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Mon avis : La valse des Éphémères – Virginie Lloyd

Publié le par Fanfan Do

Ma chronique sur Insta c'est ici

 

Quatrième de couverture :

 

Eliott et Gabrielle vivent leur vie de gosses des quartiers populaires. Petits boulots, coups tordus et rêves éphémères.
Alexander Clayton, entomologiste passionné et solitaire tente de renouer avec le monde qui l’entoure.
Mais dans ce Paris contrôlé par des flics enragés et une justice prédatrice, leur monde est sur le point de se faire écraser.
Dès lors, les instincts se révèlent.

D’un côté, la loi.
De l’autre, ceux qui n’ont plus rien à perdre.

Un roman noir, inspiré de faits réels, qui nous plonge dans le Paris du début du XXème siècle et qui nous pose cette question terriblement d’actualité :
Supporteriez-vous de vivre dans un pays où la pauvreté est un crime ?

 

 

 

Pourquoi j'ai voulu lire ce livre :

 

J'aime les romans historiques, j'aime les romans qui ont pour décor un contexte historique.

Je suis sidérée par l'existence dans le passé des bagnes pour enfants, et de savoir que ceux-ci autrefois n'avaient aucun droit sinon celui d'être broyés par la société.

J'ai vu, il y a longtemps, un téléfilm sur le bagne des enfants et j'avoue que je ne comprends toujours pas comment ça a pu exister.

Donc ce roman était fait pour moi.

Et puis il y a cette couv !!! Qui m'a irrésistiblement attirée ! D'où l'importance des couvertures, qui sont déjà à elles seules un invitation.

 

 

 

Mon avis :

 

Je viens de refermer ce livre que j'ai dévoré ! Waouh ! Que d'émotions !
Si vous avez envie d'une histoire qui vous attrape, qui vous instruit, qui vous bouleverse, c'est ce livre qu'il faut lire !!!

J'ai adoré tout de suite cette histoire, mais j'étais partie avec l'idée que ce serait le cas !
C'est passionnant, instructif et pas mal sordide. C'est que, ça rappelle le Paris des Misérables, celui où être pauvre était un outrage à la vue des bourgeois, où un individu n'avait de valeur que s'il avait de l'argent.

Mais c'est aussi le Paris de l'Exposition Universelle de 1900 ! Cette exposition où les visiteurs allaient, condescendants, se moquer et mépriser les africains "exposés" entre autres, eh oui !
Pourtant qu'est-ce que j'aimerais pouvoir remonter le temps pour aller la visiter !!

Dans ce Paris, deux enfants se rencontrent, Gabrielle et Eliott. Lui fils de cocher, elle élevée par une prostituée. Lui, passionné par le violon dont sa mère lui a appris à jouer, elle qui doit se débrouiller pour subsister.

Et puis il y a Alexander Clayton, entomologiste et humaniste, qui va rencontrer, l'un après l'autre, ces deux enfants.

Hélas la police rôde, pour le plus grand malheur de ces enfants pas bien nés.

Comment le monde pouvait-il bafouer à ce point les enfants ? Ces enfants qu'on arrêtait pour rien, pour lesquels on organisait des rafles, juste coupables de n'être pas des nantis.
Comment les décideurs, qui avaient aussi des enfants pour certains, pouvaient à ce point considérer ces derniers comme quantité négligeable, voire carrément comme des nuisibles au point de les maltraiter, de les détruire, de les condamner dans des parodies de justice ?

C'est magnifiquement écrit, plein de poésie, et les descriptions nous emportent dans ces lieux, dans cette époque mais aussi dans les cœurs des personnages.
C'est poignant et déchirant.

Petit interlude sur cette couverture ! Je me demande si je n'ai pas passé autant de temps à la regarder, et même la scruter, qu'à lire l'histoire, tant elle est sublime. Et moi qui attache énormément d'importance aux couv des livres, là je dois dire que c'est du bonheur !
Alors big up à Brian Merrant et bravo à Virginie Lloyd pour ce choix.

Mais revenons à nos moutons, j'ai souvent eu le cœur serré, j'ai tremblé, j'ai été révoltée, tout le long de ma lecture, où le monde de cette époque m'est apparu bien manichéen : les riches vs les pauvres, et du coup les "bons" contre les "mauvais". Et pourtant, vu de notre époque, il m'a semblé que la racaille était les cols blancs car responsables de tant de maux. J'ai notamment appris qu'il existait à l'époque un concept immonde : la correction paternelle... quelque chose d'inimaginable !

J'ai dévoré ce roman, à en oublier qu'il existait une vie en dehors. Virginie Lloyd a si bien su créer, tour à tour, une ambiance lourde et mortifère puis une autre légère comme un zéphyr printanier porteur de rêves.
Et puis ce périple en 1900 m'a dépaysée et appris beaucoup sur la condition humaine, il y a un siècle à peine...
Faut-il le préciser ? J'ai adoré cette histoire extrêmement bien documentée et cette écriture magnifique où la poésie s'invite malgré la dureté du sujet !


 

 

Citations :

 

Page 36 : Comme ses sœurs d'infortune, elle est une putain. Dans le quartier, elles sont toute une armée. Elles sont ces cœurs cuirassés qui, jour après jour, pour le bonheur des hommes, enfilent sans broncher leurs pauvres robes abusées.

 

Page 73 : Du haut de ses douze ans, elle le sait, c'est lui, c'est le bon. C'est avec ce garçon qu'elle veut rire, courir, chanter et danser. Elle s'imagine même vieillir avec son homme. Vieillir, bien vieillir, être à la limite de la mort, afin de prouver à la vie qu'ici, les rêves font de vieux os.

 

Page 76 : C'est ton ventre qui décidera. Suis mon conseil, n'écoute pas ces hommes et ces médecins qui te diront que tu es impure, que tes entrailles n'ont pas su retenir l'honneur de ton homme ou que ton ventre est un cimetière.

 

Page 95 : Les animaux ont plus de droits que nous. S'ils crèvent de faim, on doit les nourrir. S'ils sont blessés, on doit les soigner. Si on les frappe, on est sanctionnés. Mais nous, on n'est que des vermines, c'est ça ?

 

Page 116 : Toutes les femmes qui gravitent dans sa vie sont soient des prostituées, faiseuses d'anges ou ouvrières et elle, elle rêve d'autre chose. Mais de quoi ? Ses rêves sont flous, sombres comme la tristesse. Noirs comme les ruelles de Paris, les soirs de doute.

 

Page 126 : Le cœur du garde a le cul entre deux chaises. Il est le représentant de cette loi qui fout ces gosses en prison, mais il est aussi le bon père de famille qui aime jouer avec ses marmots, une fois sa journée de travail terminée. Il est l'ange et le bourreau.

 

Page 146 : Pour eux, un gamin roué de coups, traîné de bar en bar, deviendra forcément de la mauvaise graine. Une fille dont la mère est prostituée finira sans aucun doute sur le trottoir. Le vice coule dans les veines du pauvre, c'est la Science qui le dit.

 

Page 299 : La réalité vient de lui péter à la gueule. Il n'est plus médecin mais complice. Il regarde cet enfant aux yeux bandés et se dit qu'il ne connaît même pas sont nom. C'est la règle ici. Que des corps à soigner et des matricules à inscrire sur un vulgaire registre. La honte et le dégoût lui percutent la boite crânienne et terrassent son cœur de médecin.

 

 

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