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Mon avis : Frapppabord – Mireille Gagné

Publié le par Fanfan Do

Éditions La Peuplade

 

Mon avis sur Insta c'est ici

 

Quatrième de couverture :

Province du Québec, 1942. Sur Grosse-Île, dans le fleuve Saint-Laurent qu’arpentent les sous-marins allemands, les gouvernements américain, britannique et canadien mettent en place un projet top secret. Des dizaines de scientifiques y sont réunis dans la plus grande discrétion, afin de mettre au point une arme bactériologique nouvelle. Des décennies plus tard, à l’occasion d’un épisode de canicule d’une ampleur inédite, des accès de rage bousculent la petite ville de Montmagny et ses alentours. Elle semble se propager comme une épidémie à mesure que les frappabords se multiplient. Mireille Gagné fait preuve d’invention dans ce deuxième roman, un livre écologique, subtil et haletant, qui nous recommande d’écouter ce que le vivant essaie de dire : l’équilibre est un état à retrouver.

Vous auriez probablement ressenti de la nausée en nous voyant surgir sur les berges du Saint Laurent : une nuée de frappabords, en une seule main sombre et vorace, caressant les herbes hautes au lever du soleil.

 


Mon avis :
L'histoire commence par le point de vue de l'insecte piqueur, qui nous explique comment il va opérer pour nous sucer le sang, en arrachant parfois un morceau de chair. C'est un 
frappabord, un taon à cheval, une mouche à cheval, une mouche noire, une mouche à chevreuil, une sale bestiole.

Cette histoire se déroule sur deux époques. de nos jours ou dans un futur proche avec Théodore, ouvrier dans une usine, et en 1942 avec Thomas, entomologiste réquisitionné par l'armée pour mettre au point une arme létale, dans un laboratoire secret situé sur une île du fleuve Saint-Laurent. le grand-père de Théodore vit dans un hospice où on l'attache souvent à son lit pour contenir ses colères. Il a élevé Théodore qui sait très peu de choses sur lui ainsi que sur ses parents, morts quand il était enfant.

On se rend compte dès le début qu'on va vivre un sale moment avec les insectes, créatures indispensables et pourtant insupportables, voire douloureuses et même parfois naturellement dangereuses. le fait que ce soit le 
frappabord qui nous parle de lui, comment il nait, comment il grandit, se reproduit, repère ses proie, leur suce le sang et arrache de la chair, rend les choses vraiment flippantes : "Je vous repère d'abord de loin, attirée par vos mouvements, même infimes, et surtout par la chaleur et le dioxyde de carbone que vous dégagez."
"Délicatement, je dépose ma bouche sur votre peau suave, telle une langue chaude, initiant juste assez de succion pour en goûter la saveur."
"J'ai goûté toutes vos peaux, vos sangs, vos sueurs, hommes, femmes, enfants, malades, stressés, propres, sales. J'ai digéré toutes vos chairs dans l'objectif ultime de me reproduire un jour."
Un vampire en somme, qui nous scrute et nous jauge pour mieux nous saigner. Il y a dans ce que nous dit le 
frappabord une espèce de sensualité ambiguë : "Me déposer sur ta peau humide. Goûteuse. Salée. Chaude. Y marcher à ton insu la langue sortie. Me délecter de chacune de tes parties les plus intimes." Un prédateur absolu. Après ça, je ne regarderai plus les moustiques de la même façon. Ah oui parce que ce sont LES bestioles infernale ici. Les frappabords, appelés taons en France, je n'en ai rencontré pratiquement qu'en montagne.

Cette lecture renforce le sentiment que la folie des hommes d'hier et d'aujourd'hui à ne penser qu'à l'instant présent et à leurs intérêts personnels, détruit le monde de demain, celui de leur descendance, de leurs enfants et petits-enfants.
J'ai adoré avoir le point de vue de l'insecte, la façon dont il nous voit, comme un mets succulent mais aussi comme un nuisible, une erreur à éradiquer.

C'est terrible comme les dystopies rejoignent tout doucement notre présent. Depuis quelques années, les moustiques tigres ont fait leur apparition en France. D'abord dans le sud, il gagnent du terrain en envahissant tout doucement toutes les régions et gagnent aussi en dangerosité puisqu'on recense quelques cas de malaria et de dengue, maladies transmises par ces petites bêtes infernales qui ne nous laissent pas un instant de tranquillité dès qu'on s'installe dehors. La prochaine étapes c'est quoi ? Des moustiques géants ?

La fin est glaçante tant elle semble plausible. Car moi je vois la Terre comme une grosse bombe dont la mèche a commencé à brûler lorsque nous sommes entrés dans l'aire industrielle 💣.
Si seulement ceux qui peuvent cessaient de traiter d'écoterroristes ceux qui essaient ...

 

Citations :

Page 29 : Je doute que vous vous rappeliez votre naissance. Très peu d’espèces le peuvent en effet. Pour ma part, je me souviens de tout, de chaque microseconde. Peut-être est-ce dû au fait que ma vie sera de courte durée, quelques semaines, tout au plus.

 

Page 48 : Avant son arrivée ici, il n’avait jamais été directement témoin de toute la violence, l’intensité, la beauté, la douceur, l’aridité, l’intelligence que la nature pouvait déployer pour survivre. Dans cet environnement sauvage, Thomas se sentait appartenir davantage au clan des proies qu’à celui des prédateurs. Une variété en particulier s’acharnait avec férocité sur lui depuis le début : les frappabords.

 

Page 152 : Vous avez déréglé le mécanisme à un point tel qu’il n’y aura pas de retour en arrière possible. Ce n’est qu’une question de temps avant que vous soyez éjectés. La Terre ne pourra pas vous endurer encore bien longtemps. Je rêve qu’elle vous expulse de son immense gosier, à la manière d’une bouchée avariée.

 

Page 178 : Sa peau est parsemée de plaques brunes, qui rappellent que le chemin qui reste est beaucoup plus court que celui parcouru.

 

Page 194 : Il avait raison. Il y a des chemins que les hommes ne devraient pas emprunter.

 

 

 

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