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Mon avis : Rebecca – Daphne du Maurier

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’anglais par Anouk Neuhoff

 

Éditions Le Livre de Poche

 

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Quatrième de couverture :

Un manoir majestueux : Manderley. Un an après sa mort, le charme noir de l’ancienne propriétaire, Rebecca de Winter, hante encore le domaine et ses habitants. La nouvelle épouse, jeune et timide, de Maxim de Winter pourra-t-elle échapper à cette ombre, à son souvenir ?
Immortalisé au cinéma par Hitchcock en 1940, le chef-d’œuvre de Daphné du Maurier a fasciné plus de trente millions de lecteurs à travers le monde. Il fait aujourd’hui l’objet d’une traduction inédite qui a su restituer toute la puissance d'évocation du texte originel et en révéler la noirceur.

 

 

Mon avis :
J'ai rêvé la nuit dernière que je retournais à Manderley. Qui ne connais pas cette phrase, même sans avoir lu ce roman de Daphne du Maurier ?

La narratrice, dont on ignore le nom, est la deuxième épouse de Maximilian de Winter, veuf de Rebecca. Elle nous emmène dans ses souvenirs lorsqu'elle était jeune, demoiselle de compagnie de Mme Van Hopper, vieille peau de vache snobe et cancanière, et qu'elle rencontra son futur époux. Rapidement je me suis laissé emporter dans cette histoire où cette jeune biche met les pieds dans quelque chose qui la dépasse. Petit détail qui m'a laissée dubitative, peut-être normal pour l'époque... un homme fait sa demande en mariage et parle aussitôt après de la marque de ses laxatifs 😳. Ah bon ?

Il y a néanmoins quelque chose de mystérieux chez Maxim de Winter, il est très secret. Oui, en fait c'est un homme quoi... Et de fait, jusque assez loin dans le récit on ne sait pas que penser de lui. Loyal ? Ou pas ?

Il y a quelque chose de sublime, quand il est question du moment présent, cet instant fugace de plénitude qui ne laissera pas de trace à tout le monde. Pas dans la mémoire de ceux qui ne craignent pas l'avenir. J'adore ces instants d'éternité.

À Manderley, Rebecca la défunte épouse de Maxim semble bénéficier d'une aura particulière, faite de vénération, d'admiration, mais aussi de mystère. On vante ses mérites constamment sans aucun tact pour la nouvelle épouse qui se sent comparée continuellement, à son grand désarroi. Elle est si jeune, se sent tellement insipide à côté de ce que semble avoir été Rebecca, dont la mort reste étrangement un sujet tabou.

J'ai trouvé l'histoire cruelle, des gens bêtes et superficiels, parfois méchants telle Mme Danvers, la mégère en chef de Manderley, celle qui se charge de tout. L'ombre de Rebecca plane partout, tout le temps. Rebecca l'infernale rivale. L'atmosphère est tellement glaçante par moments.

Ce roman, c'est tout une ambiance, continuellement pesante car, à qui la nouvelle épouse peut-elle faire confiance ? Elle qui se sent toute petite et insipide, si seule, mais surtout elle craint d'être jugée en permanence dans cette immense demeure au personnel nombreux où plane l'ombre de la défunte, cette femme si belle, si aimable, si parfaite...

Les cent premières pages m'ont paru longues, mais passé ce cap j'ai été totalement emportée dans ce récit. C'est l'histoire d'un amour éperdu, absolu, qui parfois confine au désespoir, où rien n'est vraiment clair, où le doute est omniprésent, où la nouvelle épouse ne semble pas avoir sa place. L'intrigue s'écoule lentement et immerge le lecteur dans ce monde de nantis un peu suranné avec ses codes et ses règles, sa vanité et la haute idée qu'ils se font d'eux-mêmes. Les caractères des personnages servent un suspense qui monte lentement jusqu'au dénouement assez inattendu.

Manderley, ce manoir, imposante bâtisse, massive et parfois inquiétante mais majestueuse, est un personnage à part entière dans cette atmosphère étouffante.

C'est un roman sépulcral et incandescent.

J'ai adoré !

 

 

Citations :

Page 37 : Je sentais que ma présence juvénile mettait un frein à leur conversation, un peu comme celle d’une soubrette pendant le repas : ils ne pouvaient pas barboter aussi librement dans la mare aux scandales et aux insinuations. Les hommes adoptaient une sorte de jovialité forcée pour me poser des questions facétieuses sur l’histoire ou sur la peinture, présumant que je venais tout juste de quitter l’école et devais être incapable d’aborder d’autres sujets.

 

Page 63 : Heureusement qu’elle ne peut survenir deux fois cette fièvre du premier amour. Car c’est bien une fièvre, et aussi un fardeau, quoi qu’en disent les poètes.

 

Page 138 : J’étais très impressionnée, je me souviens ; impressionnée et un rien épouvantée par la magnificence dudit petit déjeuner. Il y avait du thé, dans une grande fontaine à thé en argent, et aussi du café, et puis, sur le réchaud, bien brûlants, des plats d’œufs brouillés,de bacon, et un autre de poisson. Il y avait également des œufs à la coque, dans leur cuiseur spécial, et du porridge, dans une jatte en argent. Sur une autre desserte, il y avait un jambon et de la charcuterie. Il y avait aussi des scones, sur la table, et des toasts, et divers pots de confiture, marmelade ou miel, tandis que des compotiers, débordants de fruits, trônaient à chaque extrémité. Il me semblait étrange que Maxim, qui, en Italie et en France, se contentait d’un croissant et d’un fruit avec une tasse de café, s’attable chez lui, sûrement jour après jour, année après année, devant ce petit déjeuner, assez copieux pour douze personnes, sans voir dans cet excès aucun ridicule, ni aucun gaspillage.

 

Page 308 : Son mari était mort depuis quarante ans, son fils depuis quinze. Elle était obligée d’habiter ici dans cette pimpante maison aux pignons rouges avec son infirmière jusqu’à ce qu’arrive pour elle l’heure de mourir. Je me dis que nous ne savions pas grand-chose de ce que ressentent les personnes âgées. Les enfants, nous les comprenons, nous comprenons leurs peurs, leurs espoirs et leurs chimères. Hier encore, j’étais une enfant. Je n’avais pas oublié. Mais la grand-mère de Maxim, emmitouflée dans son châle avec ses pauvres yeux aveugles, qu’éprouvait-elle, quelles étaient ses pensées ? Se doutait-elle que nous étions là parce que, selon nous, il le fallait, c’était notre devoir, afin qu’en rentrant chez elle ensuite Beatrice puisse dire : « Ouf, voilà ma conscience apaisée pour trois mois. »

 

 

 

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Mon avis : Ce qui vient après – JoAnne Tompkins

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’américain par Sophie Aslanides

 

Éditions Gallmeister

 

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Quatrième de couverture :

Dans l’État brumeux de Washington, Isaac traverse seul le deuil de son fils adolescent, Daniel, assassiné par son meilleur ami Jonah. Ce dernier se suicide et le monde de sa mère Lorrie s’effondre à son tour. Il n’y a aucune explication à ce drame. Isaac et Lorrie, autrefois amis, s’évitent telles des ombres séparées par leurs pertes incommensurables. Jusqu’à l’apparition soudaine d’une sans-abri de seize ans, enceinte. Recueillie par Isaac, accompagnée par Lorrie, Evangeline devient un rai de lumière dans leur vie. Mais une révélation éclate : la jeune fille avait croisé le chemin des garçons la semaine du meurtre. Tous trois devront confronter leurs souvenirs douloureux. Car comprendre le passé est leur seule chance de pouvoir se tourner vers l’avenir.

Émaillé de moments de grâce, Ce qui vient après est un premier roman lumineux, profondément émouvant, empli de foi en l’âme humaine.

 

Une véritable révélation. Et un conte profond, d’un optimisme inattendu.

THE NEW YORK TIMES


 

 

Mon avis :
Le roman commence sur un drame. Daniel est mort, assassiné par Jonah son meilleur ami qui a fini par se suicider. Evangeline, seize ans et enceinte, abandonnée par sa mère, pense à eux et se demande...
Les chapitres donnent alternativement la parole au différents protagonistes. Isaac le père de Daniel, Evangeline, Jonah le jour de sa mort où il raconte... puis plus tard arrive Lorrie, la mère de Jonah. Il y a aussi Rufus, le chien, qui tient une grande place dans l'histoire.

Ce livre m'a emportée dès les premières lignes. L'écriture est belle et puis il y a une grosse interrogation sur Evangeline et les garçons, Daniel et Jonah. On comprends qu'on vient de plonger dans une histoire douloureuse où on sera peut-être confronté à des choses sales et possiblement de la manipulation ou, à minima, des omissions. On fait des incursions dans le passé des personnages au fil de la narration.

Evangeline, enfant délaissée puis abandonnée par une mère fantasque et instable va découvrir qu'on peut être vu, entendu, écouté. Isaac semble se raccrocher à la vie à travers cette adolescente perdue qu'il a recueillie. Ce roman provoque des sentiments ambivalents. C'est sombre puisque deux adolescents sont morts de façon tragique, mais lumineux par la vie que Evangeline, gamine rebelle et insoumise, apporte avec elle. Cependant plus on avance dans l'histoire plus ça devient oppressant par moments. On craint des révélations terribles et les douleurs incommensurable qu'elles pourraient apporter. Une question m'a taraudée, est-on directement responsable des actes de nos enfants ? Les parents sont-ils à l'origine de nos névroses, de nos mauvais comportements ?

On assiste à un cheminement de déni et de douleurs pour comprendre ce qui s'est passé. Ce que j'aime dans les romans, c'est que les personnages pressentent, ont des intuitions de ce qui s'est passé ou se passera, entendent les non-dits. Moi jamais. Dans la vraie vie je crois que ça n'arrive jamais. Mais c'est ça qui fait la magie des romans.
Et donc, on assiste à une sorte d'incompréhension douloureuse, comme si une lumière s'allumait, mais pour montrer la sinistre réalité. de plus, Isaac est quaker. Il s'agit d'un culte assez étrange, fait de silences en réunion. Les quakers peuvent demander un comité de clarification, qui m'a fait penser à une forme de psychanalyse et suit des règles très précises et strictes.

J'ai adoré cette histoire de résilience, les personnages, ces deux parents crucifiés par la mort de leurs fils respectifs, l'un assassiné, l'autre assassin et suicidé. Isaac froid et impassible, comme pour cacher tout ce qu'il est réellement. Lorrie toute de délicatesse, de pudeur et de générosité. Et Evangeline, cette ado rebelle et en colère, mal élevée, voire pas élevée du tout, et intelligente. Il y a des moments de grâce, d'autres déchirants. Il y a un peu de mystique car certains personnages sont empreints de spiritualité. C'est tout simplement beau ! On traverse les étapes du deuil, du refus, de l'aveuglement, du défoulement, de la cruauté, de l'attachement, puis du refus etc...
Un premier roman magnifique qui, j'espère ne sera pas le seul.

 

Citations :

Page 126 : Je m’étais préparé à ressentir de la colère contre les vivants, contre cette manière qu’avait la vie de refuser de s’arrêter devant la mort.

 

Page 128 : À part la cérémonie commémorative pour Daniel, je n’étais pas allé au culte depuis la mort de mon fils. Je comprenais le fardeau que j’apportais. Que dire au parent d’un enfant assassiné ? Comment se comporter ? La peur de me blesser causait aux gens de la souffrance et du trouble, et leur souffrance s’ajoutait à la mienne.

 

Page 191 : Evangeline s’était aussi laissé séduire par Dieu, la manière dont il vous regardait avec ses yeux pleins d’amour, en vous promettant la vie éternelle.

Il s’avère qu’après avoir prié un certain nombre de fois, et en vain, pour avoir un petit jouet ou des chaussures à sa taille ou une mère qui rentre le soir, on se rend compte qu’on a été trompé.

 

Page 210 : Penser à tant d’animaux absorbés par leur vie, essayant tous de manger sans se faire manger, la rassérénait. Elle était des leurs, il n’y avait pas si longtemps. Mais elle avait trouvé le chemin pour sortir des bois, pour se réfugier dans une maison avec de la nourriture et un lit chaud. Du moins, pour un temps. Jusqu’à ce que quelqu’un débarque et fiche tout en l’air.

 

Page 331 : Après quelques minutes, il se mit à tirer sur son short, essayant de l’enlever sans se donner la peine de défaire la fermeture éclair. Elle lutta, finit par dire qu’elle ne voulait pas. Du moins, c’est ce qu’elle crut avoir dit. Mais quelles que soient les paroles énoncées, il était trop tard. Elle avait cédé sur tant de choses déjà, et il avait sombré dans cette zone où les seuls mots qui entrent sont ceux que les mecs ont envie d’entendre.

 

 

 

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Mon avis : Les mille et une vies de Billy Milligan – Daniel Keyes

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Jean-Pierre Carasso

 

Éditions Calmann-Lévy

 

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Quatrième de couverture :

Quand la police de l'Ohio arrête l'auteur présumé de trois, voire quatre viols de jeunes femmes, elle croit tenir un cas facile : les victimes reconnaissent formellement le coupable, et celui-ci possède chez lui la totalité de ce qui leur a été volé. Pourtant, ce dernier nie farouchement. Ou bien il reconnaît les vols, mais pas les viols. Son étrange comportement amène ses avocats commis d'office à demander une expertise psychiatrique. Et c'est ainsi que tout commence…
On découvre que William Stanley Milligan possède ce que l'on appelle une personnalité multiple, une affection psychologique très rare qui fait de lui un être littéralement « éclaté » en plusieurs personnes différentes qui tour à tour habitent son corps. Il y a là Arthur, un Londonien raffiné, cultivé, plutôt méprisant, et puis Ragen, un Yougoslave brutal d'une force prodigieuse, expert en armes à feu. Et bien d’autres. En tout, vingt-quatre personnalités d'âge, de caractère, et même de sexe différents.
L'affaire Billy Milligan a fait la une des journaux américains, fascinés par ce cas et par la lutte qu’ont menée les psychiatres et Billy lui-même pour essayer de « fusionner » en un seul individu ses 24 personnalités. Quant au livre, construit comme un véritable drame shakespearien, il est le résultat de mois et de mois de rencontres et d'entretiens entre Daniel Keyes et… Ragen, Arthur, Allen et les autres. Une lecture absolument fascinante, bientôt adaptée au cinéma par Joel Schumacher (Chute libre, Phone Game.)
"... un thriller psychologique absolument fascinant" Publishers Weekly


 

 

Mon avis :
Dans les années 70, dans l'Ohio des femmes sont enlevées et violées. Billy Milligan est arrêté mais il nie, contre toute évidence. On finit par découvrir qu'il possède une personnalité multiple. En tout vingt-quatre personnalités d'âges, de nationalités, de caractères, et même de sexes différents habitent cet homme, toutes à l'insu de Billy.
C'est terriblement angoissant et je pense que si c'était un roman ça le serait moins. le fait que cet homme existe, que d'autres comme lui existent, c'est terrifiant. Au tout début du livre je me suis demandé si on pouvait guérir de ça, en espérant que je le saurai à la fin.

Tantôt tremblant et le regard dans le vide, tantôt sûr de lui, d'un moment à l'autre, toujours après une sorte de transe, les enquêteurs se retrouvent devant une personne totalement différente de l'instant d'avant. Dorothy Turner, la psychologue, va soudain se trouver devant ce cas incroyable extrêmement déstabilisant. C'est réellement un choc de découvrir qu'elle parle successivement à David puis à Arthur, Christopher, Tommy, Ragen, Allen, Danny, Christine et tous les autres... car Billy dort mais pas les autres.

En réalité Billy est une victime. Il a subi de la maltraitance et s'est réfugié à l'intérieur de lui-même. Tous les autres habitants de son cerveau ont une fonction précise, tous ont pour but de le protéger. C'est fascinant. Et donc, en plus de nous exposer sous toutes les facettes cet incroyable cas on comprend rapidement qu'il est la conséquence de la violence extrême de certains adultes. Ou plutôt la multiplicité des personnes qui l'habitent résulte des sévices qu'il a subi, bien qu'il y ait eu à l'origine, avant même les agressions, quelque chose d'étrange dans la personnalité de Billy, comme une prédisposition.


Daniel Keyes nous convie à des entretiens entre Billy et les psychiatres puis reprend sa vie depuis le début et nous permet d'assister aux métamorphoses qui s'opèrent entre tous les occupants de sa psyché. J'ai trouvé ça très visuel et on en vient à douter de sa raison en croyant qu'une telle chose est possible. L'instinct de survie prend parfois d'étranges chemins pour éviter le suicide ou l'automutilation.

Le cerveau de Billy m'a fait l'effet d'un microcosme, d'une famille nombreuse où il est indispensable d'établir des règles pour éviter de passer pour fou. le pire c'est que je les visualisais, en plein conseil de famille.
J'ai trouvé qu'il y avait un côté science fiction dans cette histoire folle, où les personnages se succèdent sans toujours comprendre où ils sont.

Alors que, s'il s'agissait d'un roman on se dirait que l'auteur exagère et que ce n'est pas crédible du tout, ce qui est totalement stupéfiant c'est que cette histoire est réelle ! Billy Milligan, éclaté en vingt-quatre personnes très différentes les unes des autres, est un personnage réel. Entre Ragen le yougoslave communiste hargneux et Arthur l'anglais hautain et snob, il y a toute une palette de ce que l'humanité peut présenter de caractères différents. Chaque personne qui l'habite est un trait de caractère, comme la colère, la douceur, le cynisme, l'empathie, la naïveté, l'intelligence, l'immoralité, les différents stades de l'enfance... C'est impressionnant ! Mais surtout, comment ne pas devenir complètement fou tant ça semble terrifiant de vivre ça !?
Ce qui saute aux yeux, entre autre, c'est que le tribunal médiatique ne date pas d'aujourd'hui ni des réseaux sociaux.
Bien que ce soit un témoignage, ce parcours de vie est écrit comme un roman, ce qui rend l'histoire d'autant plus immersive. Hélas, j'y ai trouvé quelques longueurs, je me suis parfois ennuyée. Et pourtant, c'est fascinant.

 

Citations :

Page 48 : — Je peux parler à Billy ? S’enquiert Judy.

Ah non ! On le fait dormir. S’il se trouvait sous le projecteur, il se tuerait.

Pourquoi ?

Il est fou de terreur à l’idée d’avoir mal. Et il ne sait rien sur nous, tous les autres. Tout ce qu’il sait c’est qu’à certains moments, il perd le temps.

Qu’est-ce que ça veut dire « perdre le temps » ? interroge Judy.

C’est la même chose pour nous tous. On est quelque part, en train de faire quelque chose. Puis on est ailleurs et on a la sensation du temps qui a passé, mais sans avoir idée de ce qui est arrivé pendant ce temps.

 

Page 83 : Le docteur Harding se rend compte qu’il ne prend sans doute pas assez d’initiatives avec Milligan. Le docteur Wilbur lui a recommandé de chercher à établir le plus vite possible le nombre de personnalités qui cohabitent en lui et leur identité : il faut encourager chacune d’elles à expliquer les raisons de son existence afin de leur permettre de revivre les circonstances particulières qui ont présidé à leur surgissement.

 

Page 192 : Billy aimait les fleurs et la poésie et il aidait spontanément sa mère à la maison. Mais à force d’être traité de « femmelette » et de « petite pédale » par son beau-père, il renonça aux travaux ménagers et cessa d’écrire des poèmes. « Adalana » prit sa place en secret.

 

Page 249 : — Dieu a été inventé par ceux que l’inconnu effraie, rétorqua Arthur. Les gens adorent des figures mythiques comme Jésus-Christ pour échapper à la terreur de ce qui arrivera après la mort.

 

Page 450 : 410 hommes décrétés fous criminels hantent les couloirs sans fin de cette géhenne oubliée de Dieu. La fureur me prend quand je songe que l’État a le culot d’appeler ça un hôpital. L’hôpital d’État de Lima.

 

 

 

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Mon avis : Wayward Pines épisode III : Destruction – Blacke Crouch

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Patrick Imbert

 

Éditions Gallmeister - Totem

 

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Quatrième de couverture :

Voilà trois semaines que l’agent Ethan Burke est arrivé à Wayward Pines, Idaho. Dans cette bourgade, les habitants se voient assigner un logement, un travail et parfois même leur conjoint pendant qu’à l’école, on apprend à leurs enfants que David Pilcher, le fondateur de la communauté, est leur Dieu. Bien entendu, personne n’est autorisé à quitter la ville, cernée par une immense clôture électrifiée. Ethan, lui, a découvert ce qui rôde au-delà de l’enceinte qui isole Wayward Pines du monde extérieur. C’est précisément cette menace qui est maintenant sur le point de submerger la ville et peut-être même d’annihiler l’humanité toute entière.


 

 

Mon avis :
Et enfin le troisième et dernier tome ! Je devrais peut-être plutôt dire hélas car j'ai adoré et quand c'est fini, ben... c'est fini.
Ce troisième opus commence par des remords, un énorme fardeau de culpabilité, le sentiment d'avoir condamné tout le monde, la sensation que toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire. Et puis alors, c'est gore !!!

On se trouve confronté à un bain de sang, la lutte pour la survie dans quelque chose qui ressemble furieusement à la guerre, c'est totalement terrifiant avec bien sûr un gros suspense. Il y a quelque chose de désespéré là, et en même temps ça semble être un booster. Car, à partir du moment où ça ne peut pas être pire, on peut espérer une amélioration, même légère. Et parfois, l'énergie du désespoir fait des miracles...
Et là, ben je ne peux plus rien dire. Parce que si je dis quoi que ce soit de plus, je spoile... À part que, il y a une tension et de l'action non-stop du début à la fin, que c'est une course à la survie, déchaînée, éperdue, acharnée. Sans oublier qu'il faut beaucoup de force pour rester à sa place d'être humain et ne pas se laisser griser par un pouvoir illusoire.

La fin m'a scotchée, ébouriffée, surprise au plus haut point ! Je ne m'y attendais pas, mais alors pas du tout !
Et bien sûr j'ai adoré ce troisième tome, et évidemment je ressens déjà un manque... J'aimerais tellement que toutes mes lectures soient aussi trépidantes et addictives. C'est pas tous les jours qu'on dévore une trilogie à cette vitesse, oubliant le besoin de sommeil et même qu'il est l'heure de partir travailler.

 

Citations :

Page 20 : Vous mesurez ce que nous avons accompli ? Nous venons de réussi le voyage le plus dangereux, le plus téméraire de toute l’histoire de l’humanité.

 

Page 59 : Dans le monde d’où nous venons, notre existence était si facile. Et si peu satisfaisante, justement à cause de cette facilité. Où trouver du sens quand on est seul parmi sept milliards ? Quand la nourriture, les vêtements, tout ce dont on a besoin nous attend au supermarché du coin ? Quand on s’abrutit devant des écrans et des divertissements en haute définition, le sens de la vie, le but de l’existence, se perd complètement.

 

Page 106 : La vieille femme était assise dans son fauteuil inclinable en cuir, repose-pieds bien en place, plateau-repas sur les genoux. À la lueur d’une bougie, elle retournait des cartes, une partie de réussite à moitié terminée.

Dans la maison d’à côté, ses voisins agonisaient.

Elle fredonnait à voix basse.

 

Page 120 : Pilcher porta une bouteille de whiskey à sa bouche, millésime 1925, se demandant quoi penser de la situation. Il y avait des précédents, bien sûr. Quand les enfants de Dieu se rebellaient, Dieu n’hésitait pas à les punir avec fermeté.

Une voix douce, celle-là même qu’il avait appris à ignorer il y a longtemps, coupa à travers le vent de folie qui soufflait dans son crâne : Tu te prends vraiment pour leur Dieu ?

 

Page 136 : J’aimerais vivre dans un monde où les actions se masure à l’aune des intentions qui les animent. Mais la vérité, c’est que seules leurs conséquences comptent.

 

Page 206 : Derrière les portes vitrées, Ethan vit un autre garde courir dans le couloir.

Il était vêtu de noir, armé d’un Taser, d’un pistolet, d’une mitraillette et de testostérone.

 

 

 

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Mon avis : Wayward Pines épisode II : Rébellion – Blacke Crouch

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’américain par Patrick Imbert

 

Éditions Gallmeister - Totem

 

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Quatrième de couverture :

Bienvenue à Wayward Pines, 461 âmes. Nichée au cœur des montagnes Rocheuses, la petite bourgade passerait pour idyllique si ce n’était la clôture électrifiée qui l’entoure, la télésurveillance incessante et la puce électronique implantée de force à chaque habitant. Aucun de ces résidents ne sait d’ailleurs comment il est arrivé là. Certains pensent qu’ils sont morts, d’autres qu’ils sont piégés dans une expérience scientifique, tous rêvent secrètement de s’échapper. Ethan Burke, le nouveau shérif, est l’un des rares à connaître la vérité. Une vérité tellement insupportable qu’il ne sait comment en libérer les habitants, parmi lesquels sa femme et son fils.
 

 

Mon avis :
Voici la suite, le tome 2 de Wayward Pines que j'ai enchaîné aussitôt après avoir refermé le 1, dont on ne peut absolument rien dire au risque de spoiler car la fin du premier tome nous offre une grosse révélation. C'est juste une série totalement addictive, qui se dévore et fait enchaîner les suites... Car le 2 est aussi palpitant que le 1.
Seules questions en commençant, que va-t-il se passer maintenant qu'on sait ? Y a-t-il le moindre espoir, même ténu ? Et ces "fêtes" dont il est question ? Et la psychologie des habitants, dont on suppose qu'il faut se méfier... Et le désir de vivre, peut-il perdurer ? Et les aberrations ? Et la liberté ? Et l'avenir ? Et, et, et...

De nouveaux éléments arrivent ou se mettent en place, qui nous réservent des surprises, et en tout cas des questionnement, qui créent un vrai suspense. Jamais à cours d'idées, l'auteur nous emporte dans cette histoire folle et oppressante. Pourtant l'espoir est dans la nature humaine, qui fait faire des folies parfois. Mais comment supporter la vie dans cet endroit si l'espérance d'un futur lumineux n'existe pas ?
Bien sûr ça évoque des références télé ou littéraires, le prisonnier (série cauchemardesque que je détestais quand j'étais petite), où 1984 de Orwell. Cependant l'histoire passe un cran au dessus dans l'inacceptable à mon goût.

Une phrase du poème de 
Victor Hugo "Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent" correspond totalement à ce que j'ai ressenti pendant cette lecture : "Car le plus lourd fardeau, c'est d'exister sans vivre".
J'ai vu dans cette histoire un parallèle avec nos sociétés, où les dirigeants prétendent vouloir notre bien, en nous faisant du mal. Ou alors peut-être que le pouvoir rend mégalo. Ou au contraire faut-il être mégalomane pour désirer le pouvoir ? Mais il est aussi question de l'inconséquence et de l'aveuglement, sans doute même de l'égoïsme à ne pas vouloir penser aux répercutions de nos actes.

Ce deuxième opus se termine sur un gros cliffanger, et bien entendu... SUS AU TROISIÈME !!!

 

Citations :

Page 37 : Chaque jour me rappelle combien nous sommes vulnérables, dans cette vallée. Notre existence est ténue, fragile. Et vous, assis là, vous me regardez comme si je dirigeais la police de la pensée ou les Khmers rouges.

 

Page 111 : Le concept d’animation suspendue n’appartient pas à la science du XXIe siècle. Nous n’avons rien inventé. Il appartient à la nature elle-même, comme tous les grands mystères de l’univers. Voyez la graine de lotus. Elle germe encore, mille trois cents ans plus tard. On a découvert dans de l’ambre des bactéries datant de plusieurs millions d’années, parfaitement conservées, parfaitement viables.

 

Page 220 : Laisser partir ses enfants est la meilleure chose qu’on puisse faire pour eux. Et la plus difficile.

 

 

 

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Mon avis : Wayward Pines épisode I : Révélation – Blake Crouch

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’américain par Patrick Imbert

 

Éditions Gallmeister - Totem

 

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Quatrième de couverture :

L’agent fédéral Ethan Burke reprend conscience, seul et blessé, en pleine rue à Wayward Pines, petite bourgade tranquille de l’Idaho. Partiellement amnésique, il se souvient être à la recherche de deux autres agents mystérieusement disparus dans la région. Il se rend vite compte qu’il n’a plus de papiers, ni de téléphone et, en dépit de ses efforts, il ne parvient à joindre ni sa femme, ni son supérieur, ni personne du monde extérieur. Il y a vraiment quelque chose de bizarre à Wayward Pines, comme chez ses habitants. Lorsqu’Ethan découvre le cadavre horriblement mutilé de l’un des agents qu’il recherchait, l’étrangeté cède la place à un danger mortel. C’est maintenant sûr, il y a quelque chose de pourri à Wayward Pines.


 

 

Mon avis :
Dès les premières lignes ça sentait le page turner à plein nez. Et !!!... oui ! C'était bien ça !! Un homme blessé reprend connaissance entre une rivière, un terrain vague et une aire de jeu. Il n'a ni papiers, ni clés, ni portable. Il souffre terriblement et ne se rappelle pas qui il est. Peu à peu des bribes de souvenirs lui reviennent, il est inquiet sans réellement savoir pourquoi. J'avoue que l'inquiétude m'a rapidement gagnée car tout est étrange et malsain dans la petite ville de Wayward Pines. L'agent fédéral Ethan Burke semble coincé dans ce drôle d'endroit qui a l'air coupé du monde extérieur. Comme si, ne voulant pas de lui on l'empêchait néanmoins de partir. Ça ressemble à un cauchemar où rien n'a de sens. Oui, c'est un endroit réellement cauchemardesque.

C'est véritablement un roman à nuit blanche. Parce qu'il fait peur ? Non... Il est tellement palpitant qu'on n'a pas envie de s'arrêter.
En réalité, on ne peut pas dire grand chose sur ce livre sans risquer d'en dévoiler trop, car tout n'est que suspense et faux semblants, duplicité et manipulation dont on craint que ce soit à tous les niveaux, et une chronologie plus qu'étrange. On ne sait pas qui est potentiellement ami ou ennemi. C'est assez oppressant. Une chose est sûre, ce roman m'a avalée, totalement embarquée, submergée, comme un raz de marée.
J'ai adoré ? OUI !!! Absolument ! Et la fin, c'est tout ce que j'aime !! Et je vais immédiatement me précipiter sur la suite...

 

Citations :

Page 41 : Une sorte de cité platonicienne idéale. Il ne devait pas y avoir plus de cinq à six cents habitants. Ethan se demanda ce qui les avait amenés ici. Combien avaient découvert Wayward Pines par accident ? Combien en étaient tombés amoureux ? Combien avaient décidé de s’y installer ? Combien y étaient nés, combien n’étaient jamais partis ?

 

Page 330 : Depuis la révolution industrielle, nous traitons notre environnement comme une rock star sa chambre d’hôtel. Mais nous ne sommes pas des rock stars. En matière d’évolution, nous restons une espèce fragile, faible.

 

 

 

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Mon avis : De l’espace et du temps – Alastair Reynolds

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’anglais par Laurent Quessy

 

Éditions Le Bélial

 

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Quatrième de couverture :

Mars, d’ici deux décennies…
Au début, ils ont cru pouvoir y échapper. Jusqu’à ce que la Catastrophe, un virus militarisé qui a fauché l’humanité en un temps record, frappe la colonie à son tour. Aussi, depuis qu’il a inhumé Katrina Solovyova, John est seul, il ne reste plus que lui. Lui et Pavonis Mons, qu’il contemple à travers une baie blindée. Et aussi ce mystérieux piano blanc, un Bösendorfer — et ce non moins mystérieux musicien excentrique aux lunettes ridicules qui lui parle parfois… Que faire, lorsque vous êtes l’ultime représentant de votre espèce ? En finir une bonne fois pour toutes ? Ou entreprendre la plus magnifique des quêtes, la plus vertigineuse, la plus sidérante des aventures ? John Renfrew est le dernier être humain. Le dépositaire de l’esprit de découverte et de la soif de savoir de l’humanité tout entière. Et il a un univers à explorer.


 

 

Mon avis :
Un homme se retrouve seul sur Mars après avoir enterré Katrina Solovyova sa derniere collaboratrice de l'espace, morte d'un virus militarisé, comme tout le reste de la colonie mais aussi comme toute l'humanité. Ça engendre instantanément un indicible et terrifiant sentiment de solitude et de vide. Car comment ne pas perdre la raison quand on est le dernier représentant de son espèce dans l'univers ? C'est vertigineux. Sauf que l'espoir qu'il reste quelque part sur terre, ne serait-ce qu'une poignée d'humains, est une lueur dans les ténèbres.

John Renfrew est sur une corde raide au dessus de l'abîme, entre espoir et envies de suicide. Il a cependant une compagnie, une personne à qui parler, car il y a un individu sur la base, un pianiste holographique et son piano. Existe-t-il seulement cet étrange personnage ou est-ce une construction de l'inconscient de John ?
On dit que l'espoir fait vivre... il donne la force de lutter. Mais se peut-il que trop d'attentes aient l'effet inverse lorsqu'elles sont déçues ? La solitude absolue et définitive est un gouffre sans fin.

Quelques notions de physique quantique et de réalité générale m'ont un peu perdue, mais pas longtemps. Car en fait c'est génial ! Je me suis demandé tout le long, fantasmes ? Folie ? Ou peut-être réalité !? Fait-il un voyage intérieur de sa vie telle qu'elle pourrait être ou bien est-ce réel ? C'est une histoire qui va crescendo à tous les niveaux, nous entraînant dans une accélération ébouriffante jusqu'au final.

 

Citations :

Page 28 : Le colon s’exprimait alors à voix haute, se soulageant des idées qui le hantaient depuis la dernière visite. Il racontait à l’artiste ses problèmes avec la base, l’entretenait de sa solitude, du désespoir qu’il ressentait à chaque échec de l’antenne à capter un signal de la Terre.

 

Page 30 : Et s’il y avait quelqu’un d’autre là-bas ?

En quoi cela changerait-il son ressenti ?

À moins qu’il n’y ait en définitive personne dans cette immensité : rien que des années-lumière de néant, des parsecs et des mégaparsecs inhabités jusqu’aux plus lointaines et insignifiantes galaxies vacillant tout au bout de l’univers visible ?

Comment se sentirait-il alors ?

Transi. Seul. Fragile.

Étrangement précieux.

 

Page 38 : Des récits de voyages… des biographies historiques… des atlas et des livres d’histoire naturelle… rien que des bouquins qui me rappellent ce que je ne reverrai jamais. Plus de pluie torrentielle. Plus jamais d’oiseau, d’océan, de...

 

 

 

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Mon avis : Les Abysses – Rivers Solomon

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Francis Guévremont

 

Éditions Aux forges de Vulcain

 

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Quatrième de couverture :

Lors du commerce triangulaire des esclaves, quand une femme tombait enceinte sur un vaisseau négrier, elle était jetée à la mer. Mais en fait, toutes ces femmes ne mouraient pas. Certaines ont survécu, se sont transformées en sirènes et ont oublié cette histoire traumatique. Un jour, l'une d'entre elles, Yetu, va le leur rappeler.

 


Mon avis :
Yetu est historienne, et contre son gré elle seule détient la mémoire des Wajinrus, peuple des abysses un peu sirènes et un peu autre chose, car elle a été désignée pour ça. Pour les délester de l'immense douleur des souvenances, un seul être porte ce fardeau. Une fois par an, la cérémonie du Don de Mémoire lui permet de s'en extraire quelques instants en la partageant avec ses semblables. Car elle vit en partie avec les souvenirs des morts, de leurs souffrances avant, pendant et après. Durant cette cérémonie, les Wajinrus recouvrent la mémoire de qui ils sont, de pourquoi ils sont là, vivant au fond des mers dans les ténèbres abyssales, des souffrances qui les ont amenés là, tandis que l'historienne est provisoirement libérée de l'horreur de tous ces souvenirs. Chez ce peuple là, un seul individu se souvient de tout afin que les autres puissent vivre ignorants et heureux, sauf le jour de ce rite.

Ce récit nous raconte, lorsque le "je" devient "Nous", comme le ferait quelqu'un qui transmet le savoir, l'histoire d'un petit peuple étrange sans mémoire, depuis sa genèse. Étonnamment il a fait surgir en moi les images sous-marines du film d'animation Ponyo sur la falaise des studios Ghibli, sans doute par la poésie qu'il dégage.

Peu à peu, en parcourant les océans, nous découvrons l'histoire des Wajinrus nés de la cruauté des hommes, leur origine et l'horreur des prémices, et pourquoi un seul détient la mémoire.
Mais comment vivre avec une mémoire parcellaire, qui vient par bribes et disparaît aussi vite qu'elle est apparue ?

Il y a quelque chose d'étrange, ouaté et onirique dans cette histoire un peu lente. Ce roman parle de souvenirs douloureux, du devoir de mémoire, du refus parfois de se rappeler le passé car trop laid, trop inacceptable, et du coup, du déni, mais aussi du désir d'émancipation d'une charge trop lourde jamais demandée et d'un besoin irrépressible de liberté. Et ce mot qui revient sans cesse, mémoire, mémoire, mémoire... comme un mantra, comme le tic tac d'une horloge, le son d'une goutte après l'autre, obsédant. Et puis un sentiment d'impénétrabilité de l'abîme que sont les océans, une sensation d'infinité qui donne le vertige. Car, les scientifiques le disent, nous connaissons mieux l'espace et les étoiles que les ténèbres des fonds marins...

Que peut-il y avoir de plus terrifiant et douloureux que d'être jetée d'un bateau en pleine mer, dans cette immensité liquide qui avale tout ?
J'ai eu des moments de doute quant à ce que cette histoire essayait de me dire. Mais je crois avoir compris que l'union fait la force, mais aussi qu'on ne peut pas se construire sans savoir d'où on vient.

Une allégorie qui nous parle du commerce triangulaire en filigrane, la traite négrière comme on l'appelait, et qui restera une tâche sur la mémoire de l'humanité. Une tâche parmi tant d'autres. Il nous parle aussi d'altérité, nous dit que c'est l'ouverture aux autres et à la différence qui ouvre l'esprit et rend heureux.

 

Citations :

Page 26 : Normalement, les requins-lézards ne se contentent pas d’un si petit territoire, mais Anyeteket avait eu deux raisons de rester. Premièrement, elle n’avait probablement jamais oublié la pluie de corps qui s’était abattue dans ces parages, quand tous ces deux-jambes avaient été rejetés à la mer, plusieurs siècles auparavant. Les requins se nourrissent assez rarement de ceux qui vivent en surface, mais à chair donnée, on ne fait pas la fine bouche.

 

Page 36 : Elle était lasse, exténuée, non seulement depuis le dernier Don de Mémoire, mais depuis la fin de son enfance et le début de l’âge adulte. Les fatigues s’accumulaient, non ? Elle imaginait un navire ayant coulé, avec sa riche cargaison ; au fil des années, des morceaux s’en détachaient, comme des écailles mortes. Pourtant, Yetu n’était pas aussi solide que ces merveilles que fabriquaient les deux-jambes. Elle mourrait, et même les cadavres ne duraient pas éternellement.

 

Page 45 : La pression augmentait en elle car l’Histoire allait bientôt prendre toute sa place. Elle, et tout son peuple avec elle, nageaient dans une bulle d’agonie, incessante, ininterrompue.

 

Page 70 : Nous n’oublions pas que nous avons appartenu à un banc de baleines qui existait depuis des siècles et qu’un bref instant a suffi à détruire.

 

Page 152 : Qu’est-ce qui pourrait, sur la terre, se comparer à la puissance de l’océan ?

 

 

 

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Mon avis : L’une rêve, l’autre pas – Nancy Kress

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Claire Michel

 

Éditions Hélios

 

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Quatrième de couverture :

« Docteur… savez-vous combien j’aurais pu accomplir en plus si je n’avais pas dû dormir toute ma vie ? »

 

Alors que deux jumelles viennent au monde, l’une d’elles a été génétiquement modifiée pour ne plus avoir besoin de sommeil. Chaque jour, elle dispose de huit à dix heures en plus pour vivre et découvrir le monde… Des heures qui feront aussi d’elle un être à part.

 

Dès lors, comment trouver sa place dans une société qui n’est plus la vôtre ?

 

Nancy Kress est l’une des belles voix de l’imaginaire mondial avec des romans comme Après la chute, Le Nexus du Docteur Erdmann ou encore Les hommes dénaturés. Elle développe une science fiction au carrefour de la science, de la conscience sociale et de la poésie. L’une rêve, l’autre pas est son chef-d’œuvre. Il a obtenu le prix Hugo, le prix Nebula, le prix Asimov des lecteurs, le Grand Prix de l’Imaginaire et le prix décerné par Science Fiction Chronicle.

 


Mon avis :
On entre immédiatement dans le vif du sujet, le transhumanisme, avec des futurs parents en train d'énumérer au médecin les caractéristiques qu'ils souhaitent pour leur enfant à venir. Qu'elles soient physiques ou intellectuelles, le genre, ils veulent tout choisir. Bienvenue au supermarché du bébé clé en main !
"[...] il fallait convaincre la plupart des clients de renoncer aux tendances génétiques contradictoires, à la surcharge d'altération, ou aux espoirs irréalisables."
J'aime ces romans qui, dès le début, mettent mon cerveau en ébullition, me font m'interroger sur le manque d'éthique des gens, la folie humaine de ne savoir accepter ce que la nature offre, et l'effarante course à la performance intellectuelle autant que physique.

Roger Camden désire un bébé qui n'aura jamais besoin de dormir et aura un QI stratosphérique, alors que son épouse Elizabeth voudrait un bébé ordinaire. le hasard des fécondations in vitro va leur offrir à chacun leur souhait, puisque des jumelles naîtront, qui n'auront pas les mêmes caractéristiques. Mais comment grandir sereinement quand, bien que jumelles, les petites filles sont tellement dissemblables. Car oui, 
l'une rêve, l'autre pas... car l'une dort, l'autre pas. Et il semble que chacune jalouse l'autre sur ce point car chacune est étrangère à l'univers de l'autre. Pourtant, elles s'aiment.

Mis à par le fait que, à mon humble avis, il ne faut pas toucher au patrimoine génétique des individus à des fins purement eugénistes, 
Nancy Kress nous emmène sur un terrain qui a provoqué en moi de la compassion pour ces pauvres humains augmentés. Car on sait bien que ce qui est différent dérange le grand nombre et exacerbe l'intolérance et la haine parfois, nées de la peur, car ce qui est différent effraie. Et quid de ces apprentis sorciers que personne n'arrête ? Jusqu'où peut-on aller ? Et si on perdait le contrôle ? Et que saurait-on du possible effet papillon des modifications génétiques ? Et des dommages collatéraux au sein d'une famille ? Et du malheur qui pourrait en découler ? Que penser de ces parents qui font peser sur les épaules de leurs enfants le poids de leurs rêves inassouvis ? Bon, cela arrive mais dans notre monde ça reste cantonné aux performances sportives, musicales ou à la profession. Qu'en serait-il si on pouvait toucher à l'essence même d'un individu ?.. au point de faire de lui ce que l'on aurait voulu être !?

Je me suis posé beaucoup de questions à cette lecture. Bien sûr que j'aimerais n'avoir besoin que de trois ou quatre heures de sommeil par nuit ! Que de temps en plus pour faire beaucoup de choses !!! Lire plus par exemple Eh Eh. Mais l'absence de sommeil, surtout pas ! C'est tellement bon de sombrer... et rêver ! Et puis enfant, j'aurais adoré avoir un QI hors norme, pour être lumineuse, en maths notamment XD.
J'ai énormément aimé ce court roman, je l'ai dévoré ! Il m'a dérangée, choquée, bouleversée, presque émue aux larmes parfois...
Vraiment, un roman captivant récompensé cinq fois, suivi d'une interview de 
Nancy Kress et ça j'adore car la perception d'un auteur est toujours intéressante.

 

Citations :

Page 14 : Il était illégal de dormir dans le parc, illégal d’y entrer sans permis de résidence, illégal d’être sans abris et sans domicile fixe.

 

Page 106 : L’État de Géorgie, dans lequel certains actes sexuels entre adultes consentants étaient encor un crime, déclara que les rapports sexuels entre Non-Dormeur et Dormeur étaient un délit du troisième degré, les classant avec la bestialité.

 

 

 

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Mon avis : Moby Dick – Herman Melville

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Lucien Jacques, Joan Smith et Jean Giono

 

Éditions Folio classique

 

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Quatrième de couverture :

Considérez le cannibalisme universel de la mer, dont toutes les créatures s'entre-dévorent, se faisant une guerre éternelle depuis que le monde a commencé. Considérez tout ceci, puis tournez vos regards vers cette verte, douce et très solide terre : ne trouvez-vous pas une étrange analogie avec quelque chose de vous-même ? Car, de même que cet océan effrayant entoure la terre verdoyante, ainsi dans l'âme de l'homme se trouve une tahiti pleine de paix et de joie, mais cernée de toutes parts par toutes les horreurs à demi-connues de la vie.

Ne poussez pas au large de cette île, vous n'y pourriez jamais retourner.

 

 

Mon avis :
Moby Dick, cette baleine légendaire dont, je pense, tout le monde a entendu parler, est une histoire de vengeance entre un homme et un cétacé.
Ishmael, le narrateur, semble vivre un perpétuel maelström intérieur tant sa pensée paraît ne jamais devoir s'arrêter. Il nous entraîne derrière lui dans sa recherche d'un embarquement, sa quête du grand large, dans la chasse à la baleine. Il nous instruit sur quantité de choses de cette époque ou de la Bible : Jonas et la baleine, l'histoire de Queequeg le harponneur cannibale et de son peuple, les Quakers nombreux à Nantucket, l'antiquité et ses empereurs, la chasse à la baleine en elle-même jusqu'aux confins du monde et l'économie qu'elle a généré, la psychologie des différents membres d'équipage et leurs origines multiples… il semble que les connaissances d'Ishmael soient infinies, y compris en cétologie et tant d'autres sujets encore. Il nomme très souvent les gros cétacés du nom de Léviathan, ce qui ajoute de l'effroi au mystère des profondeurs. Ses références à la bible sont nombreuses, voire omniprésentes.

Ce roman offre de vrais moments de magie et de féerie historique et aquatique, d'angoisses aussi car l'océan est terrifiant, et tellement beau qu'il incite à la rêverie par moments, loin du tumulte terrestre. Les descriptions faites des océans m'ont évoqué un univers tout entier, empli de mystères invisibles et de dangers ultimes prêts à jaillir à tout instant. Et pendant ce temps, on attend 
Moby Dick qui se fait désirer. Achab, le capitaine unijambiste du Pequod, a un compte personnel à régler avec la baleine blanche qu'il va poursuivre à travers les vastes océans de la planète, entraînant son équipage, empreint d'une ferveur absolue qui confinera à la folie, dans sa quête. À travers ce besoin de revanche il m'a semblé que Achab cherchait à défier Dieu lui-même, car nul doute que ces hommes en ces temps étaient profondément croyants. Lorsque soudain un jet apparaît à l'horizon, c'est le signe qu'il est temps d'aller à l'affrontement. Moi la terrienne que l'océan effraie autant qu'il fascine, je pense que ces hommes étaient fous d'une certaine façon. Et ces nobles cétacés, seigneurs des océans et de leurs profondeurs, comment se fait-il qu'ils n'arrivaient pas à échapper aux hommes ?

Après cette lecture on en sait beaucoup plus sur les baleines, cachalots et autres cétacés et de tous les usages que l'on peut tirer de leurs dépouilles, mais aussi sur les termes propres aux marins, tel la hune, le gaillard d'avant, le gaillard d'arrière et la place qu'occupe les différents membres d'équipage, mais aussi sur toutes sortes de représentations des baleines, des plus fantaisistes aux plus réalistes, mais aussi sur les vastes prairies de "brit" et le mystérieux grand "squid" vivant, mais aussi la ligne… mais aussi la chasse et le dépeçage, le spermaceti… tant de choses, cela semble sans fin.

J'imaginais, en commençant, lire une histoire furieuse de quête enragée dans les eaux tumultueuses des différentes mers…
Je dois bien dire que je ne m'attendais pas à ça, encore marquée par le film vu dans mon enfance avec un Gregory Peck impressionnant en Achab ténébreux, un Queequeg tout scarifié que j'avais beaucoup aimé, une gigantesque baleine blanche et bien sûr Ishmael. Or ce roman parle de tellement plus de choses, avec humour parfois, et poésie, - "Le chanvre est un gars au teint basané et sombre, une sorte d'indien, tandis que la manille est belle à regarder comme un Circassien aux cheveux d'or"-, tant d'intelligence et une érudition universelle, je l'ai adoré !!! Par certains aspects il m'a évoqué 
Vingt mille lieues sous les mers tant les connaissances que l'auteur prête à Ishmael, qui se dit pourtant analphabète, semblent infinies, voire encyclopédiques, tout comme celles de Jules Verne. Ce fut une belle découverte !
C'est la possibilité d'une Lecture Commune avec huit autres fadas prêts pour l'aventure qui m'a définitivement convaincue de me lancer dans ce pavé qui me faisait un peu peur.
Alors, que du bonheur !?!?!... Presque ! J'ai souvent trouvé le temps long car ce roman est fait de très nombreuses digressions. Les chapitres ne sont quasiment que digressions. J'ai fini par trouver cela pesamment didactique et dès la page 450 j'ai eu hâte d'arriver au bout, par intermittence car certaines parties m'ont semblé interminables tandis que d'autre non : "Puisque j'ai entrepris de parler de ce léviathan, il convient que je me montre capable d'épuiser complètement le sujet, jusque dans les plus petites cellules de son sang, et de le décrire jusqu'aux derniers replis de ses entrailles." (page 589)
J'ai l'impression d'avoir fait un marathon, à la nage, dans tous les océans…
Pourtant, quel roman ! Mais aussi, quels carnages chez les baleines !

 

Citations :

Page 44 : Pourquoi les anciens Perses ont-ils tenu la mer pour sacrée ? Pourquoi les Grecs lui ont-ils donné un dieu particulier : le propre frère de Jupiter. Cela signifie bien quelque chose ! Et le plus beau de tout est encore dans cette histoire de Narcisse qui, désespéré par l’insaisissable et calme image qui se reflétait dans la fontaine, s’y jeta et fut noyé. Ce libre reflet de nous-mêmes, nous le voyons dans toutes les rivières et tous les océans. C’est le fantôme volant de la vie. Voilà la clef de tout.

 

Page 69 : Pourquoi ai-je fait tant d’histoires, pensais-je ; cet homme est une être humain tout comme moi, il a autant de raisons de me craindre que moi de le craindre. Mieux vaut dormir avec un cannibale sobre qu’avec un chrétien saoul.

 

Page 129 : Tout en refusant, par scrupule de conscience, de porter les armes contre les envahisseurs terriens, lui, il avait envahi, d’une façon illimitée, l’Atlantique et le Pacifique ; et, quoique ennemi juré du versement de sang humain, il avait, vêtu de son habit à corps droit, versé des tonnes de sang du léviathan.

 

Page 138 : Comme le ramadan de Queequeg, avec son jeûne et sa pénitence, devait continuer toute la journée, je préférais ne pas le déranger avant le commencement de la nuit. J’ai le plus grand respect pour les obligations religieuses de chacun, fussent-elles comiques, et je ne sous-estimais pas une congrégation de fourmis adorant un champignon vénéneux, ni même certaines autres créatures de notre globe, qui, avec une servilité sans exemple dans tout l’univers connu, courbent le dos devant le cadavre d’un propriétaire terrien, seulement parce qu’il est, malgré tout, encore le propriétaire de propriétés démesurées.

 

Page 189 : La vieillesse est toujours éveillée comme si, à mesure qu’il s’avance plus avant dans la vie, l’homme voulait s’éloigner de tout ce qui ressemble à la mort.

 

Page 258 : Influencés par les racontars et présages concernant Moby Dick, nombre de pêcheurs se rappelaient à son sujet les plus anciens temps de la pêche au cachalot, quand il était souvent difficile de persuader aux hommes pourtant habitués à chasser la Vraie-Baleine de s’embarquer pour les risques de cette lutte nouvelle et dangereuse ; — ces hommes disaient qu’on pouvait chasser d’autres léviathans avec quelque espoir de s’en sortir, mais que tirer la lance sur une apparition telle que le cachalot n’était point l’affaire des mortels ; que l’essayer équivalait à faire un prompt plongeon dans l’éternité.

 

Page 379 : Depuis quelque temps, dans la pêcherie américaine, la corde de Manille a presque complètement supplanté le chanvre comme matériel pour les lignes à baleine ; car, bien que n’étant pas aussi durable que le chanvre, elle est plus forte et de beaucoup plus souple et plus élastique ; et je veux aussi ajouter (puisqu’il y a une esthétique en toutes choses) qu’elle est plus belle et plus seyante au bateau que le chanvre. Le chanvre est un gars au teint basané et sombre, une sorte d’Indien, tandis que la manille est belle à regarder comme un Circassien aux cheveux d’or.

 

Page 406 : Je pense qu’au jour du Jugement, il sera plus admis qu’un Fidjien ait conservé un missionnaire maigre dans sa cave, que toi, gourmet civilisé et éclairé, qui cloues les oies à la terre et manges leurs foies gonflés dans ton pâté de foie gras.

 

Page 666 : Voyez, vous tous qui croyez en Dieu, en un Dieu toute bonté et en l’homme tout en mal, voyez ! Les dieux tout-puissants oublient la puissance de l’homme et l’homme, tout idiot qu’il soit et ne sachant pas ce qu’il fait, est néanmoins rempli d’amour et de reconnaissance.

 

 

 

 

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