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Mon avis : L’île des âmes – Piergiorgio Pulixi

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’italien par Anatole Pons-Reumaux

 

Éditions Gallmeister

 

Mon avis sur Insta c'est ici

 

Quatrième de couverture :

Depuis plusieurs décennies, la Sardaigne est le théâtre de meurtres rituels sauvages. Enveloppés de silence, les corps de jeunes filles retrouvés sur les sites ancestraux de l’île n’ont jamais été réclamés. Lorsque les inspectrices Mara Rais et Eva Croce se trouvent mutées au département des “crimes non élucidés” de la police de Cagliari, l’ombre des disparues s’immisce dans leur quotidien. Bientôt, la découverte d’une nouvelle victime les place au centre d’une enquête qui a tout d’une malédiction. De fausses pistes en révélations, Eva et Mara sont confrontées aux pires atrocités, tandis que dans les montagnes de Barbagia, une étrange famille de paysans semble détenir la clé de l’énigme.
La première enquête de Mara Rais et Eva Croce nous plonge dans les somptueux décors de la Sardaigne, au cœur de ténèbres venues du fond des âges.

 


Mon avis :
1961. le corps d'une femme suppliciée, est trouvé par Angheleddu, le chien, que son instinct empêche d'approcher. L'enfant l'a vue mais n'en parlera jamais, par peur de l'ogre...
2016. L'inspectrice en chef Mara Rais, forte tête et grande gueule est mutée à l'unité des crimes non élucidés, ce qui est pour elle une punition. Elle va avoir comme binôme Eva Croce, au look de métalleuse, dont on ne connaît pas les raisons de la mutation sur cette île, la Sardaigne, où personne ne veut aller. Cerise sur le gâteau, elles vont devoir s'intéresser aux enquêtes jamais résolues de l'inspecteur Moreno Barrali devenu la risée de la section homicides à force de vouloir faire rouvrir des dossiers. L'homme est en phase terminale d'un cancer et ses supérieurs ne supportent pas de le laisser mourir avec ses regrets sans avoir tenté de l'aider encore une fois à résoudre des vieilles affaires de meurtres rituels barbares restées sans réponse. Dans un premier temps, la rencontre entre les deux femmes va être assez agressive, bien loin de la sororité qu'on pourrait espérer.

En Barbagia, il y a le clan Ladu, que beaucoup disent consanguin. Il vivent à l'écart, avec leurs règles et un mode de vie plus ou moins ancestral, des traditions millénaires. Et nous voilà plongé dans quelque chose de fascinant, où le temps semble suspendu à la volonté primale de la nature. Car il y a quelque chose hors du temps dans ce lieu qui semble être resté partiellement à l'abri du monde moderne, de la civilisation. de rites et sacrifices obscures accompagnés de masques de carnaval sarde, en puits nuragiques, sources sacrées et autres sites archéologiques, l'auteur nous emmène chez lui, dans sa Sardaigne natale, sur la piste d'un tueur en série : [...] masques zoomorphes, femmes nues devant des autels nuragiques et des menhirs, figures bestiales, cirques mégalithiques...
On est immergé dans ces lieux où une porte sur le lointain passé semble restée ouverte.

Deux victimes jamais réclamées, recouvertes d'une peau de mouton et d'un masque de taureau, une jeune femme disparue...
Ce roman, c'est une ambiance ésotérique, sépulcrale, toute une atmosphère de mystère, et l'histoire d'une terre qui n'a pas coupé les liens avec son lointain passé.

Des chapitres courts qui donnent un rythme alerte, un belle écriture, des personnalités intéressantes, ou exaspérantes, des flics obsessionnels hantés par les victimes, une enquête étalée sur des décennies, ce roman vous attrape et ne vous lâche plus. Un récit humainement très puissant par certains aspects. Captivant, enrichissant, instructif, ce fut une très belle découverte à travers ce noir périple historico-touristique d'un genre très spécial car le thème est extrêmement macabre, et 
Piergiorgio Pulixi nous emmène sur plusieurs pistes. Eh oui, c'est un polar !... qui se dévore !

 

Citations :

Page 24 : Partout règne un silence pénétrant. L’homme ne cherche pas à dominer la nature car il la craint. C’est une peur inscrite dans son sang, fille d’époques révolues. Il sait d’instinct que la nature gouverne le destin des hommes et des animaux, et il apprend vite à connaître et à traduire tous les faits naturels qui l’entourent, car, aussi étrange que cela puisse paraître, ce silence parle. Il instruit et met en garde. Il conseille et dissuade. Et malheur à celui qui ne témoigne pas la déférence attendue.

 

Page 48 : Le lien qui se tisse entre l’enquêteur et la victime d’un homicide est sacré. Il transcende la simple bureaucratie, les comptes rendus d’enquête, les rapports d’autopsie, les pièces à fournir au magistrat. Il devient quelque chose de beaucoup plus intime. Dans l’éventualité où l’affaire n’est pas résolue et où le bourreau reste en liberté, ce lien sacré, indissoluble, peut se muer en une obsession éreintante, impossible à fuir.

 

Page 194 : « On ne surmonte pas la douleur en l’éludant, mais en la traversant », lui avait répété son psy jusqu’à l’écœurement.

 

Page 260 : — Pauvre petite. Tes anciens collègues, ils sont comment ? C’est des gens sérieux ?

C’est une bande de têtes de nœuds machistes, gonflés de testostérone et pétris de préjugés.

 

Page 427 : Toutes les affaires d’homicides ne sont pas identiques. Certaines te collent à la peau pour toujours. Tu les portes en toi comme des cicatrices. Au bout de quelques années, elles cessent de te faire mal et tu n’y prêtes plus attention. Elles deviennent une partie de toi. Le tissu cicatriciel s’atténue au point que tu finis par ignorer sa présence. Mais il suffit d’un détail, d’une odeur, d’un regard ou d’un mot pour réinfecter la plaie, pour rouvrir la boite de Pandore que tous les enquêteurs ou presque gardent en eux, laissant libre cours à des souvenirs corrosifs et à une culpabilité aussi sournoise que des parasites intestinaux.

 

 

 

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