Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Mon avis : Un long, si long après-midi – Inga Vesper

Publié le par Fanfan Do

Éditions de la Martinière

 

Mon avis sur Insta c'est ici

 

Quatrième de couverture :

« Hier, j’ai embrassé mon mari pour la dernière fois. Il ne le sait pas, bien sûr. Pas encore. »

Dans sa cuisine baignée de soleil californien, Joyce rêve à sa fenêtre. Elle est blanche, elle est riche. Son horizon de femme au foyer, pourtant, s’arrête aux haies bien taillées de son jardin. Ruby, elle, travaille comme femme de ménage chez Joyce et rêve de changer de vie. Mais en 1959, la société américaine n’a rien à offrir à une jeune fille noire et pauvre. Quand Joyce disparaît, le vernis des faux-semblants du rêve américain se craquelle. La lutte pour l’égalité des femmes et des afro-américains n’en est qu’à ses débuts, mais ces deux héroïnes bouleversantes font déjà entendre leur cri. Celui d’un espoir brûlant de liberté.

UN DES « MEILLEURS ROMANS DE 2021 » SELON LA PRESSE ANGLAISE (StylistThe GuardianSunday Express)

 

 

Pourquoi j’ai voulu lire ce livre :

Babelio m’a proposé ce roman via son opération Masse critique privilège.

 

Mon avis :

1959
Joyce est mariée, mère et femme au foyer, dans un quartier chic, et elle a subitement disparue sans laisser de trace.
Ruby est noire, pauvre, et fait le ménage chez les gens aisés. Elle rêve de faire des études pour sortir de sa condition.
Mick était flic à New-York et vient d'être muté en Californie.

Ce roman choral alterne les chapitres entre ces trois personnages et nous fait découvrir au compte-gouttes leurs vies, leurs souvenirs et leurs aspirations. Et le moins qu'on puisse dire c'est que la vie des femmes, qu'elles soient noires ou blanches étaient régies par le patriarcat. Mais chez les femmes blanches, aisées, confinées dans leurs rôles d'épouses et de mère sans autre avenir que de servir leur famille, tout cela était supporté à coup d'antidépresseurs. On va comprendre peu à peu leur désir d'émancipation, leur besoin de liberté.

L'inspecteur Blanke, qui ne connaît pas les codes de cet endroit, fait appel à Ruby pour tenter de dénouer l'affaire. En effet, il pense qu'une bonne entend des tas de choses. Elle accepte de l'aider, pour Joyce qui était la seule femme blanche qui lui témoignait de l'empathie et de l'affection. Mais à Sunnylakes tout le monde a quelque chose à cacher. Ils tentent pas à pas de faire craquer le vernis de cette bourgeoisie bien comme il faut.

Par certains aspects ce roman m'a rappelé "
L'invention des ailes" de Sue Monk Kidd, dont l'histoire se déroule au temps de l'esclavage. Une jeune femme blanche de la bonne société sombre dans la dépression quand elle comprend que son destin ne lui appartient pas, qu'elle ne pourra jamais exercer le métier de ses rêves car elle est une femme et que son seul futur c'est de se marier, d'être mère et faire semblant d'être heureuse. Et les noirs qu'on traitait pire que la vermine. Une centaine d'années plus tard, la misogynie et le racisme ont perduré ainsi que la douleur d'être femme et la peur constante quand on a la peau noire.

La magie de ce roman c'est qu'il m'a gobée toute crue dès que je l'ai commencé. J'ai littéralement été aspirée dans l'histoire. D'abord parce que c'est une histoire de femmes, en 1959, et que la condition des femmes de tous temps me passionne. Donc ça se passe à une époque où elles n'exprimaient pas leur désirs ni leurs rêves parce que personne n'avait envie d'entendre, et on supposait qu'elles étaient forcément heureuses parce que ça arrangeait la société.
J'adore ces histoires de femmes en avance sur leur temps. Celles qui se battaient pour se fabriquer un avenir à elles et réaliser leurs rêves contre vents et marées pendant que la grande majorité étaient résignées. Ensuite parce que l'autrice sème des indices qui nous tiennent en haleine. Joyce a-t-elle disparu volontairement, ou bien...
Il y a aussi une belle galerie de personnages qui nous en dit long sur les années 50.

Ce roman, féministe, m'a donné le sentiment que la vie des femmes comme Ruby et Joyce ressemblait douloureusement au châtiment de Sisyphe, condamné à pousser un rocher au sommet d'une montagne, car il y a quelques décennies à peine que les femmes ont commencé à avoir des droits, à être libérées du joug masculin.

Ça a été une lecture totalement addictive car la psychologue et les secrets des uns et des autres ont fait que j'aurais voulu pouvoir lire ce roman d'une traite.

 

Citations :

Page 42 : Les tâches ménagères sont un travail, comme leur nom l’indique. À moins que tu croies que je prépare ton dîner pour m’amuser ?

 

Page 67 : Je ne devrais pas peindre. Franck n’aime pas ça, bien que Geneviève Crane dise que j’ai un talent incroyable. C’est un mauvais exemple pour les enfants, une mère qui se fait plaisir, quand il y a des repas à prévoir, des tapis à aspirer et des bouquets de fleurs à arranger.

 

Page 114 : Je hochais la tête quand il me demandait si je voulais rentrer et j’ai appris qu’un homme n’a jamais tort très longtemps.

 

Page 129 : - Les rideaux de gaze évitent que le regard soit attiré par la rue, explique-t-elle. Les autres distractions, comme la radio et le téléphone, ont été reléguées dans le salon.

 

Page 134 : - La plupart des femmes, ici, se marient en sortant de l’université. Elles deviennent femmes au foyer, elles élèvent leurs enfants et vont à l’église. Et voilà. Personne ne s’intéresse à leurs désirs ou à leurs rêves. Tout le monde se fiche de leur talents ou de leurs opinions.

 

Page 197 : Mme Haney toise Ruby comme s’il s’agissait d’une crotte de chien et son mépris mériterait une médaille d’argent dans un concours national.

 

Page 208 : Et il se demande comment il se sentirait s’il vivait à Sunnylakes et qu’il devait faire face à une journée parfaite de plus, enfermé dans sa cuisine parfaite, attendant que ses enfants parfaits soient couchés afin que son mari parfait puisse lui en faire un autre.

 

Page 208 : Quand Fran était enceinte de Sandy, ses hormones lui assuraient la stabilité émotionnelle d’une ballerine de cinq ans et réduisait son intelligence à celle d’une assiette de purée.

 

Page 352 : - C’est toujours une histoire d’hommes. Ils guident leur existence, et elles n’en tirent aucune leçon. Elles se relèvent, remettent du rouge à lèvres et courent après le suivant. Jusqu’à ce qu’un d’entre eux les détruise.

 

 

 

Commenter cet article