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Mon avis : Les fantômes du vieux pays – Nathan Hill

Publié le par Fanfan Do

Quatrième de couverture :

 

Scandale aux Etats-Unis : le gouverneur Packer, candidat à la présidentielle, a été agressé en public. Son assaillante est une femme d'âge mûr : Faye Andresen-Anderson.

Les médias s'emparent de son histoire et la surnomment Calamity Packer. Seul Samuel Anderson, professeur d'anglais à l'Université de Chicago, passe à côté du fait divers, tout occupé qu'il est à jouer en ligne au Monde d'Elfscape.

Pourtant, Calamity Packer n'est autre que sa mère, qui l'a abandonné à l'âge de onze ans.Et voilà que l'éditeur de Samuel, qui lui avait versé une avance rondelette pour un roman qu'il n'a jamais écrit, menace de le poursuivre en justice.

En désespoir de cause, le jeune homme lui propose un nouveau projet : un livre révélation sur sa mère qui la réduira en miettes. Samuel ne sait presque rien d'elle ; il se lance donc dans la reconstitution minutieuse de sa vie, qui dévoilera bien des surprises et réveillera son lot de fantômes.

Des émeutes de Chicago en 1968 au New York post-11-Septembre en passant par la Norvège des années quarante et le Midwest des années soixante, Nathan Hill s'empare de l'Amérique d'aujourd'hui et de ses démons et compose avec beaucoup d'humour une fresque aussi ambitieuse que captivante.

 

 

 

Pourquoi j'ai voulu lire ce livre :

 

A sa sortie en 2017, Antoine De Caunes en avait parlé sur France Inter et disait qu'il avait adoré ce roman. Il venait tout simplement de me donner envie de le lire.

Et puis récemment, dans le groupe facebook « A l'assaut des pavés » quelqu'un l'a proposé en lecture commune et c'était la bonne occasion pour le lire enfin.

J'adore les lectures communes, c'est passionnant et enrichissant de pouvoir échanger ses impressions avec les autres lecteurs. Nous étions six pour cette lecture !

 

 

 

Mon avis :

 

Ce roman m'a emportée telle une déferlante, sans que je m'en rende compte, au milieu d'une histoire à priori très ordinaire, avec des personnages tous plus azimutés les uns que les autres. Ça donne assez rapidement des situations et des dialogues délirants mais aussi des bons gros fous rires...
En tout cas pour la première partie.

La deuxième partie nous raconte les jeunes années de Samuel le personnage principal. Ça a le goût sucré de l'enfance, de l'amitié et des jeux auxquels on se donne à fond quand on est petit. L'auteur a réussi à me faire croire que l'âge tendre est un chouette moment de la vie...

En fait, les différentes parties - dix au total - alternent entre présent et passé des différents personnages et personnellement j'adore car je trouve que ça donne un attrait particulier à l'histoire.
Samuel veut comprendre pourquoi sa mère est partie un jour pour toujours et il part en quête de son histoire familiale.

Chapitre après chapitre on voit apparaître un panorama de l'Amérique sur plusieurs décennies.
C'est fascinant de voir comme le monde a évolué... pas toujours dans le bon sens d'ailleurs.
Les filles à qui on disait dans les années 60 de bien choisir sa voie pour trouver un mari qui gagnerait bien sa vie, et surtout d'être une bonne épouse attentive au bien-être de son époux. Oui, parce qu'à l'époque, l'ambition des femmes semblait passer forcément par la réussite du mari, donc pas d'autre issue que le mariage. Mais quelle sinistre perspective !
On en apprend plus sur les étudiants chevelus anti guerre du Vietnam, pour la libération sexuelle et les droits des femmes, qui manifestait pacifiquement mais était réprimée dans la violence. Ce vieux monde que les jeunes tentaient de déboulonner se défendait en faisant couler le sang...
Ah les violences policières !!!
Et cette Amérique devenue hyper sécuritaire après le 11 septembre.
Ce roman est fait d'avants et d'après.
Ça nous fait aussi comprendre que les personnages sont beaucoup plus profonds qu'ils ne paraissent au premier abord. C'est tout simplement passionnant.

J'ai adoré et dévoré cette histoire, sorte de road trip à travers le temps. Un grand beau roman américain !!!
Coup d'essai ? Non ! Un coup de maître pour Nathan Hill dont c'est pourtant le premier roman, qu'il a mis dix ans à écrire !


 

 

Citations :

 

Page 69 : - Nous utiliserons des termes moins connotés, si vous le voulez bien. Nous n'employons pas le mot « agressé ». Nous préférons dire qu'elle a exercé ses droits, comme le Premier Amendement l'y autorise, par le biais symbolique d'un jet de gravillons.

 

Page 77 : Quelqu'un qui te dit qu'il travaille dans l'édition, c'est comme un vigneron qui te dirait qu'il fabrique des bouteilles. Ce qu'on crée en réalité, c'est de la valeur. Le livre, c'est juste l'une des formes sous lesquelles se présente cette valeur, une échelle, un emprunt. 

 

Page 133 : Le trop-plein était là pour se substituer à votre imagination. Arrêtez de songer à ce que vous désirez, le centre commercial a déjà réalisé tous vos rêves.

 

Page 151 : Il était d'une franchise et d'une impudeur totales sur les détails de son état. Il parlait comme les gens atteints d'une maladie terrible, de cette manière qu'a la maladie d'éclipser toute notion de pudeur et d'intimité. Racontant par exemple son désarroi en matière de priorités quand il avait la diarrhée et la nausée en même temps.

 

Page 285 : Leur professeur, Mme Olga Schwingle, la femme du pharmacien, s'efforce d'apprendre les bonnes manières et l'étiquette aux jeunes filles de cette petite ville. Elle leur montre comment devenir des dames, comment adopter les us nécessaires à l'accession à un monde plus sophistiqué. Cent coups de brosse dans les cheveux chaque soir. Cinquante passages de brosse à dents en haut et en bas. Mâcher chaque bouchée au moins trente-quatre fois avant de l'avaler. Se tenir droite, ne pas se pencher en avant, ne pas se tenir voûtée, ne pas regarder dans les yeux, sourire quand on s'adresse à vous.

 

Page 287 : « Ce que j'essaie de vous dire jeunes filles, c'est de vous fixer de grands objectifs. Vous installer avec un plombier ou un fermier n'est pas une fatalité. Vous n'arriverez peut-être pas à épouser quelqu'un dans le milieu médical, comme moi, mais ne vous interdisez pas d'envisager quelqu'un dans la comptabilité. Ou bien dans les affaires, la banque ou la finance. Trouvez avec quel genre d'homme vous voulez vous marier, et organisez-vous pour que cela se produise. »

 

Page 454 : Le viol apporte aux hommes la confirmation indirecte de leur puissance et de leur supériorité masculines, ils ne feront donc jamais rien pour que ça s'arrête. A moins que nous les y forcions.

 

Page 482 : « Tu voudrais bien venir mettre ta bouche là en bas ? » Qu'il ne soit même pas fichu de lui demander correctement, même pas fichu de prononcer le mot, lui avait semblé le comble du pathétique. Il avait eu l'air surpris quand elle avait dit non. « Je croyais que tu étais libérée », avait-il dit, ce qui signifiait qu'elle était censée lui accorder toutes les faveurs qu'il voulait et aimer ça.

 

Page 593 : Qui a eu l'idée saugrenue d'organiser une convention à côté d'un abattoir ?

Il sent leur présence, leur odeur, il les entend, ces pauvres animaux entassés et mourant à la chaîne pour nourrir une nation prospère. Amenés là comme des troupeaux d'enfants, repartant dans les mêmes camions, en morceaux. Il reconnaît l'odeur des porcs apeurés, des porcs suspendus à des crocs de boucher, éventrés, leurs entrailles cascadant dans le sang et les glaires. L'odeur de l'ammoniaque pure déversée sur les sols souillés. Ces créatures lâchant leur ultime cri face à la mort, libérant une puanteur de glandes, une terreur à la fois sonore et olfactive. L'haleine chimique d'un million de cris d'animaux avortés, dilués et diffus dans l'atmosphère, dans des vapeurs de viande amères.

 

Page 595 : C'est mieux, pense-t-elle, de savoir qu'on est en train de rêver. Parce que alors on est libre d'agir sans se soucier des conséquences.

 

Page 682 : L'idéalisme est le pire des fardeaux. Tout ce que tu feras après te semblera toujours fade.

 

Page 702 : Il arrive qu'on soit tellement enfermé dans sa propre histoire qu'on ne voit pas le second rôle qu'on occupe dans celle des autres.

 

 

 

 

 

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