Mon avis : Une journée d’automne – Wallace Stegner
Traduit de l’américain par Françoise Torchiana
Éditions Gallmeister - Totem
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Quatrième de couverture :
Suspendue au bras de son mari Alec, Margaret guette avec impatience l’arrivée du train de sa sœur Elspeth, venue d’Écosse pour vivre avec eux dans l’Iowa. Vive et malicieuse, s’émerveillant d’un rien, Elspeth respire la joie de vivre et ne tarde pas à illuminer leur vie de riches fermiers bien installés. Mais alors que l’automne s’annonce, un triangle amoureux se forme peu à peu entre Alec et les deux sœurs. Lorsque survient l’irréparable, celui-ci ne tarde pas à se transformer en piège dramatique. Il faudra alors sauver ce qui peut l’être...
Dans ce court roman demeuré inédit en France, Wallace Stegner révèle avec la virtuosité qu’on lui connaît les drames qui se jouent derrière les apparences d’une existence paisible.
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Mon avis :
Il est ici question d'amour, plusieurs déclinaisons de l'amour : l'amour conjugal, l'amour sororal, le besoin d'amour, et la pudeur des sentiments. Quand le roman commence, Alec Stuart et Margaret son épouse attendent un train qui doit amener Elspeth, la petite sœur de Margaret. Cette dernière est en ébullition, tellement heureuse de retrouver sa sœur qui arrive d'Écosse pour venir vivre avec eux. Margaret est "encore fort jolie à vingt-neuf ans", oui, oui ! "Elle était grande, un peu moins que lui toutefois, fine, et n'avait rien perdu de l'éclat de sa jeunesse." Ça situe tout de suite une époque antérieure et la dureté de la vie.
Margaret et Alec sont de la bonne société rurale, celle qui doit tenir son rang, qui se soucie du qu'en-dira-t-on. Elspeth ne doit pas discuter avec des hommes mariés car ça ne se fait pas. Elle n'en croise pas de son âge ce qui ennuie Margaret qui aimerait lui trouver un beau parti. On sent que tout doucement Alec, si drôle et aimable, pourrait faire chavirer le petit cœur esseulé d'Elspeth.
Alec si facétieux, Margaret austère et pieuse si soucieuse des convenances, et Elspeth joyeuse et lumineuse, rayon de soleil dans cette vie sérieuse.
C'est une histoire belle et triste à la fois. Belle comme l'amour naissant qui fait chanter le coeur, triste comme la trahison envers quelqu'un qu'on aime. Et c'est tellement bien raconté, tellement bien décrit qu'on ne se sent pas la force d'avoir un avis, d'émettre un jugement. Wallace Stegner décortique à merveille les sentiments terribles des deux sœurs, antagonistes et pourtant aussi puissants, chacune dans sa position inextricable. Il nous convie à la lente déliquescence de ce noyau familial, le couple à la dérive et l'amour sororal en plein naufrage, le tout avivé par le poison des non-dits. Tout est empreint d'une infinie tristesse. Et pourtant c'est absolument sublime.
J'aime l'écriture de Wallace Stegner, les descriptions qu'il fait des lieux, de la nature, de la faune, des saisons, des rapports humains, des ambiances et des sentiments. C'est tellement immersif et tellement juste. Il sait si bien raconter les rêves et les douleurs qui collent à la peau dans cette difficile traversée de la vie.
Un court roman, 148 pages, mais qui dit tellement !
Citations :
Page 18 : — Mais pourquoi bois-tu donc, Alec ?
Dans la voix à présent plaintive de Margaret bruissait l’écho de nombreuses scènes similaires.
— Pourquoi je ne bois pas, tu veux dire, corrigea-t-il, soudain sombre. À force de m’empêcher de me soûler de temps en temps, tu finiras bien par faire de moi une ivrogne.
Page 32 : Sur le chemin du retour, Elspeth garda le silence. Elle contemplait cet immense et pesant Norvégien, sa figure empreinte de gravité, ses yeux mélancoliques. Comment un tel Viking, une pareille force de la nature, pouvait-il renoncer à ce pays de cocagne et retourner vivre sur quelque côte rocheuse et désolée ? Était-ce typique ? Elle aussi, voudrait-elle rentrer un jour ?
Page 44 : Ils rirent tous deux, et Elspeth tourna le buste pour regarder le visage souriant et brûlé d’Alec, encadré de cheveux roux et bouclés, humides de sueur ; remarquant à peine consciemment son torse et ses épaules gonflés sous la chemise bleue trempée de transpiration, elle se dit qu’il était aussi beau et fort qu’amusant.
Page 103 : Elle attendait Alec, avec une sorte de besoin de savoir qu’il avait recommencé à boire, un désir irrépressible de le découvrir coupable de nouveaux forfaits envers elle et envers Dieu.