Mon avis : Et voilà tout- Maren Uthaug
Traduit du danois par Jean-Baptiste Coursaud
Éditions Gallmeister - Totem
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Quatrième de couverture :
Risten est une petite fille du cercle polaire. Née tout au nord de la Norvège, chez les Sames, elle vit désormais au Danemark avec son père et sa belle-mère. Mais elle se sent déracinée, loin de son Áhkku, sa grand-mère bien aimée aux croyances ancestrales, qui lui a appris comment se protéger des maléfiques sous-terriens et des aurores boréales. Solitaire et rêveuse, Risten tente d’exister dans cette nouvelle vie. Ce n’est qu’à l’âge adulte qu’elle retrouvera le chemin de ses origines et renouera enfin avec sa mère - une rencontre qui ne ressemblera en rien à ce qu’elle attendait.
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Mon avis :
L'histoire commence avec la grosse biture de Knut dans les dernières heures de l'année 1974, parce que quand-même, il faut bien lutter contre la déprime de cette foutue nuit polaire ! C'est cette nuit-là que Rihtta et Knut concevront leur fille.
Puis au deuxième chapitre on est en 2007 et on fait la connaissance de Kirsten qui est la fille de Rihtta et Knut. Au troisième en 1973 on assiste à la rencontre de Rihtta et Knut. Au quatrième en 1982... On se promène dans le temps à la decouverte de la vie des différents personnages et dans les différentes culture, notamment celle des Sames dont est issue Rihtta, et des Kvènes, peuples autochtones,
Je dois dire que quasiment dès le départ, les prénoms m'ont bien perdue ! Entre Kirsten et Risten, Aslak et Isak... j'avais l'impression qu'on parlait des mêmes personnages avec des erreurs dans les prénoms.
Risten, la fille de Rihtta et Knut, est abreuvée des croyances autochtones par sa grand-mère, son Áhkku, qui lui parle des sous-terriens qui volent des enfants aux humains et lui dit que les aurores boréales sont dangereuses lorsqu'on les regarde. Alors que ses parents sont athées, elle est pleine des peurs que sa grand-mère lui a transmises. C'est une étrange histoire qui nous parle de croyances et de cultures ancestrales qu'on ne connaît pas et c'est très intrigant.
Knut est aussi débonnaire que Rihtta est acariâtre. Il supporte tout avec bonhomie jusqu'au jour où... il semble que les Norvégiens sont considérés comme idiots par les Sames qui eux ont un fort tempérament. Il y a une grande inimitié des Sames à l'égard des Norvégiens, sans doute justifiée. Risten vit dans cette ambiance où son père, si gentil, est méprisé par sa grand-mère et par sa mère.
Un jour Knut part avec sa nouvelle compagne Grethe, qui semble parfaite, et emmène Risten dans le sud, au Danemark.
C'est l'éternelle histoire des enfants à qui l'on ment, dont on ne respecte pas l'intégrité, à qui les adultes imposent leurs desiderata sans se soucier de ce que eux peuvent désirer.
Risten se construira son monde à elle fait de croyances Sames, auxquelles elle initiera Niels-le-vietnamien, enfant déraciné lui aussi. Niels ne parle pas le danois, Risten ne le parle pas avec le bon accent, elle est raillée pour ça à l'école. La lumière dans ce récit qui m'évoque un conte nordique, c'est de voir comment les enfants, dès qu'ils sont ensemble, arrivent tant bien que mal à se protéger du monde des adultes en se créant le leur, bien plus beau. Car entre un père parfois laxiste, toujours faible, peut-être égoïste, et une belle-mère finalement pas si gentille que ça, que c'est dur l'enfance !
C'est aussi une histoire qui fait du bien souvent, mais occasionne aussi quelques pincements au cœur, voire de la colère. Et surtout, une ÉNORME révélation à laquelle on ne s'attend pas va arriver. Il y a aussi des moments amusants, et pour peu qu'on soit du côté de Kirsten... et ça a été mon cas, je lui criais par la pensée " vas-y, rentre leur dans le lard à ces vieux schnocks !"
C'est parsemé d'humour et de quelques moment un peu lestes mais souvent drôles eux aussi sans oublier un langage cru parfois qui m'a bien fait rire. C'est à l'image de la couverture du livre, le doigt d'honneur de la petite fille que je n'ai vu que tardivement.
Lire ce roman c'est changer de monde. C'est beau et envoûtant. J'y ai découvert, en plus de la culture Same, une coutume (peut-être seulement danoise) dont l'appellation me fait fondre tellement je trouve ça mignon et enfantin, c'est l'équivalent de notre goûter : le café-gâteau de l'après-midi à laquelle les adultes ne dérogent absolument jamais.
Décidément, j'aime énormément les trois romans de Maren Uthaug que j'ai lus. Ils sont tous différents, comme si elle n'avait pas de sujet de prédilection, à moins que ce ne soit la famille tout simplement. Il y en a encore un à lire ! Que je n'ai pas encore, Snifff...
Et je ne peux m'empêcher de supposer que l'autrice a mis beaucoup d'elle-même dans ce roman car comme Risten elle est née d'un couple mixte. Mais elle contrairement à son héroïne, son père est Same et sa mère Norvégienne.
Citations :
Page 9 : Déjà qu’on était pas mal déprimé à cause de cette foutue nuit polaire. Même les locaux, ceux qui étaient nés ici, dans cette Norvège du Nord, ils ne la supportaient pas. Pas étonnant que la région ait le plus haut taux de suicide du pays. Le froid, passe encore, on pouvait s’en protéger : il suffisait de mettre une couche de vêtements supplémentaire. Mais l’obscurité, non : le noir se glissait dans le noir et colonisait l’esprit.
Page 85 : Elle attendait ensuite que Risten ait débarrassé le plancher avec Niels-du-Viêtnam sur ses talons, partie s’adonner à l’une de ses obscures occupations secrètes, pour s’agglomérer au corps de Knut dans la chambre à coucher, comme seules savent le faire les personnes venant de découvrir qu’elles ont vécu toute une vie sans amour.
Page 165 : Jusqu’à la fin de ses jours, Risten se souviendra de ces grandes vacances comme de l’été où elle perdit la faculté d’être joyeuse. Où le dernier reste d’une enfance synonyme d’innocence fut étouffé au cours de nuits d’une effroyable solitude. Des nuits jalonnées de prières kvènes et d’une marque au creux de la paume à force de serrer la bague d’ Áhkku.