Mon avis : Les délices de Tokyo - Durian Sukegawa
Quatrième de couverture :
"Écoutez la voix des haricots": tel est le secret de Tokue, une vieille dame aux doigts mystérieusement déformés, pour réussir le an, la pâte de haricots rouges qui accompagne les dorayaki, des pâtisseries japonaises. Sentarô, qui a accepté d'embaucher Tokue dans son échoppe, voit sa clientèle doubler du jour au lendemain, conquise par ses talents de pâtissière. Mais la vieille dame cache un secret moins avouable et disparaît comme elle était apparue, laissant Sentarô interpréter à sa façon la leçon qu'elle lui a fait partager.
Magnifiquement adapté à l'écran par la cinéaste Naomi Kawase, primée à Cannes, le roman de Durian Sukegawa est une ode à la cuisine et à la vie. Poignant, poétique, sensuel : un régal.
Mon avis :
Que de douceur dès les premières pages !
En fait c'est beau et doux comme l'idée que je me fais du Japon.
Et il y a l'art culinaire ; parce que tout au Japon donne l'impression de dépendre de rituels, comme la cérémonie du thé.
J'ai toujours eu le sentiment que les japonais font tout dans les règles de l'art... et puis un jour j'ai lu Tokyo vice de Jake Adelstein et ça m'a remis les idées en place. Au Japon comme ailleurs il y a des êtres humains et non pas uniquement plein de petits angelots aimables et éthérés.
Il est question ici de transmission, de passion et de savoir-faire.
Tokue, vieille femme étrange, vient travailler dans l'échoppe de Santarô et lui montre son tour de main pour réussir le an, la pâte de haricots rouges qui accompagne les dorayaki, des pâtisseries Japonaises.
Alors qu'au départ il est réticent à l'embaucher à cause de son apparence maladive, au fil du temps se crée entre eux un lien très fort.
Hélas c'est là que les petits angelots disparaissent, car l'intolérance et la bêtise sont de tous les pays, et Tokue n'échappe pas à l'étroitesse et l'ignorance ambiante...
Une rumeur circule, Tokue serait lépreuse.
Il y a des moments tristes, comme dans toutes les vies.
Mais que c'est beau quand-même cette histoire !
Une histoire émouvante de résilience, de réparation, d'acceptation, de guérison, de partage, d'ouverture sur les autres et sur le monde des douceurs.
Et puis c'est magique cette espèce de communion avec la pâtisserie, avec cette passion qui la hisse au rang d'art.
Enfin... je dis ça, mais moi qui ai épousé un pâtissier je suis dubitative quant à cette passion qui vire au sacerdoce et déifie quasiment la pâtisserie.
Mais bien sûr c'est toujours plus beau dans les romans !
Je trouve qu'il y a quelque chose de léger et profond dans les romans asiatiques, comme s'ils étaient tous empreints de philosophie, de cette sagesse qui nous manque tant à nous occidentaux pour comprendre le sens de la vie.
Une très belle histoire qui m'a énormément émue, qui m'a emplie de quelque chose d'indéfinissable, un peu comme de l'espoir et de l'exaltation par moments et qui m'a aussi un peu piqué le nez...
Citations :
Page 155 : Celui qui lui avait continuellement susurré, toi, tu aurais mieux fait de ne pas naître... Celui qui avait mené la danse... c'était Dieu.
Page 187 : Mais au fil des années que j'ai passées dans cet endroit, j'ai fini par comprendre quelque chose. C'est que, quoi qu'on perde, quoi qu'on subisse, nous sommes des êtres humains. Même privé de ses quatre membres, puisque cette maladie n'est pas mortelle, il faut continuer à vivre. Dans cette vaine lutte passée à se débattre au fond des ténèbres, nous nous raccrochions à ce seul point : nous étions des êtres humains, et nous tentions de garder notre fierté.
Page 226 : Nous sommes nés pour regarder ce monde, pour l'écouter. C'est tout ce qu'il nous demande.
