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Mon avis : Le petit déjeuner des champions – Kurt Vonnegut

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Gwilym Tonnerre

 

Éditions Gallmeister - Totem

 

Mon avis sur Insta c'est ici

 

Quatrième de couverture :

Voici l'histoire d'une rencontre entre deux hommes solitaires, maigrichons et plus tout jeunes. Le premier, Kilgore Trout, obscur auteur de science-fiction, passe ses soirées à prédire l'apocalypse à son seul ami, Bill, une perruche. Quant à Dwayne Hoover, riche concessionnaire Pontiac dont l'unique compagnon est un chien nommé Sparky, il est sur le point de perdre la tête. Lorsque Kilgore Trout rencontre Dwayne au cours d'un festival, il lui offre l'un de ses romans. La lecture de ce livre va transformer Dwayne en monstre.


 

 

Mon avis :
L'auteur présente les américains comme des pirates cruels et avides, venus, en 1492, piller des terres et réduire leurs habitants en esclavage. En réalité, 
Kurt Vonnegut revisite vite fait l'histoire de l'humanité à sa sauce, et c'est drôle bien que tragique au fond. Mais rapidement on se retrouve dans une histoire futuriste loufoque, de soif de l'or et de petites culottes. Car un des héros du roman, Kilgore Trout est auteur de science fiction, et un peu à la masse. D'ailleurs, ses romans sont illustrés d'images pornographiques n'ayant rien à voir avec le texte. Loufoque, oui, oui. Comme ces extraterrestres-voitures, où ceux qui font des claquettes en pétant et des humanoïdes qui se nourrissent d'aliments à base de pétrole et de charbon...

En fait, plus on avance dans l'histoire, plus le sentiment que 
Kurt Vonnegut se paie la tête de l'Amérique est prégnante. Il se moque de la façon dont elle tourne (pas rond). Car au fond, bien que ça paraisse complètement farfelu, ça dit beaucoup de choses de l'humanité. J'y ai même trouvé une résonance avec ce qui arrive chez nous en ce moment, à savoir se laisser enlever son libre arbitre, accepter d'être dominé par quelqu'un de mauvais en échange de sa protection pour avoir un sentiment de sécurité.

Le narrateur nous explique tout, comme si on était stupides ou ignares et ça m'a beaucoup amusée : "Le Vietnam était un pays dans lequel l'Amérique essayait d'empêcher la population d'être communiste en lui larguant diverses choses de ses avions. Les produits chimiques auxquels le conducteur faisait allusion servaient à détruire tout le feuillage, afin qu'il soit plus difficile pour les communistes de se cacher des avions".
Je trouve que ça met l'accent sur l'absurdité de ce que font les hommes.
Des dessins naïfs parsèment l'histoire, dans la même veine que les explications basiques destinées aux crétins que nous sommes XD.

Chaque résumé des romans de Trout ressemble à une métaphore fantasque de nos sociétés complètement à côté de la plaque, qui vénèrent le Dieu Pognon et la superficialité, oubliant complètement l'essentiel qui est la base de la survie. Car, même si c'est des USA qu'il se moque, on a tellement voulu copier ce pays de la malbouffe dans son modèle ultraconsumériste, qu'on peut largement prendre notre part dans ces critiques.

En fait je crois que j'ai lu le roman d'un roman dans un roman. Car ce roman écrit par 
Kurt Vonnegut qui donne la parole au narrateur qui, je crois mais je ne suis pas sûre, est Philboyd Studge donc Vonnegut lui-même qui se met un moment dans le roman et donc le créateur se retrouve au milieu de sa création 🤯😵, nous raconte l'histoire de Kilgore Trout qui écrit des romans. C'est vraiment une histoire de fou ! D'ailleurs l'autre personnage de l'histoire de Philboyd Studge, Dwyane Hoover, fait doucement mais sûrement l'ascension vers les sommets de la folie furieuse, à cause de la chimie de son cerveau qui laisse à désirer.

Vous l'aurez compris, ce roman très intelligent est complètement barré et d'une drôlerie qui provoque souvent le rire ! Visiblement, c'est la marque de fabrique de Vonnegut. Et alors qu'il a été écrit en 1974, il parle d'écologie et de pollution, de tous ces procédés de fabrication qui sont en train de détruire la planète. Et il y en a qui ont l'air de découvrir ça, maintenant, au XXIe siècle ou qui osent dire "on pouvait pas prévoir". Ben voyons ! Mais il parle aussi de cupidité, de concupiscence en termes souvent assez crus et très drôles, d'individualisme évidemment, de racisme parfois, d'imbécillité souvent, de taille de pénis aussi, de mensurations féminines tant qu'on y est, de violence, de désir, d'homosexualité, d'excréments de levure pour l'euphorie,

J'ai beaucoup aimé, car je crois que j'aime totalement l'esprit 
Kurt Vonnegut, facétieux, farfelu mais profond. Cependant j'ai trouvé par moment qu'il y avait des longueurs dont je me serais bien passée. Ça reste pourtant un excellent moment de lecture, vraiment, vraiment.

 

Citations :

Page 24 : Le pays de Dwayne Hoover et de Kilgore Trout, où l’on ne manquait encore de rien, s’opposait au communisme. L’idée était que les terriens riches n’avaient pas à partager quoi que ce soit s’ils n’en avaient pas envie, et la plupart n’en avaient pas envie.

 

Page 39 : Ils arrivèrent finalement sur la planète Terre. En toute innocence, Kago parla des automobiles aux Terriens. Kago ignorait que les êtres humains pouvaient être terrassés par une simple idée aussi facilement que par le choléra ou la peste bubonique. Il n’y avait pas d’immunité sur Terre contre les idées toquées.

 

Page 73 : Il en oublia que son épouse Celia s’était suicidée, par exemple, en avalant du Drano — un mélange d’hydroxyde de sodium et de paillettes d’aluminium, prévu pour déboucher les canalisations. Celia s’était transformée en petit volcan, car elle était composée des même substances que celles qui bouchaient généralement les canalisations.

 

Page 82 : Les prostituées travaillaient maintenant pour un maquereau. Il était superbe et cruel. C’était un Dieu à leurs yeux. Il leur avait enlevé leur libre arbitre, et il n’y avait aucun mal à cela. Elles n’en voulaient pas de toute façon. C’était comme si elles s’étaient abandonnées à Jésus, par exemple, pour vivre dans l’abnégation et la confiance — sauf qu’au lieu de ça, elles s’étaient abandonnées à un maquereau.

 

Page 133 : — C’est quand même pas normal, dit le vieux mineur à Trout, qu’un homme puisse posséder ce qui se trouve sous la ferme ou les bois ou la maison d’un autre. Et dès que cet homme veut mettre la main sur ce qui se trouve là-dessous, il a le droit de démolir ce qui se trouve au-dessus. Les droits de ceux qui vivent au-dessus du sol, ça représente rien, comparés aux droits de celui qui possède ce qui se trouve en dessous.

 

Page 158 : Il était diplômé de West Point, une académie militaire qui transformait les jeunes hommes en fous meurtriers pour les envoyer à la guerre.

 

 

 

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Mon avis : Léviathan – Paul Auster

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Christine Le Bœuf

 

Éditions Actes Sud - Babel

 

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Quatrième de couverture :

Prix Médicis étranger 1993, le "Léviathan" de Paul Auster met en scène un écrivain, Ben Sachs, détourné du cours de son existence par la hantise du mal qui menace le monde en général et l’Amérique en particulier. Or il ne peut mener à terme le roman qu’il a entrepris — "Léviathan" — car l’action terroriste dans laquelle il s’est engagé se retourne contre lui. Peter Aaron, son ami, décide, pour prévenir les mensonges des enquêteurs, de reconstituer et d’écrire l’histoire de Sachs : s’ouvrent alors les pistes les plus étranges, apparaissent les personnages les plus curieux, qui tous, par le talent si singulier de Paul Auster, deviennent autant de figures du destin.


 

 

Mon avis :
Un homme explose avec la bombe qu'il était en train de fabriquer. Avant que le FBI ne découvre qu'il s'agit de l'écrivain Benjamin Sachs et que la presse ne s'en empare pour raconter tout et n'importe quoi, Peter Aaron, son ami, décide d'écrire l'histoire de cet homme dans toute sa vérité. Peu à peu il démêle l'écheveau des éléments et événements qui ont amené Ben à cet acte terrifiant.

Donc, Peter Aaron, écrivain, raconte sa rencontre avec Benjamin Sachs écrivain lui aussi, et le début de leur amitié. C'est tout de suite beau, car la description qu'il fait de Sachs est celle d'un homme qui a de l'humour et dont émane beaucoup de générosité, d'intelligence. Un homme tourné vers les autres, car, comme dit Aaron "Il ne jugeait jamais son interlocuteur, ne traitait jamais personne en inférieur, ne faisait jamais de distinction entre les gens à cause de leur rang social."

Et alors que j'étais plongée dans le récit de la vie de Sachs, je me suis demandé pourquoi "
Léviathan". Pourquoi ce titre ? Je savais qu'il s'agissait d'un monstre marin mais j'ai voulu avoir plus de précisions. Dans le dictionnaire De l'Académie Française la définition est : Nom d'un animal monstrueux de la mythologie phénicienne, évoqué par la Bible, devenu nom commun et pris comme symbole d'une puissance démesurée, notamment en parlant d'un état omnipotent. Donc, pour moi à ce stade de l'histoire, ma question était de savoir si ce Léviathan était l'humanité, New-York, l'Amérique, le monde... où bien quelque chose d'intérieur, bien pire.

Alors vraiment l'écriture, le style 
Paul Auster, j'adore. On se fait embarquer dans son Amérique et dans les vies de ses amis, le tout très inspiré de sa propre vie. Hélas, je ne connais pas assez l'auteur, j'aurais été bien incapable de le dire, alors je suis allée à la pêche aux infos et j'en ai appris un peu plus. Sans oublier que, s'agissant d'une LC, mes compagnes de lecture ont apporté des éléments très intéressants et force est de reconnaître que beaucoup de fragments de sa vie sont dans ce roman. En tout cas, ce que Paul Auster raconte sur ses personnages est passionnants, car ils ont des personnalités et des vies hors du commun.

Dans ce roman il est beaucoup question d'amitié, de désir, d'amour, et de corps. de littérature aussi puisque les deux personnages principaux sont écrivains et l'un des deux est aussi traducteur. Peter Aaron (PA comme 
Paul Auster) 😏. Et de liberté, et d'engagement !!! Mais comme Ben intellectualise tout, un événement terrible l'amène à se reconsidérer avec un regard sans aucune complaisance, et même une bonne dose de masochisme, qui ouvre une brèche en lui.

Le récit de ces vies vous emporte et donne le sentiment que quoi qu'on fasse, on peut rarement lutter contre ses démons. Et bien que je ne croie pas au destin, j'aime l'idée qu'il puisse exister et qu'on ait le désir de le prendre à bras le corps pour se laisser entraîner avec lui dans une danse macabre inéluctable.


4321 reste pour l'instant mon préféré car il m'a éblouie tant il est incroyable dans sa construction. J'ai cependant beaucoup aimé celui-ci aussi.

 

Citations :

Page 29 : La poésie, c’est bien beau, mais ça ne vaut pas la peine qu’on se gèle les couilles.

 

Page 68 : Nul ne peut dire d’où vient un livre, surtout pas celui qui l’écrit. Les livres naissent de l’ignorance, et s’ils continuent à vivre après avoir été écrits, ce n’est que dans la mesure où on ne peut les comprendre.

 

Page 140 : — Le mariage : un marais, un exercice d’automystification qui dure la vie entière.

 

Page 203 : — Nous avons tous en nous, quelque part, une envie de mourir, dis-je, un petit chaudron d’autodestruction perpétuellement en train de bouillonner sous la surface.

 

 

 

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Mon avis : Les frères Lehman – Stefano Massini

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’italien par Nathalie Bauer

 

Éditions 10-18

 

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Quatrième de couverture :

11 septembre 1844, apparition. Heyum Lehman arrive de Rimpar, Bavière, à New York. Il a perdu 8 kg en 45 jours de traversée. Il fait venir ses deux frères pour travailler avec lui.

15 septembre 2008, disparition. La banque Lehman Brothers fait faillite. Elle a vendu au monde coton, charbon, café, acier, pétrole, armes, tabac, télévisions, ordinateurs et illusions, pendant plus de 150 ans. Comment passe-t-on du sens du commerce à l’insensé de la finance ? Comment des pères inventent-ils un métier qu’aucun enfant ne peut comprendre ni rêver d’exercer ?


 

 

Mon avis :
1844, Un homme, fils de marchand de bestiaux, partit de Bavière, il s'appelait Heyum Lehman. Quand il arriva à New-York il devint Henry Lehman, plus simple pour l'agent d'immigration qui ne comprenait pas. Son arrivée à New-York m'a donné un sentiment de renouveau et de liberté, d'un nouveau monde qui ouvre grand les bras et d'autre chose de vertigineux sans pouvoir définir quoi. le pays de tous les possibles sans doute.

Le texte est très étrange, écrit comme un poème sans rimes, avec parfois beaucoup de répétitions, des moments très drôles aussi, et on avance dans l'histoire des frères Lehman un peu sans s'en rendre compte, happé par le récit. On les voit peu à peu faire fortune grâce à leur incroyable talent pour la spéculation, d'abord  à Montgomery en Alabama, puis à New-York, la cosmopolite, le Graal !... avant la guerre de sécession qui met l'économie du pays par terre. Mais il y a des gens que rien n'abat et qui repartent de plus belle. Il y a une histoire de cerveau, de bras, de patate et de toupies qui m'a énormément amusée.

Étonnante famille qui sait calculer jusqu'à son temps de sommeil pour faire fortune. L'histoire Lehman Brothers est fascinante. Heyum Lehman, arrivé le premier aux États-Unis, a commencé à gagner de l'argent puis a fait venir ses frères, Emmanuel et Meyer. Les trois se sont mariés, ont eu des enfants et on a l'impression que l'unique but de leurs vies à tous était de travailler beaucoup et penser beaucoup pour gagner de l'argent, toujours plus d'argent, et à chaque génération ils étaient suffisamment doués et visionnaires pour y arriver. Doucement mais sûrement ils opèrent leur ascension sociale avec pugnacité, diversifiant sans cesse leurs champs de spéculations. Cependant, leur joie de vivre semble inversement proportionnelle à l'élévation de leur fortune. Ils sont sérieux et taciturnes. Des vrais croque-morts.
Pourtant ils donnent tous la sensation d'avoir un petit pète au casque, chacun fêlé à sa manière, ce qui rend l'histoire assez réjouissante. Comme par exemple la façon dont Arthur choisit sa future... Équations, algorithmes et autres formules mathématiques. C'est tellement drôle ! Ils sont fous ces Lehman !!! D'ailleurs leurs épouses sont toujours choisies de façon très pragmatique. Il semble même qu'elles ne servent qu'à la reproduction.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que je les ai tous trouvés antipathiques, tous ces riches, ces femmes de riches, ces gosses de riches. de pères en fils ils sont d'un cynisme sans borne, sans scrupules et totalement machiavéliques, sans oublier les cent-vingt règles infâmes qui régissent leur philosophie familiale qui mettent au pas le rêveur si par inadvertance il y en a un. Mais au fond, des gens qui ne pensent qu'au fric peuvent-ils être sympathiques ? Et quelle étrangeté ces hommes qui ont tellement d'argent qu'ils n'en dorment plus...

On traverse la guerre de sécession et l'abolition de l'esclavage, la première guerre mondiale, la prohibition, le krach boursier de 1929, la deuxième guerre mondiale, la reconstruction, le maccarthysme, la guerre du Vietnam, l'assassinat de JFK, et la chute finale de l'empire Lehman, avec un intérêt qui ne faiblit jamais.

C'est fascinant de voir le monde qui rétrécit à mesure que la technologie avance. Voir les femmes trouver leur place dans le monde du travail, voir naître le droit du travail et des droits sociaux...

Le destin de ces hommes d'affaires qu'ont été les Lehman est absolument vertigineux. Et alors, quel style ! Quelle écriture !! Quel humour !!! Je suis sûre que, racontée autrement cette histoire m'aurait profondément ennuyée. Mais quel talent !!! Car, me faire avaler 900 pages de l'histoire d'une dynastie de banquiers, c'est du grand art !

 

Citations :

Page 26 : Pour vivre en Amérique, y vivre vraiment,

Il est besoin d’autre chose.

Il est besoin de tourner une clef dans une serrure.

Il est besoin de pousser une porte.

Et les trois — clef, serrure et porte —

se trouvent non à New York

mais à l’intérieur de votre cerveau.

 

Page 46 : Et le pire,

c’est qu’Abraham Lehman

marchand de bestiaux

adorait follement ses verdicts,

y voyant un concentré de sagesse exceptionnel,

seul remède à la dégradation de la création,

raison pour laquelle

en vertu d’un esprit purement altruiste

il les dispensait au monde

en exigeant un retour immédiat.

 

Page 136 : Emmanuel n’avait jamais vu New York.

Une ruche, songea-t-il à travers la vitre de la voiture

alors que des foules en tout genre

charrettes à cheval ou à bras

filaient autour de lui

New York

vendeurs

caisses et cagettes

enfants et vieillards

New York

Juifs orthodoxes et colonies de Noirs

prêtres catholiques, marins, Chinois et Italiens

New York

le gris des immeubles à façade de pierres

statues et jardins, fontaines, marchés

New York

prédicateurs et gendarmes

et encore animaux, chiens en laisse et errants

New York

poupées aristocratiques aux ombrelles ouvertes

loqueteux moribonds

sorcières cartomanciennes

New York

tambours

gentlemen anglais

poètes inspirés, soldats

New York

uniformes et tuniques

chapeaux et jupons

New York

bâtons et baïonnettes, drapeaux, étendards

tout et son contraire

en même temps

sans la moindre dignité : impudique et pourtant

grand, immense, sublime

New York

Baroukh HaShem !

 

Page 290 : Et bien que les Lehman

ne fussent guère puritains

ni baptistes, ni mormons, ni quackers,

tout le monde comprit

qu’à partir de maintenant

la vie sexuelle de la banque

serait

tendanciellement

chaste.

 

Page 338 : On a tenté de lui expliquer

qu’il s’agit d’une tradition

et qu’on ne jette pas les traditions,

cher Herbert, comme des vieilleries,

qu’une femme juive n’est pas l’égale d’un homme

même si

la mode new-yorkaise de la parole

s’est tellement infiltrée

que les femmes ont elles aussi

envie de parler

et font un sacré vacarme

sous le nom de suffragettes.

Tu veux changer le rite, maintenant ?

Herbert secoue la tête :

il conteste le fait

qu’un frère soit plus important

qu’une sœur.

 

Page 408 : Épouser une cousine

est vraiment

le minimum auquel on puisse arriver

en termes non seulement de paresse

mais aussi

de banalité sentimentale.

 

Page 444 : « Cher Emmanuel et cher Mayer

pour vous répondre je vais réfléchir avec vous

à la signification du mot âge.

Qu’est-ce que l’âge sinon un lieu de la vie

identique à l’espace

un territoire où nous vivons ?

Chaque âge est un pays, un village,

si vous préférez une nation

où chacun de nous doit transiter.

Et de même que chaque lieu du monde

possède un climat, une langue

un paysage particulier,

de même le vieillissement

signifie habiter une terre étrangère,

où les règles des pays précédents

ont tout simplement

perdu leur valeur.

À l’étranger

il faut apprendre une nouvelle langue

pour appeler le soleil le soleil

et la lune la lune :

alors seulement on saura

que le soleil est soleil sur toute la terre

y compris sur une terre d’exil

et que seul change

la façon de l’appeler.

En d’autres termes

avec les âges comme avec les pays

tout est inhospitalier tant qu’on est étranger

et tout est accueillant

quand on se transforme enfin

en citoyen. »

 

Page 571 : La première année que j’ai passée ici

il y avait trois mots sur toutes les lèvres :

vous avez dit 21 546 fois PROFITS.

J’ai entendu 19 765 fois RAPPORT.

Et 17 983 le verbe ENCAISSER.

 

Ces dernières années

ces mots ont disparu

du haut de ma liste.

INTÉRÊT a gagné le sommet avec 25 744 occurrences,

suivi par ACTIF, prononcé 23 320 fois.

Cela n’est pas du blabla,

c’est de la substance, cher cousin.

 

Page 678 : « Parler d’éthique avec un banquier est absurde.

Je te mets en garde, si tu veux le comprendre :

vous êtes en train de créer un système monstrueux

qui ne pourra pas résister longtemps.

Des industries partout, des usines partout :

à qui vendra-t-on si la plupart des gens sont pauvres ?

Vous aimez penser que l’Amérique est riche

imaginer le monde entier sur le chemin du bien-être

mais quand ouvrirez-vous les yeux ?

Quand il sera trop tard ? »

 

 


 

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Mon avis : My policeman – Bethan Roberts

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Claire Allouch

 

Éditions Hauteville

 

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Quatrième de couverture :

Mon policier ne ressemble en rien a Michael. C'est l'une des raisons pour lesquelles il me plaît. Les mots qui me viennent a l'esprit quand je pense a lui sont « lumière » et « délices », mais mon policier est très dangereux, malgré la lumière et les de lices qu'il m'inspire.

 Brighton, années 1950. Marion rencontre Tom et en tombe éperdument amoureuse. Il lui apprend à nager sur la célèbre jetée, et lui révèle sans le savoir un monde sensuel dont elle a tout à apprendre. Quand Tom fait la connaissance de Patrick, sa vie en est bouleversée. Ce conservateur de musée l'entraîne dans son univers sophistiqué fait de voyages, d'art, de beauté. Dès lors, Tom n'est plus un simple officier de police, il est « leur » policier à tous les deux. Mais il est plus prudent pour lui d'épouser Marion et de fréquenter Patrick en secret. Quand on aime si résolument, on se croit capable d'aimer pour deux, mais jusqu'où Marion et Patrick seront-ils capables de partager leur passion ?

Une histoire vibrante de désir, librement inspirée de la vie sentimentale tumultueuse de E.M. Forster, tiraillé entre son mariage et la passion que lui inspira Bob Buckingham, un policier, dans une société régie par une morale asphyxiante.

 

 

Mon avis :
Première partie, 1999. Marion, la narratrice, parle à Patrick, qui lui, ne peut plus parler. Elle lui raconte sa rencontre avec Tom dont elle était secrètement amoureuse il y a bien longtemps, dans les années 50, lorsqu'elle était adolescente, puis de sa rencontre avec lui, Patrick, plus tard, présenté par Tom. Dans ces années là, on n'attendait pas des filles qu'elles fassent des études, on ne couchait pas avant le mariage et on taisait l'homosexualité, la sienne ou celle de ses proches.

Le rythme est très lent et convient parfaitement à l'histoire qu'il raconte.  C'est l'histoire d'un amour sacrificiel, un amour impossible, un amour interdit, un amour passion, un amour raisonnable, où mieux vaut des miettes que rien du tout. C'est l'histoire d'un triangle amoureux où il n'y a pas de gagnant. Une histoire d'abnégation et de générosité mais aussi de trahison.
La lenteur, les non-dits et les silences que l'autrice met dans ce récit font tellement d'époque qu'on est en immersion dans les années 50, totalement dans l'ambiance.

La deuxième partie donne la parole à Patrick, en 1957, quand il était conservateur du musée. Et là, le rythme change, le point de vue évidemment, et ça devient plus explicite. À travers ce récit on se rend compte de la peur qu'avaient les homosexuels d'être découverts, insultés, humiliés, de la persécution qu'ils pouvaient subir. Obligés de se cacher, ne pas pouvoir être eux-mêmes, c'est terrifiant. L'homophobie était totalement normalisée, voire même de bon ton. Et donc le mariage et une double vie était parfois la solution.
Puis la troisième partie redonne la parole à Marion et ainsi de suite, on alterne entre eux deux.

Sans doute que la lenteur de la narration, et l'alternance entre les deux narrateurs nous permet de mieux appréhender la douleur et l'injustice de certaines règles qui régissaient la société. Quant à l'homophobie, je me demande si c'est si différent à notre époque. Bien sûr cest mieux accepté, pour beaucoup totalement, en tout cas je l'espère. Mais il reste encore trop de gens haineux qui n'acceptent pas, bien que ça ne les regarde en rien.

J'ai trouvé ce roman à deux voix très étrange dans son rythme, prenant sans être transcendant bien que l'intérêt augmente à mesure qu'on avance dans l'histoire. Pourtant c'est un sujet qui me passionne, comment vivre caché dans une société étriquée, intolérante et punitive qui emprisonnait les homosexuels  et leur disait qu'ils étaient pervers, répugnant, anormaux ? C'est la société elle-même qui les obligeait à travestir leur vraie nature, occasionnant des blessures collatérales, des vies gâchées inutilement. Et j'avais oublié qu'il y a pas si longtemps que ça, on appelait les homosexuels des bougres. Étrange terme, sûrement plein de mépris à l'époque, qui a totalement changé de sens de nos jours.
J'ai aimé les personnages, Marion et Patrick en qui j'ai trouvé de la grandeur, mais aussi Sylvie et Julia, beaucoup moins Tom et sa colère contenue, autoritaire et égoïste.

 

Citations :

Page 30 : Ce soir-là, j’ai écrit dans mon carnet : « Son soleil est comme la lune des moissons. Mystérieux. Plein de promesses. » J’étais très contente de ces mots, je m’en souviens. Et chaque soir après ça, je noircissais mon carnet du manque que suscitait Tom en moi. « Cher Tom », écrivais-je. Ou parfois : « Mon cher Tom », ou même « Tom chéri », mais je me permettais rarement cette petite transgression. La plupart du temps, il me suffisait de voir son nom apparaître en caractères tracés par ma main. À l ‘époque, j’étais facile à satisfaire. Parce que, quand on est amoureux pour la première fois, le nom de l’être aimé suffit. Voir mes doigts former le nom de Tom me comblait. Presque.

 

Page 36 : Un après-midi ensoleillé, peu de temps après, je suis allée avec Sylvie à Preston Park. Nous nous sommes assises sous les ormes qui bruissaient joliment, et elle m’a annoncé ses fiançailles avec Roy.

Nous sommes très heureux, a-t-elle déclaré avec un petit sourire entendu.

Je lui ai demandé si Roy avait abusé d’elle, mais elle a secoué la tête, et son petit sourire s’est élargi.

 

Page 60 : Je me suis lancé un petit défi : étais-je capable de ne pas regarder vers le Palace Pier ? Je savais qu’il allait arriver par là. Les yeux rivés sur l’océan, je l’imaginais sortir des flots tel Neptune, drapé dans du varech, le cou orné de bernacles, un crabe pendant de ses cheveux ; il enlèverait la créature et la remettrait à l’eau, rejetant les vagues d’un coup d’épaule. Il avancerait sur la berge jusqu’à moi sans faire un bruit, malgré les galets, et me prendrait dans ses bras pour m’emporter là d’où il venait.

 

Page 74 : J’ai songé à la bouche de Roy, béante et pleine de gâteau, à son irrépressible envie de pousser Sylvie devant lui sur la piste de patin à roulettes, à son incapacité à faire la différence entre un sujet de conversation valable et un autre dénué d’intérêt. C’était un véritable crétin.

 

Page 104 : J’ignore exactement quand arrive le moment fatidique, celui où une femme est considérée comme une vieille fille. Chaque fois que j’y pensais, je visualisais une vieille horloge, dont le tic-tac marquait le passage des jours. Beaucoup des filles que j’avais connues à l’école étaient déjà mariées. Je savais que j’avais encore quelques années, mais si je n’y prenais pas garde, les autres professeurs me regarderaient comme ils regardaient Julia, une femme seule ; une femme obligée de travailler pour gagner sa vie, qui lit trop de livres, qui a été vue en train de faire ses courses un samedi avec un chariot au lieu d’une poussette ou d’un bambin qu’elle tiendrait par la main, qui porte des pantalons et ne semble jamais pressée de rentrer chez elle. Jamais pressée d’aller où que ce soit en fait.

 

Page 189 : Quelqu’un a sifflé : « Saleté de pédéraste » et quelques femmes ont gloussé depuis le trottoir d’en face.

 

Page 329 : Les hommes ont tellement de liberté ! Même ceux qui sont mariés.

 

Page 369 : C'est d'une injustice criante, mais c'est comme ça. Je crois qu'il y a des comités, des pétitions, des lobbyistes et ce genre de choses qui essaient de faire changer la législation. Mais, dans l'esprit britannique, l'intimité entre deux hommes est aussi inacceptable que l'agression physique, le vol à main armée et l'escroquerie.

 

 

 

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Mon avis : Toujours là pour toi – Kristin Hannah

Publié le par Fanfan Do

Traduit par Matthieu Farcot

 

Éditions Le Livre de Poche

 

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Quatrième de couverture :

Dès leur rencontre durant l’été 1974, Tully et Kate nouent une amitié sans faille. Les deux adolescentes deviennent inséparables, malgré leurs différences. Tully n’a de cesse de prouver sa valeur au monde : abandonnée petite par sa mère, elle veut être aimée à tout prix. Elle cherche d’abord la reconnaissance dans les bras des hommes avant de se vouer à son travail. Son métier de journaliste vedette et son ambition lui apportent la célébrité, le succès… et la solitude. Kate, elle, n’a qu’un rêve : tomber amoureuse et avoir des enfants. Durant plus de trente ans, elles partagent leurs joies, affrontent les affres de la jalousie, du ressentiment aussi, mais restent l’une pour l’autre d’un soutien indéfectible. Jusqu’à ce qu’une fracture, une trahison intime, éprouve réellement le pacte qui les lie : « meilleures amies pour la vie ».

Ce roman a été adapté en série par Netflix en 2021.

Cet ouvrage a été précédemment publié sous le titre La Route des Lucioles aux éditions Michel Lafon.

 

 

Mon avis :
Une femme se rappelle son adolescence, son double inséparable, son amie perdue.
TullyEtKate. Kate et Tully.
En 1974, Tully vient habiter avec sa mère en face de chez Kate. Elles ont quatorze ans, Tully est aussi belle et populaire que Kate est insignifiante et seule. Contre toute attente elles deviennent amies, complices, inséparables. C'est l'histoire d'une amitié profonde, qui commence à l'adolescence, faite pour durer toujours, qu'on va suivre pendant une trentaine d'années. C'est aussi une histoire de famille, de deux familles. L'une est ordinaire, aimante, c'est celle de Kate. L'autre, celle de Tully, est dysfonctionnelle et elle rêverait d'avoir la famille de son amie. Elle aimerait tant qu'on lui dise comme à son amie "Fais pas ci, fais pas ça". Mais elle, on la laisse pousser comme une herbe folle. Sa mère du moins. Ses grands-parents veillent, mais de loin.

Ce roman parle d'amour, de cette forme particulière et puissante d'amour qu'est l'amitié, qui se joue des différences, qui est tolérante et généreuse, qui ne ment pas, qui console, qui donne de la force et fait pousser des ailes. Tallulah la solaire, l'ambitieuse que rien n'arrête, pas même les blessures qu'on lui a infligées, et Kathleen la timide, qui manque de confiance en elle et se sent invisible, ces deux filles là vont marcher main dans la main sur le chemin qu'elles se sont tracé, où plutôt sur le chemin tracé par Tully. Chacune apporte à l'autre ce qui lui manque. Pour Tully c'est le sentiment de compter pour quelqu'un, et Kate celui de n'être enfin plus invisible. Elle sont complémentaires, un caractère fort face à un caractère conciliant.

La famille Mullarkey devient une famille de substitution pour Tully. Margie, la mère de Kate est LA Maman américaine, celle qui ouvre grand ses bras et sa maison et qui apporte des plats préparés par elle-même à ses nouveaux voisins. Tully, parce qu'elle a un immense besoin d'amour et de reconnaissance, va avoir des ambitions démesurées qu'elle se donnera les moyens d'atteindre, entraînant Kate dans son sillage, en bonne working girl des années 80 !

C'est une histoire qui se dévore, entraînée par la tornade Tully, d'autant plus pour moi que les deux amies sont de ma génération. Je m'y suis retrouvée à travers l'histoire du monde, la guerre du Vietnam, 
Ronald Reagan président des États-Unis, la guerre au Koweït, la mort de Lady Di, le scandale Clinton-Lewinsky, les attentats contre les tours jumelles, la musique qui traverse ces époques, les parents qui poussaient leurs filles à faire des études pour être indépendantes, ne pas forcément se marier et avoir des enfants. En revanche pas du tout par le mode de vie ni la mentalité bien sûr, l'Amérique et nous, c'est tellement différent ! Bizarrement, alors qu'elles entrent dans l'âge adulte, pendant l'apparition du sida qui a été un séisme absolu, il n'en est jamais fait mention ici.

Tout le long de cette histoire d'amitié, la famille est au cœur de tout. Celle dont on est issu, celle qu'on se fabrique, celle qu'on choisit lorsqu'on on n'en a pas vraiment.
Les choix auxquels les femmes sont confrontés semblent toujours déchirants et culpabilisant... carrière ou famille.
Il y a néanmoins quelque chose que j'ai détesté dans ce roman, ce sont les nombreuses descriptions très détaillées de leurs tenues vestimentaires. Ça donne un côté girly que j'ai trouvé insupportable. Mais comme ça se passe en grande partie dans le monde de la télé, paillettes et superficialité sont au rendez-vous. Et puis ça m'a  rappelé la mode des années 80 : larges épaulettes, grosses ceintures, couleurs vives, et la cerise sur le gâteau : le brushing exubérant totalement improbable. Mais quelle horreur !!!

Vraiment, un roman qui se dévore et m'a fait penser qu'une amie pour la vie, mais qu'est-ce que c'est bon !!!

 

Citations :

Page 44 : Votre génération a tellement de chance. Vous pouvez être tout ce que vous voulez. Mais vous devez parfois prendre des risques. Faire un pas en avant. Je peux te dire une chose avec certitude, nous ne regrettons que ce que nous ne faisons pas dans la vie.

 

Page 107 : — Entrez dans mon bureau, mademoiselle Hart.

Madame Hart, corrigea-t-elle.

Il valait toujours mieux partir du bon pied. Gloria Steinem disait que l’on ne se faisait jamais respecter si on ne l’exigeait pas.

M. Rorbach la regarda en clignant des yeux.

Pardon ?

Je préfère « madame Hart », si ça ne vous dérange pas, ce dont je suis sûre. Comment une personne ayant obtenu une maîtrise de littérature anglaise à Georgetown pourrait-elle être hostile au changement ? Je suis certaine que vous êtes à la pointe de la conscience sociale.

 

Page 129 : Tully ressentit soudain une certaine nostalgie de leur jeunesse. À cet endroit, durant la plus grande partie d’un été, elles avaient pris leurs deux vies solitaires et les avaient entrelacées pour former une corde d’amitié.

 

Page 244 : Tully était de la soie couleur pomme d’amour, Kate, du coton beige.

 

Page 275 : Les Mularkey voyaient tous l’amour comme une chose durable, solide, facile à identifier. Tully était peut-être jeune, mais elle savait qu’ils se trompaient. L’amour pouvait être plus fragile qu’un os de moineau.

 

Page 421 : Rapidement, Tully fit rire Kate. C’était la particularité avec les meilleures amies. Comme des sœurs et des mères, elles pouvaient vous mettre hors de vous, vous faire pleurer et vous briser le cœur, mais en définitive, en cas de coup dur, elles étaient là et vous faisaient rire, même dans les pires moments de votre existence.

 

 

 

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Mon avis : Mon amie l’extraterrestre – Michel Bourdault

Publié le par Fanfan Do

Autoédition

 

 

Quatrième de couverture :

Thomas Blondet est un jeune professeur d’histoire-géographie dans un lycée de Normandie. Son destin bascule le jour où il rencontre Anna, une réfugiée ukrainienne dont il tombe amoureux, et avec qui il partage des moments intenses.
Quand celle-ci avoue lui avoir menti, et être en réalité une extraterrestre en mission pour quelques jours sur la Terre, Thomas ne peut s’empêcher de douter. Qui est vraiment cette mystérieuse femme ? Est-il victime d’une vaste manipulation ? Embarqué dans une histoire d’amour réciproque, Thomas fait découvrir la Normandie à Anna tout en menant son enquête. Anna lui raconte la vie sur sa planète, située à 87 années-lumière de nous, et lui délivre des messages sur l’univers, sa création, et les réglages extraordinaires qui permettent son fonctionnement. La véritable identité d’Anna éclatera-t-elle au grand jour, tandis qu’elle prône avant tout chose des valeurs d’amour et de sagesse face aux dangers qui menacent l’existence même de la Terre ?

Dans ce nouveau roman, Michel Bourdault nous emmène cette fois, au travers d’une belle histoire d’amour, dans une réflexion sur la vie, la vie dans l’univers et l’existence d’extraterrestres qui nous rendent visite. Le livre nous rappelle qu’entre l’extrêmement petit et l’extrêmement grand, l’Homme n’est que poussière d’étoiles dont l’accomplissement devrait passer par le respect et l’amour de ce qui l’entoure, à commencer par la Terre et les autres êtres humains.


 

 

Mon avis :
L'histoire commence quasiment par un coup de foudre et là, je dois dire que c'est un peu de la triche car la beauté blonde est absolument sublime. Thomas Blondet, jeune prof d'histoire géo en Normandie est subjugué au premier regard par une superbe ukrainienne. Mais bien sûr, on apprend qu'elle vient de bien plus loin que l'Ukraine et qu'elle est en mission sur Terre.

Alors que ce roman pourrait paraître un peu gentillet tant qu'on ne l'a pas ouvert, notamment à mon avis à cause du titre et de la couverture, eh bien pas du tout ! Ce qu'on pourrait supposer comme une histoire d'amour est plutôt racontée comme une histoire charnelle, du moins au début, et puis ce roman pose des questions, sur Dieu, l'univers, la vie ailleurs et ici, et donne des réponses qui laisse d'autres questions en suspend et qui amène à s'interroger et j'ai trouvé ça très intéressant. Par exemple, l'auteur nous rappelle que dans cent mille milliards d'années, toutes les étoiles seront éteintes et que ce sera la fin de toute vie. Et pendant ce temps, nous on se fout sur la gueule un peu partout sur notre grain de poussière, particules insignifiantes que nous sommes... Bon... ça, c'était juste une réflexion perso.

Il est énormément question de science, d'astrophysique plus précisément, et de Dieu. Et moi je me demande ce que Dieu vient faire là quand on est à un tel niveau de technologie et de compréhension. J'ai trouvé ça incohérent, d'autant que ça revient régulièrement. Mais bon, il paraît que ce n'est pas incompatible...
Il y a d'autres moments très intéressants, comme par exemple deux mille ans d'histoire de France résumée en quelques pages. J'ai aussi beaucoup aimé les descriptions de la Normandie et de ses ciels si particuliers tant aimés par les impressionnistes.

Les échanges de points de vue entre Anna l'extraterrestre et Thomas le terrien sont l'occasion de passer en revue un peu tous les sujets de société, comme la politique, la guerre, les démocraties dans le monde, le capitalisme, la liberté d'expression, l'écologie, l'Europe, mais aussi l'enseignement qui est devenu en France un métier à haut risque, et hélas, la religion trop présente à mon goût. Je me suis senti agressée dans mon athéisme, comme avec les témoins de Jéhovah qui viennent le dimanche matin tenter de vous bourrer le crâne avec leur ami imaginaire.
Ça a fini par me faire l'effet d'une propagande chrétienne trop appuyée.
Ce prosélytisme, car oui c'est comme ça que je l'ai ressenti, a fini par m'horripiler au plus haut point. Car si c'est Dieu qui a créé l'univers, qui a créé Dieu ?
Et c'est bien dommage car je trouvais le propos très intéressant, enrichissant au niveau de la culture générale car il aborde réellement de nombreux sujets intéressants. Malheureusement, l'auteur fait dire à ses deux personnages que l'univers, le big bang, l'apparition de la vie, tout cela ne peut pas être le fruit du hasard, que c'est forcément l'œuvre de Dieu. Thomas et Anna sont raccord donc pas de débat, c'est comme ça. STOP !!! Je suis désolée, ça ne passe pas. Je me rappelle avoir entendu il y a quelques années un scientifique dire à propos de la possibilité d'une vie extraterrestre "Ce qui s'est produit sur terre est tellement improbable que rien ne permet de penser que ça a pu se produire ailleurs". Par conséquent, c'est le fruit du hasard ! En tout cas pour certains scientifiques.

Donc, on se demande ce que Anna fait sur terre, qu'elle est sa mission et ce qu'il va advenir. Et c'est vrai que c'est un roman qui se lit avec plaisir, où on apprend beaucoup, ou qui sert de piqûre de rappel à des connaissances un peu enfouies, sauf que...
Bref, si vous êtes passionnés par la vie, l'univers et le reste (
Douglas Adams sors de cette tête XD), la culture générale, l'ambivalence de la nature humaine et son grand pouvoir de nuisance, ce livre devrait vous plaire. En revanche, si comme moi vous ne supportez pas qu'on vous impose l'existence de Dieu comme un fait établi, vous risquez de beaucoup ronchonner. C'est vraiment dommage, car j'ai véritablement beaucoup aimé, y compris la tournure de l'épilogue, mais ça m'a tellement exaspérée que j'ai eu plusieurs fois envie d'abandonner.

 

Citations :

Page 8 : Le personnel des palaces et des hôtels de luxe m’a toujours fasciné. Ce sont les rois de la discrétion et du service, ils connaissent beaucoup de choses, jusque les plus secrètes, mais ne disent rien. C’est le principe même de leur métier. Être au service du client, le satisfaire dans ses moindres désirs, le tout en absolue discrétion.

 

Page 25 : « C’est la question qui taraude l’Humanité depuis toujours, non ? J’imagine que tu es chrétienne orthodoxe. Moi, je crois en Dieu, oui, mais je ne sais pas lequel. Ce que je sais, par mon métier et mes études, c’est que les religions ont été, et sont toujours, la source de conflits terribles dans le monde, qui ont engendré, et engendrent encore aujourd’hui, des millions de morts. Et cela me dérange profondément. Cela remonte à la nuit des temps, quand tu lis la Bible, tu navigues entre du sang et du sexe… Qui plus est, j’aime bien citer une phrase de Woody Allen, qui dit : « je n’ai rien contre Dieu, c’est son fan club qui me fait peur » ».

 

Page 35 : « Quand j’ai étudié les sciences et l’astronomie, la chose qui m’a le plus impressionnée, et qui m’impressionne toujours, est l’ordre qui règne dans l’univers. Les lois de la Nature, les grands équilibres qui s’appliquent sur la Terre semblent être les mêmes dans tout l’univers ».

 

Page 72 : Dieu manquerait-il d’imagination ? Et à quoi joue-t-il, celui-là ? Il crée des milliards de planètes, au milieu de tout cela il en choisit quelques-unes habitées par la vie, dont des « hommes » et des « femmes » à qui il donne tout pour subsister, et il les observe de là-haut, assis sur son grand trône, avec Jésus à sa droite, Mahomet à sa gauche, et quelques autres prophètes autour de lui, prêts à repartir en mission pour délivrer des messages qui seront, comme à chaque fois, interprétés de travers par des simples pêcheurs, générant conflits, guerres, asservissement de la femme, etc ?

 

Page 182 : L’hiver en Normandie est une période particulièrement calme et pénible. Il pleut beaucoup, il fait nuit quand on part au travail, souvent nuit quand on en revient, les paysages sont gris et marron, les gens font tous un peu la gueule.

 

 

 

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Mon avis : Ténèbre – Paul Kawczak

Publié le par Fanfan Do

Éditions J’ai Lu

 

Mon avis sur Insta c'est ici

 

Quatrième de couverture :

Un matin de septembre 1890, un géomètre belge, mandaté par son Roi pour démanteler l’Afrique, quitte Léopoldville vers le Nord. Avec l’autorité des étoiles et quelques instruments savants, Pierre Claes a pour mission de matérialiser, à même les terres sauvages, le tracé exact de ce que l’Europe nomme alors le « progrès ».
À bord du Fleur de Bruges, glissant sur le fleuve Congo, l’accompagnent des travailleurs bantous et Xi Xiao, un maître tatoueur chinois, bourreau spécialisé dans l’art de la découpe humaine. Celui-ci décèle l’avenir en toute chose : Xi Xiao sait quelle œuvre d’abomination est la colonisation, et il sait qu’il aimera le géomètre d’amour. Ténèbres est l’histoire d’une mutilation.

 

 

Mon avis :
1890, Afrique, continent immense alors encore à découvrir. L'Europe se l'est partagé pour aller y prendre tout ce qu'il pouvait y avoir de bon, au mépris total des Africains que les Blancs, par intérêt personnel, ont rapidement réifiés, refusant de voir en eux des êtres humains. Les pays d'Europe envoient des expéditions, et ça sent, dès les premières lignes, le grand danger : végétations luxuriantes, forêts dont on ne sort jamais, cours d'eau menaçants, animaux dangereux, maladies tropicales... L'angoisse et les souffrances à venir sont prégnantes.

Paul Claes, géomètre et jeune sujet de Sa Majesté Léopold II roi des Belges, navigue sur le fleuve Congo à bord du Fleur de Bruges. L'Afrique de la fin du XIXe siècle avalait tout cru les occidentaux pour souvent les recracher morts et desséchés. C'est immédiatement envoûtant, et l'arrivée de Xi Xiao, tatoueur chinois et bourreau qui amène au plaisir par la découpe des corps sans souffrance, renforce cette sensation. Cet homme extrêmement mystérieux, qui sait se faire comprendre sans pour autant parler la langue de ses interlocuteurs, possède le don de prescience.
On voit à travers Pierre Claes à quel point un environnement de bout du monde dans une ambiance inhabituelle peut changer du tout au tout le comportement d'un homme, jusqu'à l'amener à faire des choses qui ne lui correspondent pas.

Énormément de digressions, qui visent à raconter le passé des différents personnages, nous ramènent en Europe auprès  de personnages réels tels que 
Verlaine ou Baudelaire, avant de nous replonger en Afrique dans une ambiance moite et sordide. C'est comme un chaud-froid permanent qui m'a rapidement un peu lassée, même si on apprend beaucoup sur le monde artistique de cette fin de siècle en Europe, les lieux fréquentés et les comportements, souvent dans les excès en tout genre. C'est un récit rempli d'hommes qui se noient tragiquement dans l'alcool, ni vivants, ni morts, juste dans un entre deux éthylique funeste. le racisme, terrible, répugnant, et pourtant commun pour l'époque, envahit tout l'espace dès lors que le récit se passe en Afrique. L'écriture est sublime, mais le propos m'a semblé obscure.

Ce roman est plein de la cruauté et des abominations dont sont capables les hommes,  meurtres et mutilations, que certains occidentaux n'étaient pas prêts à voir sans dommages. le désespoir de quelques-uns est terrifiant, comme si l'espérance et le désir de vivre ne trouvaient plus aucun point d'ancrage dans leurs âmes détruites. On ressent tellement la chute abyssale de ces hommes déjà morts avant la mort. Oui, c'est épouvantable. Et en même temps, c'est plein d'une espèce de fantasmagorie trouble et envoûtante, histoires d'amours multiples et de mort.

C'est une page d'histoire, un conte cruel et sauvage, souvent halluciné, empli de la moiteur des forêts équatoriales où le danger rode de l'humus à la canopée, où on assiste au vol de L'Afrique par l'Europe. C'est beau et glaçant à la fois. Et si parfois je me suis ennuyée, jai été emportée sur le fleuve Congo et ses dangers car la beauté de l'écriture, allégorique et très poétique, souvent onirique, accompagnée de visions psychédéliques, successivement miel ou ciguë, a été un délicieux nectar.

 

Citations :

Page 24 : Pierre Claes quitta l’Europe à Anvers le 10 janvier 1890 à bord du paquebot anglais le Victoria. La préparation scientifique et logistique de la mission avait duré six mois, un minimum pour qui s’aventurait en profondeur dans ce l’opinion belge nommait alors le Congo-Minotaure. Or si, comme tout le monde à l’époque, le jeune géomètre se rendait bien compte que moins d’hommes revenaient d’Afrique qu’il n’en partait, jamais il ne put prendre la mesure exacte des chiffres de la mortalité du fonctionnariat belge dans les colonies tant ceux-ci étaient strictement tus.

 

Page 27 : Jamais, autant qu’à ce premier regard, ces Blancs n’éprouveraient, avec une telle acuité, la fraternité et la sororité fondamentales qui les liaient à ceux et celles qu’ils nommaient nègres et négresses. Ils auraient vite fait de les chosifier et de les haïr.

 

Page 50 : Et les yeux du petit, vivants de terreur dans ce corps déjà mort et qui eût crié pour appeler sa mère s’il en eût eu la force.

 

Page 65 : Cet homme, qui avait pour métier de donner la mort avec la plus grande habileté, possédait l’art de susciter à coup sûr un frémissement de plaisir en chacune des chairs qu’il rencontrait.

 

Page 92 : Tous les autres ne valaient à ses yeux guère plus que des excroissances improbables de vie dans la chaleur africaine, polypes puants de Léopold II, agents vides de la cancérisation du monde moderne. La prolifération fiévreuse et stérile d’une Europe malade sur le reste de la planète. Des fonctionnaires, petits et grands, gros et maigres, tous imbéciles, fiers du moindre négrillon qui leur obéissait, contraint et forcé par les armes. Fiers de la moindre putain de douze ans dans laquelle ils vidaient la matière morte de leurs testicules.

 

Page 111 : Raciste, Pierre Claes l’était certainement, comme tout colonial de sa génération, mais sa haine se portait ailleurs que sur les Noirs.

 

Page 150 : Si les six travailleurs indigènes appréciaient l’équité de traitement entre tous les membres de l’expédition que tentait d’instaurer le géomètre, il n’en restait pas moins qu’aucune complicité réelle ne s’était établie entre eux.

 

Page 251 : Le degré d’horreur dans lequel l’Europe maintenait le Congo ne cessait d’augmenter de semaine en semaine. À mesure que les rébellions s’organisèrent, les répressions se firent plus violentes encore, plus froides et aveugles.

 

Page 258 : Chacun n’avait plus de vivant que le sang clair qui courait dans ses veines et la brillance rouge qui voilait l’infini de ses yeux. Ces hommes avaient été épuisés à en mourir. Ces hommes avaient été humiliés, violentés, meurtris, brisés dans leurs affections, mutilés dans leurs amours, leurs existences, leurs aspirations et leurs rêves.

 

Page 300 : Nous avons vu l’horreur prolétaire en Europe, l’horreur coloniale ici en Afrique… Notre civilisation ne va nulle-part… Elle court à son suicide, entraînant avec elle toutes les autres...

 

 

 

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