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Mon avis : Rebecca – Daphne du Maurier

Publié le par Fanfan Do

Traduit de l’anglais par Anouk Neuhoff

 

Éditions Le Livre de Poche

 

Mon avis sur Insta c'est ici

 

Quatrième de couverture :

Un manoir majestueux : Manderley. Un an après sa mort, le charme noir de l’ancienne propriétaire, Rebecca de Winter, hante encore le domaine et ses habitants. La nouvelle épouse, jeune et timide, de Maxim de Winter pourra-t-elle échapper à cette ombre, à son souvenir ?
Immortalisé au cinéma par Hitchcock en 1940, le chef-d’œuvre de Daphné du Maurier a fasciné plus de trente millions de lecteurs à travers le monde. Il fait aujourd’hui l’objet d’une traduction inédite qui a su restituer toute la puissance d'évocation du texte originel et en révéler la noirceur.

 

 

Mon avis :
J'ai rêvé la nuit dernière que je retournais à Manderley. Qui ne connais pas cette phrase, même sans avoir lu ce roman de Daphne du Maurier ?

La narratrice, dont on ignore le nom, est la deuxième épouse de Maximilian de Winter, veuf de Rebecca. Elle nous emmène dans ses souvenirs lorsqu'elle était jeune, demoiselle de compagnie de Mme Van Hopper, vieille peau de vache snobe et cancanière, et qu'elle rencontra son futur époux. Rapidement je me suis laissé emporter dans cette histoire où cette jeune biche met les pieds dans quelque chose qui la dépasse. Petit détail qui m'a laissée dubitative, peut-être normal pour l'époque... un homme fait sa demande en mariage et parle aussitôt après de la marque de ses laxatifs 😳. Ah bon ?

Il y a néanmoins quelque chose de mystérieux chez Maxim de Winter, il est très secret. Oui, en fait c'est un homme quoi... Et de fait, jusque assez loin dans le récit on ne sait pas que penser de lui. Loyal ? Ou pas ?

Il y a quelque chose de sublime, quand il est question du moment présent, cet instant fugace de plénitude qui ne laissera pas de trace à tout le monde. Pas dans la mémoire de ceux qui ne craignent pas l'avenir. J'adore ces instants d'éternité.

À Manderley, Rebecca la défunte épouse de Maxim semble bénéficier d'une aura particulière, faite de vénération, d'admiration, mais aussi de mystère. On vante ses mérites constamment sans aucun tact pour la nouvelle épouse qui se sent comparée continuellement, à son grand désarroi. Elle est si jeune, se sent tellement insipide à côté de ce que semble avoir été Rebecca, dont la mort reste étrangement un sujet tabou.

J'ai trouvé l'histoire cruelle, des gens bêtes et superficiels, parfois méchants telle Mme Danvers, la mégère en chef de Manderley, celle qui se charge de tout. L'ombre de Rebecca plane partout, tout le temps. Rebecca l'infernale rivale. L'atmosphère est tellement glaçante par moments.

Ce roman, c'est tout une ambiance, continuellement pesante car, à qui la nouvelle épouse peut-elle faire confiance ? Elle qui se sent toute petite et insipide, si seule, mais surtout elle craint d'être jugée en permanence dans cette immense demeure au personnel nombreux où plane l'ombre de la défunte, cette femme si belle, si aimable, si parfaite...

Les cent premières pages m'ont paru longues, mais passé ce cap j'ai été totalement emportée dans ce récit. C'est l'histoire d'un amour éperdu, absolu, qui parfois confine au désespoir, où rien n'est vraiment clair, où le doute est omniprésent, où la nouvelle épouse ne semble pas avoir sa place. L'intrigue s'écoule lentement et immerge le lecteur dans ce monde de nantis un peu suranné avec ses codes et ses règles, sa vanité et la haute idée qu'ils se font d'eux-mêmes. Les caractères des personnages servent un suspense qui monte lentement jusqu'au dénouement assez inattendu.

Manderley, ce manoir, imposante bâtisse, massive et parfois inquiétante mais majestueuse, est un personnage à part entière dans cette atmosphère étouffante.

C'est un roman sépulcral et incandescent.

J'ai adoré !

 

 

Citations :

Page 37 : Je sentais que ma présence juvénile mettait un frein à leur conversation, un peu comme celle d’une soubrette pendant le repas : ils ne pouvaient pas barboter aussi librement dans la mare aux scandales et aux insinuations. Les hommes adoptaient une sorte de jovialité forcée pour me poser des questions facétieuses sur l’histoire ou sur la peinture, présumant que je venais tout juste de quitter l’école et devais être incapable d’aborder d’autres sujets.

 

Page 63 : Heureusement qu’elle ne peut survenir deux fois cette fièvre du premier amour. Car c’est bien une fièvre, et aussi un fardeau, quoi qu’en disent les poètes.

 

Page 138 : J’étais très impressionnée, je me souviens ; impressionnée et un rien épouvantée par la magnificence dudit petit déjeuner. Il y avait du thé, dans une grande fontaine à thé en argent, et aussi du café, et puis, sur le réchaud, bien brûlants, des plats d’œufs brouillés,de bacon, et un autre de poisson. Il y avait également des œufs à la coque, dans leur cuiseur spécial, et du porridge, dans une jatte en argent. Sur une autre desserte, il y avait un jambon et de la charcuterie. Il y avait aussi des scones, sur la table, et des toasts, et divers pots de confiture, marmelade ou miel, tandis que des compotiers, débordants de fruits, trônaient à chaque extrémité. Il me semblait étrange que Maxim, qui, en Italie et en France, se contentait d’un croissant et d’un fruit avec une tasse de café, s’attable chez lui, sûrement jour après jour, année après année, devant ce petit déjeuner, assez copieux pour douze personnes, sans voir dans cet excès aucun ridicule, ni aucun gaspillage.

 

Page 308 : Son mari était mort depuis quarante ans, son fils depuis quinze. Elle était obligée d’habiter ici dans cette pimpante maison aux pignons rouges avec son infirmière jusqu’à ce qu’arrive pour elle l’heure de mourir. Je me dis que nous ne savions pas grand-chose de ce que ressentent les personnes âgées. Les enfants, nous les comprenons, nous comprenons leurs peurs, leurs espoirs et leurs chimères. Hier encore, j’étais une enfant. Je n’avais pas oublié. Mais la grand-mère de Maxim, emmitouflée dans son châle avec ses pauvres yeux aveugles, qu’éprouvait-elle, quelles étaient ses pensées ? Se doutait-elle que nous étions là parce que, selon nous, il le fallait, c’était notre devoir, afin qu’en rentrant chez elle ensuite Beatrice puisse dire : « Ouf, voilà ma conscience apaisée pour trois mois. »

 

 

 

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