture :

Vivez les événements révolutionnaires qui ont changé le monde dans ce beau livre aux finitions luxueuses et aux enluminures d'exception.
Laissez-vous emporter par les drames et la grandeur de la Révolution Française, depuis la chute de l'Ancien Régime jusqu'au Coup d'Etat de Napoléon.
Versailles, les Etats Généraux, la prise de la Bastille et la Terreur vous attendent…
"Découvrez les Très Riches Heures de la Révolution Française, par Matilde de Montsegur, Maître Enlumineur de France."

 


Mon avis :
Moi qui aime l'histoire j'ai été ravie de recevoir ce livre illustré dans le cadre de la Masse Critique de Babelio. La Révolution Française, page d'histoire passionnante même si, comme a dit si justement un certain troubadour de notre temps, le sieur Renaud, elle n'a jamais éliminé la misère et l'exploitation.

J'ai appris que Versailles était, à l'origine, un hameau chétif et obscur. Alors qu'à la fin de l'Ancien Régime, le palais était la résidence royale la plus luxueuse de toute l'Europe. On va apprendre le lent déclin de la vie fastueuse à Versailles, la dégringolade de la monarchie... Louis XVI n'a pas eu de chance lui qui était un roi humaniste, généreux, qui a donné des droits aux femmes, qui était pour l'acceptation de toutes les religions, pour plus de justice sociale et qui s'intéressait à la politique étrangère au point de parler et lire l'anglais. Bref, totalement différent de ses aïeux égocentriques, narcissiques au train de vie terriblement dispendieux.

Marie-Antoinette, la reine détestée du peuple, était considérée frivole, superficielle et dépensière.

J'ai été replongée avec plaisir dans mes cours d'histoire, avec notamment le rappel de ce qu'était la France : la noblesse, le clergé, le tiers état qui eux, bien qu'étant souvent les plus pauvres étaient ceux qui payaient le plus d'impôts.
On apprend que Louis XVI met en place des cahiers de doléances. Idée reprise un peu plus de deux siècles après par Emmanuel 1er. MDR !

En 1792 l'instauration du divorce passe inaperçue, les premières élections en août de la même année n'auront que 10% de participation. Bien sûr ça ne concerne que les hommes, les femmes étant exclues du scrutin. Et en cette même année 1792 sera décidée l'abolition de la royauté en France. J'ai enfin appris pourquoi et comment le calendrier révolutionnaire a été décidé. Ah oui oui, je l'ignorais.

La Révolution ne s'est pas faite sans peine. Elle a pris beaucoup de temps, a fait couler beaucoup de sang, s'est étalée dans le temps avec entre autre, la Terreur, la guerre de Vendée, le Tribunal Révolutionnaire, et j'ai trouvé passionnant de replonger dans ce moment de l'histoire de France dont j'avais oublié beaucoup de choses ou peut-être tout simplement ne les avais-je pas sues.
Outre les Sans-culottes il y a eu les Enragés mais aussi les Exagérés. le saviez-vous ? Moi non.

Merci à Babelio Masse Critique BD et aux Éditions le Héron d'Argent pour l'envoi de ce très beau livre à la mise en page soignée et magnifiquement illustré. Car l'histoire nous est racontée par le journaliste 
Kévin Monfils d'une façon instructive et agréable, et richement illustrée par Mathilde de Montségur, Maître Enlumineur de France.

 

Citations :

Page 8 : On réduit un peu trop vite Louis XVI à la Révolution et à son destin tragique. Le monarque a pourtant connu plus longtemps la paix, puisqu’il a régné pendant quinze ans avans d’être balayé par la Révolution.

Bien que maladroit, Louis XVI n’est pas demeuré inactif. Il a réduit les dépenses de la cour, alors que les finances étaient plombées par le déficit : la guerre de Sept Ans (1756-1763), qui oppose la France à l’Angleterre, a ruiné le royaume.

 

Page 8 : Le roi a également agi contre la torture des détenus : en 1780, la « question préparatoire », qui avait pour but de faire avouer leurs crimes aux accusés avant leur jugement, est supprimée.

 

Page 13 : Appelée « l’Autrichienne » ou « l’étrangère », elle fait l’objet de multiples pamphlets, caricatures, chansons hostiles ou médisances. Bien qu’elle n’en ait pas conscience, jamais une reine ne fut aussi détestée de son vivant. Louis XVI, de son côté, ne se rend pas non plus compte du niveau d’impopularité de son épouse.

 

Page 21 : Malgré son appartenance au clergé, l’abbé Sieyès est un acteur majeur de la Révolution. C’est à lui qu’on doit une brochure proprement révolutionnaire, Qu’est-ce que le tiers état ? Parue en janvier 1789. Voici entre autre ce qu’on peut y lire : « Qu’est-ce que le tiers état ? Tout. Qu’a-t-il été jusqu’à présent ? Rien. Que demande-t-il ? À devenir quelque chose. »

 

Page 33 : Si la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen constitue une vraie révolution, le texte a cependant ses limites. Il n’évoque pas la question de l’instruction publique et ne contient pas un mot sur la suppression de l’esclavage, alors que la France compte des colonies dans le monde, comme au Canada ou à Saint Domingue. Il ne parle pas non plus de la condition des femmes.

 

Page 68 : Jean-Paul Marat est journaliste, mais accomplit en réalité un travail de militant extrémiste : dans son journal L’ami du peuple, il appelle à la délation des traîtres à la Révolution, à la violence et au meurtre. Il encourage les massacres contre les royalistes de septembre 1792. Il établit même un nombre précis de personnes à tuer — jusqu’à 270 000 — et réclame au nom de la Révolution l’instauration d’une dictature.

 

 

 

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Mon avis : Les oiseaux de l’hiver – Jim Grimsley

Publié le par Fanfan Do

Traduit de de l’anglais (États-Unis) par Annie Saumont

 

Éditions Métailié

 

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Quatrième de couverture :

Dans les années soixante, la famille de Danny va de maison en maison à travers le sud des États-Unis, au gré du travail ou du chômage du père.
Dans un monde archaïque de petits Blancs, le narrateur adulte accompagne l'enfant qu'il a été entre maladie et violence familiale jusqu'au drame de ce jour de Thanksgiving où tout bascule dans le cauchemar. Jim Grimsley, dans le paroxysme de cette histoire digne d'un autre âge, nous rend sensible le monde de l'enfance, même dans les instants les plus noirs de la vie. On ne peut arrêter le sang mais il y a le sourire et la belle robe rouge de la mère. Le père est armé d'un couteau mais il y a les frères et l'amour de la mère prête à tout pour défendre sa famille. La peur est là mais il y a le froid des flocons de neige sur sa langue, il y a surtout l'Homme de la rivière et le monde sans limites du rêve.

 


Mon avis :
Le narrateur, dont on ignore tout, nous raconte l'histoire de la famille de Danny en s'adressant directement à lui en utilisant le "Tu", comme si le Danny devenu adulte s'adressait au Danny enfant pour se remémorer cette enfance faite de déménagements et de tempêtes intra-familiales. On comprend rapidement que le père est un tyran domestique doublé d'un ivrogne très violent qui s'arroge le droit de cogner sa femme et brutaliser ses enfants. C'est plein de la violence de ces hommes qui s'autorisent tout, jusqu'à reprocher à leur femme d'être de nouveau enceinte ou d'être jolie. Des fous furieux qui croient que le monde leur appartient, que leurs femmes sont leurs possessions, qu'ils peuvent en disposer à leur guise. Des pères et maris qui se comportent en seigneurs et maîtres, en despotes, en tortionnaires.

On pourrait croire que l'histoire se situe dans une époque reculée tant les nombreuses maisons occupées par la famille sont insalubres, tant la mère enfante souvent, tant ça contrarie le père parce que, tous ces gosses, ça coûte ! Elle a transmis une maladie terrible à certains de ses enfants et ça lui est reproché aussi. C'est oppressant d'injustice et de l'angoisse du moment où la violence va de nouveau se déchaîner.

C'est aussi l'histoire d'une Amérique pauvre, qui fait son possible et qui souffre. Ça sent la misère, où les gens pourraient être malgré tout heureux mais ne le sont pas. À cause de l'alcool, de la suspicion, de la jalousie, de la concupiscence, de la convoitise, de la misogynie, du racisme, de ce sentiment de toute puissance de certains hommes... de cet homme qui se sent amoindri et humilié par la vie, et s'en prend à moins fort que lui, à sa famille qu'il est censé aimer et protéger et non pas asservir et rabaisser.

Dès que la violence apparaît, tout le reste du roman se passe en apnée dans un incroyable sentiment de révolte. Je suis arrivée au bout de cette lecture épuisée, démoralisée, sidérée, avec un grand sentiment de vide intérieur tant l'auteur nous fait vivre ce que vit cette famille et c'est d'une noirceur totale ! Il n'y a que l'amour entre cette mère et ses enfants qui amène un peu de lumière. Cette mère, grandiose car magnanime, qui refuse que ses enfants considèrent leur père comme quelqu'un de méchant, comme un monstre. Mais peut-être qu'en faisant ça elle les protège. Mais de quoi ? Je ne sais pas... Des remords ? du sentiment qu'en ayant un père infect on ne peut pas être vraiment quelqu'un de bien ? Je me demande d'où vient la grandeur d'âme de ces femmes.

Jim Grimsley vous emmène sans faillir et avec talent dans les ténèbres que cet homme fait entrer chez lui. Quand le danger et la terreur sont dans la maison, quel endroit du monde reste-t-il pour se sentir en sécurité ? Danny a trouvé et rejoint par moments son monde imaginaire. Mais la terrible réalité n'en est pas moins là.

 

Citations :

Page 29 : Papa ne parlait presque pas, il se contentait de regarder son assiette. En sa présence, vous les enfants, vous teniez tranquilles, effrayés, parce qu’il plissait le front, et parce que la manche de sa veste était vide et ballante. S’il vous surprenait à le contempler, il vous tournait le dos. Et alors qu’auparavant il rentrait ivre une fois tous les quinze jours, maintenant c’était deux ou trois fois par semaine. Ses yeux étaient comme deux cailloux gris.

Mama l’observait prudemment, d’un bout à l’autre de cette unique grande pièce, évaluant la distance qui la séparait de lui.

 

Page 103 : Une femme devait rester au logis et tenir la maison et s’occuper des enfants, disait-il, et elle répondait que bien sûr les hommes ne se sentaient rassurés que lorsqu’ils gardaient les femmes enfermées.

 

Page 136 : Quand Mama parle, sa voix remplit la maison bien plus totalement que la voix de Papa quand il crie. Sa voix à elle n’est que douceur et plénitude, sans la moindre aspérité.

 

 

 

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Mon avis : Tarentule – Eduardo Halfon

Publié le par Fanfan Do

Prix Médicis étranger 2024

Traduit de l’espagnol (Guatemala) par David Fauquemberg

 

Éditions La Table Ronde

 

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Quatrième de couverture :

En 1984, deux jeunes frères exilés aux États-Unis retournent au Guatemala, au coeur de la forêt de l'Altiplano, participer à un camp de survie pour enfants juifs où les envoient leurs parents afin qu'ils n`oublient pas leurs racines. Mais un matin, les enfants, réveillés par des cris, découvrent que le camp s'est transformé en une chose bien plus sombre.
Les raisons et les ramifications de cet épisode de l'enfance du narrateur ne commenceront à s'éclaircir que des années plus tard au fil de rencontres fortuites - à Paris avec une lectrice de Salinger devenue avocate, ou à Berlin avec un ancien instructeur en chef du camp, aux yeux d'un bleu changeant, qui se promenait avec un serpent dans la poche et une énorme tarentule sur le bras.
Entrelaçant passé et présent, réalité et fiction, Eduardo Halfon tisse un récit foisonnant de symboles pour toucher du doigt les fondements de son identité : le cadre strict et rigoureux de la religion juive et le giron enveloppant et maternel du Guatemala.

 


Mon avis :
Eduardo Halfon entre immédiatement dans le vif du sujet avec le séjour que lui et son frère ont passé dans un camp d'enfants juifs au Guatemala, dans lequel leurs parents ont décidé qu'ils iraient alors qu'ils avaient fui ce pays, le leur, trois ans plus tôt pour les États-Unis à la fin de l'été 1981. Mais à treize ans il n'a que faire d'être juif. Pire, il déteste, surtout par la manière très autoritaire de son père d'imposer la pratique du judaïsme.

Il nous emporte dans son histoire et les souvenirs de sa vie et c'est instantanément captivant. D'abord parce que ça parle d'une enfance que nous, petits Français, on n'a pas eue. Une enfance dangereuse dans un pays dangereux. Il apprend les techniques de survie et ça m'a semblé intéressant ! Et en même temps, est-ce bien normal ? Non, si on vit au milieu de la civilisation. D'autant que les méthodes utilisées dans ce camp sont extrêmement douteuses, violentes et abjectes.
L'auteur nous emmène de ces souvenirs-là dans ces lieux-là de son enfance à ceux de l'âge adulte à Berlin, Paris... Il saute d'une époque à l'autre, d'un lieu à l'autre, pour mieux y revenir. Il nous parle des souvenirs, de la fiabilité de ceux-ci et j'avoue que j'ai trouvé ça très troublant. Car la mémoire est infidèle bien souvent et le cerveau lui-même nous trompe parfois en réinterprétant les choses vues, nous donnant des certitudes à partir d'approximations car il aime combler les trous, puisque la nature a horreur du vide.

Outre le thème de la mémoire, la judéité est au cœur même de ce récit, comme si tout juif avait deux identités : juif en plus d'une nationalité, ici en l'occurrence guatémaltèque et je n'ai pas l'impression que ce soit aussi prégnant dans les autres religions. Sans doute parce qu'aucune autre n'a été aussi maltraitée que celle-ci depuis toujours, et continue de l'être.
Il nous parle de la reconnaissance entre juifs quasi-instinctive qui ne s'explique pas. Il nous raconte les enterrements juifs, où la douleur s'exhibe...
Des souvenirs d'enfance traumatiques et une mémoire hasardeuse...
Partout dans le monde il y a des gens qui haïssent les Juifs et des Juifs qui pensent que le monde entier les hait.

Comme les pièces d'un puzzle qui s'imbriquent, les souvenirs peu à peu donnent une idée de ce qui est arrivé et pourquoi. Mais la mémoire n'étant pas d'une fiabilité absolue, quelle est la part de vécu et la part de fiction dans un récit autobiographique ? Car 
Eduardo Halfon va être confronté des années plus tard à la fragilité de ses réminiscences lorsque le passé réapparaîtra dans le présent.
J'ai vraiment trouvé très intéressant ce récit qui en vient à faire douter de ses propres souvenirs, et de fait qui interroge sur la fiabilité d'un témoignage.

 

Citations :

Page 19 : Je ne savais pas que dans de beaux yeux bleus le sinistre a aussi sa place.

 

Page 26 : Chaque fois que je revois ces photos, elles me donnent envie de parler à celui qu’était mon père ce soir de la fin de l’année 1983, de parler à ce père souriant et euphorique de quarante ans (dix de moins que moi à l’heure où j’écris ces lignes). Mais je ne saurais pas quoi lui dire. Que des années difficiles nous attendent, peut-être, qu’il devra se montrer patient avec moi, que je mettrai du temps à trouver ma voie. Peut-être que même s’il m’était donné de lui parler, je ne lui dirais rien. À quoi bon.

 

Page 32 : Le lendemain après-midi, alors qu’avec les douze membres de mon groupe nous marchions dans les pas de Samuel, le long d’un ruisseau, et peut-être en raison de tout ce qu’il avait passé la journée à nous asséner, j’ai commencé à comprendre que les activités du camp n’étaient pas seulement didactiques, mais relevaient de l’endoctrinement.

 

Page 59 : En dépit des rides, des cicatrices et de la chirurgie, le visage de l’enfant que nous avons été demeure à tout jamais sous le masque de l’adulte que nous sommes.

 

Page 80 : Et souviens-toi aussi, a-t-elle dit, sa cigarette toujours pointée sur moi, des déclarations de Himmler. Se débarrasser des juifs, disait Himmler, était la même chose que se débarrasser des poux. L’antisémitisme allemand, disait-il, n’a jamais été une question d’idéologie mais de propreté.

 

 

 

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Mon avis : Les enfants du froid – Séraphine Menu – Raphaëlle Barbanègre

Publié le par Fanfan Do

Éditions Thierry Magnier

 

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Quatrième de couverture :

Avant de plonger dans les aventures des Enfants du froid, il est préférable de s'armer d'une couverture bien chaude et d'une bonne dose de courage. Car lorsque débute cette histoire, les jumeaux Myk et Ana, accompagnés de leur amie Luba, sont sur le point d'affronter de graves dangers et de changer leur destin. Partis à la recherche des poissons du lac Primordial, dont la disparition soudaine menace le fragile équilibre de la région, ils devront faire preuve d'une détermination sans faille pour que humains et créatures magiques survivent à ce terrible hiver...

 

 

Mon avis :
Tout d'abord merci à Babelio ! J'ai reçu ce livre dans le cadre de l'opération Masse Critique Jeunesse et on peu dire que c'est vraiment très très jeunesse ! Et c'est tant mieux, ce livre m'a abstraite pour un temps du monde adulte si désolant trop souvent.

On est prévenu avant même le prologue, l'idéal pour cette lecture c'est devant un bon feu, enroulé dans un doux plaid avec une boisson chaude.

Un grand malheur allait bientôt s'abattre sur les habitants du lac Primordial car depuis plus de six semaines il n'avait plus donné de poissons. Tout autour s'élevait la forêt boréale, domaine de Baba la terrible sorcière de la taïga. Et voilà que, plus de ragoût de poisson, ni fritures de nageoires pas plus que de soupes d'entrailles. le peuple des Descendants ne croient ni à la magie ni aux esprits, contrairement aux Joues Roses.

J'ai rapidement vu dans ce joli livre, un parallèle avec la société, mais à hauteur d'enfants. Des dirigeants menteurs et tricheurs, tiens donc... des boucs émissaires à tous les malheurs, oh ben ça alors ! Qui d'ailleurs se nomment le peuple du Lointain. Bref, la manipulation des foules. Et j'ai pensé que c'était un bon moyen de faire comprendre aux enfants, d'une façon détournée, comment fonctionne le monde. Car le chef du village feint de chercher des solutions dans un jeu de cartes truqué.

Puisqu'on ne peut pas faire confiance aux adultes, Myk et Ana, les jumeaux du peuple des Descendants vont prendre les choses en main avec leur amie Luba, petite chamane du peuple des Joues Roses. Tous trois vont affronter leurs peurs, issues de leurs coutumes et croyances, pour le bien de tous. Ils vont rencontrer différents peuples du froid et découvrir que de la peur des autres naît le mensonge dont découle le rejet.

Ce livre jeunesse est une magnifique ode à la nature, au monde, à l'altérité, à la capacité qu'ont les enfants de croire à la magie, accompagnée de dessins faits de volutes et d'arabesques qui semblent être à chaque fois une explosion de couleurs alors qu'ils n'en contiennent que deux.

 

Citations :

Page 55 : — Quand j’ai entendu dire qu’il n’y avait plus de poissons dans le lac, dit Luba plus sérieusement, j’ai pensé que je n’allais pas tarder à vous voir débarquer ! Vous êtes les seuls Descendants que je connaisse à croire en nos esprits ! Ça m’a donné une idée : pour savoir où sont passés les poissons, le plus efficace serait d’invoquer l’esprit du lac en personne !

C’est possible, ça ? Demanda Ana.

Tout ce qui se trouve dans le monde naturel possède un esprit, répondit son amie. Mon professeur dit que je ne suis pas assez expérimentée pour entrer en contact avec les plus âgés d’entre eux, mais j’en ai marre de ne communiquer qu’avec les esprits des petits cailloux, des feuilles mortes ou des flaques d’eau ! Celui du lac est âgé de plusieurs millions d’années. Vous vous rendez compte ? Il doit avoir été témoin de tellement de choses !

 

Page 147 : Nous n’avons rien à prouver à ceux qui nous ont mis au monde. Donner la vie est un acte gratuit. En revanche, nous naissons à nous-mêmes par nos choix. Chaque décision est une nouvelle naissance, une occasion de vivre différemment.

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Mon avis : The fisherman – John Langan

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’américain par Thibaud Eliroff

 

Éditions J’ai Lu

 

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Quatrième de couverture :

Au nord de l’État de New York, dans les bois de Woodstock, Dutchman’s Creek coule paisiblement. Une rivière poissonneuse mais quasi inaccessible, et bien plus profonde qu’il n’y paraît…
Ce matin-là, Abe et Dan – deux veufs liés par la solitude et l’amour de la pêche – décident de tenter l’aventure. Surpris par une pluie torrentielle, ils se réfugient au Herman’s Diner, dont le patron va leur raconter l’incroyable histoire de Dutchman’s Creek. « Folklore », pensent-ils.
Pourtant, ils appartiendront bientôt corps et âme à cette légende aussi ancienne que ténébreuse…

 


 

Mon avis :
Abraham, il préfère Abe, moins biblique, moins patriarcal, nous raconte une histoire qui tient du domaine de l'étrange mais qui en réalité va nous faire dresser les cheveux sur la tête. Ça commence dans les Catskills et je me suis retrouvée instantanément au cœur de l'Amérique. Donc Abe commence par nous mettre l'eau à la bouche avec une histoire terrifiante qu'il va nous raconter, puis il décide de commencer par le début, le tout début. J'étais ferrée !... dans ce genre d'ambiance que j'aime tant dans la littérature américaine.

Il nous raconte sa rencontre avec Marie, son mariage très bref, son incommensurable douleur, et puis un matin son envie soudaine d'aller à la pêche alors qu'il n'y connaît rien. À travers ses descriptions il nous transmet cette émanation de bien-être avec "ce bruit qui n'en était pas un, celui du calme." Car il nous emmène au bord des cours d'eau, en pleine nature, loin de tout. Chacune des descriptions nous plonge un peu plus dans ces coins d'Amérique où on se dit que tout peut arriver. Car les cours d'eau au milieu des bois sont beaux et terrifiants pour peu qu'on ait trop d'imagination.

Abe s'est lié d'amitié avec Dan, un jeune veuf inconsolable, et ils vont faire ensemble le tour des différents lieux de pêche de leur région. Lorsqu'un jour, Dan propose d'aller pêcher à Dutchman's Creek, dont Abe n'a jamais entendu parler. Mais Howard, le propriétaire du Herman's Diner où ils aiment prendre le petit-déjeuner avant leur journée de pêche, va leur parler de ce lieu mortifère entouré d'une aura de mystère. Il va leur raconter et Abe va nous le raconter. Et là, j'ai eu hâte de connaître enfin le doux frisson de la peur.
L'histoire, ou la légende, trouve sa source vers les années 1840, époque de Cornelius Dort, homme austère et sans coeur, et de son étrange invité. On va plonger tout doucement au cœur des ténèbres dans quelque chose qui ressemble à de la magie noire. C'est délicieusement terrifiant, répugnant et gluant.
C'est à cette époque que Rainer Schmidt, universitaire allemand polyglotte est obligé de quitter l'Allemagne avec sa femme et ses enfants pour des raisons qu'on ne connaîtra que bien plus tard. Il trouve une place de maçon à la construction d'un barrage aux abords de Dutchman's Creek. Ils vivent dans le village des ouvriers au cœur de la forêt et lui saura quoi faire quand des événements surnaturels et terrifiants se produiront. Mais le prix à payer risque d'être très élevé.

J'ai beaucoup aimé l'écriture de 
John Langan, sa façon de nous raconter l'histoire, de nous embarquer dedans, et surtout la manière dont il parle du deuil, tellement subtile, tellement ressentie, tellement belle que c'est un peu comme s'il me disait "Je sais". Et cependant ce n'est jamais larmoyant. Néanmoins, alors que j'aimais beaucoup l'histoire passée qui nous était racontée, j'ai fini par trouver ça interminable avec un passage d'une cinquantaine de pages, trop long à mon goût dans l'incursion de ce qui ressemble aux ténèbres les plus maléfiques qui soient, scènes extrêmement bien décrites cependant, et totalement apocalyptiques.

Derrière ce récit aux accents lovecraftiens, se pose une question sur l'enfer du deuil, la capacité de chacun à le supporter et le chemin à parcourir quand le manque se fait trop pesant, lorsque les défunts sont tellement omniprésents que leur absence est la pire des tortures. Et si passé et présent pouvaient se percuter ???
C'est un livre qui m'a fait m'interroger. Je me suis demandé "Et si moi je pouvais... est-ce que je le ferais ?"

Je remercie Lecteurs.com grâce à qui j'ai gagné ce livre, mélange de nature writting et d'horreur aux effluves gothiques.

 

Citations :

Page 19 : On pourrait croire que cette conversation est restée gravée dans ma mémoire, mais je suis bien incapable de me rappeler autre chose que le plaisir d’apprendre qu’elle aussi était fan de Hank Williams Sr. En vérité, j’étais bien occupé à essayer de ne pas lorgner trop ostensiblement le haut de bikini, le short moulant et les tennis qu’elle portait ce jour là. Le mufle typique, je sais.

 

Page 179 : Et, outre le plaisir que lui procurait cette activité, Lottie prenait plaisir au simple fait de travailler. Souvenez-vous qu’à cette époque, les filles, surtout les filles de bonne famille, sont censées rester à la maison et apprendre le piano. Si les Schmidt étaient restés en Allemagne, c’est plus ou moins ce qui serait arrivé à Lottie : elle aurait décoré le salon de ses parents, jusqu’au jour où elle serait devenue prête à décorer le bras d’un jeune homme.

 

 

 

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Mon avis : Et voilà tout- Maren Uthaug

Publié le par Fanfan Do

Traduit du danois par Jean-Baptiste Coursaud

 

Éditions Gallmeister - Totem

 

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Quatrième de couverture :

Risten est une petite fille du cercle polaire. Née tout au nord de la Norvège, chez les Sames, elle vit désormais au Danemark avec son père et sa belle-mère. Mais elle se sent déracinée, loin de son Áhkku, sa grand-mère bien aimée aux croyances ancestrales, qui lui a appris comment se protéger des maléfiques sous-terriens et des aurores boréales. Solitaire et rêveuse, Risten tente d’exister dans cette nouvelle vie. Ce n’est qu’à l’âge adulte qu’elle retrouvera le chemin de ses origines et renouera enfin avec sa mère - une rencontre qui ne ressemblera en rien à ce qu’elle attendait.
 

 

Mon avis :
L'histoire commence avec la grosse biture de Knut dans les dernières heures de l'année 1974, parce que quand-même, il faut bien lutter contre la déprime de cette foutue nuit polaire ! C'est cette nuit-là que Rihtta et Knut concevront leur fille.
Puis au deuxième chapitre on est en 2007 et on fait la connaissance de Kirsten qui est la fille de Rihtta et Knut. Au troisième en 1973 on assiste à la rencontre de Rihtta et Knut. Au quatrième en 1982... On se promène dans le temps à la decouverte de la vie des différents personnages et dans les différentes culture, notamment celle des Sames dont est issue Rihtta, et des Kvènes, peuples autochtones,
Je dois dire que quasiment dès le départ, les prénoms m'ont bien perdue ! Entre Kirsten et Risten, Aslak et Isak... j'avais l'impression qu'on parlait des mêmes personnages avec des erreurs dans les prénoms.

Risten, la fille de Rihtta et Knut, est abreuvée des croyances autochtones par sa grand-mère, son Áhkku, qui lui parle des sous-terriens qui volent des enfants aux humains et lui dit que les aurores boréales sont dangereuses lorsqu'on les regarde. Alors que ses parents sont athées, elle est pleine des peurs que sa grand-mère lui a transmises. C'est une étrange histoire qui nous parle de croyances et de cultures ancestrales qu'on ne connaît pas et c'est très intrigant.

Knut est aussi débonnaire que Rihtta est acariâtre. Il supporte tout avec bonhomie jusqu'au jour où... il semble que les Norvégiens sont considérés comme idiots par les Sames qui eux ont un fort tempérament. Il y a une grande inimitié des Sames à l'égard des Norvégiens, sans doute justifiée. Risten vit dans cette ambiance où son père, si gentil, est méprisé par sa grand-mère et par sa mère.

Un jour Knut part avec sa nouvelle compagne Grethe, qui semble parfaite, et emmène Risten dans le sud, au Danemark.
C'est l'éternelle histoire des enfants à qui l'on ment, dont on ne respecte pas l'intégrité, à qui les adultes imposent leurs desiderata sans se soucier de ce que eux peuvent désirer.

Risten se construira son monde à elle fait de croyances Sames, auxquelles elle initiera Niels-le-vietnamien, enfant déraciné lui aussi. Niels ne parle pas le danois, Risten ne le parle pas avec le bon accent, elle est raillée pour ça à l'école. La lumière dans ce récit qui m'évoque un conte nordique, c'est de voir comment les enfants, dès qu'ils sont ensemble, arrivent tant bien que mal à se protéger du monde des adultes en se créant le leur, bien plus beau. Car entre un père parfois laxiste, toujours faible, peut-être égoïste, et une belle-mère finalement pas si gentille que ça, que c'est dur l'enfance !

C'est aussi une histoire qui fait du bien souvent, mais occasionne aussi quelques pincements au cœur, voire de la colère. Et surtout, une ÉNORME révélation à laquelle on ne s'attend pas va arriver. Il y a aussi des moments amusants, et pour peu qu'on soit du côté de Kirsten... et ça a été mon cas, je lui criais par la pensée " vas-y, rentre leur dans le lard à ces vieux schnocks !"

C'est parsemé d'humour et de quelques moment un peu lestes mais souvent drôles eux aussi sans oublier un langage cru parfois qui m'a bien fait rire. C'est à l'image de la couverture du livre, le doigt d'honneur de la petite fille que je n'ai vu que tardivement.
Lire ce roman c'est changer de monde. C'est beau et envoûtant. J'y ai découvert, en plus de la culture Same, une coutume (peut-être seulement danoise) dont l'appellation me fait fondre tellement je trouve ça mignon et enfantin, c'est l'équivalent de notre goûter : le café-gâteau de l'après-midi à laquelle les adultes ne dérogent absolument jamais.

Décidément, j'aime énormément les trois romans de 
Maren Uthaug que j'ai lus. Ils sont tous différents, comme si elle n'avait pas de sujet de prédilection, à moins que ce ne soit la famille tout simplement. Il y en a encore un à lire ! Que je n'ai pas encore, Snifff...
Et je ne peux m'empêcher de supposer que l'autrice a mis beaucoup d'elle-même dans ce roman car comme Risten elle est née d'un couple mixte. Mais elle contrairement à son héroïne, son père est Same et sa mère Norvégienne.

 

Citations :

Page 9 : Déjà qu’on était pas mal déprimé à cause de cette foutue nuit polaire. Même les locaux, ceux qui étaient nés ici, dans cette Norvège du Nord, ils ne la supportaient pas. Pas étonnant que la région ait le plus haut taux de suicide du pays. Le froid, passe encore, on pouvait s’en protéger : il suffisait de mettre une couche de vêtements supplémentaire. Mais l’obscurité, non : le noir se glissait dans le noir et colonisait l’esprit.

 

Page 85 : Elle attendait ensuite que Risten ait débarrassé le plancher avec Niels-du-Viêtnam sur ses talons, partie s’adonner à l’une de ses obscures occupations secrètes, pour s’agglomérer au corps de Knut dans la chambre à coucher, comme seules savent le faire les personnes venant de découvrir qu’elles ont vécu toute une vie sans amour.

 

Page 165 : Jusqu’à la fin de ses jours, Risten se souviendra de ces grandes vacances comme de l’été où elle perdit la faculté d’être joyeuse. Où le dernier reste d’une enfance synonyme d’innocence fut étouffé au cours de nuits d’une effroyable solitude. Des nuits jalonnées de prières kvènes et d’une marque au creux de la paume à force de serrer la bague d’ Áhkku.

 

 

 

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